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I
MËIIIOIRËS
SUR MA VIE,
A MOÎN FILS,
A LA LOUISIAUiWE,
LA R£Pnut 0t ...,«>.^.^ WT tftri iaiO?»tt r -'
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A LA MARTINIQrE,
COMM» ntrCT COKHtA
A LA GUVANE FRAJ^iÇAISE ,
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MEMOIRES
SUR MA VIE,
374
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MEIHOIRES
SUR MA TIE,
A MON FILS,
PENDANT LES ANNÉES 1803 ET SUIVANTES,
qUE j'ai rempli des fonctions publiques y SAVOIR :
A LA LOUISIANNE,
EN qUALITÉ DE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS POUR
LA REPRISE DE POSSESSION DE CETTE COLONIE ET POUR SA
REMISE AUX ÉTATS - UNIS }
A LA MARTINIQUE,
COMME PREFET COLONIAL }
A LA GUYANE FRANÇAISE ,
EN QUALITÉ DE COMMANDANT ET ADMINISTRATEUR POUR LE ROI ■
^^OTty^. c/e ^4ZiJjtt/ fourre- Jûumen/,J
Vixi et çuem dederai eursum fmrtuna peregi*
YlRClLl — 0E« Lib. 4
É. VIGNANCOUR. I M PRIM EUR - LIBR A IRE.
4i3
LITRE CINQUIEME»
AOUT 1807. — I8&S.
ACCOCIt
ST LB8 CBlCÂirSS
A t HUISSIKft
D« DOMAIRB
CUktLOi
DE PouisunriK
Les huissiers près les tribunaux remplissaient ^ cAMTAtifE-
si mal leurs fonctions quand je les employais , «*"*»*"• a'»««
* 1» TELLEMENT
que je dus nommer à une place a huissier du le mauvais
domaine , vacante depuis long-temps et qui exis-
tait néanmoins d'après les anciennes ordonnant f^'^
ces locales. Pointet obtint mon choix. Il me
présentait de bons certificats de services, soit
dans les armées Françaises pendant la révolu- la lENTmiE
tion, soit près les tribunaux , à la Guadeloupe, coimuiuTioiis
comme huissier. A««iiEiEs,
A peine fut-il en place que la tourbe des ha- colonial
bitans endettés lui suscita des tracasseries; nf^,?™!.
DE EEROlfCEft
Au Robert, un nègre nommé Jean- Jean, de ^ »^ soutesi»
la garde sédentaire , s'affuble de l'uniforme , va db le
au cabaret où était Pointet , le toise et affecte •"''■'•«"•
envers lui des airs arrogans. Pointet, qui est
vigoureux , le rosse.
Pointet rend compte au commandant Mianj
4î4 MÉMOIRES SUR Uk VIE^ A. MOlf FILS.
1807. et à Gaigneton , commissaire-commandant Lof*
ai^ûV ficier de service lui écrit que Xhabit uniforme
rendait ce militaire inviolable. Gaignerôu me
transmet sa plainte , san$ paraître -y attacher
d'importance. Pointet revient à Saint-Pierre. Je
le mande. Je lui communique les reproches qu'on
lui fait. Il s'en excuse assez raisonnablement. Je
l'invite néanmoins à user de modération. Il me
représente qu'un nègre l'insultait et que je con-
nais le préjugé.
Or, ce matin, lettre du capitaine-général à
ce sujet. Il me communique celle qu'il a reçue
de M. Catalogne , chef de bataillon , au Robert.
M. Catalogne demande la punition de Pointet.
M. Dumas , capitaine du Gros-Morne , appuie.
Le capitaine-général avait évité de inentrete^
nir de ces misères , mais il espère que je savon-
nerai cet fwmme , dont se plaint l'officier du
Robert. J'ai mandé au capitaine-général ce que
Je savais des aventures du Robert et lui ai en-
voyé Pointet, />oiir en faire tout ce quUl voudrait.
On a vu le tour que le commissaire-comman-
dant du Gros-Morne donnait à l'affaire. La vé-
rité est que Pointet s'était présenté à lui et que
le commissaire*commandant voulut Tempechor
d'agir; Pointet lui opposa les ordres dont il
était porteur. Que fait le commissaire? H y avait
cent trente redeveUfles en retard. Il expédié aussi-
tôt , sans hésiter, un certificat d'indigence à ces
i3o contribuables j observant qu* il pourrait bien
xivBE 5. ( 1807. — 18213.) 4<5
être destitué de cette affaire ; mais ajoutant qu^U 1807.
s'en moquait. J'exhortai Poîntct à ne pas s'ar- ai*aôût.
réter à des obstacles de ce genre , à moins que
les certificats ne fussent conformes à mon arrêté
de messidor an XII I.
Tel est Taccueil qui fut fait, dès le commen-
cement , à la nomination de llmissier Pointet ,
au Robert et au Gros-Morne : voyons si cet huis-
sier fut , Tannée suivante , plus heureux au
Yanclin et au Marin.
Sur les plaintes réitérées du receveur parti- i8<»^-
,. , ''11» • T 1 Samedi II juin.
culier, le receveur-général Ij envoie. Je le sus.
Je le fis venir. Je lui recommandai d'épargner
les véritables indigens.
Il va en droiture au Vauclin.
M. I^abroue écrit au capitaine-général que c'est
un insolent ; que, s'il eût été présent, il l'eût
fait arrêter ; qu'il a manqué au lieutenant-com-
missaire , M. HuigheS'Desances ; que c'est un
homme à destituer; etc.
Pointet a le ton fendant et familier. Je crois
bien qu il aura tenu tête à ses adversaires. Ce
serait mal juger et mal connaître le pays, que
de lui imputer d'avoir été l'agresseur. On lui a
contesté sa qualité sous prétexte qu'il n'aidait
pas d'ordre du capitaine-général. Il a dû retour-
ner à Fort de France , pour y obtenir du ca-
pitaine-général Vordre qu'il lui fut fourni des
garnisaires, c'est-à-dire qu'il pût faire son métier.
Il emporte l'ordre. Il revient au Vauclin. Il y
4l6 HiMOIRÈS SUR M4 VIE, A MON flLS.
iSo8. rèclaitie des soldats. I^e commissaire le renvoie &
Il jum. ^^ sergent, homme de couleur^ appelé lUimi. Ce
sergent ne comparait qu'au second message et
promet 'des gamisaires pour midi.
A 4 heures du soir , ni lui ni les gamisaires
A^avaient paru.
Pointet en dresse son procès-verbal et quitte
la paroisse.
Je sens les conséquences de reculer : je pro«
pose au capitaine-général de le renvoyer avec des
soldais* de troupe de ligne.
Le capitaine-général me répond que « ce se-
» mit, selon lui, si avilissant pour les com-
» missaires commandans que pas un seul , il n'en
» doute pas, ne voudrait garder sa place; que,
» pour lui, en pareil cas, il donnerait au sieur
» Pointet, tous les moyens qu'exigerait sa mis-
» sion, mais que, dès qu'il l'aurait remplie, il lui
» ferait donher cent coups de bâton en expiation
9 €& ses injures. Si cet officier prend ce parti ,
» comme son honneur blessé lui parait, à lui
9 capitaine-général, le commander, il s'ensuivra
» des informations, des destitutions, et des pen-
9 daisons, peut-être; car il est difficile de pré-
» voir les suites d'un pareil mouvement. Il ne
» veut pas que l'autorité fasse un pas rétrograde....
» mais il veut qu'on destitue Pointet. Il ajoute :
» tout autre agent que Pointet, fen suis sur,
» parviendrait à son but. »
I.e moyen , je le demande , de faire marclicr
LIVRE 5. ( 1807. — i8a3.) 4'?
le gouverneineiit avec un chef de ce caractère, 1808.
avec un commandant qui, au haut poste qu'il '"^"*
occupe , tient un pareil langage ?
Étant allé à Fort de France, le capitaine- Mercredi
général me parla de Pointet *^i*^-
Il parut reconnaître que les torts n'étaient pas
du côté de Thuissier; ces gens-ci sont des gens
à ménager : voilà la raison de sa conduite.
Ce système de ménagemens est le mien comme
le sien : mais le mien est en outre , qu'il faut
dans le déploiement de notre autorité , un mé«
lange de fermeté et de douceur ; le sien est de
n'employer que la douceur.
Après d'autres réflexions , je Fai assuré que
nous ne nous brouillerions pas ensemble pour
cela et que je renonçais k envoyer Pointet avec
des soldats au Yauclin. J'examinerai ultérieure-
ment ce qu'il convient de faire.
Pointet, rappelé de sa tournée, est venu «6 juin,
me trouver hier. 11 m'a conté ses querelles du
Yauclin.
Le premier jour, M. Labroue l'invita k dîner,
avant de partir pour le Marigot. Un triage des
cantraignaùies fut dressé. Labroue, indiquant
le lieutenant-commissaire présent, lui donna se^
instructions. L'huissier fait sa ronde , presse inu-
tilement, va trouver M. IIuyghes-Desances et
le prie de lui accorder enfin des gamisaires.
Desances dit oui y et renvoie au lendemain jouf-
lie la Fête-Dieu. Un certain renard Belair, do-
4l8 IIÉMOIBES SUR MA VIE, ▲ MON PlLS.
iSo8. taire , est V esprit par excellence et le conseil-né
J«"* ji^ bourg. Il complotte avec les meneurs de ren-
voyer VhmssieCjScmsquUl put rien faire.Tieiajïce&
et Belair vont le trouver et lui font une querelle
d* allemand y sur ses pouvoirs : qui est-il? D'or,
dre de qui? Il n'a pas dioit de requérir la
force armée ? Il montre sa commission d'huissier
signée de moi : on refuse de le reconnaître.
Oà est y s'écrie M. Desances , la signature du
capitaine-général ? Il est , lui , répétait-il sou-
vent, le père de la colonie. Il ne sait pas qiion
vient ainsi épuiser par des extorsions le pauvre
hiJfitant et lui tirer le sang des veines.
Pointet est poursuivi des mêmes propos sur
la place publique. Beaucoup de monde sy ras-
semble.
Uhuissier déclare que puisqu'on veut des or-
dres du capilainef;énéral , il va les chercher.
On le menace.
Il monte à cheval et part, en plein jour, di-
sant quV/ va revenir.
I.^es mutins cependant écrivaient de leur côté
et envoyaient leurs lettres par des voies détour-
nées; le capitaine-général les avait reçues, quand
l'huissier parut.
Mais aussi pourquoi , fut la première question
du capitaine-général, ne vous étes-vous jms muni
de mon ordre? — Je ne crojrais pas que j'en
eusse besoin. — Je vais vous le donner.
U le lui donne. Pointet repart et le remet au
iimt 5. (1807. — i8a3.) 4'9
lieutenant Desances , qui le regarde et à qui ces \M.
inots échappent : le capUaine-géhéralï nousn*au* ^*""'
riotis jamais cru... Il est comme les autres.
Desances confère avec Belair; il commande
au sergent Mimi de fournir trois garnisaires.
lis se font attendre.
Le cheval de Pointet est éborgné dansTéairie^
M. de Labroue accuse Pointet d'avoir exigé
dix gourdes. Pointet somme M. de Labroue de
nommer ceux qui l'accusent. M. de Labroue
nomme au hazard un partiailier du boui^. Il
est vérifié que Pointet ne lui a point parlé. La-
broue prétend avoir rendu compte au capitaine-
général.
Des gens de couleur sont enfin donnés pour
garnisaires : à mesure que l'huissier les place «
ils décampent. L'ordre du capitaine-général por-
tait quV/ serait Joumi des garnisaires pris dans
la garde nationale........... Cest comme si l'ordre
disait qu'il n'en serait pas donné.
Bref, rhuissier Pointet n'a reporté de sa bni«*
yante tournée qu'une dixaine de mille l;vres co-
loniales. Les gens de couleur et Xesjyetits habitans
en ont fait les frais. Il n'y a que les pauvres qui
paient. Les autres se sentent soutenus.
Des sucriers, faisant partie de la liste des con-
traignables , en ont été distraits à la recom-
mandation même du capitaine-général.
Pierre Souquet et Jean Itichard, du Yauclin,
avaient signé comme témoins le procès-verbal
Il
SaoAt
4aO lliMOUlES SUR MA T1E , ▲ MOH PIL^
M. de l'huissier : ik ont été obligés de déguerpir
de la paroisse.
Tai enfio dû 6ter sa place à Pointet.
Tai établi, le 3 de ce mois d'août, un huissier
du domaine et un huissier d^atnirauié. Je les ai
assujettis à un cautionnement de 5o mille livres
coloniales, en immeubles. J'ai nommé Jean-P^'*
Desmazes k Saint-Pierre, et Noguier à Fort de
France. Voyons si j'y aurai gagné la paix.
On a TU comment l'huissier avait été traité;
voici comment avait été reçue la demande de
gamisaires.
1806. Us avaient été introduits dans cette colonie
Mwdi24iûîii- en floi^i an XII (mai 1 804 ) par MM. Berlin,
préfet colonial, et Yillaret- Joyeuse, capitaine-
général.
LB MOI» Le receveur-général les requiert. Je vise Vélat.
"^W^Jl"^ Tout le reste regarde le comptable Seul et le
PAS nmx , commandant militaire. La morgue de ces gens-ci
ne s'accommode pas d'une marche aussi simple :
j'en écris au capitaine-général , dont la réponse
coMMANDANs ambigue me fait croire qu'il a levé les obstacles.
Cependant Lebertre répond au receveur^énéral
qa*iln*apas de réquisition à recevoir de lui , mais
du Préfet colonial; que néanmoins , sans tirer
à conséquence^ Use contenterait cette /ois de sa
demande et em^rrait , le lundi suivant^ un ca^-
poral et quatre fusiliers av coaps-D£-GAmDB de
LA. PK^ECTUmB OU IL LES IfETTAAIT A VA DISPOSI-
TION pour être employés aux contraintes.
GRACS
A LA MAOVAISB
YOLoirri
DB PLACS.
Lnmi 5. ( 1807. — i8a3.) 4»i
Cette lettre m'est communiquée par le rece- 1806.
Teur-générat. Jeu envoie copie au capitaine- ^'
général le jour même. Il ne m en a pas même
accusé la réception.
La chose s'est faite et passée comme Lebertre
l'avait disposée.
Le capitaine-général se garde de réprimer ces
insultes.
Son commandant de place imagine que ces
poursuites sont odieuses à Thabitant, et que-,
s'il en est tourmenté et vexé, il verra que c'est
mon œuvre à moi seul et ne s'en prendra qu'à moi.
Il est parvenu au même moment une lettre
du commandant Miany au capitaine-général, sur
son humiliation d'avoir à fournir ses gamisaires
pour ces viles fonctions. La lettre a passé de
main en main à lai troupe dorée, qui remplissait
le salon du capitaine-général, et cette lettre y
est devenue le sujet des commentaires.
Toutefois, le capitaine-général, me parlant de StmediaSjiiui.
ces tracasseries, s'est contenté d'en rejeter la
faute sur la hétise de- Lebertre : oui y général ,
ài-je répondu , il est héte , le commandant
Lebertre , c^est une pécore , mais une pécore
pétrie de limon et de poison. — Je suis plus
sensible que vous y Préfet, à ce qui s* est passée
U y est sensible , et il n'a pas puni !
Ainsi me profitèrent les gamisaires , positive-
ment admis à la Martinique et universellement
employés en France, ainsi m'y profita Yhuissier
i8o6 ,
1S07.
et
1808.
1808.
Jeudi 3 main.
1808.
Mercredi
iSjitio,
R#.0UCTI01f
D*UN TIEIS DAlfS
LIS QUAIfTlTiS
SUR
LES RATlOlfS
MILITAIRES ,
AVEC D* AUTRES
MESURES
CONTRE
U FAMllfS.
4aa MiMoincs sur mjl vie, a moh fils.
Poiniei , quand je crus être moins tnallieureux
avec lui....... Et pourtant il fallait lever les con-
tributions! Qu'en eut-il coûté au capitaine-gé-
néral f pour prêter, à des comptables , la main-
forte qui leur est attribuée par nos usages et
nos lois?
Nous nous lamentions sur le vide de la rade.
Elle était encore occupée de loin à loin par des
neutres caboteurs du voisinage. Aujourd'hui,
rien. U n'y reste plus qu'un bâtiment américain.
Cette situation est vraiment déplorable!
Je me suis rendu à Fort de France.
L'objet et le résultat de mon voyage , c'était
la réduction des rations militaires y comme suit:
Pain de a6 onces à 18 onces.
Bœuf salé de 8 onces à. . . 6
Ou à la place,
Porc salé de 6 onces à. . . . 4
Il y aura un tiers d'épargne sur les comesti*
blés et à ce moyen, au lieu de voir nos appro-
visionnemens s'achever en août prochain, ils
nous suffiront jusqu'à la mi-octobre, à moins
d'événement imprévu.
Averti , le 6 janvier dernier , de Vembargo de la
Martinique f depuis lequel ilnenousestà-peu-près
plus venu ni farines ni salaisons, nos provisions
nous auront nourris pendant neuf mois et demi.
Pour remplacer au soldat le nombre de lit^res
pesant que nous lui otons , nous lui payons de
supplément un franc par ration.
uvEs 5. ( 1807. — i8a3.) 4^3
Si cet arrangement nous épargne un tiers sur 180S.
nos subsistances, il augmente de 3o mille francs iSjuio.
par mois la dépense de la solde des troapes:
car cette indemnité est une espèce de solde et
se payera avec la solde; or, la solde totale étant
déjà d*environ 70 mille francs par mois, elle
montera désormais à 100 mille francs.
La crise devient violente : si je m'en tire, je
n'aurai pas trop à me plaindre de mon sort
Nous avons rassemblé ,
MM. d'Houdeeoif maréclial-de-camp, comman--
daut des troupes;
de Joyeuse j directeur*général d'artillerie;
Montjortj colonel du 8a.*;
JRouXf capitaine des grenadiers du a6.*, à
la place de Prost qui est aux eaux-
chaudes, dans les Pitons.
Je leur ai expliqué cette mesure sous tous ses
rapports : ils m'ont paru satisfaits.
Les circonstances deviennent de plus en plus Lundi 4 juillet,
difficiles. Fort de France manque de pain. La
ville de Saint-Pierre en manquera demain ou
après-demain.
Je n'entends que tristes complaintes autour
de moi.
Les créoles se feront à la farine de manioc
et aux racines du pays : Texclusion du pain leur
sera moins pénible; mais nous européens!
J'ai diminué ma consommation. Je mange,
de préférence aux autres productions du p^ys^
des choux caraïbes.
i8o8.
Vendredi
8 jtûllcl
U»râiS
IKTBOOVCnOII
DV CODB
HB OOMMUCB
FRANÇAIS f
ADAPTÉ
A L4
MABTIMIQOB*
4^4 MillOIRKS SUE MA T1E , ▲ MOlf FILS.
Ce jour est le dernier où la ville de Saint-
Pierre ait du pain chez ses boulangers. La mo-
rue , le bœuf et le porc salé abondent On a
essayé de fabriquer du pain avec uu tiers deja^
rine de manioc et deux tiers de froment : il en
est résulté un pain mêlé excellent.
Cet état de détresse ne me faisait pas négli-
ger Tintroduction du code de commerce dans
cette colonie. Quoiqu'il soit moins parfait que
notre code civil, il était toujours de beaucoup
préférable aux usages qui en avaient pris la
place.
Je composai une commission de
MM. Cairoche, notaire;
Chaluet, habitant;
Gaschet atniy ancien
commerce;
Lalanne;
et
Delhorme (Antoine),
Le chapitre le plus épineux, celui du co/n-
missiomuUre et de r habitant , dans les colonies ,
nous retint trois séances.
Dans le cours de nos conférences, il a été
question ile l'intérêt, soit en matière de com^
merccj soit en matière civile. Il avait été convenu
que nous coulerions cette matière à fond, lorsque
nous en aurions fini avec le code. 11 s*est mani-
festé une telle diversité d'avis entre M. Chalvet
seul habitant et les autres membres, dont trois
commissaire de
commissaires
du commerce
en exercice.
uvRE 5. ( 1807. — i8a3«) 4^5
étaient négocians , que M. Chalvet s^étant plaint
de son isolement, je proposai eu conséquence
d'appeler à notre assemblée
MM. Sinson Beauville^
et
Decurt , celui-ci frère cadet du membre
de l'assemblée constituante.
Mettez en présence trois négocians et trois
liabitans, et soyez sûrs d'avance qu'iZr soutien-
dront bravement leur terrain : pas un d'eux ne
rompra la mesure.
Cairocbe, désintéressé dans la question, notaire
très-employé, extrêmement versé dans. les af-
faires, a prononcé une opinion claire, solide et
convaincante. Il y a proposé , pour la colonie 9
r intérêt civil à 7 '/a, et V intérêt commercial à
10 pour cent. Il a appuyé cet avis de calculs
exacts, de faits positifs, de vues saines.
Les habitans ont tourné autour de ce pivot ,
disant que ce qui a été depuis si long-temps est
probablement un bien ; que les meilleures terres
ne donnent pas ici 5 p. ^/^ d'intérêt ; que sans
doute les biens fonciers ont une valeur /i/rure ,
mais que c'est une fiction qui constitue la richesse
des colons ; que , si on vendait au comptant et
par conséquent en une valeur réelle , les terres ne
suffiraient même plus à la libération des dettes
dont elles sont grevées; qu'on ne gagnerait rien
à établir une proportion plus raisonnable entre
l'intérêt civil et l'intérêt commercial; que les
1808.
Hardi 5 maL
se i^iniiiêT
DB l'argbnt
DANS
LBOOLOMUf*
IbrdâSin
7 août.
1807.
18 DOYeuibre.
1808.
Dîfiiaocbe
3o octobre.
TClfTATITS
PAITB PAR LB
CKAND-JOGB
PAR INTERIM
DE PAIRE
ADOPTER
DANS
LA COLONIE y
LE CODE
iiMENDé
A SA PAÇON ,
DE PROCÉOVRB
CIVILE.
4^6 MiMOIRCS SUR IIÂ VIE, ▲ MOlf FILS.
commissionnaires savent bien se dédommager
du préjudice qu'ils trouvent k emprunter k 10
et à placer à 5 ; mais que, si on corrigeait cette
incohérence , ils ne sW ménageraient pas moins
les autres profils par lesquels ils s'en indem-
nisent et il n'en lésulterait que perte de plus
pour riiabUani.
Ces argumens ne sont pas restés sans réponses
Des législateurs impartiaux et instruits pro-
nonceront quelque jour.
Nous en sommes au point où nous ne devons
songer qu'aux moyens de vivre.
Néanmoins, le code de la procédure civile nous
a été envoyé de France pour nous occuper aussi
de son introduction à la Martinique.
M. Bence m'adressa à Saint-Pierre, à la fin
d'octobre, un mémoire intitulé rapport sur le
code de la procédure civile.
Je lui en avais accusé la réception, en le priant
de m'informer s'il était d'accord avec le capi-
taine-général pour me faire cette communication.
11 a d'abord balbutié , mais m'a pourtant à la
fin répondu : oui , et que le capitaine-général lui
avait même répondu par lettre qu'il avait tout lu ;
qu'il partageait ses vues; qu*elles lui paraissaient
convenables et sages. — C'est qu'il est/ort différent
pour moi de répondre à vos idées j Monsieur
Bence, ou luix délibérations de M. le capitaine^
général jointes aux vôtres. Il est d'ailleurs bon
lie constater comment a été suivie une maivhe qui
uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 4^7
a au moins quelque chose d* étrange. — En quoi?
— C'est que je ne crojrais pas du tout que ce fut
là ce que le Ministre nous assoit demandé.
Il a voulu pousser la conversation : c*étalt
inutile. J'ai passé à autre chose.
]*en parlai , quelques jours après , au capitaine-
général : il ne me nia point qu'il n'en eut réel-
lement été question entre eux. « Cela ne signifie
» rien , m'ajouta-t-il , et n'entendant pas ces ma-
s> tières, il m'écouterai t de mon côté, en oppo-
y> sition. — En attendant, lui ai-je observé , votre
» esprit sera prévenu et votre avis engagé. »
I^ code de la procédure civile en est resté là.
Je l'avais , de mon coté, comme on Ta vu ,
préparé , avec ma commission d'hommes de loi ,
d'avoués , de notaires, le mois précédent , et sim-
plement adapté et approprié aux localités.
Je le discutai, dans une dépêche de ce jour,
aQ janvier 1809, au Ministre de la marine, à qui
je remis en même temps le travail de M. Bence.
Tout en soignant les grands intérêts qui me
sont confiés, mon principal souci roule cons-
tamment sur les subsistances, desquelles dépend,
en ce qui me concerne , le salut de la place.
Depuis que nous avons remplacé Iiuit onces
de pain sur les seize onces actuelles de la ra-
tion militaire, enfariné de manioc, nous ne
consommons guère plus que aoo barils de fa-
rine de froment par mois : mais il les faut. Il
ne nous restait de disponible que 5oo barils
1808.
Dînmiiche
3o octobre.
i5 nofembre.
1809.
agjftOTÎer.
1808.
Dimanche
20 novembre.
DIS
SUBSISTAHCIS.
4^8 MiMOIEES SUR HA. VIE, A MOlf FILS.
iSoê. ( non compris les 600 barils d'approvisionné-
aoimembre. ^^^^^ ^^ ^^^^ Deseix), lorsque nous nous soni-
mes mis à ce régime.
Je comptais que la fin d'octobre ou de novem-
bre nous amènerait des secours de France. Ils
ne paraissent pas. Je veux soutenir dignement la
gageure jusqu'au bout
J'encourage tant que je puis les petits marau-
deurs : je ramasse les miettes qu'ils nous appor-
tent
J'ai adieté depuis huit jours :
66 barils de farine à 4^ p.'«* f.i«».... 3i77^p* f*.
385 d.» J35i!à 37 p. f.J38 'V.^p. f. 13,828
100 d.* 3o9Vi*«P«^* 3,800
55i barils 10,400 p. H
Faisant 110,160 fr.
Quelle somme énorme pour si peu de vivres !
c*esi payé en bons et beaux deniers comptant,
sur l'heure.
De même s'acquittent les environ 675 barils
farine de manioc , ensemble 5,4oo gourdes , que
nous consommons par mois.
Nos fonds s'en vont et s'épuisent sans espoir
de retour. Il n'est rentré en septembre et oc-
tobre , que des arriérés de contributions. L'ha-
bitant fait flèche de tout bois. Il peste, il jure,
il maudit
PATEVA
OB SAIirr-FtKlM
s'enfuit ,
iiviiB 5. (1807. — i8i3.) 4^9
Je me pique d'être juste, pur, désintéressé. 180S.
J^aurais été avide de porter cette colonie au plus ^ n^l^Uibre.
haut point de prospérité et d*y rendre mon nom
béni : telle est toutefois la fatalité de mon sort
que je semble n'y être venu que pour y exercer
des rigueurs. Il est certain qu'on y est malheu-
reux. On y serait plus intéressant, si on y man-^
quait moins de tout bon esprit, de tout esprit
national.
Deux maisons de commerce de Saint-Pierre, 180B.
Sargenion et Carre et Fidehup , ont averti ^o octobre,
le ti^ésorier Navailles qu'ils avaient peine à ar- ^^^^
racher au préposé-payeur Mongery l'acquittement
de deux de ses mandats , dont ils étaient por-
teurs. LAISSANT
IFN VIDE
Navailles est accouru sur-le-champ de Fort de d'av moins
France à Saint-Pierre et est descendu chez ce 1,4^!^ sa^caum.
comptable. C'était dimanche dernier. Mongeri coautioii
était disparu depuis le vendredi. Il n'avait pas ^ tAouaLE
encore reparu le lundi* manoeveent
L'inspecteur Motas étant absent , j'ai donné des ^ ciNiEAi.
ordres au chef de service Boisson. Il s'est joint " "
^ CEAND-JUGB >
à Navailles, trésorier. pooe sauvée
I^ vérification a montré au premier coup- d,cbcoiotaiie
d'oeil un déficit de plus de i4o mille francs. ©^ l'eonneoe
1 .1. , ., DE LA FAMILLE
Sa comptabilité ne comportait pas mi pareil
vide. ^'
Mais , outre que les fonds se sont entassés k
la fin de septembre dans la caisse , pour faire
Csice au montant des salaisons achetées de Car-
DB SA FEMME
43o iiibfoi&ES SUR Mk vie, k ttoif fils.
i8o«. rier et de Carre et de Vidcloup. Je donnais,
30 ociûbre. depuis çe temps de détresse , des délais au coin*
merce pour payer les droits des douanes , et
en attendant le commerce déposait des billets
à terme entre les mains de Mongéri. Or, ce {vi^
pon les escomptait en secret, sans autorisation
ni permission. Delhorme s'était ainsi mis à dé-
couvert de 9a,5oo livres coloniales, Quervet de
38,ooo liv., Tanglais Omullanede 10,000 liv.coL
et Taméricain Marean de G,ooo liv., sur leurs
acceptations existantes au trésor et dont ils y
avaient irrégulièrement anticipé les paiemens
par forme d'i-comptes , & leurs |ïérils et risques.
Cependant, des symptômes d'embarras de la
part de Mongery se manifestèrent. J'aurais dû en
être le premier informé. Je fus, comme il arrive
toujours , le seul à l'ignorer^
llle solus nescil omnia,
Terent. Adelth.
Au moindre avis, j'aurais prévenu le mal et le
scandale.
Nous ne voulions pas le perdre^ m'objecte-t-on;
... .il répugne de faire éclater la ruine de quel-
qu'un.
Ce n^est point la vraie raison. Je l'ai apprise.
Quand un paiement était à faire, Mongery ac-
cordait du temps et des facilités. On le lui ren-
dait par ces connivences.
Les comptes avec le payeur principal étaient
en règle au bout de chaque mois.' Le préposé
uvRE 5. ( 1807 — ï8i3.) 43 1
couvrait son désordre en portant comme en |^:
porte-feuille des effets qui n'y étaient plus, parce 10 ociolirt.
qu'il les avait escomptés. Il n'en avait pas le droit
Personne n'en avait pu traiter avec lui à l'insçu
des chefs de la colonie.
J'ai rendu de suite un arrêté pour faire les
dépouillemens et inventaires.
Le délit ainsi constaté, j'ai réservé aux tri-
bunaux de le poursuivre d'oflice.
Tel n'est pas le langage du capitaine-général. Dîmandie
Il m'écrit : « Trouvez un expédient pour tout
» concilier et assoupir une affaire qui jette la
n consternation dans toutes les classes de la so-
» ciété..... Je puis mettre d'une minute à l'autre
» 5o,ooo écus à votre disposition.... Que les pré-
7* venus offrent des cautionneroens valides......
9 J'ai fort à cœur de vous voir me proposer ou
31 prendre vous-même un înezzo-îennine , qui
3» concilie tout. »
Le capitaine-général m'avait donc laissé arri-
ver à ce point où nous en sommes pour finir
par ce coup de théâtre.
Il me destinait encore cette fois aux risées
de cette meute qui lèche ses pieds et aboie
après moi.
Si MM. Astorg, Regnaudin, Blanc , Amalric,
présidens et procureurs du Roi à Saint-Pierre
et à Fort de France , avaient agi sérieusement
contre les quatre débiteurs du trésor, qui que
ce soit eut-il pris leur fait et cause ? Qui ne se
43^ MÉMOIRES SUR Uk tIE, A MOlT FILS.
}^^j^\ moquera de raes actes et de mon pouvoir; quel
4 décembre, préfet colonial dégradé ne serais-je pas, si déjà
trop décrédité, trop avili , j'allais rooi^méme^
dans cette occasion d'éclat, affichant mon im-
puissance?
Le capitaine^énéral me mandait , le a décem-
bre courant, c Qu*il y avait une très-grande
» fermentation dans les esprits, qu'il donnait
j» en conséquence les ordres de redoubler de
» vigilance et de le prévenir à temps pour qu'il
» se portât où besoin serait »
Excepté parmi ceux-là à qui il importe de tenir
le capitaine-général dans ces terreurs , personne
en ville n'aperçoit en aucun sens ombre de fer-
mentation. J'en causais a vecSargenton,I^lanne,
Saint-Cergues, Gaubert, etc. « Il y a en ville ,
» m'ont-ils attesté tout d'une voix, tristesse et
» accablement de l'état actuel de la colonie;
3u quant à Delkorme, Qnervet, Omullane et
» Marean , à peine si on leur compatit Au con-
» traire, ils sont généralement blâmés. On ac-
3» cuse leur imprudence et leur avidité; ils eo
» sont les victimes. »
Je découvre que Mongery ne payait presque
jamais intégralement et en une seule somme les
mandats que le payeur principal tirait sur lui.
Le tribunal de Saint-Pierre avait lancé , contre
Mongery, plusieurs condamnations et saisies;
Astorg et Regnaudin auraient du sur-lc-chanip
m'en donner avis : ils s'en sont bien gardés.
zjVRE 5. ( 1807. — i8i3.) 433
Ce banqueroutier est demeuré, jusqu'au samedi
aS octobre, caché en ville : ce même jour, il se
réfugia au Roseau, ville anglaise , de la Domi-
nique.
Le capitaine-général et moi envoyons, avec
nos lettres, le trésorier Navailles le réclamer ou
tâcher d'obtenir de sa personne la restitution de
tout ou partie du déficit.
Démarche bien inutile.
Delhorme, Quervet, Omullane et Morean
étant les seuls contre qui les papiers invento-
riés oflrent des preuves , ils ont été aussitôt ac-
tionnés. Ils ont trouvé un ferme appui chez M.
Bence, grand-juge par intérim. Il leur a ménagé
en même temps celui du capitaine-général et
les favorables dispositions de la cour d'appel,
toujours appelée conseil général^ et qui se trou-
vait assemblée. Bence m'a forcé à lui rétorquer
vertement et à relever son ignorance. En eflet,
il suffisait qu'un acte fut administratif pour que
la justice dut s* abstenir d'y intervenir. Aurait-on
peur que j'abusasse? Le recours est ouvert contre
moi auprès du Ministre , du conseil d'état , de
l'Empereur en dernier ressort enfin de la
haute cour nationale.
Toutes les fois que lui personnellement in-
tervertirait cette hiérarchie, il trouverait en moi
une barre de fer.
Je levai ensuite minutieusement ses doutes.
U s'excusa principalement sur ce qu'il ignorait
1808.
DimanclM
4jdéoeiiibre.
i5 noremlNre.
434 HiMOIRKS SUR MA. VIE , MON FILS*
1808.^ nos lors nouvelles. Pourquoi donc n'avons-nous
i5 Dovembre. pas un grand-juge titulaire , muni des connais-
sances indispensables , pour en exercer les fonc-
tions?
Teus des peines infinies à faire comprendre
à celui-ci pourquoi et comment l'action crimi^
nelle contre les prévarications de Mongeri avait
été séparée de Vaction administrative en réinté-
gration du débet y par mon arrêté du 3i octo-
bre 1808, qui renvoie Vaction criminelle aux
tribunaux.
Il ne le conçoit pas encore.
Je ne lui ai pas dissimulé que, pour s'être plu
ik favoriser les prétentions et les espérances de
quatre débiteurs mal fondés , il est cause de la
tournure que l'affaire a prise : ce ne sera pas la
faute du grand-juge par intérim et de ses adhé-
rons , si ces débiteurs ne poussent leur résistance
à l'extrême y s'ils ne font grand bruit et scandale,
s'ils n'excitent la commisération publique.
Pour ce qui me touche, ils me forceront à y
mettre de plus en plus de rigueur , mais je ne
fléchirai pas. Ils m'ont tendu d'autres pièges par
l'intermédiaire du capitaine-général : je les ai
mis à nu et j'ai continué , autant qu'il m'a été
possible, mes poursuites judiciaires.
Ils savaient bien qu'il ne leur fallait que gagner
un peu de temps : ce ne leur était pas difficile.
1S09. N'avaient-ils pas encore , au besoin , madame
Mardi ■
10 jaovier. Mongeri ? Elle a peu d'esprit, mais elle est fille
LivEB 5. ( 1807. — i8i3.) 435^
de M. de Gourcy , chevalier de S.MjOuîs, et die "f^*
est par là assez bien apparentée; sa mère, déoé^ 10 janner.
dée , lui a laissé une fortune d'environ aoo mille
livres coloniales. La chicane a donc oùgrapiller,
les amis et alliés, Latouche, Brière, Astorg, Re-
gnaudin, Bascher de Boisjoly, qui est le familier
de M. Bence « etc. , ont fait leurs réflexions. La
bande sauvera Mongeri en portant plainte au
nom de Madame Mongeri , le 29 décembre iSoS,
devant le tribunal civil de Saint-Pierre, contre
ITavailles, payeur, et Boisson, commissaire de
marine , pour faits graves qui auraient eu lieu
diez ce comptable , le lundi 17 octobre précédent.
M. Astot^ l'appointe, le a4 décembre, d'un soit
montré au procureur- général ; R^naudin l'ap-
postille, le a6, d'uny> n* empêche ; Astoi^ l'ap*
pointe, le même jour 16, d'un autorisons la
dame épouse du sieur Mongeri^ absent de la
colonie , à la poursuite de la présente action.
M. de Jjatouche, très-galant homme d'ailleurs,
était en même temps venu à plusieurs reprises
me désoler pour qu'i7 n'jr eût pas de poursuite
au criminel. Il me garantissait qu'<7 était certain
de ne trouver à cet égard d*obstacle ni chez M.
Bence 9 ni chez M. Fabnenière ni ailleurs : que
Je promisse seulement de demeurer passif.
Je lui demandai s'il avait conspiré ma perte :
m^ étant déc/iargé de la partie criminelle sur les
tribunaux, mon rôle était ^ni.
Tallai le même soir visiter le capitaine-général :
436 M£M0IEE5 SUR MA TIE , A MOlf FILS.
i8ot|, j'y rencontrai le grand -ju ge /?ar intérim Bence et
lojaDvier* ^^ procureur-géiiéral par intérim Valmeiiière,
Fous étiez ^ dis-je au cspitaîue-général, entre
M^ Bence et M, Fabnenière , et sans doute ils
vous parlaient d'un incident clans V affaire Mon-
geri , sur lequel Af, Bence m'a écrit ce matin.
Je le trouvai excessivement monté ; les accusés
Boisson et Navailles étaient déjà convaincus à ses
yeux. La justice avait parfaitement bien fait de
a'en saisir. Il était prêt à lui donner son appui.
Il me reprocha de*rechef Tobstination cjue j'y
avais mise.
u Qu'eut servi , lui répliquai-je, de céder à vos
» désirs, lorsqu'également nous ne pouvions point
n empêcher que ce procès au principal n allât en
u France ; et je lui objectai Yaction au criminel
a contre Mongeri. »
11 reprit, qua cet égard même il n'eut tenu
quà moi de tout terminer ici...*. Oh, ma foi ,
ce mot-là en dit trop et peint le pays.
Fendant qu'il me tient ce langage, il m^accuse
de vouloir soustraire Boisson et Navailles à la
hache de la justice.
Il a été impossible de lui faire entendre que
l'autorité administrative était aussi une justice,
une juridiction, une autorité-, qu'elle livrait les
coupables; mais que, sous prétexte de coupa-
bles, elle De se laissait ni asservir ni désor-
ganiser.
Il s'écria quV/ était seul' maître ; qu'il nj
UVRB 5. (1807. — 1813.) 437
waii d*auiorUi que la sienne. — La mienne 1S09.
existe aussi et indépendante de la vôtre. — Qu^î/
peut me ren\H)jrer. — Benmjrez-moi , générât^
rentH>jrez^moi. — QuV/ en a le droit. — Le droit
des baïonnettes : l'Empereur serait bien étonné
de vous entendre vous exprimer en ces termes.
— Qu'i/ avait ses instructions. — Les mêmes que
moi. — QuV/ pouvait suspendre tous mes actes.
— Jprès en avoir délibéré avec moi. — DéUbéfé
avec vous ? — Oui, général, tlélibété ensemble
et tenu registre de nos opinions.
Il s'adoucit soudain beaucoup.
Les assistans au bruit de cette scène s'étaient
écoulés.
J'étais malheureux d'avoir à discuter avec des
hommes qui n'avaient pas la plus légère tein-
ture de nos lois et de notre droit public.
Le capitaine-général me fit un grief de pré*
tendre régir ce pays À notre nouveau mode et
alla jusqu'à me dire affirmativement que le Mi-
nistre de la marine avait improuvé que nous eus-
sions promulgué le code civil; que ce n*avait pas
été r intention du gouvernement; que nous avions
mal fait ; qviiljr avait personnellement bien des
regrets.
Le grand-juge Bence m'informa que Madame
Mongeri avait dénoncé contre Boisson et Na*
vailles un ilélit^privé du ressort de la justice or*
dinaire, et qu* arrêter le cours de cette plainte
eut été déni de justice.
438 MiMOIRES SUR Mk YIE, A MOH FILS.
1809. Je me contentai , le 3i décembre, de lui rap-
lojMmer. peler les lois qui prononcent la forfaiture contre
les Juges qui citeront devant etix les administra-
teurs pour lettrs Jonctions .... Les sieurs Boisson y
cotwnissaire de marine^ et Navailles , payeur
principal^ ont agi par ordre expfès et formel de
moi. Je le rendais personnellement responsable
des suites.
Son accusé de réception respirait une profonde
ignorance et ne contenait que divagation et dé-
raison.
Puisque mon opposition était si tranchante
et si formelle, il va charger M. le procureur-
général de se faire rapporter la plainte qui sera
itiise sous mes yeux.
Avant-tiier, une dépêche du capitaine-général,
du 6 de ce mois, m'a apporté la copie désirée:
n'ayant de temps pour m'en occuper que le sur-
lendemain , le capitaine-général m'a assuré que/t
attendant on différerait. Je m'aperçus cependant,
à l'examen des pièces, qu'on y avait éludé de
parler de suspension : je marquai à M. Bence
qu*il avait omis de m* informer nettement de la
suspension des ordres de poursuivre Jusqu après
mon renvoi devant les tribunaux; que J*en ré-
clatnais sa déclaration.
Il m'a répondu hier, mais tout k fsiit jésui-
tiquement et en procurettr^
Je l'ai invité à s'expliquer cathégoriquement.
uvHi 5. ( 1807. — i8a3. ) 439
J*ai cependant, par un arrêté, nommé une 1809.
commission composée de toUmitt.
MM. Damareif notaire;
Godard, commissaire de marine;
Cléfnansin, sous-commissaire;
Lechevalier , commissaire du commerce;
et
Dupuy ^ négociant
Elle est chaînée de passer à Tétamine Boisson
et Navailles, pour leur conduite dans le cours
de raffaire Mongeri : je serais bien trompé si
elle n'était irréprochable.
En effet, le rapport, précédé de l'examen le Vendredi
plus minutieux , était déjà prêt et tout-à-fait à ^ Strier,
leur honneur; mais les lenteurs affectées du
Palais ne s'étaient pas inutilement étudiées à
conduire de jour en jour Mongeri jusqu'à Téta- ,f"^W
blissement des anglais dans File, qui serait le riAusAMOLiis»
moment certain de l'impunité.
Depuis plus d'un mois les signes avant-cou-
reurs se succédaient. Enfin , ce vendredi , 3 fé-
vrier, on entend de toutes parts ce cri ; les e/ï-
nemis débarquent En même temps, 'plusieurs
voiles sont signalées du côté du Marin et 5o
autres voiles du coté du Robert.
Bientôt \à pavillon rouge oxxpan^Ulon d* alarme
est arboré dans toute l'ile.
1809.
Vendredi
SftfTMr.
440 MiMOÎRES SUR M 4 TII , A MOH FILS.
Nos approYiaionnemens consistent en , Siyoir :
rABIHB.
•ALAlfOMt.,
FORT
VB Là ▼lU.B
AFOST
M riAVOU
•OlPfi TITAUt* • • .
MOVr^NfOOCAIBin.
SSobtrOs.
75 qntot.*
iTobtrili.
i3o.
\2t.
FORT
• BIAIS.
lySoobanb,
3ooq«int
65obtrib
TOTAL.
i,85ol»ri1s.
375 qoint.
Sao barils.
Outre un approvisionnement de i a niiliers de
café et 4 quintaux de sucre, à distribuer, durant
le siège à la troupe , pour la reconforter, à l'ins-
piration du colonel Montfort.
Nous étions, d'effectif, en troupes régulières
et leurs suites, Savoir :
OiBciers gëoëraax 4*
Ofliden supërieon 18.
Ofljcien du grade de capîtaioe et au-^esaous. . i3i*
Sous-oflicîers et soldats 3,a58«
Femmes et eofàos 17*
Employés divers 55.
Domestiques 96.
Toril..
«•4*9-
Auxquels il est distribué, sans compter les
extraordinaires f i,6io rations.
uvBE 5. ( 1807. — i8a3.) 44<
Suivant M. de Sancé, la poudre existante au d***^^
fort Desaix, le i.^'' janvier 1809, monte à aa8 laOvrkr.
milliers de poudre.
Nous étions attaqués par 8 à 9,000 combat-,
tans, dont 4*000 venus dUalifax, tout exprès ,
sous le général Prevot , et le restant rassemblé
des lies anglaises voisines sous le général Beck-
vsrlth, commandant de terre.
Le même jour, 3 février, au soir, le capi-
taine-général tint un conseil composé de lui,
Et de MM. le général A'Houdetot,
le directeur-général iïZTl}^ Joyeuse ,
Bic/umdf directeur du génie,
Montfort, colonel du 8a.* d'infant.
Et moi.
n y proposa l'évacuation immédiate du fort ,1809.
de la ville de Fort de France et de Uilet à Ra^ 3 'Sérier.
miers. Son motif était de concentrer toutes ses
forces autour de lui au fort Desaix.
Je me permis d'observer , sans attacher aucune
importance à l'avis d'un homme tout-à-fait étran-
ger aux opérations militaires , mais pour faire
un peu, comme je m'exprimai, l'ai^car du diable,
I.® Que s'il venait des secours de France, cet
abandon de la rade le rendrait à -peu-près
inutile ;
a.® Qu'outre que ces évacuations enhardiraient
beaucoup l'ennemi , nous lui abrégions d'au
moins huit jours le rassemblement de ses forces.
On répondit.
iSo8.
IKiQuebt
Sféfriir.
Vendredi
ôftfner.
10 février.
44^ MiicoaiBt SUE lu vaty ▲ moh fics.
L'ordre (Tévacuatioii fut donné 8iir4e-€haœp,
à ronanimilé*
Mais, mon ràle est fini. Je n*ai plos à me mê-
ler de rien , depuis (pie Tattaque est commencée.
Les forts sont approvisionnés. La défense appar-
tient au capitaine-général seuL Je me contenterai
donc de conter rapidement les érénemens.
Les gardes nationales de 111e firent le premier
jour quelque mine de résistance ; puis, elles ren-*
trèrént promptement chex ellea déposer leurs
armes.
Les anglais opérèrent leur princrpal débarque*
ment au Robert et en firent un autre moindre
au Marin. Us attaquèrent par mer la Case Na^
vire , afin d*y mettre à terre et de-Ià distribuer t
autour du fortDesaix, leur artillerie. Us dirigè-
rent quelques troupes par le Diamant et les
jinses d'jiflets sur lllet à Ramiers.
Nous brûlions, le 6, tous les bâtimens soit
frégates ou bricks et goélettes qui , surpris dans
l'ile, avaient été recueillis au Cul-deSac du Fort
de France.
Dès le 6, Tennemi avait gagné ses positions
autour du fort Desaix, et nous étions reserrés
dans les nôtres de toutes parts jusqu'à la redoute
Bouille, à un quart de lieue de nous, du côté
du chemin du Gros Morne. Son pavillon flottait,
dès le 8 février , au Fort de France, et ses pa-
trouilles faisaient la police dans la ville; De-là,
nos canons nous ont lancé, de nos propres
LIVRE 5. (1807 — i8a3.) 443
projectiles, les premières bombes que nous ayons '^^
reçues.
Ce i3 février, Vanglais est en plein bombar- Lmidi t3 (in.
dément contre nous.
L'idée est venue, hier au soir, de tenter Fen- Mardi 14 ttfr.
lèvement, par un coup de main, de ce même
Fort de la Fille ^ qui nous fait aujourd'hui beau-
coup plus de mal que le capitaine^énéral n'avait
d'abord prévu, quand il l'abandonna. Il a as-
semblé un conseil de guerre. Pas un seul offi-
cier n'a osé se présenter pour l'entreprendre.
Deux grenadiers, témoins de ces ravages, mar- Mercredi i5.
chant ce matin devant moi, disaient : sacred....!
Venfant bat sa mère.
Une bombe tombée, ce a3 février, sur notre
grand magasin à poudre y a fait une crevasse
assez large et qui le traversait de part en part
On a appris en même temps qu'à la redoute
de Bouille^ les ouvrages de l'ennemi et son feu
y faisaient de tels progrès qu'il conviendrait de
se préparer à charger les mines ^ afin d'empêcher
soit l'arrivage aux fossés de la place , soit l'éta-
blissement à la redoute.
Là-dessus, beaucoup de mouvement entre les
officiers supérieurs , pour représenter au général
en chef que cette situation critique appelait de
sa part la plus sérieuse attention.
Le capitaine-général parait.
On le presse d'obtenir des conditions .favora-
bles pendant qu'il en est encore temps.
444 MiMOIHES SUR VA Y», A HOV FILS.
j!^* ^ capitaine-général rentre , de ma casemate,
33l^rier. OÙ il était, dans la sienne , où je refuse de le
suiTTe.
Vers neuf heures , le lendemain matin , son
aide-de-camp Boyer vient me prier d'y passer.
Je m'y rends. J'écoute. Tentends généralement
le mémearis répété et appuyé par tout le monde.
J'étais le dernier à parier , immédiatement avant
le capitaine-général. Cet atis fut aussi le mien.
11 nous quitte soudain, et, accompagné de
Sancé et de Richard , il va lui-même visiter le
magasin à 'poudre et les batteries. Il a vu et
est resté convaincu. On propose-en conséquence
de capituler.
M. Boyer rédige d'ailleurs le procès-verbal de
ce qui vient de se passer.
J'y propose des corrections en petit nombre
qui étaient conformes à la vérité et qui furent
acceptées.
Cependant les feux se taisent.
Le major général Ramsai , de l'armée anp-
glaise , apporte , à six heures du soir , la réponse
à la lettre que notre capitaine-général avait écrite
et pour la rédaction de laquelle je lui avais
donné, à sa demande , mes conseils, qui se bor-
naient à iléclarern^entendre entrer en négociation
que sur la base du renvoi de la garnison frcsn-
çaise libre de toute parole. Le général en chef
des troupes britanniques répond en ces mots :
renvoi en France , mais sous parole de ne ser^
vir qu* après valable écliange.
uvRE 5. ( 1807. — iBa3.) 445*
Plutôt s'enséi^elir , s'écrie notre capitaine-gé- «'oj:
néraL aîféîriw.
A ces mots^ l'officier' observe froidement, qu'il
est simple porteur et ignore de quoi il est question.
Le capitaine-général prend une plume et re-
met sa réponse écrite.
Nous reprenons , avec M. Boyer, la rédaction
commencée. Boyer relut. M. k capitaine géné^
rai cédant aux instances de M. le préfet colonial.
U y avait auparavant : M. le préfet invité à la
séance par Al. Boyer ^ d^ ordre de M* le aqui-
taine général y et cela était vrai. A ce change-
ment imprévu de phrase , je me soulevai. On
la changea et on mit : Le préfet colonial ap*
pelé à la conférence , partageait V opinion de
MM. les officiers. Quoique la première version
fut la plus exacte 9 je ne voulus pas avoir l'air
de m'arréter à des chétives difficultés, et je si-
gnai. Je remis la plume au capitaine général :
Je ne signe pas , en s'adressant à moi , c*est inu-
tile ; J'ajouterai au pied : « Qu'en conséquence
3» j'ai envoyé mon aide-de-camp au général
» en chef anglais Beckwith , et cela suffira. »
Saisissant aussitôt la parole, et le regardant :
à qui donc prétend-on tendre ici des pièges ?
Est-ce une supplique qu*on m^aurait fait signer ?
je ne suis pas d'humeur à la consentir.
Je rappelai ce qui s'était passé ; je citai des
mots couverts de rétractation , de récrimination^
murmurés à basse voix avec affectation autour
446 MiMoiiEfl snm ma tik, ▲ moh tas.
iSoçu de moii et qui, «Tant ce moment, auraient
aS fSSrkr. ^'^° ^^ ™^ melire sur. mes gardes; je ne dissi-
mulai pas mon indignation sur ces sortes de
gens y dont les poisons ne cesseraient de semer
jusqu*à la fin la division et les méfiances entre
le capitaine général et moi. Si /avais su , lut
ajoutai-je, mentir, tromper, dissùnuler comme
tant d^autres, nous n^aurions pas vécu cinq ans
entiers dans les querelles. Il est écrit qtiun souf-
flê empesté nous suivra jusques dans cette der--
nière bicoque, et que , grâces aux bons conseils ,
nous /inirons comme nous avons commencé*
Le capitaine général disparut , alla examiner
la capitulation de Malte, revint et apposa sa
signature.
Dés-que sa réponse fut parvenue aux assié-
geans , leurs attaques redoublèrent : nous ne
pûmes nombrer les boulets ; mais nous comp-
tâmes cette nuit 700 bombes.
 sept heures du matin , on était réuni chez
le capitaine-général. L'incident de la veillé m'a-
vait ôté toute envie de m'y remontrer.
Tôt après y il me revint, que le pavillon par-
lementaire était arboré à tous les bastions. Les
feux cessèrent dans l'instant;
Le commandant ennemi Beckvrith nomma le
major-général chef d'état-major Maitland , le gé-
néral Prevot et le commodore Cockbum , pour
convenir des termes de la capitulation. Le com-
mandant français leur opposa son frère, le di-
OB l'Ilb
DBLA
MABTUriQOB*
uvM 5. ( 1807. — i8a3.) k^^
recteur d'artillerie Joyeuse, le colonel Montfort «««9-
et Taide-de-camp Bpyer. Je me défendis , comme ^ ftmer.
de raison , d'en faire partie.
«( I^ garnison sera transportée sur des bâti- cAnnniATioif
9 mens anglais dans la bare de Quiberon, où
x> réchange s'établira homme pour homme, et
x> grade pour grade.»
Les généraux anglais se tinrent invariablement
i cet ultimatum.
Seulement , en témoignage de Testime parti-
culière dont ils font profession , pour M. Yillaret,
capitaine-général, ils accordent que ni lui ni ses
deux aides-de-camp ne seront prisonniers de
guerre. Le préfet colonial, notamment, quoi-
que chef aussi et non militaire, n'en sera pas,
excepté , malgré les réclamations contraires. La
capitulation fut aussi ratifiée le même jour a4
février 1809.
Le siège, à compter du 3 février , où les an«
glais descendirent dans l'île, jusqu'au a4 du
même mois, où elle leur fut rendue , dura vingt-
un jours.
Par quelle méprise, ce boulevard de nos pos«
sessions aux Antilles avait-il été donné en garde
à un marin , vice-amiral , qui n'avait jamais
commandé qu'à bord d'un vaisseau ? Il me di-
sait : Quand je serai dans mon fort , au milieu
de ma troupe , Je me battrai à outrance de ba*
bord et tribord, et nous verrons gui remportera.
Cest-là le moindre et le dernier talent d'un
1809.
Y€odr«di
Samedi
35 fëriier.
Dimanche
a6 féf lier.
448 MilIOUlXS W% MA VIE, ▲ MOH FIL».
géoéial de terre , et quand il est réduit à cette
extrémité , il est déjà perdu ; il lui a fallu au-
paravant autre chose qu'une iweugle bra%K^urez
cette bratfoure^ le général l'avait, et, k beaucoup
d'égards, il y joignait im noble caractère.
Nous avions consommé pout ce siège :
1,2170 boulets ;
736 bombes;
373 obus.
419)^00 cartouches.
Nous calculons qu'il a été lancé contre nous
4)500 à 4600. bombes.
U n'avait nullement été question d'argeni du
trésor y pendant le siège , lorsque, le aG février,
le général en chef des troupes anglaises Beck-
with , s'avise après-coup d'écrire à notre capi-
taine-général : «que j'avais en mon pouvoir une
« forte somme provenant, soit des revenus, soit
» des propriétés publiques ; ils appartiennent à
» la nation anglaise ou aux différens quartiers
» de la colonie; je serai rendu individuellement
» responsable de toute tentative que je pourrai
» faire pour les couvrir comme propriété indi-
» viduelle. »
lie capitaine-général Yillaret me communiqua
cette lettre.
La capitulation n'avait pas plutôt été en pour-
parler, que nous avions sur-le-champ arrêté,
savoir :
uvRB 5. (1807. — i8a3.) 449
i.^ D'aligner I de concert, la solde entière des
troupes, et d'y ajouter le paiement anticipé
de trois mois ;
a.® De faire aux fournisseurs de Tannée une foule
d'acquitteniens sur les ventes qu'ils nous
avaient consenties à crédit ;
3.® De préparer une remise à la caisse du tréso-
rier des invalides de la marine, à Paris, d'en-
viron 175 mille francs, que nous lui devions
pour retenues faites à son proflt , dans les
paiemens courans ;
Tout cela avait été exécuté sur-le-champ.
Les observations des généraux anglais arri-
vaient deux à trois jours trop tard : il ne nous
restait pas un sou dont nous pussions encore
disposer.
Dans tous les cas , cela ne me regardait plus :
Depuis que j'avais cessé mes fonctions de préfet
colonial, je n'avais conservé d'autorité ni sur les
deniers ni sur le payeur de la colonie.
Néanmoins, le 217 février, M. Beckwith insista.
Le capitaine-général Yillaret eut infiniment d'hu-
meur qui rejaillit sur moi : il y eut à cette occa-
sion renouvellement de scènes vives entre nous.
Les anglais me décochèrent MM. Henri Iluifey et
James Maxwell , agcns des prises : je leur
prouvai qu'ils s'adressaient à moi pour des choses
tout-à-fait hors de ma compétence. Je ne suis
pas sous les ordres du capitaine-général. Quand
il fait la guerre, quand il signe la paix, il est
1809.
DiiMochs
aSiléfrîer.
Ijnodi
«7 février.
Vendredi
5 mars.
iSog.
Yeodredi
3]
Samedi
4fôTrier.
8 février.
Mercredi
S mars.
45o MiitOIRES SUR Uk VIE, A MOH FILS,
seul maître et il n'y a plus aloss de préfet colo«
niai. Mon rôle est fini. Les ordres ne partent
plus que du capitaine-général. 11 en est respon-
sable. Les commissaires anglais ont exigé que je
leur donnasse ma réponse par écrit. Je Fai donnée.
Tai infortoé le capitaine-général Yillaret de
cette entrevue.
Il m'a appris à son tour qu'il avait reçu la
visite de l'amiral anglais Cochrane et que, sur
sa demande, il en avait obtenu la permission
de nous embarquer, mercredi 8 du courant ,
à l'entrée de la nuit La parole lui fut aussi
donnée qu'il tâcherait de tout arranger, de ma-
nière il ce que mon propre embarquement put
avoir lieu en même temps et n'éprouvât plus
de difficulté.
Le soir, à lo heures, la pâle lune, qui se
levait au fond de riiorison , éclaira notre silen-
cieuse marche. Nous atteignîmes les doubles
avant-postes anglais. Quand nous eûmes gagné
les derrières de Thôtel du gouvernement , la rue
solitaire de }l arsenal de Vartillerie , quelques an-
glais s'avancèrent vers nous. M. Maxwell , l'un
d'eux , me présenta au capitaine Lake , comman-
dant de Y Ulysse, vaisseau auquel j'étais destiné.
M. Lake, parle peu et mal français. Il me con-
duisit très-poliment à son bord. Après quelques
roots de conversation, où nous avions peine à
nous entendre , il alla se jeter dans un cadre à
l'arrière de son bâtiment, et je sautai dans le
uvBB 5. (1807. — i8a3. ) 45t
mien , qui venait d'être suspendu à tribord de ^^^^.
sa grand-chambre , entre deux canons. % m^^.
Plutôt que de ne pas nous entendre dutout
ensemble, je hasardai avec lui un peu de mon
mauvais anglais.
Je ne lui suppose pas plus de â5 à aG ans.
Il est fils cadet du feu général Lake , qui s'était
distingué dans les guerres de Tlnde , et fut créé
lord d'Angleterre.
Le directeur d'artillerie Joyeuse panit à bord
pour tâcher d'y caser Madame Armand , sa mai-
tresse. Elle y obtint la place qui m'appartenait
et je reculai ainsi d'un cran. Ses clmrmcs no
nous dédommageaient certes pas des incommo-
dités qu'elle nous causait.
J'eus d'ailleurs fort à me louer du comman-
dant Lake , des bonnes façons et des emprcssc-
mens qu'il me prodigua pendant la traversée.
Les commissaires anglais Iluffey et Maxwell
/se sont encore ime fois rapprochés de moi pour
en obtenir quelques renseigncmens. Je les leur
ai donnés. Ils ont été contens. Ils m'ont témoi-
gné leur regret de n'avoir pas connu plutôt notre
organisation et la nature de l'autorité dont elle
me revêlait.
Prcsqu'au même moment le capitaine-général
Yillaret me mandait, par son secrétaire Blan-
chet, « qu'il était aflligé des obstacles par les-
» quels on cherchait à entraver mon départ;
» qu'une foule de particuliers s'annoncent atir
45^ MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS.
1809.^ » généraux anglais, comme créancrers de notre
s nmn. * administration; il m'engage à satisfaire, à celles
» de ces réclamations qui seront fondées, avec
» les lettres de change , dont je suis dépositaire. »
Il se méprend et méconnaît mes qualités et
mes moyens.
M. Blanchet m'expliqua où Ton <eB était avec
Navailles.
Mais puisque cette condescendance de ma part
semblait au capitaine-général pouvoir seule tran-
cher les difficultés, j'allais apposer ma signature
aux lettres de change, dont il ferait ce qu'il ju-
VeiHlred' gérait convenable, aux périls et risques de qui
10 mars. s^ exposerait.
Nous n'étions plus en rade de Fort de France,
nous faisions de l'eau à la Case-Navire. M. Na-
vailles y apporta ses lettres de change. Je signai
à force.
Il était une heure un quart après midi. M.
Diks, capitaine du Pavillon du contre-amiral com-
mandant Cochrane, sur le Neptune, et M. Hender-
son , major du régiment d'Yorck , qui a commandé
le fort de la ville de Fort de France pendant le siè-
ge, se présentent; ils me communiquèrent un or-
dre de MM..Cochrane et Bekwith pour mon trans^
port à Fort de France , ou je serais détenu jus*
qu'à ce que j'eusse satisfait, etc.
J'observai que j'avais déjà répondu verbale-
ment et par écrit Ils répondirent qu'ils étaient
purement chai|[és de m'emmener.
Vendredi
lO I
LIVRE 5. ( 1807. — i8a3. ) 453
Je répliquai que notre capitaine-général , chef 18^09.
de Tannée française, auteur de la capitulation,
était le seul avec qui je pusse correspondre, et
que par lui seul il m'était donné d'avoir des re-
lations avec les commandans anglais.
Le capitaine-général , reprirent-ils , a reçu , dès
ce matin, à 6 heures, notification de la mission
qui leur était donnée. Nous n'avons qu'à exé-
cuter cet ordre de nos chefs. Nous sommes des
militaires.
Je demandai qu'il me fut permis d'appeler
des officiers français qui pussent certifier à mon
pays que j'avais été forcé. 11 en entra six.
Je déclarai que je voulais être enlevé par des
soldats.
Nous le sommes , répartirent-ils , ei nous en-
tendons vous enlever de force. — Je rCirai que
forcé : voUà mon épée.
Ils refusèrent de la prendre. Je la mis sur la
table devant eux. Us s'obstinèrent M. Jubeliu
eut la bonté de s'en charger.
On embarque mes effets.
Us tirèrent une liste de leur poche, et lurent
les noms de MM. Navailles , .Bouchard et Jubé-
lin , qui devaient m'accompagner.
Nous entrâmes dans les canots. Nous débar-
quâmes vers 3 heures sur le pont de la Sainme.
Nous attendîmes dehors que M. Dicks se fut
assuré de la maison qu'on avait arrêtée pour nous*
Elle était située à la Grande rue. M. Hender-
son ne s'était pas séparé de nous.
454 miMOIRES SUR UK VIE, A MON FILS.
1S09. I^ major Massé , aide-dc-camp du général
10 nmn. Maitland , vint m'avertir que le général Mait-
land était k la campagne « et que j'étais renvoyé
}>our le voi^ au lendemain.
On me demanda alors /mi parole : Je n'en
donnerai aucune , pas plus que de caution»
Comme prisotmier de guerre , je ne VcutrtUs
pas refusée ; mais je ne suis plus qu'un prison-
nier de geôle.
L'officier alla reporter ma réponse. H parla
en particulier à M. Henderson. Celui-ci resta
quelque temps ; après il me dit : vous ne vou-
lez jms donner votre parole eui gouuernemenL 11
m'est pénible de garder un homme comme vous.
Il ne saurait vous être non plus commode d'être
gardé. Puisje personnellement espérer que vous
ne me compromettrez pas , moi qui réponds de
vous? — OhInon.Sojrez tranquille. Quand tout
votre régiment serait-là sous les armes ^ il ne
me garderait pas aussi bien que cette confiance
en moi de votre part.
Il me quitta en conséquence.
Tai emprunté en ville un peu de linge et
de faïence.
Les débris d'un dîner que le traiteur Duclos
donnait à des officiers anglais ont garni ma table
à huit heures de la nuit et nous avons couché
sur la dure.
 neuf heures et demie, ce matin , des clie-
uvRE 5. ( 1807, — i8îà3.) 455
vaux s'arrêtent à ma porte. On m'anncmoe un tSog.
Vaodrwi
officier anglais. Cétait M. Maitland. Je descends. i^
Il débute par des complimens, suivis de ces
mots : si vous voulez justice pour vous^ il faut
que vous nous rendiez justice. Tout ce qui ap-
partenait à l'Etat au moment de la capitulation
nous appartient. Nous voulons que ce nous soit
rendu. Nous en demandons compte.
Nous étions dans une galerie. MM. Doucliard ,
Jiibelin, Navailles étaient présens. Par ce mou-
vement naturel de la politesse française, entre
personnes d'un rang distingué , conférant ensem-
ble sur des affaires, je ramenais, en promenant
et en parlant , le major^énéral Maitland , en
dedans du sallon : /e n^ai pas, me dit-il, de
secret et nous pouvons parler en présenee de ces
Messieurs. — C*était par honnêteté , lui répondis-
je, que je vous faisais entrer; mais si vous
n'avez pas de secret, je n'en ai pas non plus,
II me remit une note. Je la lus. Elle articu-
lait les demandes.
« Quel que soit, continuai-je, le traitement
» que je reçoive , je ne sortirai i>as de ma règle.
» Le gouvernement colonial, à la Martinique,
D se com|>osait de trois chefs : le capitaine-gé-
» néral, qui élait le premier, le préfet colonial
» et le grand'juge. — Pourquoi n^avez-vous donc
» pas concouru à la capiiidation ? — Il était des
» choses et en grand nombre que le capitaine-
» général fesait sans ma coopération , telles que
456 MlblOIAES SUR Ma VIE, A MON FILS.
v«l!i^* * ^^ opérations militaires, la défense , par exem-
10 iMin » pie , de la colonie et sa capitulation. 11 a agi
» en cette occasion comme général en che/iVar-
» mée. Tout ce qui dépend de cet acte est de son
» ressort, non du mien. Je n'entends rien dé«
» rober à ce que la capitulation a rois au pou-
» voir des anglais. On n'a qu'à* voir les hôtels
I» des préfectures il Saint- Pierre ou à Fort de
y France : j'ai voulu qu'il n'y manquât pas une
y épingle. Les anglais ont été moins scnipuleux
» envers moi : ils ont ouvert mes malles, y ont
» pris des plans de S.^-Pierre , du Fort Desaix, etc..
» Us ont eu du plaisir à les prendre : ils les
j» avaient déjà dans les dépôts publics. — Mais
> nous tiendrons ce que nous avons dit. — M.
» mettez-moi au fort, dans des casemates, en pri-
y son, dans un cachot; envoyez-moi à Londres
» ou en tel lieu de l'Angleterre que vous voudrez
» sur un bateau, sur un esquif; faites-moi
» même fusiller sur la Savane; vous n'aurez pas
» d'autre réponse de moi. Que le gouvernement
» anglais mette ces questions en négociation ,
» et il verra si j'ai pu et du me conduire diffé-
» remment — Pas pour répéter , donnez-nous
ji vos réponses par écrit — Je les donnerai sur-
» le-champ. — Prenez du temps : vpus nous les
» enverrez demain par un domestique. »
Il prenait cependant le chemin de la porte ,
et il monta à cheval.
LtVBB 5. ( 1807.
ILOTES
J>ES GENERAUX ANGLAIS.
Maitiniqub thb tcnth or
uAMtcm 1809.
i.»' It is rttfuired of M.
Laussal, ihe Prefect^ he shnll
-give , or cause io be given , io
such person or Pensons as majr
be appointed bf ihe commander
in cnief io recieve it , a fair
and jiist acconnt , supported br
proofs , cfall money in ihe public
ireasurjf oflhe French Governe-
ment in Martinique^on ihe a4 M.
offébruaty 1809, ihe day on
wich ihe capitulation W4U com-
pleted.
a."* It is required cf Jf.
Lnussat^ Préfect, that he $hall
pay, or cause to bepaid^ iQ,such
person or per.sons as shatl be
appointed bj ihe commander
in c/èief to recieve it , ail ihe
moner wich by the account de-
manded in ihe first article , shall
appear to hâve been in ihe public
ireasurr on ihe day namedy be-
cause that money becameon that
day ihe right and properiy of
Jus Britannic Màjesiy.
3.** It is required of M.
Laussat, ihe Préfect that he shall
Jydfl ail his engagements to the
inhabitans of this Colony who
4ire public crediiors of ihe french
governement , for wich ihey can
produce proper vouchers; that he
shall pay those crediiors in the
bills upon ihe french governe-
ment, of which ii is known he
ffiolds a large amouni and M,
i8a3.) 4S7
REPONSE
DU mÉFET OOLONIAL
A LA MABTINIQVB.
I.* Cela ne me regarde point;
CCS notions ne sont pas en me»
mains.
Ceux en mains de qui elles sont
les auront transmises ou à M. le
capitaine-gënëral , on , par ses or-
dres , aux commissaires anglais
nomm^ pour les recevoir.
Il n'est pas plus dans les pou-
voirs dont j'étais revÀu de me
mêler de l'exécution de la capitu-
lation, qu'il n'était dans ces mêmes
pouvoirs que yt me mélasse de
b faire.
a.* La réponse précédente satis-
lait i cette seconde demande. J.'ai
cessé mes fonctions d'oOice., comme
préfet colonbl^ le a4 férrier der-
nier, par reflet de la reddition
de la colonie.
Il est hors de ma sphère de
discuter sur les droits dérivant de
la capitulation.
5.* Les engagemens dont on
parle sont ceux du gouvernement
Français et non les inîcns.
Je n'ai plus qualité pour les
faire remplir. Quand je le pour»
rais, les moyens m'en manque-
raient. J'ai recommandé qu'on li-
quidât les créances réclamées, et
je les appuyerai auprès de S. M.
Impériale et Royale. Je n'aî pas
besoin d'y être invité.
458
MÉMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS.
LaussaU is informed thad ht will
noi be allowedto relum to France
until those bills are paid.
The whole qf ihese demands
heing siriclly wUhin the capitu-
lation wich while it préserves
priwsite propertf inviolate,guards
expressif agaîost any public
property being taken away.
Signé F>£oiKic MiiTLAND ,
major-général , and comman-
der général.
Ccpcndnnt , M. le canîtainc^
sënënil Villarct fn*ajant ëcrit avant-
hier qu'il croyait indispensable de
donner nos lettres de change aux
créanciers de TEtat pour lever ,
enfin , les diflicultës qu'on oppo-
sait à l'exécution de ta capitula*
tion« j'ai acquiescé, comme je le
devabf à sa réquisition. J'étais
occupé h les signer pour les dé-
poser chez l'inspecteur Françab,
en les T mettant à la dls|)ositioii
du chef de l'administration Fran-
rise, quand on est venu m'enlcvcr
bord de VUfyse.
Me détenir Jusqu'à ce qu'elles
soient acquittées.,.. Je nai^ de
mon c6té, que la sauvegarde du
droit des gens ; on a , du sien ,
la force ; on en est donc le maître.
Il ne m'appartient pas , je le ré-
pète , d'eiaminer ce qui est ou ce
qui n'est pasdansics tcrmcsdc la ca-
pitulation, à moins que ce ne soit
pour réclamer les conditions qui
y ont été stipulées relativement 4
mon sort personnel.
Mais j'ai du reste assez prouvé
Sar les faits qu'il n'était point
ans mes principes d'emporter
d'autres propriétés que les miennes
ni spécialement de soustraire aux
vainqueurs aucune propriété pu-
blique.
A Forl-de-France , dans la mai-
son privée, où j'ai été constitué
prisonnier.
Ce lo mars 1809, à 11 heures
demie du matin.
Le Préfet colonial^ chevalier
de la légion d'honneur ,
Signé, IAU8SAT.
M. Mai tlaiid , à qui ces réponses ont été portées , ^^
a répondu que, pour le moment, cela suffisait
LIVRE 5. ( 1807. — iBiS. ) 459
[and , à qui ces réponses ont été portées ,
que, pour le moment, cela suffisait
Le capitaine-général, instruit que j*avais été
enlevé de mon bord, est entré en correspondance '^
avec l'amiral Cochrane. Celui-ci s'est de suite
transporté de S.^-Pîerre à Fort de France.
Les commaridans anglais ont écrit à l'amiral Londi tS
Yillaret que « s'il donne sa parole d'honneur qu'il
» n'a pas été payé d'argent de la caisse française,
» depuis la ratification de la capitulation, cette
» déclaration sera reçue et tenue pour suffisante.
» En explication de ce dernier article, si le
» général Yillaret veut donner sa parole d'hon-
» neur qu'en conséquence de ses ordres au préfet»
» relativement au paiement des créanciers publics
» du gouvernement français à la Martinique, ce
» dernier officier a été requis et recevra de lui
» instrtiction de laisser des lettres de change»
» avec les officiers qu'il conviendra , pour satis-
» faire aux justes demandes de ces créanciers
» contre le gouvernement français, une déclara-
» tion semblable, avec indication , par le général ,
y> des officiers qui seront ainsi nommés du côté
» du gouvernement français, seront considérés
» par les commandans des forces de terre et de
» mer de S. M. D. comme contenant une garantie
» directe de la part du gouvernement français
» pour leur paiement, et le préfet et toutes autres
» personnes maintenant détenues se rendront à
n bord de VUlysse.
» Signés y Géor<Te Bekwith, Alex. Coghravb. *
i8og.
Il«[dii4
SamedlaSayril.
DEPART DBLÀ
MARTIKIQUB
A BORD
DU COlfYOI
ANGLAIS
ET A uni vis,
D'ABORD
A QUIBEROlf ,
POIS
EH ANGLETBRREy
ENFIN
AU CANTONNEM.t
DE WINCANTON
(SOMBRSETSnUE)
4G0 MÛffOIRES SUR MA VIR , A MOIT FILS.
M. Boyer, ai(le-<le-carop du capitaine*général,
a apporté aux commandaus anglais , une lettce
de son général. Il leur explique : « Qu*avant le
» a4 février, il décida qu*on paierait la solde à
» la troupe et quelques dépenses qui étaient
» dues dans le fort : à quoi les fonds en caisse
» ne suffirent même pas y et qu'il n'a plus dc-
9 puis disposé ni pu disposer d'aucun argent
» du trésor public
»• Qu'au surplus , par nos constitutions , il ne
ji me donne pas des ordres ; mais que j'ai con-
9 descendu à ses désirs, en laissant à Cambou-
p laret etàllainville, les lettres de change pour
» servir au paiement des dépenses arriérées. »
MM. Beckvsrith et Cochrane ont été satisfaits
de cette déclaration.
Nos bagages et nous tous débarqués, avons
été rembarques sur-le-champ. Navailles a encore
formé seul quelque doute que de nouvelles in-
terprétations des généraux ont bientôt levées.
11 était environ quatre heures de l'après midi
quand nous mimes à la voile.
Je lisais alors Montaigne, et j'en transcrivis ce
passage sur mon journal : u Enfant venu au mon-
» de pour endurer , endure , souffre et tais-toi. »
Partis, le i4> de la Martinique, après 46
jours d'une traversée extrêmement ennuyeuse,
nous avons mouillé , jeudi dernier , quatre
heures de l'après-midi , dans cette rade de Qui-
beron près Belle-Isle ; 45 /ours de traversée : en
convoi ce n'est puis trop.
UYRB 5. ( 1807. 1823.) 461
J'ai été invité à dîner à bord du Taisseaa -,??^Jv-
commandant , par M. le commodore Cockbum ^ 9««>m*
qui est venu me voir à bord de VUfysse. U m*a
fait un accueil extrêmement honnête. Tai trouvé
à son bord le capitaine-général Yillaret. On at-
tendait des réponses de terre sur les échanges.
Il fallut demander , de Brest à Paris, des expli« SaintdiG maL
cations, et Tamiral Yillaret débarqua avec sa
suite.
Tobtins du commodore Anglais, qu'à tout
événement^ je renverrais mon maitre d'hôtel^
Didier , et avec lui le gros de mes bagages; ce
vieux serviteur me serait à chai|;e en Angleterre
et il ira rejoindre ma femme à Paris. Je fis mes
préparatifis. Quinze à seize malles, caisses, ba*
rils, paquets^ emportèrent tout ce qui n'était
pas indispensablement nécessaire pour ma cap-
tivité. Je gardai mon nègre André, qui m'y
servirait
J'écrivis au ministre de la marine et à ma
femme : au ministre^ je lui rendais compte des
procédés auxquels j'étais en butte; à ma femme
je lui donnais une idée vague du si^e. Je priai'
le 2 mai, le maire d'Auray de m'envoyer un canot,
il ne reçut ma lettre que le 4- Eufin, le 6 mai ^
M. Bonnard , maire d'Auray , s'est entendu avec
le commandant de la station, M. I^gaunay, et
j'ai vu arriver à midi et demi à mon bord la
chaloupe la Petite Tourterelle pour prendre mes
ordres. J'y ai embarqué Didier et son bagage.-
Ils ont filé vers Auray.
au i5 mai.
462 MÉMOIRES SDR MA. VIE, A AfON FILS.
1800. Le Commodore Cockbuni m'a de rechef invité
' à dîner : il est homme d'esprit et de bonne com-
pagnie. Nous nous sommes enfermés après^iner
dans sa chambre, où nous avons causé trois heu-
res et prise de la Martinique et échange et paix
ou guerre. Il a été fort prévenant. Il ne nPa pas
dissimulé que la présence de la maîtresse du gé-
néral Joyeuse lui avait déplu. Il avait pris des
mesures , pour qu'un canot la transportât à terre
ce matin.
Son état«>major est composé avec choix.
M. Brenton , son capitaine de pavillon , est un
homme de bonne mine.
Lundi 10 mai Les dernières réponses du ministre de la ma-
rine , en date du 3o avril , portent que S. E. ne
peut accorder en compensation pour échange que
les prisonniers qu'il a fait offrir.
A huit heures, Faiicre était levée et les proues
de nos vaisseaux étaient tournées vers TAngleterre.
Le long du Devonshire, le Start- Point se rap-
prochant de nos cotes de France semble tendre
la main au Cap de Lahogue, qui de son côté
s'avance à sa rencontre. Que de tristes et longs
souvenirs attachés à ce nom funeste ! cent qua-
rante ans n'ont pu réparer, pour notre marine-,
cette malheureuse journée.
Nous rencontrons à chaque pas des bâtimens
qui vont et qui viennent. \jq Marborough et un
autre vaisseau rentrent du Brésil à Plymouth.
Une frégate conduit à notre vue une prise fran-
uvRB 5. ( 1807. — i8a3.) 4^3
^se dans les ports. De toutes parts , des ooutoIs ; iSm.
hier un, aujourd'hui un autre. Le commerce an-
glais envoie en cette saison ses flottes dans les di-
verses parties du monde y échanger les produits de
son industrie. Combien de pécheurs et de pilotes,
qui rodent tranquillement, dans tous les sens»
aussi loin que notre vue peut s'étendre !
Quel contraste entre la joie rayonnante sur les
fronts des anglais qui revoient déjà leur patrie
et le somhre désespoir de nos pauvres marins
qui ont pour perspective un ponton devant eiUL |
Des bordées sans fin : cette manche est pour
nous le Styx aux mille replis.
Hier nous avons louvoyé entre Poriiand et
Saint- JldanS'Head; aujourd'hui, nous louvoyons
entre Pool et la Pointe N. E. de l'île de Wight.
Les zéphirs du printemps sont charmans dans les
prairies et dans les bois : ils sont détestables sur
mer : s'ils sont favorables, ils sont lents; si con-
traires , ils n'offrent point de brise pour remon-
ter. La côte du Dorsfet-Shire est aride et de fer.
Lés troupeaux à laines y réussissent parfaitement
dans de vastes et gras pâturages. On dit llle de
Wight fertile; dans cette saison, son aspect est
aride.
Nous avons enfin aperçu ce 1 5 mai , vers dix
heures du matin , par-dessus la pointe de llle de
Wight, un pavillon amiral bleu^ et successive-
ment plusieurs autres. Nous avons jeté Tancre ,
il onze heures , à côté du commodore Gockbuni.
464 MiMOIRES SUR MA VIE, A MOK FILS.
1809. U y avait soixante-iin jours que nous édons partis
j8 mai. 1 . », . . '^
de la Martinique.
The colonial pre/eci and forij oj/icers are to
be landed ai Gosport and wiïl he send on iheir
parole to fTincanion. — Le capitaine Lake ni*a re*
mis cet ordre. Il me demanda sij*éiais content. —
jéu contraire f lui répondis-je, très-mécontent. Il
me prit honnêtement à-bord de son canot et me
conduisit lui-même à Gosport. Il ne s'est pas
Samedi 37 mai. démenti jusqu'au bout dans ses aimables procé-
dés. Il me présenta à M. D. WoodrifF, commis-
saire des prisonniers, et de-là à Taubei^e de la
Croivn , où il me recommanda. II me pressa la
main, me disant d'une voix altérée, god bless
jrou, et prit congé de moi.
Dimancho N'ayant pas pu avoir plutôt de voiture, j'en
aS mai. louai enfin une pour aujourd'hui , dimanche ,
et me rendis à Wincanton par Southampton,
Salisbury et Hindou. C'est au printemps que je
fesais ce voyage et parcourais ce joli recoin de
l'Angleterre.
L'étendue de cette belle culture , cette verdure
si fraîche, ces prés si fleuris, cette haie d'aubé-
pine odorante, ce concert perpétuel de rossi-
gnols, cet air même, frais et tempéré, dans
lequel une diligence propre et légère nous traî-
nait rapidement sur des chemins unis , entre-^
tenus comme des allées de jardin, rafraîchis-
saient nos sens émoussés par un si long séjour
entre les Tropiques
uvAE 5. ( 1807. — i8a3.) ^6$
Nous fumes enfin déposés à neuf heures du
soir, à notre cautionnement de fFùtcaïUon. Les
prisonniers français, nos oompagnons d^infor-
tune , couvraient les chemins , rentrant de leurs
monotones promenades de la journée.
Je me a*oyais certain d'être incessamment
échangé. Je reçus à peine quelques lettres rares
de ma famille. Elles me parvenaient à la déro-
bée par des voies détournées.
Une entre autres m'arriva de mon pays , où
Ton me mandait que, malgré mon long éloi-
gnement et mes dix ou douze années d'absence ;
mes compatriotes s'étaient souvenus de moi aux
dernières élections et m'avaient présenté candidat
AU SENAT CONSERVATEUR. Ck>mbien cette attention
et cet honneur, dans une pareille circonstance,
me consolèrent !
Des anglais , les seuls de qui je reçusse un
accueil bienveillant , ce fut la famille Frankland.
Le frère amé sir Thomas Frankland , de Tbir-
keby, Yorkshire, était membre du parlement.
J^ père avait été vice-amiral.
Le cadet possède un bénéfice ecclésiastique
d'environ !i4 mille francs de revenu, dans ce
voisinage, y est marié à la fille de lord Colvile ,
écossais, et a d'elle plusieurs enfans parfaitement
élevés. L'auié, jeune, sert dans la marine. Cette
maison m'offrait l'image de lunion et du bon-
heur domestique. Je fus invité plusieurs fois
chez eux. Je fréquentai leur société. J'y vis
tSog.
CAPTIVITÉ
IT SÉJOliA
CNKZ
IM ARGLAK.
/|6G lliMOIRES SUR UK VIE y A MON FILS.
1S09. bonne compagnie. Ils me prêtèrent d'excellens
livres dans leur langue. M. Fraiddand était un
des descendans de Cromvirell : il me fit lire avec
fruit sa très-curieuse vie.
Ma femme trouvait à Paris , plus que moi en
Angleterre, des occasions de librement entrete-
nir notre correspondance. Tappris par elle des
paroles d'échange entre le gouvernement Fran-
çais et le gouvernement Britannique, où il s*agi-
rait de rendre libres des deux cotés le consul
Alex. Cockbum et le Préfet colonial Laussat. La
proposition était partie , le 5 juillet , de notre
ministère et n*arriva jusqu'à moi que dans le
courant de novembre.
Je ne tardai pas trop & en éprouver Teflet.
Le 3 décembre, à on2.e heures du matin , un avis
du iransport-qf/ice me fut remis, daté du 3o
novembre , contenant ces mots : « S. M. consent
1» à votre échange avec M. Alex. Cockburn , con-
» suUgénéral à Hambourg , à qui il a été permis
» de revenir de France dans ce pays : je suis
1» chargé par ce bureau de vous annoncer que
» que vous allez recevoir incessamment les pa-
» piers nécessaires pour opérer de même votre
» retour en France. Ils seront adressés à M.
» Messiter , qui vous en procurera les moyens. »
Je m'entendis aussitôt avec M. Messiter. Je
pressai, en réponse, le transport-office de m'en-
voyer mes passe-ports et ceux de mon secrétaire
Jubelin et de mon nègre André.
uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 4P7
Le a3 décembre, je reçus Favis dePlymouiU 1S09.
qu'un cartel y était loué pour mon passage , et^
le a4, je reçus, à 11 heures, de M. Messiter
mes passe-ports. A 1 1 heures un quart, je cou-
rais la poste sur la route de Plymouth. ]*y arrivai
le lendemain lundi , à 7 heures du soir. Le mardi,
à 8 heures du soir , j'étais à bord de mon cartel
\ Union , capitaine Hane , que m Wait loué pour
cent guinées Tagent des prisonniers. A 9 heures ,
nous étions appareillés et le lendemain mercredi ,
à 4 ou 5 heures du soir , mouillés près le Châtttui
du Taureau , au bas de la rivière do Morlais. iBm.
Nous étions en pays ami. Nous primes vite le *^" «4 P"^««'»*-
chemin de Paris. Nous arrivâmes à Versailles, le
jeudi 4 janvier. J*y trouvai ma femme et tous mes
enfans. Ce fut un des plus doux momens de ma vie.
J'étais rendu à ma patrie, à mon souverain,
à mes amis , à ma famille.
L'empereur Napoléon, pendant que j'étais
éloigné , avait eu quelquefois occasion , dans ses
conseils, de s'exprimer siur mon compte, eu ter-
mes à faire croire qu'il me comblerait de sc*s
faveurs à mou retour. Plusieurs personnes me
l'assurèrent. Je n'eus pas cette confiance.
Il m'accueillit avec distinction dans une au-
dience particulière. Il m'y dit de lui-même, tout-
d'ahord, que le capilaine-général FiUatvt lui
avait perdu fort vite une belle colonie , et me
parla promptemeiit de l'Angleterre et d'autre
chose.
Il me congédia.
4C8 lliMOlAES SUR MA VIE, A MON FILS.
iSio. Au bout de peu de jours, n*ayant pas les
moyens de soutenir plus long-temjis ma famille
à Paris sur ma propre fortune, il devenait pres-
sant que je fusse placé. Le temps s'écoulait. Je
ne Tétais pas. Un dimanche, au sortir de la
messe , je le représentai laconiquement à l'Em-
pereur.
Tje surlendemain, la février 1810, à huit
heures du matin, les poissardes entrent dans
ma chambre, un bouquet à la main. Je m'en
étonne. Leur orateur me harangue, comme
nommé à la Préfecture maritime d* Anvers. Je
m'en défends : il tire le décret de sa poche et
me le montre. Le ministre de la marine , à qui
je courus, m'embrassa, en me disant : Je ne
vous ai pas indiqué, y ai appris la nouvelle par
le MoiviTEun. Ce n'est pas à celte place que je
vous aurais mis. jN ' importe ; vous irez. Allons ,
nous marcherons ensemble.
En effet , mon rôle changeait. J'étais jusqu'alors
étranger aux détails de la marine. Je n'y connais-
sais, pour ainsi dire, rien. J'avais le désavantage
immense d'y entrer sous d'autres auspices que
ceux du ministre.
Heureusement, l'organisation de cette admi-
nistration était telle que le chef pouvait s'y
passer de la pratique de l'art. Il avait tous les
jours , sous lui , un conseil composé ,
du Directeur militaire du port et des mou-
veniens,
UVRB 5. (1807. 1823.) 4^
du Directeur du génie maritime, 1810.
du Directeur de Tartillerie,
du Ciief de Fadministration
et
de Finspecteur,
hommes très-instruits, chacun dans sa partie. Il
me suffisait de les comprendre et de choisir
parmi leurs avis.
Je trouvai-là, en M. de Rarsaint, un marin
loyal , et en M. Lair, un ingénieur du premier
mérite et du naturel le plus franc. Ils me pro*
diguèrent avec empressement leurs lumières;
Je mis une application extrême à mon serviœ.
Je portai partout une surveillance ocidaire. Je
cherchai tant qu!il me fut pos^ble à m'instruire.
Je fis la guerre aux abus. Je tins la main à de
grandes entreprises, à de vastes travaux. Le port
fut augmenté de deux fois sa première étendue.
Les constructions de vaisseaux de tout rang s'é-
levèrent de 8 à 19. Le plus magnifique bassin
de rUnivers fut creusé , avec deux écluses , par
lesquelles pouvaient passer des vaisseaux de lao
canons. Celle de Flessingue fut refaite et agran-
die. J'avais sous mes ordres des bataillons et des
régi mens de 3 à iifOoo ouvriers de marine , avec
5 à ti,ooo hommes de troupes d'artillerie et,
dans tous les genres , des magasins et des chan-
tiers et ateUers immenses. Ma Préfecture embras-
sait d'Osteude aux Bouches de la Meuse et à
Nim^ue. Je présidai , en deux ans, à des dé^
470 IIKMOIRFS SUR MA. VIK, A MON FILS.
1810. |>oiises , qui s'élevèrent de 4^ ^ 43 millions de
francs. Je ne doute fias que ma vigilsince et mes
soins n y aient économisé. Les officiers d'admi-
nistration seuls me secondaient mal générale-
ment. Quelques probités m'étaient même sus-
pectes. Je les contenais un peu par la crainte.
J'habitais un hôtel et un jardin fort agréables.
Les Brabançons , qui passaient pour ne pas
aimer les Français « nous comblèrent person-
nellement et ne se démentirent jamais.
Il n'en fut pas de même du ministre Decrès.
Depuis que j'avais été nommé à cette préfec-
ture maritinie, il ne cessa de me desservir.
L'Empereur y distribua des faveurs , dans les
deux séjours qu'il y fit, de-mon-temps , à tout
le monde, excepté à moi.
iRii. Un congé me permit d'aller passer les mois
de janvier et de février 1811 à Paris.
L'Empereur m'invita à une de ses soirées des
Tuileries et le maréchal du palais Duroc, par
ses ordres , à un diner. Mais il ne me fut pas
décerné la moindre- récompense personnelle.
Je pressai le Ministre d'augmenter mon trai-
tement. Il était de
a4tOOO fr. appointemens ,
720 fr. à déduire, 3 p. ®/o des invalides de
la marine.
23,a8o fn net.
J'avais en outre le logement^ le jardin y le
chauJJTage.
UVRE 5. ( 1807. 1823.) 4?^
Je dépensais annuellement 1 2 à i5 mille francs 181a.
du mien.
rbabitais une des villes les plus chères de
l'Europe. Tj étais exposé à de la représentation.
Ma demande fut vaine.
Mais , en place, X estafette m'apporta , le 1 1 ou
12 du mois de mars, un décret qui me nom-
mait préfet à Jlfons.
J y reconnus Tinfluence du ministre Décrès. Mars.
Je sus bientôt positivement à quoi m'en tenir.
Parmi mes papiers se trouverait encore la
copie du rapport que M. Décrès fit à l'Empe-
reur pour ce changement.
Mon ancien secrétaire Bouchard, i.^' commis
de marine, qui avait joui de ma confiance à
la Martinique, après avoir été long-temps pri-
sonnier de guerre , était devenu commis expé-
ditionnaire au ministère de la marine : il fut
chargé d'expédier cette copie : il la fit, en garda
une et me l'envoya à la dérobée.
Le Ministre me donnait de brillantes louan-
ges. Il les terminait par le témoignage qiiUl me
croyait propre à tout.
Il ajoutait que, comme préfet maritime, je
commandais en ce moment 10,000 hommes de
troupes tant ouvriers militaires qWarfitterie y sans
avoir jamais servi : « S. M. k la veille de partir
» pour une grande expédition (celle de Russie)
» se souviendra peut-être des hostilités de l'An-
» gleterre contre Flessingue , en 1 809 , et jugera ,
A
D*UU
47a 31CM01AES 8UH Uk VIE, A MON FILS.
i8ia. » qircn pareil cas, il vaiidiait mieux que les
"' » forces conceutrées daus la préfecture niaritimc
» crAuvers y fussent confiées dés à présent à
» uu militaire, »
11 pi*oposait en conséquence de me substituer
le capitaine de vaisseau deKersaint. Ce fut aussi-
tôt agréé et ordonné.
On n'eut pas non plus besoin de me le dire
à deux fois.
JB PAssK Je partis trois ou quatre jours après, avec ma
.LA,BÉr«:T... ^^jy^^ pourMons.
DBPAiiTSMsirT J'y meuai la vie paisible et commune d'un
D£JEMMAPBS, #r 1 1 # -n %> 1
MONs , préfet de département. J y remplis pourtant dans
JE BEKTBAi j^ circonstauces difficiles de pénibles fonctions.
A PABIS ■
PAR l'uibuptioii Jc uc m y écartai pas des principes de la jus-
ussALLi . ^.^^^ j^ ^^,y g^ point de mal. J'y adoucis des
' • mesures rigoureuses, autant qu'il m'était |K>ssible.
C'était un excellent peuple que celui du llai-
nault , judicieux , industrieux , riche.
Dcccnibre. Le* Russes, les Autrichiens, les Pnisses s'avan-
çaient dans les plaines de la Belgique et déjà
serraient de près les anciennes frontières de la
France. Les cosaques touchaient aux confins du
département de Jemmapesi Je les apercevais , de
Janvier. ^^^" hôtel, couronuaut les hauteurs des envi-
rons de Mons. Sur ces entrefaites, me parvint,
comme Préfet, l'ordre formel de Napoléon de
rester à mon poste jusqu'à ce que l'ennemi fut
dans la ville.
Je renvoyai ma femme et mes enfans à Paris.
uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 47^
Vers la fin de janvier 18149 les cosaques ed- xSi4.
trèrent paradant jusqu*aux portes de Mons. 1a
3 ou 4 février, des piquets de cinq ou six péné-
trèrent aiulacieusement jusqu'à Feutrée du /K>/t
de la rwière en dedans de la place et prompte-
ment rétrogradèrent au galop.
Je montai alors dans ma voiture, et, par des
chemins détournés, je gagnai Ghlin, Peruwels
et Condé.
Je n'oublierai jamais que , tout Préfet fugitif
que j'étais , la garde nationale de Peruwels voulut
absolument m'escorter et ne me laissa point que
je n'eusse dépassé de ce côté les bornes de son
département.
Je ne m'arrêtai qu'à Valenciennes.
L'armée Française, qui avait de son côté éva-
eue Mons, entrait, au même instant, dans cette
autre place, dont les encombremens et les em*
barras me déterminèrent à passer outre : je vins
coucher à Paris.
L'un des premiers débris de cet énorme co-
losse , naguères si puissant , aujourd'hui s'écrou-
lant de toutes parts sous des attaques universel-
les et bien combinées, je me trouvai ainsi ra-
mené au point central d'où j'étais quatre années
auparavant parti. Les miens m'y avaient devancé
de peu de jours. Je m'y réunis à eux. Jamais,
en ce lieu, je ne m étais vu dans un pareil dé-
sert. Pour le coup, je n'avais plus ni relations,
ni affaires, ni revenus, ni asile, ni propriétés,
474 MEMOIRES SDR MA. VIE ^ A XOH FILS.
i8i4. ni même pays natal; car le Béam aussi était
envahi à Tautre extrémité de la France et dé-
vasté par les armées. Je louai un appartement
et me rabattis isolément dans notre intérieur
aux écoutes et en attente de la catastrophe qui
Mars. nous menaçait. Au commencement de mars, mon
enfant 9 tii me fus reporté de Lusigny , en Cham-
pagne ^ devant Troyes, où tu avais été atteint
d'une balle au pied gauche. Presque aussitôt le
typhus des armées s'y joignit. Ta mère te pro-
digua ses soins. Tu en réchappas. Mais , à la fin
du même mois, les alliés entrent dans Paris.
Napoléon abdique le a avril à Fontainebleau.
Tu étais en pleine convalescence. Je me hâtai
de te faire partir avec ta mère et tes sœurs pour
Bemadets prés Pau. Il y avait alors à-peu-près
vingt ans que nul de nous n'avait revu le sol
natal. Nous y avions perdu tous les êtres qui
sur la terre nous étaient les plus chers.
Resté moi-mcme seul à Paris , pour voir s'éta-
blir le nouvel ordre des choses, je robscrvai
prenant son vol , et me convainquis fort vite
que mon temps était passé.
Juin. La seule satisfaction que je goûtai fut de te
voir nommé au mois de juin adjudani-major
du REGIMENT DU ROI DRAGONS. Uécapitulaut CU
peu de mots ta carrière, je n'avais pas lieu d*eii
être mécontent. Entré , à seize ans , à l'école de*
cavalerie de Saint-Germain , tu avais débuté sous-
lieutenant du 20.* de chasseurs , au commence-
LIVRB 5. ( 1807. 1823.) 475
ment de ]8i3, sur les frontières de la Prusse, 1814.
et de bataille en bataille, arrivé par Leipsick à ""**
Ilanau , y avais mérité la légion d'honneun Tu
avais, trois mois après, en Champagne, gagné
une balle, le typhus et le grade de lieutenant.
Maintenant, je me retirais; mais du moins je
te laissais encore dans une voie de distinction.
Pour moi , tout consolé et tranquille , je re-
gagne, à mon tour, vers la fin de juillet, ma
campagne, ma retraite, mon domicile et mes
loisirs.
Les cent jours vinrent m*y surprendre. Un i8i5.
décret impérial, publié le ao ou at mars 181 5,
me donne aussitôt le titre de baron et la préfec-
ture du Pas-de-Calais. Tétais au fond des Pyré-
nées. Un autre entre en possession de la pré-
fecture. Mais la chambre des BEPRiisBirrANS fut
convoquée et j*y fus nommé par moh dépar-
tement.
Les choses , à mon arrivée , étaient tellement
avancées , qu'il était facile aux moins clair-voyans
d'en prévoir Fissue. Je m'en expliquai à-peu-près
sans détour dans les comités. Je me promis de
ne point prononcer un mot à la tribune. Je
n'avais point de confiance aux événement. Je
les attendis.
Tu étais à Waterloo. Ton retour sur les rives
de la Seine mit un terme à mes inquiétudes.
Tu suivis tes drapeaux juscju'aux bords de la
J^ire, à Orléans, et de l'Allier, à Moulins.
47^ MKMOIRRS SUR Mk VIE, A MON FILS.
iSi5. Notre cliambre tint sa dernière séance , le 4
<""^ juillet
Deux jours plus tard , je traversais ,. non sans
infiniment de dcisagrémens , les colonnes prus-
siennes jusqu'à Chartres. J'eus encore le bonheur,
six jours après, d'embrasser, dans nos foyers,
ta mère et tes sœurs. Tu les y rejoignis, au bout
de six mois , à ton retour de l'armée:
Le plus grand mal que Napoléon ait fait aux
Français , c'est celui de son éphémère réappari-
tion. Il était naturel que les hommes qui réflé-
chissent lui crussent quelque probable assurance
d'appui au-dehors et particulièrement de la part
de l'Autriche.
r8i5, Me revoilà enfin retombé en moi-même. Je
\b\i* reportai sérieusement mes regards sm* mes af-
faires domestiques. Je pus alors goûter cette sa-
tisfaction , dont rien ne me distrayait plus. Il y
avait vingt-cinq années que j'en étais détourné.
J'avais besoin d'y substituer l'ordre au cahos.
Réduit à nos biens-fonds , je leur donnai des
soins très-attentifs et très-assidus. Je liquidais ma
fortune pour séparer et régler nettement leurs
lots à mes cnfEuis. Je contemplais, dans de froides
et fréquentes méditations, mon âge avançant et
ses suites inévitables et plus ou moins prochaines.
Je croyais que je ne sortirais jlus du cercle où
je me Toyais circonscrit Je ne r^rettais pas quel-
ques beaux momens dans le passé ; il m'arrivait
plutôt d'oser en espérer de doux encore dans
1817,
1818.
LivRï 5. ( 1807. — i8a3,) 477
Tavenir. La fantaisie me repassait souvent «n tête iSi5«
de prévenir Tennui d'une pleine oisiveté, en re- ]g|.*
prenant quelqu'une de mes vieilles entreprises ^8>'*
littéraires. J'avais seulement peur que mon es-
prit eut faibli. D'ailleurs, mes sens appesantis, la
roideur de mes membres et ma complette myopie
me rendaient désormais toute continuation de
mes jeunes recherches de cabinet trop pénibles.
L'histoire m'a de tous les temps beaucoup tenté ;
j'aurais voulu faire sortir, avec bonne foi, de
mes anciens matériaux , les siècles lustoriques de
la France y ou Vhisioire de Ijouis XI ^ ou le
ministère {lu cardinal de Richelieu.
Une réflexion pourtant m'affligeait quelque-
fois : j'avais de bonne heure abandonné mon
premier penchant, celui des lettres, pour cou-
rir une carrière publique , nationale, laborieuse,
agitée, consacrée enfin à mon pays; que m*6n
reste-t-il ? Mille comparaisons en ce genre m'é-
taient sensibles.
J'avais long-temps été attaché à la Marine;
M. Portai l'occupait. Mon ami Faget de Baure,
peu de jours avant sa mort , arrivée en décem-
bre 181 8, m'avait mandé tenir de ce ministre ,
parlant de moi : voilà les hommes que nous
devrions employer.
Tu m'informes, mon fils, en revenant de Pari^, 1819.
au mois d'avril i8ig, qu'on t'avait chargé de me ^^'
prévenir , qu'i/ était question de moi pour un
poste supérieur aux colonies. Je m'applaudis de
47^ MiMOIEXS SUE MA TIE 9 A MOV FILS.
1S19. compter parmi mes élèves M. Jiibelin , de qui
le mérite et la reconnaissance font mon éloge.
Il est chargé de savoir de moi si j'acxxpterais.
Je me consulte à Uemadets en conseil privé, et
je réponds qu*oiii.
M. Dam et M. Jubelin me pressent à la fois
d'arriver. Je pars. Je me pf^6sente le 17, et M.
Jubelin , que j*accoste le premier ^ m'apprend
que ma nomination de commahoaiIt et admi-
RISTAATBDB OS LA GuiAHB FbAHÇAISB POUR LE BOI,
datée du i4t m*a été adressée en Béam.
Je n*eus par conséquent d'autre démarche à
faire que de remercier.
La députation des Basses-Pyrénées me seconda
dans cette circonstance de son appui.
Je reçus généralement un bon accueil.
M. Portai , ministre de la marine et des co-
lonies , me traita avec confiance et amitié.
M. Mauduit, directeur des colonies, qui ma-
vait beaucoup connu quoique je ne le connusse
pas dutout , me donne affectueusement toutes
les marques d'une ancienne estime.
Je m'applaudis du parti que j'avais pris.
On ne m'entretenait au ministère que des
projets qu'on avait sur moi. La Guyane était
destinée à faire essais et exemples des réformes
qu'on méditait pour les colonies. Là , dans l'or-
dre administratif et surtout dans l'ordre judi-
ciaire, tout était à créer. M. le lieutenant-général
Carra-Saint-Cyr, qui était allé reprendre celle
uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 479
possession des. mains des portugais, ne donnait 18 m.
pas même de ses nouvelles. Il gouvernait et ex-
ploitait le pays à sa manière et en quelque sorte
dans une entière indépendance. La cour royale lui
avait déplu : il l'avait renversée et la justice n*y
était plus rendue. C'était le premier objet qui de-
vait attirer mon attention. On sentit qu'il impor-
tait de me donner d'abord un homme de loi, un
procureur général , avec qui je pusse marcher.
Il n'y en avait que l'ombre. Celui qui en faisait
les fonctions était un négociant^ et encore le
gouverneur s'en était-il à-peu-près débarrassé.
Un procureur général f rien n'était aussi essen-
tiel ; mais un procureur du roi en première ins-
tance l'était presque autant : sans ces deux che-
villes ouvrières, il était impossible qu'il y eut
des tribunaux. Nous ne trouvâmes à Paris ni
un magistrat ni un avocat qui voulut aller cher-
cher une fortune incertaine si loin. Mon neveu
Dufourcq de Salinis avait été quatre ou cinq
ans conseiller-auditeur à Pau et était alors subs-
titut du procureur du roi à Orthez. M. Ferrior
était substitut du procureur général à Pau. L'un
et l'autre étaient estimés. Je les proposai. Ils
furent acceptés au moment où j'allais m'embar-
qiier. En conséquence, je les appelai à Rochefort.
M. Ferrier demanda du temps. 11 en obtint. 11
finit, au bout de six mois, par déclarer qu'il
ne se rendrait pas. Mon neveu, Dufourcq de
Salinis, vint me joindre à Rochefort.
48o MiMOUCES SUR MA VIE, A MON FILS.
i9to. M. DeiDonteil, ingénieur maritime, chargé
d'examiner les bois de la Guyane poiur les cons-
truciions natales, et M. Poiteau, botaniste, suivi
de sa Ëunille, furent également du nombre des
passagers.
Je quittai Paris le 3 juin 1819, séjournai à
Rochefort du 6 au 10 , et, ce jour-là , m embar-
quai à bord de la flûte du Roi la Loire , com^
mandée par le lieutenant de vaisseau Robin.
remmenais avec moi,
MM. Frachon (Charles), secrétaire archiviste;
Amédée de Lesparda , lieutenant de chas-
seurs à cheval , pour mon aide-de-camp ;
et
Saint' jàmandf mon secrétaire particulier;
L*élat-raajor de bord était d'ailleurs composé^
outre le commandant,
d'un second;
de trois lieutenans de vaisseau;
de huit élèves;
de Bergeron, officier de santé;
d'un deuxième officier de santé ;
et
d'un agent comptable.
,g Une lente et paisible navigation nous condui-
sit, en quarante-sept jours, au mouillage de
Cayenne, où nous jetâmes Tancre.
A cAVENNi Le pilote du port ne parut que le lendemain.
PREMiEiis TEMPS ^^ brusqual l'entrée; car la stupeur régnait par-
DE MON tout sous les formes d'un gouvernement souiv
AUMINISTAATIOlf
I81O.
a3 juillet.
AIIIIIV^.E
LIVRE &. ( 1807 — i8a3.) 46 1
çouneux et environné de précautions. Le pilote >f >9-
ne pouvait bouger ie bâtiment de place, qu'il
ne fut retourné auparavant prendre des ordres.
Tavais envoyé Lesparda porter au gouverneur
ses dépédies. Il navait pénétré jusqu'à lui
qu'après avoir passé par le secrétaire de confiance
Pétrie liC gouverneur lui-même avait lâché à
Lesparda ces mots : si on m*inquieUe\ je me
cabrerai.
Un simple enseigne de vaisseau fut envoyé à
mon bord et m'escorta à mon débarquement,
sans la salve d'un seul coup de canon. Empres-
sement et foule sur le rivage dans un grand
silence.
Tel fut l'accueil de ma réception.
J'eus fort vite lieu de m'apercevoir que la
manie du général Carra Saint-Cyr avait été de
toat diriger par lui-même; qu'en conséquence «
il avait rassemblé autour de lui un petit nom-
bre de créatures dociles à transmettre fidèlement
ses ordres; que de ce nombre était Pétri, sou
âme damnée, jouissant de toute sa confiance,
sans titre d'ailleurs qui l'attachât ni militai-
rement ni administrativement à lui , et Cher-
bonnier, commis de marine, entré dans la mai-
son du gouverneur pour y seconder Pétri ; qu'au
surplus le général avait semé la division parmi
les troupes et s'y était formé un parti , à laide
duquel n avait anéanti et décrédité l'autorité
d'une partie des ofliciers et notamment des chefs
48a MiMOIEBS SUE MA. VIE , MON FlIiS.
18 10. et était parvenu à régner et prévaloir sur les
' ^' autres par l'intrigue : pour cela, il avait fallu
8*affectionner cinq ou six officiers des moins es-
timés, et abreuver le reste de dégoûts et de rebuts.
Les habitans, qui se respectaient et en général
les plus notables, avaient battu en retraite. Se
raccrochant à la tourbe mercenaire et décriée
de ce qu'on appelle dans les colonies gens de loi
et gens d'aj/aires , il s'était brouillé d éclat avec
trois membres de la cour d'appel, et l'avait forcée
à suspendre ses séances. Sa société ordinaire se
composait de quelques militaires et adminis-
trateurs.
Cependant, il me céda, le a8 juillet iSiG, le
palais du gouvernement et alla prendre ma place
chez M. Donnés, absent, où j'avais été installé
à mon débarquement. Il n annonça pas d'abord
son départ. Il renvoya à le fixer au moment où
le dépouillement de ses actes et de ses papiers
l'auraient mis à même de pouvoir rendre ses
comptes ; la flûte la Loire , sur laquelle j'étais
venu, restait à ses ordres.
rentrai en fonctions. Mon premier soin fut de
distribuer les affaires aux chefs inférieurs , à qui
elles revenaient , et de remonter insensiblement
tous les services.
Nous étions ainsi arrivés à la mi-octobre.
X 5 octobre. Pendant ce temps, ceux qu'avait long-temps
ralliés sous sa bannière le général Carra-Saint-
Cyr, se voyant comme affectés d'une même dis-
uvM 5. ( 1807. — i8a3.) 483
eràce, s'étaient naturellement réunis. De leur .'''9:
bord , partaient les censures , les épigrammes ;
on frondait dans les boutiques et au coin des
rues ; on fesait des repas et des orgies , où je
n'étais pas ménagé; on vint jusqu'à pratiquer
les gens de couleur, et à leur souffler la sédition.
On semait le bmit que le comte Carra-Saint-
Cyr, serait i*établi avant d*étrc parti , et on glis-
sait adroitement, à propos de moi, le mot Rem-
barquement.
J'observais.
Le général alongeait complaisamment son tra-
vail. La dernière semaine de septembre encore,
il m'avait demandé des copies.
Enfin pourtant, je reçus, le i5 octobre, l'avis
de lui , qu'il appareillerait le a5.
J'invitai sa femme et lui à diner avec moi
le 17. i7ocIoImpc.
Ce même jour , à 4 heures après-midi , le mai-
tre-tambour du bataillon de la Guyane entre
chez moi et me dit : Saint-Gennain (c'était un
des plus mauvais sujets de la ville) est venu à ta
caserne chercher à me gagner pour être ce soir^
avec tous mes tambours, diez lui, à ii heures
ou minuit y et jr battre la générale , pour vous
embarquer et faire rester M. le comte Carra-
Saint-Cyr.
Je donne mes ordres.
Je rentre. Je passe le reste de la soirée avec
le comte et la comtesse Carra-Saint-Cyr.
484 MiMOtRES SUR MA. VIE, A MON FILS.
1^19* A neuf heures, compte in*est rendu par Les-
parda, chef d'état-major, que Saint-Germain et
Raschet (autre misérable complice), ont été ar-
rêtés , et , le lendemain, sur leur interrogatoire,
le furent de même Malin, Passavy, Petit et
Millet Saint-Just
Une ordonnance coloniale, du ig octobre
1819, créa aussitôt nine commission militair'C ^
pour juger cette tentative d'embauchage.
Par jugement du 1.*' décembre suivant:
Gennain (Paul-Toussaint), condamné, à la
majorité de 5 voix contre x, à neuf mois
de détention;
Malin (Pierre-André-Clément), déclaré non
coupable à la majorité de 3 voix contre 4*
Raschet ( Antoine) , \
Millet-Saint-Just (Pierre), f Déclarés
Passavy (Jean-Baptiste), \ non
Petit ( Edme-François-Fréderic- 1 coupables.
Vincent ) , J
Le dimanche 18 octobre , que dînaient chez
moi M. et Madame de Carra-Saint-Cyr, et que
devait être battue la générale, Petry donnait en
même-temps un dmer., dont étaient Cherbon-
nier , Yanault, Malin ^ etc. , etc., à la fui duquel
on chanta entr'autres : ça ira , ça ira.
Octobre Dcux heuTCS après, les arrestations commen-
el novembre, çaient
LivBE 5- ( 1807. — i8a3. ) 485
Cependant , dès le mardi a6 octobre, je pié- itig.
Tenais M. Carra*Saint-Cyr, en réponse à sa lettre
du i5, que X^ifliUe avait completté ses approvi-
sionnemens et était prête à prendre la mer. Il
ne me fut pas répondu. Mais Tavis me parvint
le a novembre du bord de la Loire , à huit heu-
res du soir, que le général venait de s*y embar-
quer. Je me hâtai de fermer mes dernières dé-
pêches. £nfîn,Ib«4 novembre, les voiles se dé-
ployèrent et voguèrent vers la France.
Vainement d'incroyables efforts furent tentés
par le général pour m'engager à retenir Petry
et Cherbonnier dans mon administration à la
Guyanne : j'y résistai inébranlablement. Us par-
tirent et L'offîcier de santé Yanaùit les suivit.
Ainsi se- termina , au bout de quatre mois ,
cette prolongation de séjour de mon prédéces-
seur : elle me causa quelques embarras et ne
fut pas sans inconvéniens.
Les restes de cette faction furent encore quel-
que temps à s'efiacer et à se dissiper : néanmoins
après le départ du. général et de sa suite, elle
s'éteignit et bientôt les derniers vestiges en dis-
parurent..
Le plus difficile fut de rétablir l'union , la su-
bordination, la confiance, l'esprit de corps, dans
le militaire : j'en dus éloigner cinq ou six ; j'eus
le bonheur de les placer avantageusement , dans
leurs grades , à la Guadeloupe. A ce moyen , le
48G IIKJtfOIRES SUR M4 VIR , A. MON FILS.
1819. commandant lieutenant- colonel Cliariemont ot
les autres chefs reconquirent tranquillement leur
influence et leur autorité.
A la Louisianne , ma mission avait roulé sous
mon plein arbitre. Je l'avais dirigée et suivie k
moi seul. Ck>pier les récits de mon séjour, c'était
suflisamment la (aire connaître.
A la Martinique, toujours traversé, j'«ivais
passé ma vie de scène en scène, et j'avais du dé-
peindre mes combats et expliquer ou mes défaites
ou mes victoires.
Dans Tune et l'autre de ces contrées, j'avais
tenu des mémoires y et je les ai soit consultés 9
soit même dépouillés.
A la Guyane au contraire, je reconnus promp-
tement qu'ils seraient entièrement inutiles.
Je rendais compte en France do toutes les af-
faires , jour 'par jour et à mesure qu'elles arri-
vaient, sans empêchement et sans obstacle. Tap-
planissais ou je surmontais les difficultés. Mes
actes devenaient des lois. Ces lois sont tout sim-
plement la véritable histoire de mon gouverne-
ment.
J'énumérerai donc ce qui a été fait et on nie
jugera.
Prenons potur guide les ursTRUcnoiis qui nie
furent données par le roi , et comparons-leur ,
article par article , les résultats de ma conduite*
uvRB 5. ( 1807. — i8a3. ) 487
RÉSULTATS
DE TOUS LES ACTES DE MON GOUVERNEMENT.
i8ao.
Ait. l.** — POUVOIBft POLITIQUES.
Je n'ai exercé mes |)ouvoirs que dans les formes
|)rescrites.
]'ai notamment tenu des conseils de gouver- w/rona
hement et D'ADMiifisTRATioif daus toutes les cîr- '^*"*^''"'*
constances où ils m'étaient indiqués. J'y ai laissé
aux opinions la plus grande liberté. Des pi ocès-
verbaux en ont toujours été rédigés avec étendue
et exactitude. I^ registre complet et authentique
existe aux arcliives. Des copies en forme en ont
été envoyées au fur et à mesure et régulièrement
au ministre en France.
J'ai de plus rassemblé constamment, deiuc fois ig^^
l^ar semaine, les mercredis et les samedis, dans ^
dos conférences, les cheb des services, sayoif :
l'Ordonnateur ;
le Directeur du génie militaire ;
le Directeur de l'artillerie ;
le Directeur de l'intérieur et du domaine;
le Capitaine de port , directeur des cons-
tructions
et
le Contrôleur.
J'y appelais assez souvent le pi*ocuf eur-général
et le chef d'état-major , capitaine ndjudaut de
place.
488 MEMOIRES SUR M\ VIE, A MON FUS.
iBao, Le but de ces couférciiccs était de me tenir
i8j5. ^^^ <^^^^ ^u courant de la marche de tous les
services, d'y lever les difficultés d'exécution, dy
discuter les questions importantes et problémati-
ques de l'administration, d'imprimer et de main-
tenir partout le mouvement et l'unité.
J'avais reconnu la nécessité, et j'ai reconnu
par la suite les avantages d'une semblable ins-
titution.
Une ordonnance du Roi du aa novembre 18199
créa les coMiTis consultatifs coloniaux, et une
autre ordonnance royale, du 4 octobre 1820 1
EN NOMMA LES MEMBRES pOUT CCttC Colouic, SUr
mes présentations. Leurs premiers pas, dans
Tunique session qu'ils aient tenue, se ressentirent
de leur inexpérience. Ils montrèrent du penclian^
à outre-passer les bornes de leurs attributions
et de la censure ; mais je n'en étais pas effrayé,
j'espérais que le temps les formeraient et les mo-
déreraient. Malheureusement il intervint . dans
le courant de l'année suivante, une affaire (pro-
cès du Négrier la Pfiilis ) , qui suscita des op|K)-
sitions combinées et beaucoup d'aigreur contre
moi. Je fus forcé à quelques actes de rigueur,
dont le plus signalé frappa M. Kerckowe , mem-
bre du comité consultatif. 11 en fut excessive-
ment révolté. Ses confrères et amis du comité
consultatif partagèrent son humeur. Il en résulta
qu'à la session suivante, M4 Kerckowe refusa de
siéger, et les suppléans se trouvant eu France,
LivEE 5. ( 1807. — i8a3.) 489
il n*y eut pas d'assemblée. Cet état de choses s^i
durait encore en ]8a3. iSaS.
Je concourus dans le temps par mon influence
à faire élire M. Favard, secrétaire du comité
consultatif, à 5,ooo francs de traitement; j'eus
doublement tort, d'abord , parce que les appoin-
temens furent trop élevés^ tant pour le travail»
que pour les ressources du pays , ensuite parce
que ce jeune et riche habitant était un trop
grand personnage pour la place.
En deux mots, l'institution du comité cou-
sultatif est très-bonne en soi ; mais j'en ai man-
qué la composition à Caycnne.
Ses papiers sont déposés aux archives du gou-
vernement.
Un secrétaire - archiviste inamovible y a été
établi à l'époque, où j'ai été nommé gouver-
neur.
Ce dépôt se divise en dépôt des archipes
et en dépôt géographique. Il y règne, sous
l[un et l'autre rapport, beaucoup d'ordre:
les papiers, les livres, les instrumens de ma-
rine ou de physique d'une part ; et d'une
autre les cartes géographiques sont classés ,
inventoriés et enregistrés. I>es cartes , qui
étaient dans un état déplorable, ont été toutes
collées sur toile, à une colle empoisonnée qui
les préservera des insectes. J'y ai ajouté plu-
sieurs cartes nouvelles toutes généralement nu-
mérotées et enregistrées sur des catalogues
lEUCIOIf<
490 MlblOIRES dUR MA VIE, A. MON FILS.
'^^<>f méthodiques. C'est un dépôt précieux, dont le
j8a3. gouvernement est redevable à Fexcellent géo-
graphe Simon Mentelle, digne frère du membre
de rinstitut Edme Mentelle qui est mort à Paris
en 18 15. Simon vécut de son coté durant 60
ans à la Guyanne, à laquelle il voua ses
veilles.
Aat. 9. — RELIOIOH.
Les missionnaires, et nommément Fabbé
Guillier, préfet apostolique, étaient fort mal
avec mon prédécesseur. Je fus chargé d'amé-
liorer leur sort : je le fis autant que me parurent
le permettre les vues d'une sage administration.
Us furent, non d'abord, mais par réflexion,
très-mécontens , levèrent insensiblement le ton
et finirent par envoyer un des leurs me dénoncer
k Paris. Déjà, sur mes propres rapports, le
ministre avait fait droit à leurs nouvelles récla-
mations. Je les ai ultérieurement parfaitement
traités pour leurs logemens. J'ai fixé à 5oo francs
par tête celui des simples missionnaires, et à
laoo francs celui du Préfet Apostolique. Ayant
ensuite trouvé à acheter, pour le Préfet, une
maison convenable, comme Presbytère y je l'ai
payée 10,000 francs, dont la caisse des affran-
chissemens fit l'avance, sauf à les y restituer,
à raison de f,aoo francs par an, avec le fonds
de l'indemnité que le Préfet ne toucherait plus,
mais dont le Roi continuerait d'être chargé jus-
qu'au plein acquittement du prix du Presbytère.
LIVRE 5. (1807. — i8i3.) 49I
Ces prêtres néanmoins ne sont pas contens. ••^•»
Ils sont avides et intéressés. Ils n'ont point du a8i3.
tout l'esprit évangélique. Us font d'une profes-
sion sainte un pur métier d'argent.
Un collège fut fondé autrefois dans cette ville
par des legs particuliers, que la révolution a
dévorés. Une maison en restait transformée tan-
tôt en caserne, tantôt en magasin, sous le nom
perpétué de collège. Je la fis évacuer et la ré-
parai avec le dessein de la rendre à des insti-
tuteurs qui m'avaient été annoncés de France.
Je permis cependant qu'un ancien père capucin
(le père Casieliari)^ missionnaire révéré pour
sa cliarité et sa bonté, y prit à son arrivée une
chambre. Ce fut un prétexte à deux de ses con-
frères de prétendre à la même douceur. Je ne
m'y opposai pas à la condition bien expresse de
déloger au premier avertissement Je l'ai donné,
cet avertissement , au débarquement des soburs
DB SÀiHT-JOSBPH, DK cujvi, que je voulais y re-
cueillir provisoirement avec leurs écoles. Les
missionnaires, par l'organe de leur préfet apos-
tolique , refusèrent net d'obéir, alléguant qu'il ne
leur suffisait pas de 5oo francs par tête pour se
loger ailleurs.
Je louai alors précipitamment la maison Noyer
pour les institutrices, et je rendis compte au
ministre.
Cependant, sur l'avis que trois frères îles éco-
les chréiiennes m'étaient envoyés , je prévins de
49^ iiiiroiRES SUR nk ti£, a uon fils.
'^^®' rechef très-sérieusement les missionnaires qu'il
i8a3. était indispensable qu'ils déguerpissent le collège.
Le préfet apostolique me le promit par une lettre
positiTe. J'ai laissé à mon successeur d'en voir
Taccomplissement
Ces prêtres, après leur refus formel , réflé-
chissant qu'ils s'en excuseraient difficilement,
m'avaient proposé d'ouvrir eux^némes des écoles:
je les avais pris au mot Ce vaudrait toujours
mieux que la privation totale d'instruction , dans
laquelle vivaient les enfans mâles. I/abbé Guillier
mit à Ix tête l'abbé Viollot et sous lui son pro-
pre neveu Locquein : c'est justement à quoi vi-
sait l'oncle. Les sujets n'étaient pas merveilleux,
c'était une spéculation d'argent. J'ai aperçu à
mon départ de la colonie, une quarantaine
d'élèves.
Le pensionnat des Sœurs de Saint-Joseph rem-
plissait parfaitement son but Elles n'étaient
pourtant pas assez nombreuses. On n'y recevait
pas d'ailleurs à élever les enfans illégitimes, qui,
dans ce pays , pullulent et dont plusieurs sont
riches.
Je méditais de déterminer les Sœurs Hospi*
tôlières à r'ouvrir, pour tous les enfans, sans
distinction d'état ni de couleur, l'école gratuite
qu'elles avaient formée à l'arrivée des Sœurs de
Saint^Joseph et qu'elles tenaient fort bien : j'en
avais parlé à la supérieure. Elle n'y avait pas de
répugnance.
LIVRE 5. ( 1807. — i8a3.) 493
Mon prédécesseur avait fait un règlement de i^^o»
fabrique paroissiale , dont Fabbé Guillier se plai- ,9,3.
gnait. Ce règlement me paraissait pourtant à vue
d'oeil avoir traité généreusement le clergé. Quoi-
qu'il en soit, c'était une matière délicate : j'évitai
de m'en mêler, malgré les sollicitations qui m'en
furent faites.
IjCS Eglises paroissiales des quartiers, renver-
sées par la révolution, ne s'étaient pas encore
relevées. Macouria et Roura me montrèrent des
<lispositions à rebâtir les leurs et je les y ezdtai.
Macouria fit une chapelle provisoire et appela
un missionnaire. Les habitans ne furent plus
d'accord quand il fallut pourvoir à ses deman-
des. Lui-même trouva que le métier n'était ni
lucratif ni agréable, il r^^agna sans bruit sa
résidence de la ville.
Le rétablissement du culte ne me parait £Mule
dans ce pays, ni par les prêtres, ni par les
fidèles. Roura a ces»é aussi ses démarches.
A AT. 8.— LÉGISLAJLATION.
La li^islation de cette colonie n'était en quel-
que sorte connue que des adeptes. Elle n'était
point imprimée ; il n'en existait pas de collec-
tion ; les gens de loi , ou plutôt ( car ils ne mé-
ritaient i)as d'autre nom ) , \es praticiens et faisant
métier de diicane^ la recelaient mystérieusement,
comme leur patrimoine exclusif. Quand, an
commencement , j'avais besoin de connaître les
lois en viguenr , sur quelque point que ce fut ,
liolSUTlOlf.
494 MiMOIRES SDR MA YIE, A MOlf FILS.
1^2®» je parvenais avec beaucoup de peine à en obtc-
i8a3. nir même rindication ; et je ne parvenais à me
les procurer qu*avec de plus grandes peines en-
core. Je conçus alors le projet de les répandre
par la presse. C'est ce qui , successivement , m'a
entraîné à refondre presque toute la législation.
Les actes qui en sont résultés ont vu, au fur et à
mesure, le jour dans la feoillb db la GUTAnnB
FRANÇAISE. Elle offre aujourd'hui le code pres-
que complet de cette colonie.
Les ministres n'avaient cessé, depuis 1762,
de demander qu'on recherchât de toutes parts
et qu'on rassemblât des matériaux pour un code
DE LA gutanne FRANÇAISE, scmblablc à ceux
de Saint-Domingue, de la Martinique, de l'ilc
Bourbon. Après avoir essayé plusieurs moyens
pour y parvenir , je m'arrêtai à celui de former ,
sous le directeur de l'imprimerie, un bureau
chargé de cet ouvrage , et je le subordonnai di-
rectement à M. le procureur général. Ainsi , enfin
a été tiré de la poussière des divers dépots et
d'entre des tas de papiers pourris et rongés par
les vers , tout ce qui s'est conservé de lois , d'é-
dits , d'ordonnances, deréglemeqs, d'arrêts, d'ins-
tructions, d'émanations quelconques de l'autorité
jusqu'à nos jours. La collection en est dans les
mains du directeur de l'imprimerie royale , qui
la publié en deux parties : l'une , antérieure à
la reprise de l'administration française , le 7 no-
vembre 1817; l'autre postérieure : celle-ci pa-
rait la première . comme contenant les actes
uvRE 5. (1807. — i8a3.) 495
présentement en force et par conséquent dont il 1^0,
importe le plus que la connaissance soit à la g8a3«
]K>rtée de tout le monde.
Je pense que mon successeur jugera cette en
treprise digne de son attention : elle n'arrivera
à heureuse fin qu'autant quil la suivra de près.
Mais S. M. m'avait imposé une autre Iichi3,
celle d'introduire dans cette colonie, avec les
modifications convenables, les nouveaux codes
français, et nommément le code de la rROCEDURB
CIVILE , le CODE DU COMMERCE , le CODE d'iNSTRUC-
TION CRlBIlflELLE.
Je l'ai fait.
Du dernier de ces codes , je n'ai appliqué au
pays que les Disposmoirs de matière correc-
T10NNELI.E.
Je m'étais préparé à aller plus loin , en sépa-
rant totalement la jostice criminelle des escla-
ves de la justice criminelle des hommes ueres
par l'établissement pour ceux-là d'une cour
PRÉvoTALE. Mais, dans la réflexion, j'ai jug«
d'une part que la population blanche n'était ici
ni assez forte par le nombre, ni assez généra-
lement avancée par l'instruction , pour pouvoir
y introduire les formes du jury ; et ci autre part
c|ue le préjugé des blancs contre les hommes
de couleur y était trop violent et trop invétéré
pour se prêter à aucun rapprochement entre eux
dans le cours d'une procédure à laquelle il serait
impossible d'empêcher qu'ils ne dussent fréquem-
ment concourir ensemble. Aussi est-ce la seule
49^ HliMOlRES SUR MA VIE, A BIOU FILS.
i8ic, des grandes tentatives, qui me furent recom-
1833. mandées, devant laquelle j'aie reculé.
Tai d^ailleurs donné à la Guyanne le code drs
DOUAifEs, LA LOI DU hotariat | etc. , etc. y y
ai organisé et mis en activité le régime hypo-
thécaire; mais j'ai eu tort d'y établir un conser-
vateur SPECIAL : les hypothèques sont si peu
consi Jérables qu'elles ne produisent pas de quoi
le salarier même médiocrement, et j'étais résolu
à supprimer cette place et à en réunir purement
et 6impletnent les fonctions à la direction de
l'intérieur et du domaine, de laquelle cette partie
ressortit naturellement.
J'ai apporté un cliangement essentiel au mode
de la CURATELLE AUX VACANCES. Il m'a fallu y
procéder à tâtons. Néanmoins , j'ai réussi au
principal. L'objet est semé de difficultés. J'ai ,
Tannée dernière, opéré encore quelques modi-
fications. L'avoué de Moncy serait excellent s'il
n'était trop vieux, trop facile, usé. J'ai vaine-
ment cherché par quel ressort permanent je
pourrais le stimuler. J'étais à-peu-près déterminé
k le remplacer; mais par qui? C'était mon em-
barras. Dans tous les cas, il importe d'avoir l'œil
sur cet agent et de l'obliger , à la fin de chaque
exercice , à Caire ses remises de fonds au minis-
tère en France , pour compte des parties inté-
ressées. Il ne saurait fournir de meilleure preuvo
de son travail.
La curatelle avait ainsi à remettre 34,aoo fr.
en janvier dernier; mais j'ai du lui enjoindre de
uvRB 5. ( 1807 — i8a3. ) 497
.suspendre y parce que le trésorier colonial n*a- iSio»
Tait pas de traites du trésor royal. ^^^3
Qu*en outre les comptes annuels de laai-
râtelle soient rendus exactement à la Cour Royale
à la fin de chaque exercice.
Tai chargé une commission composée du Pro-
cureur général , du Prociureur du Roi et du Di-
recteur du domaine , qui s*asseroblerait une fois
par semaine, de le surveiller et de diriger les ac-
tions à intenter. Je n*ai pas encore réglé comment
et devant qui le trésorier colonial compterait de
ces deniers. C'est que je méditais de proroquer
du ministre une ordonnance royale qui statuât
que ce trésorier serait justiciable de la cour des
comptes généralement tant pour les caisses locales
que pour la caisse du Roi. Ce serait, me semble,
le seul moyen d'y établir un ordre immuable.
J'ai refondu la législation des affranchisse-
MENS, qui étaient tégis, depuis 3o ans, à-peu-
près sans principes, sans ordre, abusivement et
capricieusement. J'ai forcé une foule d^affran-
cliissemens non reconnus à se faire reconnaître:
je leur en ai applani les voies.
J'ai affranchi, savoir:
Par lettres lag.
Par Finscription sur les contrôles de
la compagnie des chasseurs de cou-
leurs. 17.
Total i46.
498 MEMOIRES SDR MA Vl£, A «ON FILS.
iSso, J*ai aussi retrempé la discipline et la police
iSaS. ^^ esclaves ^ soit en rappelant les anciens régle-
mens, soit en accordant à la fois des facilités
et des tempéramens pour la punition régulière
et juste de cette claue de délinquans , selon la
gravité des fautes et non selon la fantaisie et
la colère des maîtres : f ai institué en un mot
un TBIBUiriL MUNICIPAL POUR LA POUCB CORREC-
TIONNELLE DES ESCLAVES. Je n*ai eu qu'à m'en
applaudir.
La COUR PR^ÔTALB u aussi parfaitement ré-
pondu & mes espérances , et il n'y a pas de sage
colon qui ne reconnaisse le bien qu'elle a fait.
Mon ordonnance sur les monnaies n'a été
qu'une mesure de pure législation et nullement
de finance. Elle m'était commandée par mes ins-
tructions.
La Guyanne, à l'exemple des autres colonies»
avait son système sauvage et absurde des mon-
naies. Leurs cours et leurs dénominations loca-
les y tenaient à d'anciens usages, nés originaire-
ment des embarras de la pauvreté et d'autres
circonstances éphémères, sans égard aux valeurs
intrinsèques ni à aucun calcul réel du change,
^introduisis le décret du ao floréal an i3 (10
mai i8o5), et le tarif annexé à l'arrêté du 17
prairial on 10 ( 6 juin i8o3 ) , là finissait mon
mandat
Mais on se plaignait généralement qu'il y eut
à la fois dans la circulation des sous marqués de
uvRB 5. ( 1807. — i8a3. ) 499
billon^ de deux sous admis pour 7 Y^ centiinesy et i>^<> t
depareûs sous marqués démission réœnte de 10 a8i5.
centimes. J*écoutai trop ces plaintes. Les pièces
de deux sous , me représentait-on, ne s*élevaient
pas à une somme de aoo mille francs répandus
dans tout le pays. Je prescrivis que ces sous
marqués de Cayenne seraient reçus pour 10 cen-
times. Comme il n*y a guères en circulation que
de la monnaie de billon , surtout pour le petit
débit et en mains du peuple, il en résulta que^
dans les marchés journaliers, les vendeurs haus-
saient leurs prix , de manière à toucher la même
quantité de sous marqués qu'auparavant. Ainsi ,
la marchandise , qui était livrée pour 80 sous
marqués^ fesant 6 fiancs, ne le (ut que pour ce
même rouleau de 80 sous marqués^ quoiqu'ils
représentassent 8 francs, suivant le nouveau ta-
rif. Le surhaussement fut donc d'il/! tiers en sus.
Il devint le même, quelle que fut la monnaie
avec laquelle on payât, et il frappa d'abord les
denrées de première nécessité.
De là naquit une clameur de réprobation.
Je secouai en conséquence toute mauvaise
honte , et je révoquai ma fausse mesure par une
nouvelle ordonnance du 29 juillet i8ao.
J'en fais aujourd'hui franchement l'aveu. Je
déclare en même-temps que cet accessoire de
l'opération principale était en soi de faible im-
portance pour le pays, et qu'on le grossit par
esprit de parti.
5oO MÉMOIRES SUR MA. TIE , A MOlf FILS.
iSao, Un heureux hasard voulut queceux qui avaient
i8a3. profité de la hausse, furent aussi ceux qui souf-
frirent de la baisse.
Mon unique tort avait été d'avoir voulu mêler
de Fautorité dans une monnaie qui était en tout
de pure convention.
Pour se faire une juste idée de la révolution
que j'ai opérée dans la législation du pays , en
me conformant néanmoins aux instructions qui
m'avaient été données , je renvoie à hi feuille de
la Guyane Française. Elle est le fidèle dépôt de
mes actes.
Les événemens et les convulsions survenues
depuis 3o ans, avaient effacé les traditions, dé-
truit les monumens, brouillé les principes»
plongé les lois et les anciennes coutumes loca
les dans le cahos ou l'oubli. J'ai eu principale
ment en vue de les remettre en lumière et en
honneur, de les perfectionner et compléter à beau
coup d'égards.
Je n'ai pourtant pas osé rendre une ordon-
nance concernant les concessions ^ bien qu'elle
soit indispensable; j'en ai seulement soumis le
projet au ministre.
Si j'insiste autant sur l'article que je traite ,
c'est pour m'excuser de n'avoir pas été plus
sobre en cette partie de mes attributions ; car je
me reprochais de réellement donner trop de prise
par cet endroit aux ennemis , aux malveillans et
aux mécontens. Il appartient , suitout en ceci ,
LIVRE 5* ( Î807. — i8a3. ) 5oi
au temps et à Texpérience de me justifier ou de ■^'^o ,
me condamner. iS^S.
Abt. a.^JTUSTICE.
Une Goun hotalf suspendue, et Tancien séné- jgsricB.
chai transformé de nom en tribuic al de première
INSTANCE , tel était, à la Guyane, lorsque j*y
abordai, l*orore judiciaire. En un mot, et il
faut prendre ce mot dans son sens absolu, il
n*y avait aucune justice. Je la rétablis ; je la fis
marcher.
D'elle sont constamment venues mes plus pé-
nibles sollicitudes.
Je réouvris les sessions de la Cour royale, et
j*y remplis les places vacantes.
Le Roi y avait introduit le perfectionnement
important d*y nommer un procureur général
que j'avais emmené de la Métropole.
Le tribunal de PREmiRE instance, comme
sous l'ancien régime, était composé d'un seul
juge. Je lui en donnai trois et un procureur du
Roi. Celui sur lequel je comptais ne vint pas* Le
ministre dut le remplacer. Il rencontra malheu-
reusement fort mal.
D'autre part, à un juge de paix, incapable
et qui était un instrument passif dans les mains
d'un greffier dangereux, je substituai un juge
de paix capable et qui avait une bonne répu-
tation. Mais son âge et sa faiblesse me le firent
remplacer au mois de juillet 1822 : je fus bien
inspiré cette fois. Cette magistrature est la plus
Soa miSmoires sur ma vie, a mon fils.
i8ao» utile de la colonie. Elle y étouffe les procès à
i8a5. ^^^^ source.
Après que j'eus promulgué le code de com-
merce , je constituai un tribunal de commerce.
Il ne coûte rien et il a la confiance des né-
gocians et de la marine marcliande : celui-là
ne me valut que de l'approbation. La rareté
momentanée de sujets le rendit difficile à corn-
pletter.
Cette même rareté se fait sentir bien essen-
tiellement pour le TRIBUNAL CIVIL. Tel qu'il est ,
ses services ont fait un bien journalier incon-
testable : il a travaillé avec assiduité et zèle.
Heureux si ses faibles lumières n'étaient jamais
obscurcies par des passions de localité. Il est
liors de mes attributions de juger les jugemens,
mais du moins ( ce qui ne s'était pas vu avant
moi ) ils ont reçu sans obstacle et avec mon
plein concours leur exécution.
Quant aux réformes qu'appelait dans ce pays
l'ordre judiciaire et dans ses institutions et dans
son personnel, j'ai acquitté en conscience ma
dette auprès du ministre^ toutes les fois qu'il
m'en a i^quis, et je n'aurais aujourd'hui même
ni à changer ni à ajouter à ce que je lui ai
écrit , quand j'étais en présence et sur les lieux.
Abt. «• — 8UEETË PUBLIQUE.
suiiETi Autrefois les Procureurs du Boi étaient les
PUBLIQUE. principaux agens chargés dans les Colonies de
toutes les polices tant judiciaire qu'administra-
LIVRE 5. ( 1807. — i8a3.) 5o3
lire. Celui de la Martinique les a conservées; i^^o,
celui (le Cayenne les exerçait, quand j*y arrivai. igaS.
Ils n'ont en France que la police judiciaire.
Le Procureur du Roi, que je trouvai ici, était
indigne de sa place. Je lui ôtai sur-le-champ toute
police , et bientôt après je le destituai. Je créai
un Commissaire commandant de la ville. Ija
police municipale lui revenait de droit. Il en fut
investi. Comme c'était un habitant exposé à s'ab-
senter fréquemment pour aller à son habitation
(ce qui probablement sera toujours ainsi ) , je
lui adjoignis un commissaire spiaAL de pouce
SALARIE. Une décision ministérielle réunit à cet
emploi celui d'oFFicisR de l'^at civil. Cet or-
dre de choses subsiste. I^e titulaire vient de
mourir. Le choix de son successeur est un des
plus délicats que puisse avoir à faire un gou-
verneur pour son propre repos.
Le Procureur du Roi , qui nous a été donné
de France aurait bien voulu que je lui aban-
nasse aveuglément les renés de la police judi-
ciaire ; mais lorsqu'il m'eut été connu, j'eus au
contraire hâte de les lui retenir. Il est d'un ca-
ractère à mettre partout le trouble. J'ai du finir
par ne lui permettre même des poursuites cor-
rectionnelles , qu'autant qu'il y aura été préa-
lablement autorisé par le Procureur-général.
Quant au juge de paix , il est impossible qu'il
exerce dans le pays les attributions qui lui sont
dévolues par les lois françaises en fait de police.
5<4 MEMOIRES SUR MA YIE , ▲ MOH FILS.
1030, m^ g^jji incompatibles avec le mélange de sang
i8a3. et avec les mœurs de la population coloniale.
Les contraventions, les querelles, les injures
y ont lieu le plus communément soit de la part
des esclaves, soit de la part des noirs et gens
de couleur , ou entre des individus de ces classes
et les individus de la classe blanche.
Le coM M issAiR£-coM MANDAiiT OU Ic commissaire
de police municipale sont plus propres à répri-
mer et terminer par voie de police municipale
et à Tamiable ces sortes de dissentions.
lis m'ont constamment, ])endant trois ans et
demi , informé et servi au mieux. Je défie qu'on
cite une autre époque où la tranquilité publique
ait été moins en danger. Tout tort constaté a
été vérifié et vengé. Les fix>ndeurs sont allés
leur train ; mais j'y ai peu prêté d'attention.
Je cite avec amour-propre l'état où je laissai
les PAisons et le petit nombre qui y existait de
prisonniers. Il a rarement sous moi été plus
affligeant. J'y ai corrigé et prévenu les abus
par des réglemens précis. Elles recevaient les vi-
sites fréquentes du Procureur-général , du Com-
missaire commandant de la ville, du Commissaire
de police, et, pour les militaires , du Capitaine-
adjudant de place.
Je déplore l'état de leurs bàtimens, l'incom-
modité et la petitesse du local, la confusion
forcée où y sont les conditions, les sexes, quelle
que soit la cause grave ou légère de l'emprisou-
iiftnipnf
LITRE 5. (1807.— i8i3.) 6'o5
J'avais eu le désir de transporter la geôle au i8ao »
coté oriental du palais de justice, sur l'esplanade; ,3,5^
mais l'argent m'a manqué.
J'ai cependant fait pratiquer , au corps-de-
garde du Fort y deux petites chambres de police y
où l'on pût enfermer instantanément des blancs.
I.>es bandes de nègres marrons sont aussi des
ennemis de la sûreté publique. Je n'ai cessé de
les avoir présens. Avis ne m'est jamais parvenu
de quelqu'un de leurs mouvemens qui inquiétât
un quartier , sans qu'aussitôt j'y aie expédié aux
commissaires-commandans des ordres et les se*
cours de cliasseurs qu'ils m'ont demandés.
Ces bandes menacent principalement sur trois
points. Vers le haut de la rivière de La-Comté,
où j'ai fait enlever la bande de Pompée, en
août 182a ; vers les sources de Kouron , où une
expédition de 75 hommes, que j'y avais détachés,
a manœuvré pendant tout le mois de décembre,
sans y tomber sur aucun de leurs repaires : enfin,
l'espace qui s'étend de YOrapu à XJpprouague,
par les derrières de la Gabrielle , de Kaw et
iSjépprouague : cette dernière est la plus con-
sidérable. J'avais le projet de l'attaquer dans l'été
de 1823, par deux expéditions combinées, diri-
gées l'une par l'Oyapoc et l'Orapu , et l'autre
l'Approuague, et qui feraient leur jonction au-
dessous des sources de Kaw.
L'exemple des nègres-mwrrons de Surinam , de
cette puissance aujourd'hui redoutable, qui a
à
i8a3.
FERSONNU.
MILITA 1KB.
5o6 MÉMOIRES SUR Ma VIE, A MOV FILS.
traité de pair-à-pair avec les gouvememens An-
glais et Hollandais et qui confine avec nous à
Touest, doit nous servir de leçon et nous dé-
fendre de fermer les yeux sur cette plaie.
Abt. 6. — PERSONNEL MILITAIRE.
Le complet des troupes réglées sur le pied actuel
. iOfliciers '^ItiIA^
( Sous-olficiers et soldats . 4# o (
L'effectif eu était au i.*' mars , comme il suit :
CORPS.
PI
•n
2
i
•
ElÉSE
ï\
n
iG8
34
i3
63
NS.
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DÉTAQIÉS.
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II
8-
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Bataillon de la Gujanc.
Artillerie •••.
lO
1
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i3
66
«tant les
ffnarlirrs
et k la ttiariae.
II
4'
53
.89
36
i3
107
1
Brigade du train
Chasseurs de la Guyane
Totaux
Milices de Cajenne. • • •
278
393
345
1
10
a55
a,5
1
L'iiispection générale d*flirmea, que j'ai passée
en mars i8aa et dont les Ui^rets sont déposés
aux archives, me dispense d'entrer sur les trou-
pes , dans plus de détails.
II n'est pas d'expédient imaginable auquel je
uvRB 5. ( 1807. — i8a3.) 507
n*aie eu recours pour porter au complet la oont- 1810,
pagnie de cfuuseurs de couleur : il faudrait au ^3,3^
moins quarante recrues, une trentaine pour at-
teindre le complet , et le surplus pour remplacer
les invalides à congédier.
De cinq commandans , par les mains desquels
cette compagnie difficile à conduire, a passé sous
mon administration, le commandant actuel est
le seul qui y ait établi la discipline et Tordre
dans toutes les parties.
Ce commandant , M. Brache , est d'ailleurs
d'un commerce difficile et a les formes dures :
ses bonnes et ses mauvaises qualités , l'avantage
envié qu'il a eu d'être chargé de deux expédi-
tions dans les grands bois, se joignant au mérite
d'avoir fondé et soutenu, malgré mille contrariétés
l'imprimerie royale , en ont fait souvent , et au
militaire et au civil, un objet de jalousies et de
tracasseries, qui lui ont valu de plus en plus
mon juste appui : ce sont de ces sujets que des
chefs se félicitent de rencontrer et à qui ils
pardonnent volontiers leurs défauts.
La moitié de l'effectif de cette compagnie a été
constamment détachée à la Mana depuis octobre
iSao, au grand détriment du corps lui-même et
de la garnison de Cayenne. 11 n'y en restait plus
que 3o qui y résidassent en 1 8a3. Cette troupe
sera toujours la plus précieuse de toutes pour la
guerre des bois.
U a été impossible, au reste, de maiiiteuir la
5o8 MiMOIRBS SUR MA VIE, A MOlf FILS.
i83o, police militaire avec la sévérité désirable, faute
j8a3. sur-tout d'un quartier suflisamment vaste et clos.
La construction en a été commencée cette
année. Le tiers environ des murs est fait.
J'ai représenté itérativement au ministre que
tant que le bataillon ne sera point porté à quatre
compagnies, Finstruction s'y perdra et la Guyane
n'en retirera pas cet avantage, que les colonies
sont accoutumées à trouver dans les troupes eu-
ropéennes, qui est de leur fournir des gens de
métier et des r^isseurs dont la population in*
digène est avare.
Le DETACHEMENT DES OUVRIERS à la SUitC dtt
bataillon est de ma création autorisée par le Mi-
nistre. Il s'est perfectionné. Mais j'espérais que
les recrues qui étaient attendues de France don-
neraient le moyen d'y introduire un meilleur
choix d'ouvriers*
Le TRAIN d'équipages organisé depuis peu ne
pourrait se soutenir , si on le tenait à la paye
ordinaire de ces corps en France. On l'emploie
ici à tout. Il est dans une activité continuelle,
qui fatigue et extenue l'homme et use ses effets.
Sans ce train, les travaux du génie militaire
n'iraient pas et les transports des divers servi-
ces faits à bras coûteraient énormément. Obligé ,
lors de la rédaction du projet de Budget pour
i8a4, de prendre un parti à cet égard, j'ai
réduit la solde fixe au taux ordinaire; j'ai porté
au chapitre des travaux une solde supplémen-'
taire de journées de travail.
UYKE 5. (1807. — i8i3.) 5o9
J'avais incorporé, dans ce train , des Malais 1810,
arrivés de llnde par le Rhône , et des Indiens ,3,5
provenant du Para; mais il n'y a pas moyen de
les recruter par d'autres gens de même origine :
il n'en existe pas en général dans ce pays. Cest
un inconvénient très -grave. Je me proposais
en conséquence de choisir quelques Français
d'entre ceux qui me seraient envoyés pour re-
crues.
Quant aux milices , moins cette colonie est
riche et populeuse , plus il est difficile de les
y mettre sur un pied respectable. Je les ai re-
constituées suivant les anciennes ordonnances,
qui j'ai adaptées aux localités. J'avais d'abord placé
à leur tête un capitaine d'artillerie retiré. U m'a
prouvé que ce qu'on appelé les officiers sans
troupe ne sont nullement propres à en corn*
mander. Les milices étaient sous lui une masse
gauche et inerte. Ayant lui-même trompé ma
confiance à une époque orageuse , je le rempla-
çai par M. Lembert, ancien adjudantmajor, plein
de zèle. Il les remonte. Elles s'assemblent le pre-
mier dimanche de chaque mois. Avec de la per-
sévérance, elles acquerront une tenue tolérable,
deviendront utiles et prendront l'esprit qui con-
vient. Elles ont déjà gagné sensiblement. J'en
ai écarté les officiers qui montraient une mau-
vaise volonté incorrigible. Ceux qui sont aujour-
d'hui en pied , paraissent dévoués.
Les miliciens de couleur n'ont point dutout ici
5fO MlbfOIRES SUR MA. VIE, À MON FILS.
1810, les qualités militaires. J'ai eu lieu cl*étrc extre-
1835. mement mécontent des vingt qui ont été de l«i
dernière expédition contre les nègres-marrons :
aussi , ces miliciens , me promettais-je de les tra-
vailler.
Abt. 7. — ADMINISTRATION.
ADMiNimATioii M. Boisson , qui était le chef de l'administra-
tion 9 avait été nommé contrôleur à la Guade-
loupe, et M. deMuyssart, commissaire de marine,
était arrivé, le a5 février i8a3, de la Martini-
que , à Cayenne , pour y prendre les fon crions
d'ordonnateur : il portait une bonne réputation;
M. Boisson en emportait une excellente fondée
sur de longs services.
Le Ministre me prévint qu'il avait supprimé
les commis auxiliaires ^ à compter du i.^' jan-
vier iSaS, et qu'il ne tarderait pas à faire suivre
cet avis par un règlement qui , en simplifiant le
travail, rendrait l'économie d'argent praticable.
I.ies instructions à cet égard devaient avoir été
données à mon suc(!esseur. En l'attendant, je
laissai, au i *' janvier iSaS, les choses dans
l'état
J'espère qu'on aura envoyé de la métropole un
GARDE MAGASIN. J'cii ai installé de provisoires.
Mais le magasin est ici une machine lourde et
compliquée, parce qu'on doit faire acheter en
France tous les approvisionnemens, sous peine
de les p«iyer au quadniple de leur valeur et
uvBB 6. ( 1807. — i8a3. ) 5i I
d^avoir à lutter continuellement contre la mau- ^^^^*
yaise foi des marchands du lieu. J^avais défendu 1823.
qu'on achetât rien d'eux.
Une autre cause tend à surcharger ce magasin,
c'est que ni le génie militaire, ni l'artillerie n'ont
pu jusqu'à présent tenir leurs magasins particu-
li^9 : l'un et l'autre puisent au magasin général.
Je trouvai la comptabilité dans le cabos. Elle
s'est depuis éciaircie , non sans un travail obstiné.
Mais j'ai reconnu chaque jour davantage la né-
cessité d'y avoir un bon garde - magasin , qui
se soit rompu au métier dans les grands ma-
gasins de la marine en France.
Je dois ce témoignage à M. Boisson , qu'il m'y
a merveilleusement secondé, et je lui attribue
le bien que j'y ai obtenu.
Vm 0V LITRE CIVQVIEMC.
Su MiMOlK» SUR MA VIR , A MOlf FILS.
•• •• »<>»■■■><»»■< » »>>»<«» »»
LITRE SIXIÈME.
18S0. — i8tS â i8SI.
Ev ne montrant ainsi de mon administratioir
que les résultats , je sais que je me prive de Toc-
casion de faire valoir mou zèle, ma fidélité, mou
plus ou moins d'habileté à remplir les vues et
les intentions du gouvernement , qui m'avait
dioisi pour tenter dans cette colonie des essais
applicables à d'autres. Je ne développe ni la sa-
gesse et la légalité des moyens que j'employai,
ni les obstacles et les intrigues que j'eus à sur-
monter, ni la fermeté dont je dus rester sans
cesse armé, ni enfin , dans cette suite perpétuelle
de contrariétés , la constante irrépréhensibilité
de ma conduite; je dis crûment : voilà ce que
foi fait. Niez, si vous l'osez : mes œuvres ré-
pondront pour moi.
O)ntinuons^n donc tranquillement la simples
énumération.
LIVRE 6. ( i8ao.— i8a3.) 5i3
AftT. 8. — FUVAIICES.
!.'• Section. — coNTftiBUTioiffl.
EUSBMBLB 2l6|10l' 5l«
couipUnt
à termes
.... )
Eflcls j Portefeuille des
divers / inTslides pour } 79^0 7^
exigibles) billets de ren-
trée d'une an-
cienne créance. i6,io8 66,
Avances imputables iS^S? ^
Total 310,789' 64«
Sur lequel il 7 a de non disponible, k
cause des crédits déjà ouverts et qui
restent à acquitter 67,694 94
Fonds disponibles • • . . • 353,o44^ '^o*
Là-dessus il appartient à la curatelle. 47>7<>^ 8a
Restant pour le trésor !io5,34if 83«
Dont aux invalides et aux gens de mer . 78,^66 a6
Net à la caisse coloniale.^ 127,075' 62*
i«ao,
è
1813.
Lorsque je remis la colonie à mon successeur , financis.
le i3 mars i8!i3, il existait dans la caisse du
trésorier colonial , savoir :
Numéraire ai6,ioi' 5i«
Traites du caissier-général du trésor royal. »
5l4 MlbfOIRES SUR Ma VIE, A MON FILS,
»8j^» Report 127,075^ 62»
i8a3. Ajoutons :
10^227 k. aoo« Chus de giro/ie , prorc-
nint de U recolle de
i8aa de U Gabrîelie,
qui sont en grenier et
dont on peut disposer k
toute lieure au cours de
^ 7'le1(il.yci«7i,59o'4^«
1^081 k. 300* d.* blancs, id.
4'a5«lekil. /i^S^S 10
Ensemble • ■ ■■ 76, 1 85 5o
Avances pour le compte du sebvice mabive ,
remboursables, et dont on peut expé-
dier 4 Tolonté et sur-le-cbamp des
traites sur France 73»ii9 34
Total géméral 276,380' 46^
Les contributions locales étaient
en 1819, savoir:
Directes 176,000'
Indirectes 1 SS^ooo
Total 33o,ooo'
Le Roi accorda, en 1822, un dëgrève-
ment de 200,000' , et d'autres cbange-
mens 7 furent opérés en 1820 : elles
furent ainsi réduites à
Directes 38,ooo'
Indirectes. • • •• 66,5oo
Ensemble 4... — io4,5oof
UVRB 6. ( i8ao. — i8a3.) 5i5
Une ordonnance locale du ao septembre 1819 i99o ,
et itne autre du aG décembre i8ao réglèrent ,g^5
avec précision le mode et les conditions du re-
couvrement et des contraintes.
Je liquidai de bonne heure Tarriéré considé-
rable des anciens rôles. J'avais auparavant posé«
selon les lois de la métropole, les principes et
établi les formes d'après lesquelles il serait pro-
cédé aux déclmrges et dégrèvemens.
Les formalités prescrites exigent un concours
d'experts, que Finsouciance créole rend difficile
à rassembler. Quelques affaires de cette espèce
me furent encore présentées en décembi*e iSaa:
je crus devoir les renvoyer à la décision de mon
successeur.
Les comptabilités du trésor du Roi étaient
au courant et dans un bel ordre, grâces au pré-
cieux administrateur (M.Barbey) qui se trou-
vait à la tête du bureau des fonds.
La plupart des créances de FEtat avaient été
revisées. Celles qui restaient à recouvrer étaient,
à un petit nombre près, en recouvrement.
Le dernier curateur aux vacances ^ forcé à
rendre compte , avait payé son débet.
Un de ses prédécesseurs en avait un de 80
mille francs. 11 échappait aux poursuites par ses
manèges et par son insolvabilité. Je Tavais ce-
pendant mis en train de s'acquitter, au moyen
d'une fourniture de bois que je lui avais donnée.
Il n'avait, à mon départ de la Guyanne, versé
5l6 MJÎMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS.
iSso, encore que 10^74 &• 77 c. Débiteur de mau-
1813. ^aise foi, on n*aiua raison de lui qu*à force de
ténacité et de rigueur. Ijes créanciers de la cu-
ratelle , de qui il a géré les droits, y sont in-
téressés et le gouvernement leur doit protection.
Plus de 600 mille francs de créances françai-
ses , appartenantes k des propriétaires résidans
en Europe y anaient été séquestrées ou paralysées
par les portugais. J'instituai une commission
pour les revoir, les liquider et les rendre exécu-
toires. Cette commission accorda amiablement
des termes. Le premier et le second sont expi-
rés. On a poursuivi mollement. I^a somme totale
est majeure. Le sort des créanciers avait été em-
piré par la connivence des débiteurs.
La curatelle aux vacances y avait la plus forte
part. Je Tavais plus d'une fois stimulée et il im-
porte de la forcer à agir.
Cependant, je lui rends aussi cette justice,
qu'aux dernières explications que j'ai eues à ce
sujet avec elle, je me suis convaincu que plu-
sieurs des absens, qu'elle avait représentés, lui
ont retiré leurs procurations et les ont remises
à d'autres procureurs-fondés.
Ces pauvres créanciers résidans au-delà des
mers sont environnés de pièges!
J'ai déclaré nulles les concessions que l'auto-
rité portugaise avait données, lorsque sa domi-
nation sur ce pays n'avait encore été ratifiée par
aucun traité diplomatique. Après avoir rendu cet
LIVRE 6. (i8ao. — i8a3. ) Sij
Hommage aux principes, j'ai moi-même confirmé *8j<>»
ces concessions^ avec une extrême condescen- i8a5.
dance, par titres authentiques et tout-à-£ait gra-
tuits, sauf un infiniment petit nombre que fen
ai exceptées pour cause dLUiiliié publique.
3.»« Section. — AKvmus et raoDvirs TtMMxtotdknx,
Outre les contributions^ le Roi possède à
Cayenne des propriétés qui lui rendent un re-
venu évalué, pour 1814, à i83»4^o fr.
Il provient des habitations de
La Gabrielle,
Tilsit,
Moni/oljr et son Haras ^
Baduel,
la Briqueterie de Mapiribo ,
le chantier de VOrapu ,
les Ménageries de.
Santé j
lUatoutiy
Matouri ,
Baduel ,
et
JUontjoly.
Suit le tableau des produits de ces domaines
de l'Etat, pendant 1819, 1820, i8ai et i8aa,
que j'ai gouverné la colonie :
5l8 MEMOIRES SUR MA VIE, A >tOH FILS.
P RO
LA GADRIELLE..
/Girofle...
I Foivrr*. ..
(Motcadct.
Totaux.
1819.
QUARTlTis.
*"iU'l::
TAUEDIS.
«79,741 f.ÔQ
1,010 9»
178,751 f.go
1890.
QUAMTlTis.
«7 ^
VALEOIS.
5o,884f*6o
9,169 34
69 70
53,1 i6f. 641
TiLSiT J'omets 1 ;7o8' coton en 1820 , me contentant d'obserrer
qu'il a subi les bouleversemens et les
BADUEL.M..
I Girofle ..(
LCaBelle..
Totaux..
(Boit «le Charpente, Ma-
CIIAKTIER i>BL*oiA»u. 2 driers, M«U, BorH.-
BBIQUETERIB* 91 MAPERIBoIbBIOUËS.;!/.*;'.;
Î!S5^1;Î MOUTJOLY Pou? MimoiiH',.
N£NAG£BlEa« Béuil teailu
338k noo
19 5oo
i,4oor.4
96 8
1497 r. 98
93 k 000
99 5o<»
i44f.88
«47 «^
991 f. 88
16,696 00
i,o5o ou
>g»>o9 79
g53 3i
uvRB 5. (i8ao — idaS.)
5i9
IVlTSt
lati.
QUANTITES.
TALVUIS.
13,885 k~»
178 «m
i5 iSo
a3 6110
188 8»
90,761^67
s3,oook 000
i38^ooof. 00
i38,ooor 00
TOTAL.
QUANTITÉS. TALIUiS.
85,4o8kc
3s «r>o
a3 600
55ij6s5r.s9
3,«>. 59
i53 5;
188 8i
55S63or.s5
teume moyen.
QUAirrrris. taubuks.
ti35t k <^«
So5 s5o
8 o6t
5 900
■37»Qo6r.3>
oi5 66
38 39
47 ao
138^907 r. 56
que Tilsti n'a d'ailleurs rien rendu que des bananes en quatre années , parce
premiers travaux de sa transformation en sucrerie.
3oik895
16 t
i,9«5f.75
III 95
9/117 froo
357ko(M>| 9,i4if«col 909k (
14 oool 49 ool 79 000
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5^r.36l
sr.o6
3 53
t,4P«f59
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4(v6i6 81
10,619 7®
»
355 90
390,119
47ri39 00
97>»7 84541,899
»
735 00
^154 60
U9*7 *4 «70^9» ■
3^093 5i »
35,013 65
18,963 77
»
773 37
520
MÉMOIRES SHR MA. VIK, A MON FILS.
ÉTAT DES
PENDARîT LES ANNEES
NOMS
des
iTABLISSSMElfS.
IvA Gabrielle. . .
Tilslt. . . , •
RadueK».»
Briqueterie -de-
Racamont. .
Chanlier de TO-
rapu
Ménageries de Si-
namar j
Léproserie de IT
let delà Mère.
Briqueterie - de -
Mapéribo. .
Chantier S*-JeaQ.
Montjolj
Mana
Ateliers delà ville
1819.
'4
nMiAws,
3i
307
o
10
taso.
HOMMES.
29 2
...
4..
FEMMES. InirAllS
•••ÎL 2
or-*»
67 3o
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2 5
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Totaux. .
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16/1
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186
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23
124
108 43
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uvRx 5. ( 1820 — i8a3.)
rÈGRES DU ROI.
819, 1820, 1821, 1822.
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1821
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834
1
Saa xtooiR» SUR ma vie , a moit fils.
1830, Fesons quelques observations sur chacun de
1893. <^^ domaines.
La Gabrielle.
Elle a décliné sous M. Poiteau, que ses entre*
prises de botanique absorbaient en dessins et re-
cherches 9 sur lesquels il essayait le plan de sa
fortune privée.
M. Cosnardy qui n'a ni ses connaissances, ni
son esprit 9 a mieux dirigé cette plantation. Il
en a retaillé et nettoyé les giroffliers. Il a mul-
tipUé les muscadiers et les poivriers. Il a coupé
a,3oo vieux giroffliers , pour doimer de Fair aux
autres et les féconder. Cette opération jugée né-
cessaire depuis long-temps et préconisée par M.
Poiteail, avait été différée, sous divers pi'étextcs,
d'année en année.
On compte d'individus en rapport , savoir :
Girofliers, en déduisant a,3oo pieds supprimés
cette année 1 2,070 pieds.
Caféyers 900.
Muscadiers a^%.
Poivriers 658.
Ganeliers ^^Sga.
Manioc et vivres 70 carrés.
La ailttire du ^ curcuma longa) safran des
Indes , a été essayée : il ne donne ses récoltes
pour le commerce qu'à la troisième année. Nous
y touchions. Il parait réussir.
Il occupe le milieu d'une p<')pinièrc , où il y
LIVRE 6. (i8ao. — i8a3.) 5a3
d^ailleurs 4ooo girofliers, de deux ans, en pa- i^^o,
niers (croucrou) et iioo en terre. Des semis i8a5.
considérables ont été faits cette année. On dis*
tribue les plants aux habitans
Les nègres , au nombre de 33a de tout sexe
et de tout âge, sont parfaitement soignés, vêtus
et nourris suivant des réglemens positifs, que
j'ai renouvelles. Rien ne rehausse autant le ré*
gime auquel ils sont soumis, que d'observer
qu'on y voyait le mois dernier a6 beaux enfans
à la mamelle.
Qelquesmns des bâtimens, la maison du tnattre,
Véœnomat , la cuisine , V atelier de menuiserie ,
ont besoin de réparations urgentes.
On y bâtit une sécherie nouvelle. Il manque
peu de chose pour la terminer. L'ancienne sé-
cherie aura besoin peut-être d'une reconstruction
totale
Le canal de Racatnont , qui conduit au pied
de la montagne , a occupé a4 ouvriers par jour,
à compter du a4 octobre dernier jusqu'en dé-
cembre.
Il y a cinq excellentes embarcations.
Le dernier inventaire estimatif élève la Ga*
brielle à une valeur de 800, 1 3a fr.
Tilsit.
Cette plantation ne possédait en esclaves, au
mois d'août 1819, que 70 individus de toutjge
et de tout sexe. Elle ne cultivait qu'une petite
$24 HiliOIRBS SUR MA VIE, A HOU FILS.
i«ao, quantité de mauvais cotoniers et des vivres.
iSa3. LVxcessive humidité et les innondations pour-
rissaient les vivres annuellement. Elle ne pro«
duisait à proprement parler rien.
Je la visitai. Je discutai , à mon retour , en
conseil, où j'appelai les meilleurs kabitans de
la colonie , la question de savoir ce qu'il con^-
venait de faire de ce beau local. Le procès-
verbal de cette séance remarquable existe dans
le registre des comeils du gouyememeni : il est
bon à consulter.
U fut résolu d'y établir une sucrerie Normale.
Je tournai dès-lors mes dispositions vers ce but.
Je demandai sur-le-champ à M. Quesncl , de
Rouen , de nous procurer un moulin à vapeur
et je lui remis d'avance 20,000 fr. à-compte du
prix.
J'achetai assez bon marché l'habitation con-
tiguê de M. Benoit Cavay, et doublant ainsi l'é-
tendue du terrain , je le rendis digne de sa des-
tination.
Je renouvellai ce qui existait de digues; j'en
achevai l'enceinte autour de ce vaste carré. Je
le garantis enfin solidement des inondations
futures.
Un système de canaux fut tracé. On y a tra-
vaillé ces trois dernières années dans la belle
saison.
En voici la situation au moment présent.
UYRE 6. ( i8ao. — 1823.) 5a5
CANAUX DE LHABITATION BOYAI.E DE TILSIT.
Canal central.
oisiO NATION.
IiONOUIUR
I /• partie
a.«
3.».
5.*,
TOTAL.
LAIOEUR.
F»0-
FONDBVS.
450^00
1,160 00
58o 4)0
58o
590 00
5go 00
3,95o«oo
10^ 00
8 00
8 00
G 00
i-3o
80
1 3o
o 80
8 00
3o
00
OMIRTATIONi.
n reste 35* à fouil-
ler dans sa looffueur
Ce Canal, dans la
partie cavëi, a be*
soin d*étre chargée
de 3* dans sa long.'
En général tous
ces canaui ne sont
pas navigables. Ijcs
plus avancés ont be-
soin de 4 pdles de
fouille.
Il faut décharger
tous les bords, de b
vase qui j a été a-
moncelée et qui les
fatigue.
J'y ai fait travail-
ler cet hiver de 1 833
à 1833.
Il faut làire toutes
les digues intérieu-
res.
Les nègres loués i 3 francs par jour, pour aider les nègres de
l'habitation à creuser ces canaux , ont coûté , Savoir :
En 1820 10,743
182 1 . 4»3^7 18,073 fr« total.
i8a3 3,oo3 ,
Deux anciens rnwxyiiis coffres tle dessédiement
ont été remplacés par trois neufs, qui ont coûté
ensemble 6,644 francs.
5fkG ItfiMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS.
i8ao, Je renvoie à dire, au chapitre des bâtisses,
1833. ce qu'ont coûté celles de Tilsit, jusqu'à ce jour.
J'avais soumis le projet de cette sucrerie nou-
velle au Ministre.
S. Exe. avait semblé l'accepter et me le con-
seiller. Dans la réflexion , elle craignit ensuite la
dépense. Elle décida , après un an de silence, qu'il
y fallait renoncer.
Je me repentis d'avoir entrepris. Il y en avait
pourtant alors trop de fait pour reculer.
Le gouvernement ne saurait donner à cette
propriété d'autre emploi utile, et son exemple
comme son assistance me semblait nécessaire au
canal de Torçjr, berceau infaillible de la pros-
périté et de la richesse Guyanaises. Si le gou-
vernement répugne à ces dépenses et à ces em-
barras, il ne lui reste d'autre parti à prendre
que de vendre cette habitation. Je l'ai constam-
ment déclaré.
Pour moi, plein de ma première idée, je me
ralentis sans me rebuter. Je n'y ai plus enfoncé
de grosses sommes. Je me suis contenté d'entre-
tenir petitement l'exécution des plans et princi-
palement l'ouverture des canaux.
On a continué de planter des cannes à sucre.
J'avais malheureusement de mauvais régisseurs
et une partie de leur travail a été perdu. Je suis
convenu avec M.Ronmy, liabitant voisin , à qui
le Roi avance un moulin à vapeur , qu'il roule-
rait nos cannes et qu'il en fabriquerait le sucre
UYRB 6. ( i8ao. — i8a3.) 617
^ le tafia , au tiers du produit pour lui , et aux i8ao,
deux-tiers restans pour l'Etat; comme cependant ^g^s^
il y avait 2,400 toises ou quatre carrés de cannes
déjà mûres, et que le moulin de M. Ronmy
n'était pas encore monté , nous avons eu recours
au moulin de M. Dejean , et j'ai eu le plaisir
de voir nos cannes produire une douzaine de
boucauds de sucre de première qualité.
Le nombre de nègres s'est élevé àXibit, sous
moi, de 70 à 117.
J'avais osé imaginer d'engager à temps a5o
nègres pour un prix convenu , sous condition
de pleine liberté au bout de i3 ans de service,
pendant lesquels ils formeraient deux compagnies
de Pionniers , régulièrement organisées et sol-
dées , pour les attacher à la culture. J'entendais
essayer avec eux d'un régime particulier.
Je m'étais figuré faire une chose également
avantageuse à la France et aux colonies. Je ne
me dissimulais pas que le gouvernement par lui-
même ne pourrait la tenter; mais je croyais que
je le pourrais sous ma responsabilité, sauf à lui
de me désavouer au besoin. Je me persuadai
même qu'un peu de généreuse audace me serait
pardonnée à cause de la pureté d'intention. Je
m'aventurai jusqu'à charger la frégate la Zélée
de ma commission.
Il était clair que cette expédition ou me fe«
rait honneur ou me perdrait. Cela dépendait
des événemens. Il fallait qu'ils la favorisassent.
Ib Font contrariée.
5a8 MEMOIRES SUR MA YIR , A MON FILS.
i8ao. Je me bercerai toute la vie du rêve qu'elle
1833. pouvait avoir les résultats les plus prospères.
En dernière analyse , il me semble que Tilsit
peut raisonnablement être soutenu dans le rolc
étroit auquel je l'ai réduit.
L'atelier contient :
20 nègres de pelle.
3o nègres ou négresses de Houe.
Il serait insuffisant pour faire valoir ce vaste
domaine dans toute son étendue.
Mais n'en cultivez en cannes à sucre que la
moitié , ou l'ancienne habitation de Tilsit , et
consacrez à une bananerie et k une belle savane
pour une ménagerie , l'autre moitié ou l'ancienne
liabitation Cavai.
Employez la charrue et le sarcloir. Ne dé^
tournez pas les nègres. Donnez votre confiance
à l'habile régisseur actuel , M. Prosper Thibault ,
que je regarde comme une précieuse acquisition »
à la suite surtout des mauvais cultivateurs qui
se sont succédés malgré moi , sur cet établisse-
ment pendant trois ans.
Finissez de fouiller ses canaux.
Achevez les bâtimens. Ayez un moulin à va-
peur de force de huit chevaux : je n'eusse pas
eu de repos que je ne l'eusse obtenu.
Soyez sûr. que vous ferez ensuite 35o à 400
milliers de beau sucre par an, ci. i5o à iao,ooor
a5o barriques environ de mé-
lasse, ci 5o à 55,000*^
Ensemble i55 à 176,000^
LivEE 6. ( i8ao. — 1823.) Sag
Le Roi possédera ainsi une bonne habitation, 1810,
pour laquelle je ne lui suppose , dans ces calculs, ,3^5,
d'autres moyens d'exploitation que ceux qu'elle
a : ce serait à mon avis une folie que de l'aban-
donner.
Mais son utilité vraiment Royale et la plus
digne de la considération du gouvernement, c'est
qu'à sa conservation et à son activité tient le sort
du canal de Torcy.
Du reste , énonçons avec précision que :
Le pont du Havre est fini ;
La case du Régisseur y livrée et habitée;
hes fondations de la sucrerie ^ commencées;
Celles de la case à Bagasse , terminées ;
L *approifisionnement des bois de grillage , com-
plet;
Celui des bois de construction , avancé ;
Treize des ao cases à nègres, couvertes et les
sept autres en état d'être montées.
Vétat général des construction , qui sera in-
séré vers la fin de cet écrit , dira ce que celles
deTilsit ont coûté.
Quatre embarcations y sont attachées.
L'inventaire estimatif de i8aa évalue cette ha-
bitation à 273,5i5 fr.
Baduel.
Baduel fut originairement destiné à cultiver
des vivres pour la subsistance des n^^res du Roi.
Il devint plus tard la pépimere des plantes
53o MÉMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS.
i8ao, exotiques àépices qu'on introduisait dans la co-
1 8a5. lonie. Les premières souches de girofliers, si abou-
dans aujourd'hui , en sont sorties. Il en reste
encore 35o pieds : ils forment avec 80 cafiers
et aoo caneliers la fortune de ce domaine. Le
sol est maigre, crayeux et stérile*
Ce lieu n'est d'ailleurs recommandable que par
une fontaine d'excellente eau , la seule de pareille
qualité qu'on connaisse k Cayenne et dans les
environs.
Elle remplit , non loin de sa source, un étang
que j'y ai pratiqué pour les Goraniis venus de
de nie de Bourbon. Us avaient été déposés pro-
visoirement dans un des fossés de ce jardin. Je
les transportai à l'étang en iSai.Ils'en trouva
alors dix-huit de grands et du frais en bonne
quantité. Ils sont bien placés et réussissent.
Deux Carbets-hôpitaux pour des esclaves ont
été élevés, par mon ordre , à Baduel : l'un pour
les hommes, l'autre pour les femmes. Un officier
de santé y est attaché.
Mon intention fut d'assurer aux ateliers du
Roi les secours que l'humanité et une économie
éclairée sollicitait en leur faveur dans leurs ma-
ladies graves.
U s'est manifesté cet inconvénient qu'ils y sé-
journent trop et qu'ils répugnent en roéme-tems
à entrer dans ce foyer de souffrances et de mort :
mais n'en est-il pas de même des hospices des
blancs?
Montjoly.
V^ï acheté et fondé cette habitation pour les
HARAS DU ROI.
Je reconnus de bonne heure que, sans un sem-
blable établissement et si je m'en remettais aux
soins des habitans , la propagation des bonnes
races de chevaux , dans la situation actuelle de
la colonie, n'y réussirait pas. Les propriétaires
cultivateurs n'y sont pas assez aisés pour y avoir
de ces goûts et s'y livrer à de ces occupations
de luxe.
J'acquis donc, en mai iSai , l'iiabitation. J'y
instalbi , trois mois après , les étalons et jumens
venus du Sénégal; et, en octobre ou novembre
à
1835.
LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 53i
Les esclaves invalides sont réunis ici de pré* 1810 ,
férence.
Il y avait en mars 1823, savoir :
i3 nègres,
5 négresses,
8 négrillons,
a négrittes,
37 I '^ "^'**' I invaUde».
( ai négresses, )
65 Total.
Cette habitation a été évaluée en 1811,
ci 56,907 fr.
53s MiMOÎRES SUR MA TIE , A MON FILS.
1^90» suivant, ceux que j'avais envoyé acheter en
i8a5. Virginie.
La propriété, avec ses nègres et bestiaux, re-
présentait un capital de ii3,o88fr., comme je
le marquai au ministre.
Les taureaux et vaches ont peine à s'y subs-
tanter pendant la saison de la sécheresse. 11 en
a péri sept têtes Tété dernier ; vingt faisaient
le premier fonds de cette ménagerie, quand on
Tacheta.
Deux taureaux et une vache du Sénégal y ont
été mis.
Le croît y est de f ^ ^^"^ ' 1 Total i3.
( lo génisses.)
J'avais résolu de partager ce troupeau eutro
Tiisit et la ménagerie de Matoury , que j'ai ré-
tablie depuis que le port de la Crique-FouUlée
a été reconstruit et depuis qu'il facilite les com-
munications avec l'île. Mais par réflexion , j'ai
cru préférable de faire passer dernièrement , au
nombre de lo têtes, le beau taureau d'Afrique,
qui nous restait avec la vache de même origine
et quelques autres vadies à Tiisit, où il y a de
gras herbages. Ce bétail s'y restaurera. Ten ai
pour garant l'exemple des habitations voisines.
Le surplus de ce bétail sera envoyé i Matoury,
dès que les avenues du pont auront été rendues
praticables. Deux taureaux d'Afrique , placés
d'abord k Baduel , et parmi lesquels il y en a un
superbe, ont recommencé, avec 17 autres têtes.
uvRE 6. ( i8ao. — 1823. ) 533
le noyau de cette ménagerie de Matoury. Mon i^ao ,
dessein était de ne conserver près de la ville , ,8a3.
que quelques vaches laitières. I..es pâturages y
sont arides pendant la sécheresse et maigres
toute Tannée. Le voisinage de la ville , malgré
les gardiens , expose aussi à des plaintes conti-
nuelles sur les ravages que ces animaux causent
en s'échappant de côté et d'autre.
Montjoly a aussi de plus :
9 brebis ,
a béliers y
II ensemble.
7 fruits mâles et femelles,
18 total d'espèces choisies, dont
7 têtes sont venues d'Afrique.
6 dito de Marie-Galante.
J^es produits ont été réservés à la reproduc-
tion par les naissances et les croisemens.
Mon dessein était d'en répandre les mâles dans
les troupeaux des habitans.
Avant que nous fussions eu possession de
Mont-Joly, nous avions pourvu, durant deux
ans , aux fourrages des chevaux du train , moyen-
nant un mardié à 3 francs par monture. Nous
en avons 16, ce qui donne 17,520 fr. par an.
Mont-Joly y suffît depuis septembre dernier par
ses récoltes et y suffira constamment ; d'où ré-
sulte l'épargne de cette dépense.
3 sont pleines
iO{ î du Sëni^l , ^ Jumens^ dont] et
5 près de mettre bas.
tnie.
534 MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS.
1830 , Quant au haras , il se compose aujourd'hui de
!7 de Virginie y
I du Sën^l »
3 du Pani^
-J 3 poulains» \ ^^ a^ t ' jument de Virginie
'I 1 pouUche , J né* de j ^ ^.^^ ^^ ^^^
^ 3 taureaux , 1 è boase» jeunes» de Bfadagascar, dé-
^ 3 Taches » | poses en ce lieu , ces jours derniers ,
pour les adimater avec soin. Je les
aurais, dans un ou deux mois, réunis
à la ménagerie de Tilsit, où réussb-
sent des taureaux du Sénégal.
Il y a 40 nègres dans latelier, sans y compter
4 négrillons à la mamelle et la famille du com-
mandeur.
Un palefrenier blanc, détaché du bataillon,
est à la tête des écuries.
L'inventaire estimatif de 1 82a a évalué Mont«
Joly à 160,394 fr.
Je m'applaudissais , sous tous les points de
vue , d'avoir créé cet établissement intéressant.
Il assurait à la Guyanne une belle race de che-
vaux.
Il ne faut pas se dissimuler qu'il ouvre aussi
la porte à de nombreux et faciles abus. Six mois
do négligence peuvent le ruiner. Mais , avec une
surveillance attentive, qui tournera en un agréa-
ble amusement , ce lieu rendra le bien que j'en
ai espéré.
LIVRE G. ( i8ao. — i8a3. ) 535
Je désirais vivement introduire aussi dans le 1820,
pays la propagation des mulets ; ils ne sont pas ^3^5
moins nécessaires à la culture qu'aux manufac-
tures. On les verse du dehors et ou les vend à
chers deniers. Je fus trompé, en iSao, dans
Tachât de 7 baudets , qu'on me vendit pour des
baudets étalons de la Plata et qui étaient bis-
tournés. Je donnai mission à la Zélée d'en aller
chercher à Mascate. Elle partit le a.i octobre i8ai
et fut de retour à -Cayenne le a5 février i8a3,
amenant
a. baudets, j j^^
9 ânesses, )
Je plaçai deux baudets et toutes lès ânesses
dans les établissemens du Roi à Mont-Joly^ Tilsit^
la Gabrielle et Matoury.
Je distribuai i4 baudets à des habitans pro-
priétaires-cultivateurs, qui me parurent en situa-
tion d'en propager la race daiis les quartiers de
Remire 9 du Tour-de-Vile^ de Rovra^ de Tonne-
grande , du Montsineri , de Maœuria et de
Kourou.
Je projetai de faire venir ultérieurement 60
grandes jumens d'origine Andalouse, de Buenos-
Ayres.
Tant que la colonie ne possédera que le peu
de jumens de petite espèce qui y sont, le ser-
vice que j'ai voulu lui rendre , courra risque de
toumer à pure perte.
En somme j il a été introduit à la Guyanne,
iSlOy
à
iSi3.
536 MEMOIRES SDR Uk VIR, A MON FILS.
en dix fois difTérentes , pendant la durée de mou
gouveraemeni, savoir :
•
1
•
r
{
n
1
i
1
1
T
Nombre de léttt.
13
i6
7
99
33
9
e
8
lO
Totaux ptr espèce».
3S
siwiBAt.
io6
4a
6
i8
Chantiers ilu Roi , À ï Or a pu.
Ces chantiers d^exploilation de bois de cons-
truction languissaient à Nancibo , sur les bords
de la rivière de la Comté, entièrement épuisés.
D'autres causes encore en tarissaient les pro-
duits pour FEtat
Je chargeai une commission spéciale d'aller
reconnaître la rivière de TOrapu et ses rivages.
Cest là que j'ordonnai ensuite la transplan-
tation de Tatelier Royal de Nancibo.
La première année fut presque perdue en tra-
vaux de nouvelle installation. On en recueillit les
fruits en i8ai. Ce chantier est en plein rapport.
Son produit annuel peut s'estimer pauvrement
à 48«ooo fr. U li'a rendu, année commune, dans
ces derniers temps , que 3o,ooo fr. Mais il faut
remarquer que 1819 et 1820 ont été dissipés en
déroénagemens et emménap:emen5;.
uvRB 6. ( 182a. — i8a3. ) 537
Son T^isseur, le contre-maître de marine, le i^o,
sieur Breton , le conduit à merreilles : c'est jus- ,8a5.
qu'à présent , le meilleur chef que nous ayons
eu. Je lui ai donné, dans son vérificateur des
tâches, un excellent second , le sieur Clairon,
parvenu au terme de sa libération comme gre-
nadier du bataillon.
Cet établissement des chantiers n'a jamais été
plus florissant.
On compte :
10 n^;r6s employés aux transports des bois ,
a4 écarrisseurs, scieurs de long et manouvriers,
4 ouvriers détachés à la Mana ,
9 n^ers,
7 enfuis.
54 i ndividus , qui sont en général des nègres
de choix, pour lesquels on a toujours
usé de ménagemens et de iaveurs.
Ils fournissent les meilleurs guides pour la
guerre des bois, contre les nègres Marrons.
Sept d'entr'eux sont décorés de la Médaille,
la première des distinctions, après celle de Xaf-
franchissement.
Outre les rations qui leur sont fournies eu
nature, du magasin du Roi, leurs cultures 11e
les laissent manquer ni de manioc, ni de ba-
nanes, ni d'ignames.
Le chantier de l'Orapu a été estimé , en 1822 ,
€!•••«••••• 1 19,100 fr.
538 MEMOIRES SUR Mil VIE, A MON FILS.
jSaOy
à
iSi5. Briqueterie de Mapéribo.
Une petite briqueterie sise sur la' rive gauche
de la crique de Racamont ou du canal de lu
Gabrielle , était inaccessible faute dTeau pour na-
viguer, pendant les plus beaux mois de Tannée.
Des marins de Féquipage de la Loire, que j'en-
voyai, en octobre 1819, y chercher des briques^
en revinrent tous pris de fièvres, et deux en
moururent
Je résolus àfi transporter en lieu plus favora-
ble une manufacture dont nous éprouvions, cha-
que jour de Tannée le besoin, et j'arrêtai de
l'établir sur une plus grande échelle.
Mapéribo fut choisi , à 3 ou 4 lieues de la
rivière de Mont-Sineri , abordable à des embar-
cations de 10 à la pieds de tirant d'eau. L'ai^ile
y est d'une qualité admirable. Une superbe sé-
cherie , dont la charpente toute faite et prove-
nant des Portugais , était déposée au chantier
des constructions de la marine, y a été levée.
La case du r^isseur y a été transportée de l'an-
cienne briqueterie de la Gabrielle. Le local re-
cevra rétablissement de deux fours : l'un fait son
service depuis plus de deux ans ; mais le toit
pour lequel on avait essayé de la méthode de
Philibert-Delorme , s*est effondré et n'est que
provisoirement remplacé. Le second four est resté
en projet. Le premier même a besoin de répa-
LIVRE 6. (i8ao. — i8a3.) 539
rations essentielles. Néanmoins il fournissait jus- iSio,
qu'à 5o milliers de briques par mois. Les deux ^g^^
fours étaient calculés pour en donner ensemble
au moins 1200 milliers par an, en tenant compte
des chaumages accidentels auxquels ces sortes
de manufactures sont sujettes. Ce nombre s^ac-
croitrait considérablement, si on y appliquait un
moulin à pétrir la terre ^ qui est d'un mécanisme
fort simple et dont j'étais d'accord, avec M.
Touniié , qu'il s'occuperait à mon premier avis.
Lé toit aurait été remonté si nous n'avions
manqué de fer.
Cette briqueterie était nécessaire.
Elle prospérait déjà , avant que je quittasse
l'administration , et n'avait plus besoin que de
quelques améliorations faciles.
Son atelier était composé de
3 Chinois de l'expédition Philibert : il y en
avait 4; 'un est mort ;
9 Midgaches envoyés de Bourbon à cette co-
lonie par M. Milius ;
If nègres \
9 négresses \
I négrillon \
33 individus.
11 y a trois bonnes embarcations.
L'inventaire estimatif de 1822 évalue cette
briqueterie à« « io6,i4C fr.
54o llâHOlRB» SUR MA TIE, A MON FILS.
*^J® » Ménageries .
i8a3. Le croit constitue tout le produit des mena*-
geries : elles rendent d'ordinaire dix pour cent«
Passons-les en revue :
Ménagerie de Lévis. — Elle paraît appartenir
à la famille de Lévis^ à laquelle la possession en
a été ravie pendant la révolution.
Je Tai expliqué au Minîstare dans ma lettre du
i8 mai i8aa«
Les héritiers la revendiquent en vertu de la
loi du 5 décembre i8i4
Une formalité doit précéder l'application de
cette loi à la Guyanne , c'est que le Ministre y
en ait auparavant formellement ordonné la pu-
blication. Tant qu'dle n'y a pas eu lieu , il nous
est interdit de nous permettre, sous nul pré-
texte , d'y exécuter aucune nouvelle loi.
Cette ménagerie est tenue à Cheptel.
L'inventaire estimatif de 182a, porte sa va-
leur à f 3,a5o fr.
Ménagerie de Santé. — Cette ménagerie est
à Sinamary. Il y avait i36 têtes en 1820. Elle
a été affaible depuis de
ao têtes pour fonder celle de Passoura;
19 d.® fournies à Laussadeiphie ;
II d.® envoyées à Cayenne, pour y être
employées au labourage.
5o total.
Elle ne possède plus que 90 têtes. Elle est
estimée 7,860 fr.
uvRi 6. ( 1820. — i8a3.) 541
Ménagerie de Passoura. — Celteu paraissant iSao,*
singulièrement propre à une nfénagerie , j'y trans- ^^^
portai du bétail de la Maison de Santé. Joignons
à ce bétail de Passoura celui de Laussadelphie^
qui en est voisin^ et nous y compterons:
3i têtes,
I étalon,
. du Para.
I jument,
Elle est estimée 5,194 ^*
Ménagerie de Baioaii ou Barhupi. — Elle
doit son origine à Fenvie que j'avais de propager
dans ce pays les chevaux en pleine liberté, comme
ils ont été propagés dans les campagnes de Bue-
nos-Ayres et du Paraguay. On m'assura que cette
partie du quartier de Macouria y était éminem-
ment propre et je la fis visiter.
J'y jetai d'abord une vingtaine de jumens,
avec un baudet et plus tard un étalon.
Il n'a survécu que l'étalon et 5 jumens qui
étaient pleines et dont 4 ont avorté par défaut
de soins.
J'y jetai ensuite.
D'abord 45 têtes de bétail, qui me furent
cédées à un prix assez raisonnable en
paiement d'une créance sur M. Mille ;
Ensuite 6 génisses , acceptées par arrange-
ment, en acquittement d'une taxe d'af-
franchissement.
L'estimation de Matouti est montée, à la fin
de i8aa, à 8,i36 fr.
54a MEMOIRES SUR MA. VI£ , MON FILS.
i83o, Ménageries de Sinatnari. — Ces ménageries
i8a3 ^^'^^ très-loin cle*Cayenne. On en reçoit rare*
ment des rapports. Le local n*y est pas propre à
élever des chevaux. Cette considération fut prin-
cipalement celle qui me détermina à fonder la
ménagerie de Matouti. S'il est possible que, nulle
part dans ce pays , la production des chevaux et
des mulets à l'abandon , en plein air réussisse ,
ce sera de préférence dans ces campagnes de Ma-
couria. Taurais désiré avoir de bonnes souches
k y répandre , au risque d'en perdre plusieurs par
Tacclimatement Ces sortes d'entreprises n'ont
de succès qu'à la longue et à force de bazarder.
Je ne m'étais pas dissimulé qu'à une si grande
distance les ménageries ^au-dessous du vent
avaient besoin d'être surveillées. Des nègres pas-
teurs ne méritent point de confiance. Je crus la
bien placer en nommant pour leur régisseur le
sieur Négrier, ancien aspirant de marine, retiré
à Kourou. Je sais qu'il touchait exa.ctement le
traitement que je lui assignai. C'est à-peu-près
tout ce qui m'en était connu.
En un mot, ces établissemens allaient mal.
Ménageries de Baduel y Montjoli y Tilsii et
Maiouri. — Je réunis ces quatre ménageries en
un seul article : j'avais décidé d'en réunir ainsi
la presque totalité des têtes à Matouri.
Tai parlé séparément de chacune d'elles en
parlant des habitations entre lesquelles elU»
étaient divisées.
ixvAE 6. ( i8ao. — i8a3.) 543
En un mot, il y en avait; i8aO|
28 têtes àMontjoli, dont 10 avaient passé a ^g^^
Tilsit , et les autres à Matouri ;
54 têtes à Baduel, qui avaient été réduites
à 3o par les translations faites à Matouri ,
et je me proposais de continuer ces trans-
lations jusqu a ce qu'il ne restât plus que
10 vaches et 1 taureau : les pâturages
de Baduel ne comportent que ce nombre.
8a têtes subissaient , au commencement de
i8!i3, cette nouvelle distribution.
Terminons cet article des finances par quel-
ques aperçus relatifs au période de mon gouver-
nement.
Ije tableau des recettes et des dépenses des
deniers du Roi comprend , en me cx>nformant
aux divisions ordinaires des comptabilités, a4
jours de juillet 18 19, qui appartenaient it mon pré-
décesseur.
Bestanten caisse au i.*' juillet 1819,01. 566,187'' 49*
ReceUes Senvoîs éCespèces du trésor
rojralf de contributions coloniales et
de revenus domaniaux depuis le i."
juillet 181g jusqu'au 3t décembre
1822,01 3,758,176 i4
Ensemble ^yZ^^.lfiZ^ 63«
Dépenses au oompte du trésor de la
oolonic; durant le niômc cs|>acc de
^«np« 4,129,693 07
Kesiant des deniers du Boi^ en oaissc
aa 12 mars 1823 , ci >94»77^' 56*
544 MEMOIRES SUR MA. VIE, A MON FILS.
i8ao, Là ne sont pas comprises les dépenses en
i8a3 vivres et approvisionnemens envoyés de France y
qui s'élèvent à , Savoir :
YÎTret 47^>094'#88«
ApproTisionnement 5^,8i5 60
Total •••. 996^910'' 4^*
Ajoutons :
• La caisse des libertés ou affranchissemens , dont
il ëUit compte sëparëment et qai Remployait en
dépenses d'intérêt pnrement local : elle a rendit
en 18191 i8ao^ i8ai| 183a et janTÎer 1833,
ci 761 377' 4^*
Il en a été dépensé a4y5i5 81
Reste en caisse « . • . 5i,86i' 58*
Elle a été réanie^ le ^4 janTÎer i8a3, an trésor
colonial du Roi, section des droits domaniaux,
et elle est comprise dans Ven caisse actuel.
9.* La caisse de la Curatelle , qui n*est qu*an dépôt
dont les deniers appartiennent aux absens et dont
la recette s'élèf e 4 i44»4^9' ^*
\9l dépense k t 96^726 77
Reste en caisse . • • 47>70^' 8a«
L'en caisse da trésor da Roi comme
ci-dessns i94>770 ^
3.* La caisse des invalides et des gens
de mer 78,266 16
Total réel de IVit caisse da la
mars 1828 , ci 320,739' 64*
uvRE 6. (i8ao. — i8i3.) 545
Présentons maintenant la situation des fonds 1810 ,
spÉaArx dont l'emploi m'a été confié : ils font ^^^^
partie sans doute des sommes des recettes et
DÉPENSES DU trésor ; mais j'en dois un compte
particulier.
i.^ Crédit extraordinaire, en 1810, de. . . . 5oo,ooofr.
Ils furent distribues comme il sait :
1 .• ExPLOBATioN , 119^91' 5ia«
Commission d'exploration : \
En France 11,098'' 67*
A Cajenne 86,595 68
Ensemble ^ifioi^ 35«
CAt^s de la Mana, triTanz
et paquebot 81^175^ 65«/
A employer encore
2.* Atelibi Hon ia5,ooo^ oo«
Nègres achetés k diTcrs,
ci 35,38if ga»
De V Aurore ,
( Lesage et
Franconie.) 74f8^ 49
Ensemble. ••• — — . _ 110,111' 4'*
N. B. Ces nègres ont coûté i3o,ooo'»
mais 58,857' 36« étaient pajés par com-
pensation en i8ig.
3.* Achats d'Aviu/.vx 60,000' oo« 1
Animaux achetés. . . .
' 118,870' oo«
611' aa«
14,788 59
...60,000' oo«I
...57,611 93 j
2,388 08
À reporter *7,798' 96*
Em
ploi.
5/iG UiHOIBES 8UB MA. VIE, A MON FILS.
Report >7>798' 9^*
DÊFaicHcuM Amkaicaihs {sei*
tiers) 58,ii8f 88«
I AiWuseat , qui a à^ ltr« pay^ \
ftrUMiaittra, ei.i3y39sr77 1
AlaGv»««>«mir: Us.oaS T^l
Perto...!.. k^tok ( ' ^
llatM«l...i9,6gBr94 j
RetUni 4 employer.. ao^ogS i3
5.« MouLias A TArevm four sucRt , 4 ttire tl*aTancc k deux
babiunt, qai cleTaieni la rembourter le i.«' ayril 1824,
el poar laquelle il aTail été d'abord ealcalë qu'il suf-
fiiailde... 66,000' oo«
Mais dont le prix réel s'eit ëlevë ,a?ec les
acceftoires , â aa excédant de 4 ■^7<* 9^
Total à rccouTrcr , ci 97*^70*^ 9®*
RÉCAPITULATION DES FONDS SPÉCIADJT ,
Qui apaieni été accordés ^ wec destinations particulières.
Exploration 12S37®' oo*
Kecres 1 "«f*t » 4«
AcnATH d'Ahimaux 57,61 1 9a
DÉFRICHEURS AMERlGAIflS 38,0^5 '}S
Ensemble 334>7i9' o8«
MOULIRS A TAPEUR 97,870 90
ToUl 43^,589' 98*
Reste disponible 67,410 o^
Total Ae^ fonds spéciaux .•••• » 5oo,ooo'
Sur ce resuntde 67,410' ov
Le Ministre a réserré en France pour
faire retour au trésor royal 71 ,388 88
11 dcTait rerenir 4 la colonie. • . . 3,978^ 88'
LivBR 6. ( 1820. — i8a3. ) 547
a.^ CbAdit spiciAL podr les constudctioiis
]>ES CASERNES, ci • . 3oo,ooo fr.
Casernes ,
yiôpital ftlilUaire ,
Débarcadaîre ,
Sdclierie de la Gabrielle.
Les cinq premiers ouvrages dari ci-après section i .'• «
constructions nouvelles , montreront qu*il a ëld cm-
plovd sur ces 3oo>ooo' oo«
la somme de i€2|8i5' 19
Il en reste par consëqueni de disponibles, ci. i37»i84'' 71*
AaT. 9. — APPROVISIONNEMENS. '"~ ' ~ '
Les seuls approvisionneinens , dont il soit ici
question , sont ceux des bois i>r consTRUcnoir , ArfBovisioifif»i
qui se font sur les lieux, tandis que ceux du
MAGASIN GÉRihiAL sout cnvoyés cliaque année de
France.
J'ai ranimé le commerce des bois. Il avait cessé
d'exister par des circonstances particulières. Il
est maintenant dans une extrême activité. I^
gouvernement a fait marché pour d'assez gran-
des entreprises : elles sont en pleine exécution
Voici Xétat des bois , qui sont maintenant en
magasin pour les constructions :
MBNS.
DESTINATION.
NOMBAB
de
pièces
del)ois.
lif
LONOOBOB
ensemble.
VALEUR.
Xt^ combles des casernes 2.« qualité..
Débarfîadaire. . . , . ,
ii5
40,
i56
o,i65
o,aio
0,165
81686
3,998 00
i,i63 10
6,578' i4-
19,531 08
11,114 a6
,
1 TOTAOI
65i
5,388 06
48,114' 4«'j
548 MiMOIRFS SUR MA VIE, A MOU FILS.
i8ao, Il est un autre article d'approvisionnemens à
1895. ^^^ ^^^ ^^ lieux, qui est susceptible d^une
épargne considérable : c'est celui de la farine
de Manioc , dont les rationnaires du Roi con-
somment annuellement pour plus de 60 mille
francs, et quoique beaucoup de ces rationnaires,
tels que les chasseurs et les hommes du train
eussent été mis cette année au pain de froment,
comme le soldat , il ne devait pas se dépenser
encore moins de SoyOOO fr. àe farine de Manioc.
A mon arrivée , nous en achetions la quantité
à-peu-près entière. Tai tant tourmenté , que la
culture en a été fort étendue à la Gabrielle. Elle
y était , Tannée de mon rappel , de 70 carrés.
Mais il serait impérieusement besoin d'un moulin
à grager semblable à ceux avec lesquels on grage
en France la betteraife pour la fabrication du
sucre. Je l'avais demandé et redemandé au Mi-
nistre. Je courais , depuis deux ou trois ans ,
après cette économie. Il n'y en a, ce me semble ,
ni de plus aisée, ni de mieux entendue.
ÂAT. 10. — POPULATION.
porvLATioif. Dressons-en le tableau ahiiuel depuis 1819.
UYRE 6. ( iSao. — i8a3. ) 549
^
1819.
1890^
25l.
ini.
un.
5i5.
3«o.
a33.
Hommes
Femmes
BLANCS. . . . Enfans. .....
Totaux. . .
446.
465.
a85.
a47-
989-
1,004.
997-
i,o48.
/Hommes. ...
r*i7itfc ^ 1 Femmes. ...
GENS D. cou. Enfans
LBUB,LU1ESJ
456.
704.
538.
639.
g:
499-
\ Totaux...
.,698.
1,733.
1,630.
1,852.
Hommes. ....
Femmes. . . .
ESCLAVES.. £S^-i^:
5,.59.
3,091.
899-
4>>o3.
3,781.
1,010.
4.94»-
4,019.
a,8io.
1,193.
5M^.
4,14^.
3,154.
1,006.
Totaux...
/Hommes. ....
13^369.
i3,i53.
«^,964.
13,549.
227.
a3i.
a45.
Femmes
INDIENS. .. Enfuu ,....
TOTAVX
703.
. TOTAir
X.
COMPABAl
SON p/m
PoPOLATIOH TOTALE
1810.
i6,o56.
iSSO.
15,890.
18SI.
i5,38i.
ion.
i6^4g-
703.
Ihoius.
17,152.
55o M^OIRES SUR BfA VIR , A MON FIM.
J
iHio» La source importante de |K>pulatioti coloniale ,
i8a3. ^^^ ^^ noirs, est tarie par Tabolition de la
traite.
Rassurons-nous, k cette réflexion très-juste,
qu'avec un bon et paternel régime , la popula-
tion noire multipliera par elle-même dans une
une progression rapide. Suivant le tableau qui
précède, elle aurait augmenté de 1819 à iSaa,
pour les esclaves , de près de aoo âmes. Le
recensement de i8aa fut fait, il est vrai, avec
une exactitude plus qu'ordinaire. Il y avait eu
d'ailleurs, et Ton n'en peut douter, plusieurs
introductions frauduleuses de nègres de traite.
Aussi , je crois que , malgré le redoublement de
soins , ce dernier dénombrement est encore resté
au-dessous de la réalité , tant les habitans font
d'efforts pour échapper à ces sortes de vérifica-
tions. J'estime enfin {^population des esclai^es de
plus de 1 5,000 âmes.
Quant à la population blanche y des projets
nombreux tendant à l'augmenter, ont occupé
sérieusement le gouvernement en 1818 , 18 19,
i8ao et i8ai : trois seuls ont été suivisd'efiets,
celui des Chinois , celui de Passoura et celui de
la Mana.
I.* Chinois.
Le Ministre confia à M. le capitaine de vais-
seau Philibert, en 1818, une expédition dans
l'Inde , pour en transporter des Chinois à la
Gtiyanne. L'expédition » touclia , en passant , au
UVRK 6. ( i8ao. — i8a3.) 55 1
mois de février 1819, à Cayenne et y déposa un i8ao ,
ingénieur des ponts et chaussées chargé de leur ,9,5,
préparer un local. Après des recherches faites
sous les yeux même de M. Philibert, il fut
arrêté que ces Chinois, k leur arrivée, seraient
installés sur les rives du grand et du petit Rawa-
na, dans le quartier de Raw.
On en était là, quand je débarquai à Cayenne.
Je pressai plusieurs fois l'ingénieur de s'occuper
des préparatifs. Il s'en occupa en septembre 1819.
Ces préparatifs furent retardés et traversés par
mille difficultés. Mes excitations étaient vaines.
Cependant, au mois de mars 1810, il fut porté
sur les lieux un atelier de nègres à loyer. Les
incommodités du séjour et Fénormité de l'en-
treprise étaient telles qu'ils désertèrent et se dis-
sipèrent en fort peu de temps. Il demeura dé-
montré qu'il serait impossible que cet empla-
cement fût prêt
Non loin de li et sur les bords de la rivière
de Kaw se trouvait une jolie habitation appelée
YHeimitage , et plantée en rocou , cafés , giro-
fles, appartenante à un M. Càmpardon, retiré
en France. Elle était à vendre. Il y avait des bâ-
timens et des plantations. Je la fis acheter et je
donnai aussitôt à l'entreprise la construction de
3o cases nécessaires pour Ic^er 100 à aoo Chinois.
Yingt-sept seulement mouillèrent en rade de
Cayenne, le 9 août suivant, à bord du Rhône ^
commandé par le capitaine de fr^ate Elie.
55a MÉMOIRES SUR MA VIE, A MOJ FILS.
i8ao, li exbtait des engagemens synallagmatiques
t8a3. entr*eux et le commandant Français. Je m'y con-
formai avec wie précision scrupuleuse. Je les ins-
tallai à Vffermiiage , où il y avait seize cases
de pleinement achevées. C'était plus qu'ils n'en
avaient besoin. Je leur donnai M. Pastoret^ ha-
bitant mûr et expérimenté , pour leur patron.
Ils furent amplement pourvus de tout et nommé-
ment de vivres. Us mangèrent à plusieurs repri-
ses, en 1 5 et en lo jours, les provisions d'un
mois : ils les enlevaient violemment. Dans une
de ces émeutes , leur capitaine Tem|)eton , es-
sayant de les rappeler à l'ordre, reçut de Fuii
d'eux un si rude coup de tête , qu'il fut atterré
et mourut au bout de cinq ou six jours. Ni
menaces, ni caresses n'étaient capable de les en-
gager au travail. Les graines, soit de ris, soit
de légumes qui leur furent distribuées , ne furent
point semées. J'imaginai de leur en imposer par la
crainte, à l'aspect d'un sous-ofBcier et d'un détache-
ment de gendarmes. Ils prêtèrent quelques minu-
tes à cette troupe une obéissance passive , puis
retombèrent promptement dans leur indolence et
leur oisiveté. Manger, boire ^ dormir et croupir
dans la misère, rien ne pouvait les tirer de là.
Ils n'écoutaient même pas un officier de santé ,
et des négresses, que j'avais mis au milieu d'eux
pour les délivrer de leur vermine et de leurs
])laies.
Enfin, après quatorze mois de patience et
LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3.) 553
d'essais , en août i8ai , je fis revenir tous ces i8ao,
vauriens à Cayenne. ig33.
Us n'étaient plus que 17, sur lesquels encore
il en mourut a. Us étaient distribués, quand je
quittai la colonie , comme il suit :
a à Timprimerie ,
3 à la briqueterie ,
8 au jardin des plantes , à Cayenne ,
a au train d'artillerie.
i5 total.
Je leur fixai pour traitement , savoir :
Un habillement. 68^ 38*
Une ration journalière de vivres ,
comme elle leur avait été pro-
mise y o fr. 67 c. , faisant pour
Tannée. • ^44 54
Deniers de poche y à 3o c. , idem. 109 5o
Total par an ^ • l\ii l\%
Multiplié par o i5
Ensemble, pour tous. . . 6,336^ 3o*
Malades, ils seraient reçus à l'hôpital sous re-
tenue de leurs vivres et de i5 centimes par jour.
En les suivant , on en tirera quelque parti.
L'établissement des Chinois à Raw , depuis ses
commencemens en 1819 jusqu'à sa fin, en i8ai,
avait coûté 45,8ai' o6*
IL avait été fait un fonds de 4^9377 fr. pour cet
objet.
554 HjbcOIRES SUR MA VIE, K MON FILS.
1090 ,
i8a3. 2,* Passoura ou Laussadelphie.
J'avais observé de près pendant mon séjour
i la Louisanne, ces setilers, ces défricheurs ^ qui,
au nord de rAmérique, sont comme les troupes
légères de la civilisation , en avant d'elle de 5o
à 60 lieues dans les immenses forêts du Nouveau-
Monde , qui y font métier de commencer de
grands défrichemens pour les revendre , à des
cultivateurs déterminés à y fonder des établis-
semens stables. J'imaginai qu'ils seraient de bons
modèles à offrir aux Français dans les bois de
la Guyanne. Je souhaitai avoir six à douze fa-
milles de cette espèce , composées chacune d'un
père de famille, de la mère et de trois à quatre
enfans : le Ministre de la marine m'autorisa à
m'adresser en son nom à MM. notre Ministre
plénipotentiaire (Hyde-de-NewilleJ, et notre
consul général ( Petry ) aux Etats-Unis. Je leur
écrivis de Paris en mai 1819. Le Ministre de
la marine m'appuya lui-même directement au-
près d'eux.
Texpliquai formellement qu'il me fallait des
FAMILLES et des £aimilles de laboureurs, am^i-
CAN SBTTLERS*
Le consul général M. Petry y mit d'abord un
appareil foit éloigné de mes vues. Il consulta
tous les consuk Français d'un bout à l'autre de
la confédération. Je m'aperçus qu'il n'avait nul-
LIVRE 6. ( !8ao. — i8a3. ) 555
lement saisi ma pensée. Tentrai dans de nou- tSao ,
velles et amples explications. ig,5.
Cependant notre vice-consul à Norfolck, M.
Buchet-Martigny, à l'instigation du consul général
à Washington, M. Petry engagea 4 1 individus,
formant ii familles, et mêles expédia, le 216
septembre i8ai ^ par le brick américain VOnljr
Daughter. Mais, au moment d'embarquer, plu-
sieurs reculèrent. Il en mourut en route. Bref,
le 18 novembre suivant, il en débarqua sur la
rive droite du Passoura , ao de sept différentes
familles. Gnq ou six d'entr'eux étaient des chefii,
en âge et en état de travailler.
Je moccupai de tenir toutes les promesses qui
leur avaient été faites au nom du Roi. Je com-
mandai de bâtir, sur un plan régulier, six cases
dans un terrain choisi long-temps d'avance à ce
dessein. Les immigrans s'y logèrent , et enchan-
tés de mon accueil, donnèrent eux-mêmes à ce
lieu le nom de Laussaxielphie. Le directeur de
l'intérieur et du domaine , M. de Lagotellerie ,
alla les y recevoir et les y installer.
Je livrai i3 têtes des ménageries du Roi , tant
pour le labour que pour le nourrissage. Je don-
nai trois différentes charrues. Je réglai , sur le
pied Anglais, toutes les rations à fournir, pen-
dant un an.
Mais je ne tardai pas à connaître que nous
placions mal nos bienfaits. Ce n'est pas des ra-
vages du climat que je me serais plaint. Us en
556 MiMontES sub ma tib, a mon fils.
1890 « 80u£Grirent peu ; et s'ils se fussent moins livrés
1833. à la paresse et à Tennui, ils en auraient encore
moins souffert : ils vivaient dans Foisiveté. Je
les stimulai en vain. Mais aussi qudles gens! un
pr^osi des douanes^ un préire catholique dé^
/roqué et mariée un boucher^ mk mauvais char-
peniier. les trois garçons les plus vigoureux
n'ont jamais voulu gratter la terre. Us n'ont
cessé de murmurer ouvertement et de complot-
ter leur évasion clandestine , parce que j'avais
fini par leur signifier que, les envisageant com-
me des engagés, ils n'obtiendraient pas de moi
leurs congés. Ce tas de fainéans était composé
d'Irlandais ramassés sur les quais de Norfolck.
Trois hommes y une femme et un enfant mou-
rurent dans les cinq premiers mois. La mort
d'un père de famille entraînait la perte de la
famille entière ; car les enfans étaient la plupart
en très-bas âge. Des commissaires allèrent plu-
sieurs fois, par mon ordre , les visiter. Je pla-
çai même à poste fixe, au milieu d'eux, un
sous-offîder de confiance pour les contenir et
les obliger à travailler. L'année touchait à son
terme et il était impossible de ne pas continuer
à les nourrir, parce qu'ils ne s'étaient formé par
eux-mêmes aucune ressource.
Les KeUi^ avec le père et la mère, étaient
au nombre de six et la mère en était l'âme. Us
valaient, et sur-tout la mère, mieux que les
autres. C'était une véritable paysanne. Le vieux
uvRE 6. ( 1820. — i8a3. ) 557
mari a été le seul qui ait manié la charrue. Les ' l^*
autres mangèrent par gourmandise trois têtes du ><a3.
bétail que je leur avais données pour les propa-
ger. La mère Relli mourut en octobre i8aa.
J'avais renvoyé , selon leurs désirs , aux Etats-
Unis y celles qui avaient perdu leur chef. Il ne
restait plus d'individus , en qui j'eusse d'espoir,
avant de prendre les mesures que la fin de Tannée
de séjour rendait indispensables , j'ordonnai une
nouvelle inspection. Il en résulta que, sur sept
personnes , les Relli, qui comptaient pour quatre,
ne voulaient plus rester, malgré les offres at-
trayantes que je faisais encore au père ; le reste
persistait dans la mauvaise volonté qu'ils avaient
toujours montrée.
Déjà, dès le mois d'août, j'avais soumis à la
discussion d'un conseil spécial la question du
parti à prendre sur les débris de cette petite co-
lonie. Il y avait été arrêté que le mieux serait
de s'en défaire entièrement, en les rembarquant
Je revins à cet avis. Us repartirent, le ai no-
vembre 1821, poiu: Boston, sur YEssex*
Ils ont été constamment comblés d'attentions
et de faveurs. S'ils ont mal tourné , c'est bien
leur faute.
Cette tentative a coûté 37,494 f'* 7^^.
Nul doute que ce triste dénouement ne m'ait
affligé. Tai fort regretté les peines prises et les
sommes dépensées. Aussi n'ai-je cessé de songer
comment il serait possible de les faire encore
558 MiMoiaES sub mi vie, ▲ mon fils.
iteo , servir à Tutililé de la colonie et k Textension , soit
iSaS. ^^ ^ population , soit de sa culture.
Le caporal Gabet, que j'avais envoyé dans
les derniers temps aux laboureurs Irlandais pour
les fûre travailler et les contenir , est resté jusqu'à
présent sur les lieux. Il m'a offert de s'y établir
avec de ses camarades libérés et d'y faire ce que
des étrangers D*y ont pas £eiit. Je l'aimerais in-
comparablement mieux. Tai saisi cette ouvertnre.
J'ai écouté les propositions de neuf soldats
du bataillon , ses camarades libérés. Les plus
intintes d'entr'eux s'assosciant de deux en deux,
tous y sans contracter formellement de mutuels
liens, cultiveront de concert le même espace
de terrain , sauf à obtenir ultérieurement chacun ,
quand une fois ils auront acquis pleine connais-
sance de la chose, une concession particulière
d'une vingtaine ou plus de carrés de terre. Ils
auront cependant en commun des instrumens
aratoires , des bestiaux , des embarcations.
Une ration journalière leur sera fournie pen-
dant un an. Il leur a été signifié qu'on les ver-
rait avec plaisir se marier convenablement. De
l'humeur dont est ordinairement le soldat, je
n'oserai répondre des suites de cette entreprise.
Elle se présente à plusieurs égards sous de pro-
pices augures. J'ai même eu le temps d'en re-
cevoir un premier rapport satisfaisant. Ils ont
entouré de barrières et défriché des terres ra]>-
prochées de leurs maisons. Us labourent , ils plan-
uvRB 6. ( i8ao. — i8a3.) SSg
tentj ils soignent l>eaucoup le bétail. L'aspect du 1890 »
lieu change et respire Tactivité. Savoii s'ils per- 13^^
sevèreront. On pourra en juger dans trois mois.
Alors , ou bien on les gardera , ou , s'ils ne rem-
plissent pas l'attente du gouvernement, ils se-
ront renvoyés en France un peu plus tard seu-
lement que les autres soldats libérés.
3 ^ La Mana.
Quand je fus nommé au gouvernement de la
Guyanne y le ministère de la marine était extré-
ment occupé de projets tendant à accroître la
population , la force , les productions et l'im-
portance de cette colonie* Il me les donna à
examiner et à lui en dire mon opinion dans
les premiers mois de mon séjour à Cayenne.
Des hommes de couleur libres provenant des
Etats-Unis f des Chinois ^ des Malais ^ des en-
gagés soit Africains soit Européens ^ des blancs
des Canaries y tout le monde avait ses vues sur
lesquelles j'eus à m'escrimer. Mais, de ces son-
ges-creux, le ministre Portai me mit en rela-
tion, à mon passage à Paris, avec le plus accré-
dité auprès de lui , M. Catineau-Laroche : celui-
ci paraissait avoir sa confiance. Il lui brochait
des plans.
Je fus chargé , à mon départ , de découvrir ,
dans l'intérieur de la Gujranne, iles terres pro^
près à recevoir un grand établissement de culti-
vateurs tirés de France.
56o MiMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS.
j89o, Portant mes r^rds autour de moi, ils se
i8aS. fixèrent à la Mana. Cette rivière arrose un vaste
pays, vers Foccident, confinant avec Surinam,
dont il n*est séparé que par le Maroni. Les
terres y sont très-boisées. Nul établissement n'y
existait encore. Le sol vierge nous était inconnu.
Nous y distinguions seulement un plateau im-
mense, dont Fabord même n'était pas inacces-
sible, mais pourtant était au-dessus de mes
forces.
Trois reconnaissances nécessairement incom-
plètes s'y succédèrent, par mes ordres, en sep-
tembre, octobre et novembre 1819. Je ne man-
quai pas, le 18 avril suivant , d'en rendre
compte au Ministre.
Cependant M. Catineau lui remettait au même
moment un trcUté de colonisation de la Gujrannc
en 218a pages in-folio. Il n'y était pas question
de moins que d'y verser ga mille âmes en 10
ans, à raison de 10,000 par an, lesquelles y au-
raient élevé la population totale à aoo mille au
bout de ce terme et jouiraient alors d'un re-
venu de plus de aoo millions de livres en co-
ton ou de i5o mille francs en argent, en même
temps que de tous les autres avantages d'une
civilisation perfectionnée. C'était au demeurant
sur ces bases une Utopie complette.
L'ouvrage me fut adressé le 17 juillet i8ao,
pour que , comme des autres , j'en dise mon
sentiment. Il n'y avait que quatre jours qu'il était
uvRE 6. ( i8ao. — i8a3.) 56 1
en mes mains et je ne Tavais pas encore la, le igio,
no octobre 1810, lorsqu'une commision Royale g^^
composée de
MjM.
Catineau^Laroche , commissaire en chef«
Legoarant , lieutenant de vaisseau ,
Lefebi^re (Hippoly le), enseigne de vaisseau,
débarqua du Courrier du Havre et me remit
une dépedie ministérielle.
Les résultats de mes trois reconnaissances
étaient parvenus. Son Excellence les trouva peu
satisfaisans. Elle proposa aussitôt au Roi d'en-
voyer immédiatement trois agens sur les lieux.
Ils s'y réuniraient à trois autres de la Guyanne,
que je leur adjoindrais , procéderaient les six en-
semble aux recherches , et dès qu'ils les auraient
complettées , ceux de Paris se hâteraient de les
y rapporter.
Copie des instructions , qui leur avaient été
remises , m'étaient adressées. Je donnerais enfin
mon avis tant sur lesjoumaux des explorateurs
que sur le rapport général, dont M. Catineau-
Laroche était chargé de me présenter une am-
pliation.
Je ne me fis pas attendre pour le choix des
trois membres adjoints Guyannais ; il se fixa sur
MM. de Lesparda^ adjudant de place, faisant
fonctions de chef d'état-major.
N. B. Il commandait cl*ailleiiis la troupe de l'expédition.
5Ga MEMOIRES SUR MA VIE, A MOlf FILS.
i^^Of Jkuion, naturaliste;
i$2l. Poiieau , botaniste , directeur des cultures ;
et, pour suppléant f
M. Perroiet , botaniste-voyageur , du mu-
séum.
D'autres suivaient, sans places, savoir :
MM. Gerbet , officier d'infanterie, détadié du
bataillon, pour commander à la Mana;
Didier^ bourgeois de Paris, secrétaire de
M, Catineau-Laroche ;
Florian, ancien officier , pro-\coltiTaieurs
priétaire à Iracoubo , f habîuns
Mal^in fils, propriétaire à Co4^« quariicr
namama , / '
Gabert , lieuten.^-commissaire d'Iracoubo ;
Henriouy dessinateur employé par M. Poi-
teau.
L'expédition était accompagnée de
]3 soldats et sous-officiers, avec un officier du
bataillon de la Guyanne;
4o gendarmes et sous-officiers de la compagnie
des gens de couleur.
3e les mis au surplus tous à la disposition de
la commission et j'affectai à son usage,
I grande Pirogue ,
a Pirogues moyennes.
J'y ajoutai encore le brick de l'Etat \ Isère ^
sous le commandement de M. le lieutenant
de vaisseau de Sercey et son équi|)age.
La commission prit en outre
LIVRE 6. ( 1820. — i8a3. ) 563
la goëiette ie Itoileur , 18:20»
®^ i8a5.
la Goëiette les Trots-Sœurs^
montées par des sauvages et des Indiens ,
et qu'elle rencontra dans les eaux de la
Mana, où elle les loua.
Au bout de cinq jours , le 16 octobre i8ao,
tout était prêt , en rade de Cayenne , pour se
mettre en marche.
Le bâtiment leva l'ancre le 29 du même mois
et mouilla, le 3o, à cinq lieiu'es du matin, de-
vant Iracoubo, et le 5 novembre i8ao, à quatre
heures de l'après-midi , à une lieue environ dans
l'embouchure de la Mana.
L'exploration commence ; les abeilles se dis-
persent, volant à la picorée.
§. i.** — Cours du fieuve la Mana^ en le
remontant
MM. Legoarant, lieutenant de vaisseau,
et
JfyppoUte Lefebvre^ enseigne,
accompagnés pendant la première partie de la
route de
MM. Banon ,
Perrotet,
et
Maluin fils.
Aux officiers de marine, commissaires venus
de France , est donnée avec raison la belle et
5G4 M^OIRES SUR MA. VIR , A MOJf FOS.
18)0, principale part, celle du (leuve la Mana et de
i8a3 ^^ abords à droite et à gauche .
Leur course commence , à partir du poste
principal y le a novembre i8ao, et finit le aa
décembre : elle dure 4^ jours. Ils s'élèvent, sui-
vant leur estime, de 5." 24." latitude à 4-® i?-"»
c'est-à-dire à une hauteur de 68 milles ou 2 3 '/a
lieues, en ligne droite, depuis le poste principal,
et de 43 V3 heues en y tenant compte des si-
nuosités. Chacun d'eux a fait six explorations
sur Tune ou l'autre rive. Ils ont dressé et joint
à leur journal une carte exacte et belle de la
Mana. Ils y ont néanmoins trop peu fait d'o6-
sen^ations astronomiques , à cause des grands
bois dont ils n'ont cessé d'être couverts.
Leblond , médecin , simple voyageur , en 1 787,
nous a aussi laissé sa carte. Nous ignorons où
il en a pris les matériaux. Il est probable que
Simon Mentelle y a contribué. L'embouchure de
la Mana est placée 5.® 5o." de lat. nord, au lieu
de 5.® 43" qu'elle occupe : cette différence tient
à celle des anciennes observations astivnomiques
avec les dernières; il en est d'autres qui tien-
nent aux calculs de marches des Pirogues ; l'un
et l'autre peuvent à cet égard s'être plus ou moins
trompés. Les instrumens sous un ciel découvert
détermineront un jour mieux les vraies positions.
LIVRE 6. ( i8ao. — i8ai. )
565
Quoiqu'il en soit , la i /'
des six explorations tant à
Test qu'à l'ouest , en remon
tant la Mana , a eu lieu au
4 .• saut
La 2 «à l'île Verte...,
3.^ au-dessus du <
saut *
4.* au-dessus de Tem-
bouchure de ÏJra
ouni. ,
5.* (le 5 décembre) au
saut Maraouni ou
du Sabbalhj c'est-
à-dire, selon leca<
lendrier chrétien ,
de St.^abas , dont
la fête se célèbre ce
jour 5 décembre. •
6/ r 1 3 décembre) saut
des Cascades , 4
lieues au-delà du
précédent
LATrrODES
SlFTSNTKlONALlSi
suivant
LCGOARAIIT.
5»
5.*
10'
4.» 56'
4." 39'
4.* 26'
LEBLOHD.
5.» i3'
5.* 9*
4*
5»
4.« 54'
ai
4.^ 44'
I 4." 4^'
Les explorateurs ont donc devant eux Vile et
le saut des Cascades j le 17 décembre i8ao. La
saison des pluies est ouverte. Us résolurent leur
retour.
Ils l'effectuent et s'arrêtent, le ao décembre,
au Poste-principal ou plutôt au village indien de
Falentin, qui , en leur donnant un dîner, leur
fait les honneurs du lieu.
Dès le ai novembre, n'y ayant déjà plus suf-
fisamment d'mcfie/u vorteurs avec MM. Legoarant
iSao,
&
i8a5.
566 lIÏMOIRftS SUR MA VIE, A BION FILS.
9^20 , et H. Lefèbvre , M. Catineau avait invité par écrit,
1825. MM. Banon
et
Perrotet^
i se rapprocher de lui.
M. Banon le fit
Quant à M. Perrotet, il eut à cœur de con-
tinuer avec eux ses explorations jusqu'au ag
novembre^ époque à laquelle il se rendit aux
mêmes ordres.
D'autre part, M. Malvin fils , accompagné
du capitaine indien Jean-Pietre Fàlentin,
et de deux indiens,
songea, le 19 novembre i8aa, à remplir la mis-
sion qu'il avait reçue de se porter droit aux
sources de Viracoubo , quand il se détacherait
de la Mana.
Il atteint ces sources le 5 décembre : un filet
d'eau y coule gros comme un petit tronc d'ar-
bre. Quatre jours sont employés par lui et ses
compagnons pour arriver de cet endroit à la
mer. I^e manque de vivres les fait beaucoup
souffrir. Us rencontrent enfin
MM. Coudein, enseigne de vaisseau,
et
Dulaurais, élève de V Isère,
qui avaient été envoyés, le 1 5 novembre, sur la
goélette le Hodeur, reconnaître,
riracoubo
et
le Conamarna.
LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 567
Tous ensemble rentrent , le 8 décembre i8ao, 1820,
en droiture, au Poste Principal ^ rapportant des 18.^3.
plants de vivres et des approvisionnemens.
§. a. — Chemin entre Organabo et la lUana,
tracé par M. Florian. — Recotmaissance par
MM.Cat. Laroche y de Sercejr^ de Lesparda^
Poiteau et le docteur Lefevre sur la route
d'Organa. — Reconnaissance de la rii^ière
Laussat et voyage à Organabo et Iracoubo
par M. Didier j et MM. Florian et Henrion.
— Reconnaissance au S. E. à VE. et N. E.
du Poste principal, par M; Poiteau et M.
Didier. — Reconnaissance au S. E. et à VE.
du posTS PRinaPAL , par M. Hippoljrte Le/e-
i^re et M. Malçin fils.
Les explorations se sont fort multipliées dans
ce quartier. Iracoubo et Organabo ont depuis
long-temps des commencemens de civilisation.
De vieux habitans soit européens soit indiens
y sont établis. Par eux , on connaissait déjà un
peu la Mana et on traitait avec elle. On est venu
ici aux premiers renseignemens et aux premiers
secours pour les communications. Les anciennes
relations ont servi et s'y sont mêlées aux dé-
couvertes nouvelles. M. Gabert y était Lieutenant
commissaire à Organabo et nous voyions tous
les ans y à Cayenne, M. Florian, militaire, qui
avait choisi y en cet endroit, sa retraite et à qui
nous avions recommandé , par une lettre, d'ai->
i8a3.
568 lIKMOiRES SDR BtA VIE, ▲ MON FILS.
1830, ^^^ de son expérience M. Catineau-Laroche. Plus
les témoins s*y sont multipliés , plus les témoi-
gnages ont varié. Il a été visité par
MM. Florian , \
. Mes I o et 1 2 noveinb. ,
Henrion , )
par terre , chemin de 4 Vb ligues ,
qui a exigé à faire 7 '/a heures ;
MM. CatineaU'Laroche A
De Sercejr, I
DeLesparda^ lie la novembre;
Doct.^ Lejès^re^ |
Poiteau , /
M. Didier ^ \particulièrement sur
Un Gendarme ^ f la route d*Organabo ,
Deux Indiens , | font 1 5 à 16 lieues le
en deux et demi jours 3 16 novembre;
MM. Florian (?»"> ^^T)
^'«««/Hi/ deux i j^^b
'{ en Pirogue, 1
MM. De Sercey,
De Lesparda^
DJ Lefevrej
sont entrés, le la novembre, dans la rivière
Laussat , et n'ont guèrespu faire que trois^uarts
de lieues en Pirogue;
MM. Fïonan
et
Henrion
ont mesuré la laideur de cette rivière de 4o
8^3.
uvRE <J. ( i8ao. — i8a3.) 569
pieds à son embouchure et sa profondeur de 8 ^^j[®»
pieds.
Ils ont trouvé un peu plus haut, à six heures
du soir, M. Didier, sur un point de la route
d'Organabo, qu'il avait suivie les aS , a6 et 27
novembre , avec M. Florian lui-même.
M. Didier était parti, le matin, du Poste-prin-
cipal, à environ trois lieues.
MM. CatineaU'Laroche ,
De Lesparda ,
De Sercey,
Poiteau ,
et
le DocL' Lejèvre ,
explorent ensemble, le i4 novembre, la rivière,
environ deux lieues, et la partie de route qui
conduit à Organa.
Us rejoignent
MM- Didier,
Florian ,
Henrion ,
près des TroisSauts que forme un banc de gra-
nit, de 5o à 60 toises , assez large et assez pro-
fond pour laisser passer des Pirogues.
Un terrain marécageux , crevassé par les eaux
pluviales , se prolonge ensuite sur une lieue
d'étendue.
Après ce marécage, se trouve le point de jonc-
tion des deux branches de la rivière , la princi-
570 IfJKMOIRES SUR UA VIE, A MON FILS.
1830, pale de 3o à 4o pîeds de largeur venant du sud,
iSaS. l'autre venant directement du N.-E.
La rivière Laussat, depuis le Saut jusqu'à
Fembrancheinent , est plus profonde qu'elle ne
Test depuis Tenibouchure jusqu'au Saut : elle
conserve pendant tout cet espace la même lar-
geur. Mais au-dessus du point de jonction, elle
est si peu considérable qu'il serait impossible
d'y naviguer. Si elle était dégagée des arbres
morts qui la traversent, elle serait flottable pen-
dant dix mois de l'année , dans une étendue de
10 lieues.
MM. Florian
et
Henrion ,
après le point de jonction , ont traversé un ma-
i^écage pareil à celui qu'ils venaient de quitter et
près de demi lieue de longueur.
Ils ont traversé, pour la seconde fois, la petite
branche de la rivière. Ils ont descendu un momet
par une pente douce. Ils ont repassé la branche
de la rivière pour la troisième fois ; ils ont en-
core remonté d^autres mometSy qui les ont con-
duits à une terre-plate d'une lieue environ de long.
Ils étaient rendus sur les bords de l'Organa,
qu'ils ont côtoyés par la rive gauche, à travers
des marécages, pendant deux lieues et demi.
La crique d'Organabo est navigable pendant
une lieue sur de petites Pirogues , durant neuf
mois de l'année.
i8a3.
uvRE 6. ( i8ao. — i8a3.) 571
D'Oi^ana, MM. Florian 1830,
et
Henrion
sont partis, le 5 déoembre, pour se rendre à
Iracoubo.
Ils se sont séparés à une lieue dans la Savane.
M. Florian est entré dans les bois, a poursuivi
sa route jusqu'à Iracoubo, sur une langue de
terre entrecoupée de petites criques et de maré-
cages , laquelle n'a pas moins de buit lieues de
longueur sur i5o à aoo pas de large.
M. Henrion a gagné au S.-E. la limite des
grands bois qui bordent les savanes. Après avoir
traversé un marécage, il a cheminé environ trois
quarts de lieue sur un sol plat. Puis, de mor-
nets en momets , entrecoupés de marécages et
de deux petites savanes , il s'est dirigé par Test,
en suivant la crique Ouauama , a atteint la sa-
vane Makoi , d'où il s'est rendu à Iracoubo.
5. 3. — Exploration de la rivière Portai, entre
rO. JV. O. à VO. du POSTE PRINCIPAL.
MM. Poiteau
et
le docteur Lefe%fre
vont, le a4 novembre i8ao, avec trois gendar-
mes et deux jours de vivres visiter les terres à
rouesl du Poste principal. Ils ont trouvé , i en-
viron deux lieues du point de départ, une belle
rivière, qui parait venir de l'O. N. O., et qui
572 MEMOIRES SUR MA VIE, A MOH FILS.
iSao, a le quart de la largeur de la rivière de la
i8a3. Mana. Ils reviennent en rendre compte le a5.
M. Catineau veut la voir le lendemain a6.
Le docteur Lefevre l'y accompagne. Ils allon-
gent leur route et rencontrent cette rivière au
bout de sept heures et demi. Us ont fait d'abord
ro. S. O.^ puis le N. O., et enfin le N. Us sont
retournés eu trois heures au poste. Us Font ap-
pelée la Rivière Portai.
Enfin y une dernière exploration du G décem-
bre i8ao par M. le lieutenant d'infanterie Ger-
bet, escorté de deux gendarmes, avec cinq jours
d'approvisionnemens, a rapporté, le 8 décembre,
à M. Catineau, qu'il était sorti de la rivière
Portai par son embouchure dans la Mana, à
une lieue et demie au-dessous du Poste.
Une pirogue, qui y avait été construite en
bois d'Acajou, est montée prendre, le la dé-
cembre, son mouillage au Poste principal.
§. 4- — Exploration depuis le Poste principal
vers ro. S. O. au-dessus de la rivière portal
jusqu*auprès du Maroni.
MM. Perrotet
et
Didier
escortés de quatre gendarmes noirs et approvi-
sionnés de vivres pour dix jours , sont chargés
de cette exploration. Us parlent le 4 décembre ,
uvRB 6. ( i8ao. — i8a3. ) 673
au soleil levant Ils s'acheminent , par le chemin iSao »
frayé , à la rivière Portai , qu'ib traversent. Ils mar- jg^s,
chent ensuite, pendant quatre jours , à TO. S. O. ,
direction du Maroni : ils font un peu plus de 3o
lieues et se supposent assez proches des parages
auxquels M. Poiteau a dû atteindre du côté du
Maroni. Nous entendons ici cette distance de
lieues marines. Il y a onze lieues entre la Mana
et le Maroni. MM. Perrotet et Didier , abseus
sept jours et demi, exténués de fatigue, mou-
rans de faim, regagnent, le i4 décembre, le
Poste-principal.
5. 5. — Diverses explorations dans le bas de
la Mana y à son embouchwe et à ses appro-
ches jusqu^aux premiers postes Hollandais du
Maroni f aux criques ACAJtouAiri et de la
VRILLE.
MM. De Sercey
et
Lesparda ,
à environ a 1/3 lieues de l'embouchure de la
Mana et sur sa rive gauche, ont été chargés,
le a6 novembre, d'explorer la crique jicarouanu
Elle a environ ao à 3o pieds de largeur pendant
8 lieues et 7 à 8 pieds de profondeur. Plus loin ,
sa profondeur n'est plus que de 4 ^ 7 pieds d'eau.
I/entrée de la Mana et sa route pour V Isère
avait été reconnue par des hommes de l'équi-
574 MEMOIRES SUR MA YIK , BtON FILS.
i8ao, page, vers le 4 novembre , et ils y avaient placé
isîî. ^«* balises.
MM. de Lesparda et Mal vin fils avaient cinglé,
dans la nuit du 4 ^u 5 novembre, vers le vil-
lage du Capitaine François, sur la gauche du
Maroni , rive Hollandaise. Ib décidèrent ce ca-
pitaine à venin On désirait traiter avec lui du
secours d'une douzaine de ses Indiens Galibis.
Il était suivi de Tofficier Hollandais , comman-
dant le poste dé VHermine , qui était en quête
de trois déserteurs. Les déserteurs n'avaient \kauI
paru. Le commandant François et ses Indiens
furent inaccessibles à tout traité. On reconduisit
le lendemain matin les deux chefs à leur poste.
Le 8 novembre ont continué les sondes dans
les eaux et autour de V Isère.
Le village des Indiens- Falentin est visité le 9.
Le i3 novembre , Paul , pilote de la goélette
Y Isère , laquelle déchargeait et emmagasinait ,
au Poste-principal j ses approvisionnemens, et
maître Yayre , chef de timonnerie , les deux
escortés
d'un matelot
et
de deux gendarmes ,
reçoivent de M. Gatineau l'ordre d'exploiter la
crique la brille , qui était à portée. Ils en sont
de retour le 16.
uvEE 6. ( i8ao. — i8a3.) 675
1810,
§. 6. — Voyage sur le Maroni. *
MM. Poiteau
et
raHiant,
le premier, botaniste,
abord d'une grande pirogue^
avec six gendarmes
et des TÎvres pour a5 jours ;
le second, enseigne de vaisseau,
avec la chaloupe armée de Vlsèr^Cy
entreprennent de compagnie un voyage dans le
fleuve du Maroni.
La proposition en fut faite par M. Catineau*
Laroche, le 3o novembre ^ à M. Poiteau. Celui-
d était affecté de l'espèce d'abandon où il était
laissé et comme dédaigné : il accepta Vojfre avec
un sentintent très-visible de satisfaction.
Ils passèrent, le 2 décembre i8ao, à cinq
heures et demie par le travers et assez près du
poste hollandais, à l'entrée du fleuve, qui est
large d'environ une lieue ^ à six kilomètres de
l'embouchure de la Mana. Sur la même rive , i
quatre kilomètres au-dessus du poste hollandais,
sont deux villages indiens, dont l'un est celui
du capitaine François , chef des Galibis.
Une petite peuplade d'indiens habite 4 lieues
plus haut, quelques carbets sur la rive française.
Les terres environnantes ont été visitées.
Le 3 , à midi , les voyageurs ont atteint un vil*
itaS.
576 XilfOIEBS SUR MA VIS, A HOH FILS.
i89o, lage de Galibis et d'Arouagues des dépendances
jSsS. ^^ François. Ib étaient, à G heures et demie, à leur
couchée, qu'ils ont appelée \vi Pointe du Refile.
Ils Font quittée, le 4 décembre, aune heure
de l'après-midi, et ont débarqué à cinq heures
et demie à une pointe que M. Vaillant a déuom
mée la Pointe Trompeuse. Une chaine de mon-
iagnes , sur la rive hollandaise correspondante,
parait avoir son origine aux sources du Maroiii
€t s'étendre jusqu'ici , tandis qu'à la rive droite
Française la côte est plate et les monticules
même disparaissent.
Le carbet de la Pointe Trompeuse est aban-
donné le 5 décembre, à 7 heures du matin,
et les voyageurs, après trois heures de l'après-
midi, se trouvent au milieu de roches qu'ils
heurtent de tous côtés. Au bout de demi heure
ik sont arrêtés par un banc de 4 pieds qui lie
la rive Française avec une île du fleuve. D'au-
tres roches les empêchent de la tourner. Ils vi-
rent de bord et en réchappent avec des dan-
gers infinis : ib gagnent à sept heures et demie
du soir une petite anse que M. Vaillant nomme
la Pointe des Dangers.
En face est le poste Hollandais Hermine^ à
5* 7'. U était commandé par M. Scorpion , of-
ficier hollandais, qui avait été reçu, le 5 no-
vembre, i bord de V Isère.
U a appris que, peu d'années auparavant, un
officier de la marine royale de Hollande et son
uvRR 6. (i8ao. — i8a5.) 577
équipage avaient péri en voulant franchir ce iSao ,
grand saut Le hollandais avait vu que MM. ,9,3^
Vaillant et Poiteau s'engageaient dans la même
aventure et avaient envoyé , le matin , à leur se-
cours, une pirogue.
En conséquence, renonçant, le 6 décembre,
à l'espoir de remonter le Maroni plus liant, M.
Poiteau se met à midi en route, avec ses gen-
darmes et sept jours de vivres , prenant sa di-
rection au S.-E. des terres de l'intérieur qu'il
explore jusqu'au 1 1 décembre , où il rentre au
Poste des dangers.
Le lendemain , rei^as cordial auposte Hollandais.
I«e i4 décembre, les deux embarcations re-
descendent le fleuve. Le 18, ces voyageurs cou-
chent au village du capitaine François; le 19,
ils s'arrêtent à un village voisin d'Arouagues et
passent la nuit suivante au village Hollandais
de l'embouchure du Maroni.
Le ao au matin , à 6 heures , ils mirent à la
voile, et quatre heures après ils étaient à bord
de V Isère f dans la Mana.
M. Vaillant, cependant, constatait par des
sondes, la profondeur de9 eaux du Maroni, en
relevait les îles et les rives , déterminait par des
observations astronomiques les positions,
du village de François,
de la pointe des Carùets,
delà pointe qu'il a appelée de roùsermtion,
et du poste Hollandais Hermine:
5^8 MÉMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS.
iStio, eu levait enfin une bonne carte qui a été trans-
,9,3 mise à S. Exe. le Ministre et qui restera comme
monument précieux de nos investigations.
M. Catineau-Laroche était resté à-peu-près tout
ce temps-là i un mille du Grand-Saut, à onze
lieues de Temboucluire de la Mana , point le plus
haut , auquel le brick Y Isère put s'élever.
Cest là qu'il fixa, le 7 novembre i8ao, son
quartier-'général 9 et de là qu'il distribua ses ex-
plorations.
Il donnait ses ordres et recevait ici les répon-
ses. Il s'éloigna personnellement peu de ce centre.
Le village de l'Indien Jean-Pierre Falentin était
proche : il le fit promptement visiter; il y prati-
qua une chaussée et des ponts.
Il plaça à cette hauteur, sur la rive, non loin
du mouillage, le Poste-principal^ où il établit
une caserne, un magasin , des potagers, des routes
allant, soit à notre mouillage, soit sl^x village
Indien , et des abattis pour des vivres.
M. CatineauJjaroche réfléchit qu'il avait eu tort
d'embarquer , avec ses 4o gendarmes noirs, des
soldats et sous-officiers blancs. Les noirs travail-
lent , disait-il, tandis que les blancs trouvent qu'il
est plus honorable et sur^tout plus facile de se
reposer. Comparant la quantité de ces bouches
inutiles aux provisions qui, le 16 novembre, lui
restaient encore , il se détermina subitement
à renvoyer, sur les Trois-Sœurs, à Iracoubo,
huit de ses treize sous-officiers et soldats qui , dé-
uvRE 6. (i8ao. — i8a3.) 679
gagés de leurs fusils, rejoindraient de la , à pied , »^jo ,
leur bataillon : ils exécutèrent heureusement i8a3,
leur retour.
Mais M. Catineau n'en commit pas moins une
inconséquence , qui jurait avec ses principes et
avec son langage : si ses blancs résistaient mieux,
s'ils valaient mieux à la peine , il falait au moins
les éprouver,
J^ 12 décembre i8ao, la saison des pluies est
déclarée à la Mana. Il n'y a plus d'explorateurs
à envoyer, ou d'explorations à diriger. Ce serait,
au gré de M. Catineau-Laroche, perdre son tems
que d'attendre même pour décider où l'on pla-
cerait des postes^ comme l'avaient recommandé
les instructions données par M. Portai à la com-
mission : le prompt départ pour Cayenne de M.
Catineau, commissaire en chef de la commission ,
est décidé.
11 se hâte à lui seul d'ordonner qu'un poste
sera laissé à Iracoubo.
Il s'en remet de la suite de sa mission sur M.
de Lesparda, à qui il transmet ses intentions.
M. de Lesparda reçoit de lui le commandement,
en l'absence de M. Legoarant, qui était l'officier
le plus ancien.
M. Catineau s'an^êtc à Iracoubo et y prend
quelques mesures. Il y assied \e poste. Il poiu^uit
ensuite son chemin , le a6 décembre, sur la goé-
lette les TroiS'Sœurs et ne cesse , pendant quatre
jours, d'essayer vainement de doubler Sinaroari.
58o IfiMOIRES SUR MA VIE, A HOH FILS.
1 830 , Il a échoué. Il desœnd des Tiois-Sœurs. Il remonte
iBaS. 1^ Conanama, prend la route de terre, et bar-
rasse, dégoûté, arrive, le 7 janvier i8ai, à
Cayenne.
MM. Legoaran
et
Lefkvre ^
y rentrent , le 6 janvier ;
Poiteau , le 7 janvier ;
Perroiei, le 7;
Banon,
LejjHwda, commandant militaire,
et
Le/èi>re, cliirurgien, le 9 janvier;
Gerbet, lieutenant d'infanterie,
et
Didier y secrétaire du commissaire en
chef de la commission, le 10 janv.
V Isère enfin a repris le mouillage de sa sta-
tion à Cayenne, le i5 janvier i8ai.
Ce brick est un fort mauvais marcheur.
Les commissaires explorateurs avaient succès*
sivement quitté son bord en route.
Quoique secondé par des vents favorables,
il ne mit pas moins de vingt jours à retourner
de la Mana à Cayenne.
M. Catineau n'eut pas dû en débarquer que
sa mission ne fut toUloment terminée. Après
avoir fini les explorations , les premières ques-
tions à soumettre aux explorateurs réunis, c'était
uvEB 6. ( i8ao. — i8a3. ) SSl
sll convenait cTentreprendre une colonisation iSao,
nouvelle en cet endroit? Quels étaient, dans ce ,333.
cas, \es postes à y établir sur-le-champ?
Lorsque la commission aurait donné ses avis
sur ces deux points, le gouverneur serait con-
sulté à son tour.
Procès-verbal serait dressé dé ces solutions.
Elles devaient précéder et non suivre toute
autre opération.
M. Catineau n'ignorait pas, d'après ses inS'
irucUons , qu'il m'était réservé de prononcer
définitivement des dispositions à faire.
Il me rendit compte , le 20 janvier, du pla-
cernent des postes qu'il avait déterminés : il les
remettait en mes mains, ajoutait-il, et son inter-
vention serait désormais irrégulière. Il me pres-
sait de pourvoir à Tapprovisionnement.
Je le ramenai à ses instructions le ai jan-
vier i8ai.
Non seulement il péchait dès ce moment par
la forme; le poste d*lracoubo était d'ailleurs
mal placé et n avait point de but.
Je m'en expliquai par une lettre du aG jan^
vier iSai.
A partir de cette époque, M. Catineau ne se
contint plus.
Il vise aux bons mots : il lui en échappait
d'inconsidérés. Il est enclin à la critique : il en
Causait de déplacées. On le trouvait furet. Les
xenseignemens malins étaient ceux qui le con-
58a MiMOIRKS SDR Mi VIE , A MON FILS.
i83o, tentaient le plus. Il se jetait de préférence parmi
1833. '^ S^^^ ^^ moins estimés. On l'appelait Y ami
du Ministre. Il recherchait les ennemis du gou-
vernement Il étalait avec complaisance devant
eux le caractère et les trésors dont il revien-
drait bientôt les éblouir et leur offrir le partage:
il jouait de Timportant et du personnage et pro-
mettait son appui.
Le bras droit de Catineau, sa société de toutes
les heures y celui de qui il fit son conseil intime,
était le procureur du roi Cadéot : ils se connais-
saient de longue main. Leur liaison datait du
temps où M. Catineau avait été chef de bureau
de Fimprimerie et de la librairie, sous M. de
Pommereulydaus lesquelles M. Cadéot était ins-
pecteur.
A la fin des courses du commissaire chef de
de l'exploration , lorsque je le revis , ce qui me
frappa le plus, ce fut surtout l'éloignement qu'il
montrait à se communiquer aux habitans nota-
bles de la colonie : il oubliait que ses instruc-
tions l'avaient sagement invité à éclairer y s* il
était besoin, par ses relations , dans le pays , les
opinions.
Je l'avais introduit dans une société d'hommes
qui se rassemblaient périodiquement et sans
prétention pour s'instruire et discuter : elle était
appelée société d* instruction.
Bientôt il prétexta, qu'outre que ce serait
compromettre sa dignité, il était dans son rôle
uvEB 6. ( i8ao. — i8a3*) 583
de réserver pour le gouvernement , qui les avait tSao ,
envoyés , toute la primeur de leurs découvertes. ^^y
M. Catineau y vint pourtant une fois , s*y tint
dans une noble circonspection et n'y reparut
plus. Il fit sur les membres de cette société du
persiflage. Il ne la citait plus que sous le nom
de Société Swante, d' Institut-Colonial.
Nous n'avancions cependant pas. I..es postes
restaient sans officiers. Je pris le parti de pro-
voquer, pour le 37 janvier, une conférence, des
chefs du service, oùj'appeleraisM. de Lesparda
qui avait commandé les troupes de l'expédition
et à laquelle je prierais d'ailleurs M. Laroche
d'assister.
Je me convainquis alors que M. Catineau-Laro-
che craignait la contradiction et ne se soudait
point de prêter le flanc.
Procès-verbal fut rédigé comme à Tordinaire,
et avec une véracité et une exactitude affectées :
il n'y avait point brillé.
Le procès-verbal lui fut apporté le lendemain
matin, avec invitation d'y ajouter et d'enretran.
cher à sa guise.
Il en montra de l'humeur. 11 se récria et se
dépita sur les deux courtes et trandiantes ré-
flexions de M. de Lesparda , l'un de ses cama-
rades d'exploration. Enfin, il me renvoya la mi-
nute du procès-verbal , sans y rien changer, me
faisant dire qu'il allait se rendre auprès de moi.
U ne s'y rendit pas.
584 iiMmoires sue ma vie , ▲ mon fils.
iS3o, Mais il me transmit , le a8 janvier , sa réponse
i8a3. écrite. Je Tinsérai dans le procès-verbal , et j'y
répliquai.
Il était temps de remettre M. Gatineau à sa
place. U en était étrangement sorti. Il m'apostro*
pliait sur mon administration ; il me régentait.
Je l'invitai à asssister à la séance, où la rédac
lion, qui avait excité sa bile, serait examinée
et débattue : il se garda d'y paraître.
Il n'y eut plus que de vagues relations ofli-
délies entre nous, jusqu'à l'instant où je reçus
de ses mains les Journaux des explorateurs et
son rapport général. Nous avions alors rompu
déjà ensemble.
Ses anecdotes et informations de bas lieu et
de mauvais aloi ; ses dédains choquans pour
les personnes et les mœurs et les usages; sa
doctrine professée publiquement sur le sort et
le régime des nègres et gens de couleur^ soit
esclaves, soit affranchis; ses plaisanteries prodi-
guées à tout propos sur les objets qui en sont
le moins susceptibles; en un mot, ses inconsé-
quences continuelles et de tout genre Les
apparences de mépris sont ce qui se pardonne
le moins : bref, il s'est aliéné toute la partie
respectable et saine de la colonie; il n'a con-
servé des liaisons qu'avec la partie méprisable
de la iK>pulation et parmi ceux qui espèrent
ou tirer parti de lui , s'il i*cvicnt muni d'ai^cnt
et du iK>uvoir, comme il les eu (latte, ou se
servir de lui pour faire parvenir des déuoncia-
uvBE 5. ( 1807. — i8a3. ) 585
fions au iniuistre, auprài de qui il vante son >39o»
crédit ,3a3.
Enfin^ le i.^** mars ]8ai, il me passa et les
journaux et son rapport. Je rois vite la main
à l'œuvre et, le 6 roars, je signai roon compte
rendu et roon avis au roinistre.
M. Catineau-Larodie avait extrait fidelleroent
les journaux de ses collaborateurs.
Dès ses preroiers pas dans la Mana , on le voit
très-disposé à y trouver tout admirable : il ne
peut souffrir que qui ce soit élève nulle part de
doutes à ce sujet.
Mais au deroeurant ce térooignage devient
bientôt et à roesure que les explorations avan-
cent tellement unanime qu'il dut en être plei-
nement satisfait
Le commissaire directeur reconnut , avant le
la novembre i8ao, qu'il irait inutilement ailleurs
chercher des localités qui remplissent mieux
les conditions voulues par le gouvernement :
il résolut par conséquent de s'arrêter ici. Sa
tache était ainsi fort abrégée.
Mais pourquoi, le i5 décembre, déserte-t-il
tout-à-coup et les rives de la Mana et la Com-
mission ? L'adcctation qu'il met lui-même à s'en
excuser prouve qu'il a senti sa faute et qu'il
en a eu du remords. Chef de l'expédition, son
devoir était de ne pas s'en séparer que cette
expédition n'eut fait ensemble le choix formel
d'im local pour la nouvelle colonie et décide
586 M^OIRES SDR MA VIE, A MON FII^.
i8ao, des postes à y établir. En effet, j'ai eu des
i8a3. objections à opposer sur \q placement des postes j
qui probablement auraient été évitées, s'ils
étaient devenus, pour les commissaires, l'objet
d'une discussion générale.
liCS commissaires ont au reste reconnu tous
et affirment que les terres sont en général excel-
lentes. Il n'y a eu quelque désaccord que sur
le quartier de la rivière Laussat et d'Iraœubo.
Ce n'est pas la peine de s'y arrêter , lorsque
la nouvelle colonie aurait d'ailleurs tant à s'éten-
dre et à choisir de toutes parts.
Jje séjour serait-il aussi sain qu'on le suppose ?
l'acclimatement des blancs est-il aussi facile ?
Il y a eu dissentiment à cet égard.
M. Catineau a soutenu fortement l'affirmative.
Il a entassé à son appui les raisonnemens et les
exemples. Mais ni les uns, ni les autres ne sont
précis et formellement applicables.
Il cite la température de aa degrés au poste
principal f et de ao seulement dans les parties
plus élevées de la Mana : mais cite-t-il aussi des
essais d'établissemens coloniaux, qui, sous ces
mêmes latitudes, dans ce climat, ayent réusM et
dont les traces se soient conservées ? Il prétend
que, pour décider en connaissance de cause celte
question , la commission aurait dû faire un plus
long séjour sur les lieux.
Il demande si , à la Barbade , à S.*-Domingue«
aux Antilles, à Cayenne, on ne rencontre pas des
uvRB 5. ( 1807. — i8a3. ) 587
travaux entrepris par les blancs, qui y ont résisté. >3tio ,
Le local et le terrain ne valaient pas, ajoulc-t-il , ,$33,
ceux de la Mana.
J'en conviens. Comment pourtant les ouvrages
sont-ils restés et leurs auteurs de population
blanche ont-ils disparu?
Oui, répéterons-nous, les blancs qui travail^
ient la terre, dans ce pays y dégénèrent et
s^ abâtardissent.
dierclions s'il semble y avoir moyen de les
y conserver.
La Guyanne a jusqu'à présent ce privilège que
la fièvre jaune n'y est pas connue.
Je trouve de plus , à la Mana , l'avantage im-
mense que les Européens, qui s'y installeraient,
n'y contracteraient ni liaisons, ni rapports avec
des africains et des esclaves , puisqu'il n'y eu
aurait pas.
En effet, la contrée qui nous est dévoilée
parait former une grande étendue de terre, lais-
sée intacte et inhabitée tout exprès pour rece-
voir la population que la France lui destine et
tenter l'essai que nous voulons faire.
Tja terre d'un commun aveu est bonne, fé-
conde, cultivable.
Sa configuration , légèrement ondulée et par-
tout baignée de rivières flottables , ne ressemble
pas à cet amas de hautes montagnes entrecou-
pées de gorges profondes qui cou[)ent, comme
un rempart hérissé , le sud de la partie occupée
et cultivée de notre Guyanne.
588 ItiMOIRES SUR MA VIB , A MON FILS«
iSaoy Nous avons acquis la certitude, jusques à 5o
aSaS. lieues, en remontant la Mana, que sa rive gau-
che s'étendait en plateaux , en petits monticules,
en criques, en riche végétation.
Sans parler de la rive droite , sur laquelle il
y a partage d'opinions, jetons les yeux sur cette
vaste superficie qui se déploie entre la Mana et
le Maroni , depuis le 5 ^4 degré jusqu'au 4 V»^
de latitude occidentale : n'en prenez même que
3oo lieues carrées : que de milliers d âmes elles
sont capables de contenir! La qualité du sol est
partout merveilleuse et le devient d'autant plus
qu'on approche davantage du Maroni; partout
le terrain est accessible et maniable; partout
il est de nature et de forme à-peu-près homo-
gène : rarement trouverait-on sur le globe des
espaces aussi étendus, présentant de pareils
avantages à la population et à l'industrie.
Posez donc les pieds sur la gauclie de la
Mana, vers le Poste principal: multipliez, se-
mez, gagnez continûment de proche en proche
les bords du Maroni.
Les guyannais vous diront que l'acclimatement
des laboureurs Européens à l'ardeur du soleil
de l'équateur est un phénomène presque inoui.
Mon sentiment fondé sur tout ce que j'en ai
vu et recueilli, est qu'il périra beaucoup de
monde, que c'est un mal inévitable et qu'on di-
minuera considérablement par des précautions
qui au|Xiravant n'ont pas été prises : ne trans-
l>orter que des laboureurs endurcis ou de gros
uvEx 6. ( i8ao. — ]8a3. ) $89
ouTrîers ; les amener en nombres modérés et par iS^o »
Êimilles; soigner leurs traversées et surtout leurs ,3,3^
installations; pourvoir avec régularité à leurs
premiers besoins ; mesurer leur travail et les en
arracher de 10 heures du matin à a heures de
l'après-midi ; les accoutumer à un régime sobre,
en même temps que substantiel...... A ces condi-
tions , j'ai la confiance qu'ils s'acclimateront et
prospéreront.
Enfin, il s'agit d'atteindre un but inapprécia-
ble : ne reculons pas devant quelques dangers
et quelques ])ertcs.
D'est-ce pas ainsi que des hommes d'état doi-
vent aivisager les choses ?
Après avoir lu, examiné et réfléchi, telle fut
en résumé l'opinion à laquelle je m'arrêtai et que
je présentai au Ministre. Il en rendit compte au
Roi, au mois de juillet iSai, et cette base de
colonisation fot admise.
Les commissaires Catineau , L^oarant et H.
Lefèvre n'étaient pas encore repartis, quand je
me mis en mesure de continuer les préparatib
qu'ils avaient commencés : ce m'était officielle-
ment recommandé.
Je détachai aux bords de la Mana, dans les
postes y
un Officier,
un Chirui^en,
iS Chasseurs de couleur , la plupart ou-
vriers.
Sgo iiibfoiRES SUR uk vie, a mon fils.
iSao, Je rois rétablisssement tout entier sous la di-
1833. rection du capitaine Lesparda, à Cayenne : je
le chai|;eai de le suivre et de le surveiller. 11
7 avait fiiit, le i3 mars i8a3, huit voyages, au
moment où je transmis la Guyanne à mon suc-
cesseur.
Je nommai, pour commandant à résidence
fixe, M. le lieutenant d'infanterie Gerbet. Sa
mauvaise santé Ten fit rappeler au bout de huit
mois.
Il est revenu en France , avec un congé de
convalescence et le grade de capitaine, auquel
il avait été promu.
Je le remplaçai, il y a environ dix -huit mois,
â la Mana, pat M. le sous^lieutenant d'infanterie
Fourcade.
Conformément aux désirs du ministre , je fis
construire, ^n poste principal ou supérieur ,
une maison de commandant,
un quartier,
un magasin,
un hôpital,
et
le logement d'un administrateur et de
quelques autres ageus.
Je renforçai la gamison^ateUer^ de
I chef contre^maitre diarpeniier de ma-
rine (Martin),
5 chasseurs charpentiers,
20 nègres esclaves du roi.
uvRB 6. ( i8ao. — i8a3. ) 5g i
En un mot, le nombre dliommes que j*jr iSao,
laissai consistait en, savoir : ^3^^
I sous-lieuténant commandant ,
I chirurgien,
I contre-maître diarpentier,
3o chasseurs de couleur,
ao nègres du roi.
53 ensemble.
La commission d'exploration s'était casée dans
vu carbet provisoire, qu'on a du reconstruire
cinq ou six fois depuis.
Il y fut ajouté un carbet , en guise de caserne,
un autre pour servir de chantier et quelques
légers bàtimens de servitude : tout cela bien
frêle. Depuis on a entrepris, suivant de nouveaux
ordres dictés de Paris, des ouvrages plus solides.
Une très-grande partie des bois, pour Yhâ^
pitûl et pour la tnaison de VordonncUeur et du
juge, sont prêts et rendus à pied d'oeuvre.
Quant aux cultures, seize carrés sont abattus
et défrichés au Poste principal. Il faut en re-
trancher remplacement des bàtimens. Tout le
reste est planté ou semé soit en maXSf ris ou
herbes de Guinée^ etc., etc.; des pépinières des
principales cultures du pays, coton, cannes y etc.
y ont été formées.
IjC Poste inférieur f où six hommes sont déta-
chés pour le garder et l'entretenir, a i8 carrés
d'abattis plantés en bananes , fnais, manioc et m.
Sq^ MlÎMOniES SUR MA VIE, A MOIf FILS.
1810» La terre, à ce poste, a paru légère et bonne
i8a3. seulement pour des vwres. Il n'a été considéré
jusqu'ici que comme une sorte de débarcadère et
de dépôt à l'entrée de la rivière, entre son embou-
chure et les Postes supérieurs. Les navires ne peu-
vent guères remonter plus haut dans le temps i\es
pluies ou, selon le langage créole, des doucines.
Nous avons dépensé , pour la Mana , 1 218,870 (r.
Tout ce qui a été dit de la Mana n'a pas
changé mon opinion. Je crois qu'une colonie
d'Européens blancs y profitera, pourvu qu'elle
n'y arrive que par petites portions et que ces
portions soient composées, non pas de citadins
et d'artisans etléminés , mais àe familles de ro-
bustes laboureurs, et il faut bien remarquer
que je A\% familles.
Je répéterai seulement encore que, pour la
bonne qualité du sol, en général, et tout en-
semble , l'heureuse configuration du terrain , je
crois que nul autre quartier n'est aussi coloni-
sable que celui-ci , dans tout le reste de la
Guyanne.
Je ne dissimulerai pas cependant que, depuis
le mois de décembre dernier, époque où les com-
missaires explorateurs achevaient leur tache , les
pluies haussèrent les eaux d'environ 27 pieds,
par conséquent fort au-dessus de l'un et de l'au-
tre bord de la rivière : elles parvinrent à une
élévation dont les voyageurs ne se doutaient [uis.
Il eu résulte nécessairement, i>endant sept ou
LIVRE 6. ( 1820. — i8a3.) 5^3
huit mois, une température habituelle , que des
Européens n'affronteraient pas sans péril et à
laquelle je ne connais de remède que de vastes
et grands défrichemens qui aient édairci , des-
séché et assaini au loin le pays ; ce qui , après
tout, ne peut non plus s'obtenir qu'à force de
temps et de travail.
è
i8a3.
Ait. II. ^ CULTURES.
J'ofire ici le tableau des produits des deic-
RiES iNDicinES , qui ont été exportées de la co-
lonie pendant chacune des quatre années de mon
gouvernement.
Quoiqu'il n'y soit pas tenu compte de la fai-
ble quantité qui se consomme dans le pays et
qu'on n'évalue pas à plus d'environ 6,000 fr.,
il n'y a pas d'autre meilleur moyen de juger du
mouvement et des progrès de l'agriculture.
DE1IEEE8.
Cacao.
Café..,
Cancllc.
Coton .
Gërofle
Poirre.
Rocou.
Sucre.
quanuté des denrées exportées.
1819.
a9»»94h^
29,695
291,533
55,395
1 56,920
99^»3
i8ao.
86,698 Ut<
36,785
1,089
208,5o2
100,039
ino,58j
249425
1821.
49,184
843
76,264
18
in8,8i3
459,678
li
182a.
62,2i5Ur.
60,966
55 1
194,076
78,184
21
179,577
373,472
Observai.
i8a3.
594 MEMOIRES SDR MA VIE, A MON FILS.
Les sucreries principales , celles de Mondélice
et du quartier-général ont cliumé pendant 18»
par des accidens qu'elles ont éprouvé : néan-
moins , la différence ne devait pas être une di-
minution de G3 milliers. Il est évident que la
permission que j'avais accordée de peser à bord,
avait facilité la fraude: éclairé par l'expérience,
je l'aurais révoquée.
Ajoutons, année par année, les prix moyens
PAR kilogrammes.
ùtMWiMM.
PIUX PAR KILOGRAMME.
1819.
i8ao.
i8ai.
i8ia.
Observations,
Cacao. .
Ciifë..
Canelle.
Coloo
Gërofle.
Poifrc.
Rocoo. •
Sncre • •
\%
3 64
6 95
I' 35»
3 85
", 00
i' 3o'
4 3t5
. 34
o t)6
I 81
o Co
45
5o
if 3o«
1 5o
1 00
a 5o
6 i5
3 36
o 5o
Le nombre des têtes de bétail était , suivant
le recensement de i8ao, de 5,664.
Il est, suivant celui de i8aa, de... 6,957.
A ce compte, il a augmenté de. . . . 1,293.
Il règne sur cet article de l'émulation parmi les
habitans.
LivRB 6. (i8ao. — i8a3.) SgS
Le café est une des plus précieuses produc- 1890 ,
lions guyannaises. Je n'ai cessé d*exliorter à en ^g^j
étendre les plantations. Elles vont sensiblement
croissant. Sa qualité est supérieure : la concur-
rence dans les marchés Européens est infiniment
moins à craindre pour lui que pour le sucre.
Cependant, la canne à sucre est toujours, ici
comme ailleurs , l'objet des préférences et le but
suprême de l'ambition des cultivateurs. Il n'y
aura pas de mal tant que Cayenne n'en aura
que ce qu'il en faut à-peu-près pour lester les
navires qui y naviguent. Elle n'en est pas là.
J'ai donné aiuc sucriers un encouragement
éclatant par les deux moulins à vapeur que j'ai
obtenus du Roi. Ces moulins vont rouler au
premier jour. Il doit en résulter une augmen-
tation considérable dans les profits de cette bran-
che de culture. Les petites sucreries tomberont.
J'ai peut-être eu le bonheur de £ûre naître le
goût des machines , lorsqu'auparavant il r^nait
contre elles une prévention opiniâtre et générale.
Une machine à coton, pour en séparer la
graine et tout à-la-fois le nettoyer, a été appor-
tée de la Nouvelle-Orléans par des immigrans
qui venaient dans ce pays chercher mon appui.
On achevait naguères de la monter. Elle est
entrée en mouvement le i5 janvier i8a3. Ses
effets admirables et riches récompensent large-
ment l'entrepreneur et réduisent les incrédules
au silence.
5gG MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS.
1830, Mais le perfectionnement dont je suis fier et
^9 qui est mon ouvrage, que j ai recommandé dès
le principe par mes discours , dont j'ai importé
les instrumens, pour lequel j'ai fait faire avec
persévérance des essais et formé enfin une école
publique , c'est le labourage à la charrue. On a
eu beau affirmer qu'il avait autrefois été tenté
inutilement ; on a eu beau jurer qu'il ne réus-
sirait pas : il a réussi et réussi en terre basse
comme en terre haute. Il est pratiqué sans dif-
ficulté à Vhabitation de la Béarnaise ^ quartier
de Macouria, à celle de M. de Lagotellerie aux
portes de la ville, à Tliabitation royale de Mont^
jolij à celle du Quartier Général , canal de Tord;
il le sera sur toute terre cultivable, qui ne sera
pas inaccessible aux bœufs. Déjà plusieurs habi-
tans qui le reprouvaient sont pressés de l'établir
sur leurs terres.
Aussi , je mets les machines et le labourage à
la tête des titres par lesquels j'espère avoir plus
ou moins rempli les instructions du Roi et re-
commandé ma mémoire aux guyanais. Je me
vanterai à jamais d'avoir introduit le labourage
et les machines à la Guyanne Française.
Le labourage seul , en s'en tenant à des cal-
culs extrêmement modérés, quintuplera les forces
de la population noire et ouvrière actuelle.
Il n'existe pas , à ma connaissance, de colonie
plus privilégiée, en fait de culture, que celle-ci.
Les épices y prospèrent : le girofle surpasse en
LIVRE 6. ( i8ao. — 1823. ) 597
qualité celui qu'on cueille dans Flnde, et il n'a '^® »
pu se propager jusqu'à présent, malgré la proxi- iSaS.
mité, sous les climats ni du Para ni de Suri-
nam; le muscadier, par la greffe, multiplie à
volonté ses individus femelles et sort de la lan-
gueur dans laquelle il végétait. Le poivre , long-
temps négligé , fixe en ce moment les soins de
plusieurs habitans : M. Bertrand le traite en grand
à l'habitation des Deux Rives , et M. Cosnard
à la GabrieUe.
Une heureuse rivalité anime les planteurs. Ils
n'ont besoin pour fructifier que d'un gouverne-
ment pacifique et protecteur.
Tavais imaginé, de concert avec plusieurs co-
lons, de créer, pour leur servir de foyer, une
société d'instruction , où chacun portât et puisât
des lumières. Elle est formée. Elle existe. Je n'ai
rien omis de ce dont j'ai su m'aviser pour la
soutenir. De malheureuses circonstances altérè-
rent la bonne intelligence dans laquelle j'avais
la douceur de vivre avec les habitans. Il y en
eut alors qui s'éloignèrent de moi. La société
d'instruction s'en ressentit. Je crus que j'y étais
une pierre d'acJwppement. Je voulus essayer si
elle ne marcherait pas mieux toute seule que
par mon impulsion ; mais au contraire ce fut le
signal d'une complète désertion.
loL société d'instruction est restée depuis dans
une espèce de suspension et de sommeil. Je n'en
persiste pas moins à regarder l'institution comme
SqS MÙklOlRES SUR MA. VIE, \ MON FILS.
i8ao y salutaire. Le jour viendra oii les avantages en
i8a3. seront sentis et où elle se ranimera d'elle-même
sous Finfluence de quelque colon éclairé ou d'un
gouvernement habile et bienfaisant.
Je ne finirai pas cet article sur les cubures,
sans observer qu'il y a grande abondance de
vwres du pays, manioc j bananes, etc., dont nous
éprouvâmes la disette à la première et à la se-
conde année de mon arrivée ; je rappelai les or-
donnances hcales; je fis même desprocloinations.
Il est assez curieux de connaître , que ,
67 plaDteurs cultireot 770 cnrrës de sucre ,
163 ••• ^f^oo d.* de coton,
85 .• 7G0 d.* de rocou,
4^4 > 994^ ^•* luaoîoc ,
209 59S>470 pieds de café y
56 » • 376,540 cacao ,
170 >79»470 girofliers,
5 1 • • • . 38,700 ..«•••• canelîers ,
37 3,640 muscadiers ,
43 16,570 poirricrs.
Ces i^nseignemens seraient insuffisans, si nous
n'ajoutions qu'on compte communément, par
carré de terre, savoir :
i,o5o pieds de café,
5/|0 d.® de cacao,
81 d.® de girofliers,
389 d.* de muscadiers,
547 d.® de poivriers avec leurs tuteurs.
Le canellier ne fait que border les allées.
LIVRE 6. ( j8ao. — i8a3. ) Sgg
i8ao.
Ait. 19. — COMMEECE. à
1833.
Le commerce de Cayenne se réduit à expor-
ter les produits de la colonie et à importer les
objets de sa consommation. Il ne sort guères
de ce cercle. Pour en donner une juste idée,
il nous suffira d'en présenter la dernière balance,
celle de i8aa.
Balance du commerce deCayefme^en iSaa.
iNarlres Français 1,810,119' 49*
d.- Etr.D6cr..... 597,9.3 54
Total ^^cldjX^i^ o3*
N. B. Les magasins particnliers étaient encombrés
de marchandises,
' France 1,811,137' 3o«
Exro-TATU,!... . ) ^'' ^'^'"-8" • 337,.a5 63
Total 1,159,161' 91*
pour Fi
) d.* ri
I
BÉEZPOITATIOIIS 198414' 8l«
il francisations,
33 congés de petit caboUge ,
1 d.* de grand cabotage,
9 d.» p.' Toyages de long conra.
6oO MlbfOIBES SUE MA. VIE, A MON FILS.
ENTRÉES. SORTIES.
ROMOU.
TORHEAVX.
ROMSaSS.
TOKIlEJtVX.
3o
3,838 g
NaTÎrea Français. .
3a
3,863 1
>4
.,65og
d.« Américains.
ta
aoog
a
3.5 ^«
d.* Anglais. . . .
1
,55^
4
456
d.« Portogais. .
3
395
8
191
d.« Hollandais..
7
109
58
6,380 g
Totaux. ..
55
6,oa3 g
La navigation marchande entre' Surinam et
Cayenne dépasse de peu 100 tonneaux. Ces voi-
sins ne nous demandent qu'un peu de vin et
îShmle. Le Para ne prend de nous que quelque
girofle y et nous a fourni «issez souvent du couac,
du ris y des chevaux.
Les Etats-Unis nous approvisionnent de farine
de froment environ i,aoo barib.
bœuf et porc salés 5oo d.<>
morue i^Soo quintaux.
En général , les américains nous fréquentent
sans empressement et à des conditions onéreu-
ses. Ils ne nous débarrassent de notre mélasse
qu'à vil prix.
uvRE G. ( i8ao.— i8a3.) 6oi
A mesure que les récoltes de denrées aug- i«ao,
menteront à la Guyanne , le commerce s*y ac- ,3^3^
croîtra : c'est à ce signe qu'elle s'en apercevra
notablement d'année en année.
L'habitant vend plus qu'il n'adiète. 11 est obéré
d'ancienne date et il se libère. Il s'endette aussi,
quand l'occasion s'en présente, pour améliorer
sa propriété et grossir ses forces.
Je m'étais figuré que Cayenne serait un bon
port d'entrepôt de marcliandises Françaises. 11
n'y a eu que deux soumissions d'entrée durant
toute l'année i8oa : en y pensant, on reconnaît
que les pays à l'ouest du Maroni ont plus de
commodités et d'occasions de se pourvoir aux
Antilles, et que les pap à l'est de l'Amazone
reçoivent directement d'Europe.
Lorsque notre tarif des douanes était assez
fort pour que l'effet en fut sensible, je l'avais
combiné de manière à £aivoriser les relations
avec l'étranger, et tel il existe encore. Mais par
l'énorme réduction que les droits coloniaux ont
subie, c'est aujourd'hui une chose à-peu-près
indifférente.
Ceci au reste vaut mieux pour la colonie.
Son commerce avec Surinam a un peu aug-
menté sous mon administration.
Art. 15. —OUVRiiGES D*AIIT.
L'entretien et les réparations des batimens et
ouvrages d'art furent iort négligés dès le coin<
6oa MEMOIRES SUR BM VIK, A MO?r FILS.
iSao , menceinent des troubles de la révolution et de-
i8a3. vinrent nuls quand les portugais, favorisés par
les anglais, eurent envahi la Guyanne. En la
rendant aux Français (novembre 1 817), ils lais-
sèrent tout dans un délabrement déplorable.
Mon prédécesseur , entraîné par des soins plus
pressans , eut à peine le temps de faire mettre la
maison de Vordonnateur et celle du capitaine
de port en état de les loger. Je suis parvenu
peu à peu à étendre beaucoup les travaux. En
les énuroérant, je donnerai Taperçu de la dépense.
Cet article se divise naturellement en deux
parties , les constructions nouvelles et les entre-
tiens et réparations.
Section i.'« — ooMsnucTioKS nouvelles.
Les cinq premiers articles sont imputables
sur \m fonds spécial de 3oo mille francs, qui,
en 1821, leur a été extraordinaircment affecté.
Quelle que fut mon impatience de voir se rele-
ver des édifîces aussi nécessaires , il fut impos-
sible d'y mettre la main auparavant faute de
moyens.
LIVRE G. ( i8ao. — i8a3. )
Go3
1 .* Casernes
Les Yieilles casernes sont au dernier point
«le la dégradation. Le soldat j est très-mal
11 n*y a pas de jour où elles n'eiieent des
réparations. La santé et la discipline mi
litaîre en soulTrent
La construction des nourellcs casernes
a donné lieu a des discussions longues et
approfondies. 11 a été convenu enfin
qu'elles seraient conservées dans la même
place , mais qu'elles seraient autrement dis-
posées et Mtics entièrement à pierres et
mortier : c'est une noureauté à la Gujanne.
Le travail qui a été fait jusqu'à ce jour
est solide et beau. 11 équiraut aux trois-
dixièmes de la maçonnerie d'un qvartie»
calculé pour 6oo hommes.
11 7 a^ asses de roches extraites.
La brique ttcrie de Mapéribo , qui a déjà
un fort approrisionnement de liriques,
n'en laissera point manquer.
a.» Hôpital militaire
Une partie de l'hôpiul militaire s'est
écroulée sous les portugais. Ce qu'ils en
laissèrent a reçu des réparations prori-
soires, mais était très-insulBsant. On le
double. Les fondations en roches sont
terminées. Le surplus du bâtiment est en
bois. La charpente avance : on la mon-
tera incessamment.
Aussitôt après ^ on placera la menuiserie
et les planches^ qui sont de même fort
avancées.
Les bardeaux sont prêts.
Les approvisionncmcns de briques et de
bois sont complets non-seulement pour la
partie qu'on élève ^ mais aussi pour l'an-
ji reporter.
DÉPENSE
FAITE.
a3,464f
oo<
8aya:i4 75
DEVIS
ISTIMÀTIP.
9^,217' 3o'
i4a,a54 9a
io5,688f 75«
Co4
MiMOIRES SUR UA VIB| A MOIT FILS.
Report.
cSeniie qu'on réparera et raccordera ini-
uiëdiateiiient.
J'ai d'ailleurs fait Mtir h neuf dan»
l'enclos de l'hôpital , savoir :
Une loge pour les fous.
Une case à nègres.
On j a commencé un laboratoire de
pharmacie.
3.» Débarcadaire .
On Toit que le dëbarcadaire coûtera ^
savoir :
Matériaux ioo,58t2^ oo
Main-d'œuf re 68,437 5o
Somme égale*
169,019^ 5o«
Qu'on apprécie maintenant ces dénon-
ciations réitérées et multipliées dont j'ai
été l'objet, pour n'avoir pas déjà rétabli
le déharcadfUre : il ne m'a manqué que de
l'argent^ du bois et des ouvriers.
4** Four à chaux et acliats de mu-
lets j savoir :
Four à chaux , pour calciner la pierre
calcaire envoyée de France destinée à bâ-
tir les c/fi^m^iyrAd/'ito/, etc. i9;938^ 54*
Achat de huit mulets pour
les transports des matériaux
de ces constructions • S>773 20
Ensemble
&.• Séclœne de la GabneUe
11 reste h faire la menuiserie et les ti-
roirs pour la dessication du girofle.
Total consommé sur les fonds
extraordinaire de Soo^ooo'; ci. .
DÉPENSE
FAITI.
io5,688f 75-
10,459 73
25,71 if 74
30,955 07
DEVIS
ESTIMATIF.
169,019' 5o»
i6i,8i5f 29*^
LivBK G. ( i8ao. — i8a3. )
6o5
Report,
la
DEPENSE
PAITI.
i6a,8i5f ag*
DEVIS
BnMàTir.
C* Corps de garde neufs , dans
place de Cajrenne, savoir:
Ail Port 5,o43f o4*
Au Fort 0,9^1 79
Ersemiile 1 1 1,964 83
>].• Palais de Justice 1 i4,5a7 99
Lorsque le portrnîtdu Roi Louis XVllI,
onYoyd par S. M. à la Cour Royale , eut éié
«lëharcjuëyen mai i8t2i, il ne se trouva aucun
édifice en ville capable de le contenir ni
inéinc qu'il lut possible d'accommoder à ce
des- sein. Lesptafonds les plus lia uts dans ce
pays ne le sont que de 10 pieds et le cadre
du portrait l'est de près de ta. On fut forcé
de le déposer provisoirement dans une des
pièces du res-de-chaussée de l'bôtel du
gourememcnt. On manquait de fonds pour
entreprendre aucun des Grands édifices
projetés. Dans cet intervalle y je me servis
des deniers de la caisse des a/franchisse-
mens pour commencer un Palais de Jus-
tice y qui d'ailleurs était nécessaire et dans
lequel une des salles serait destinée an
portrait du Roi : mais la dépense fut con-
damnée en France comme inopportune.
Je la cessai. Ce Palais en est ainsi resté
aux fondemcns.
6* Petit Hôtel du Gouvernement
Cet bôtcl éUiit anciennement le loge-
ment du commandant en second.
Le bureau de la place , le salon des
conseils de guerre et de la société d^ ins-
truction y sont maintenant établis.
11 tombait en ruine et en poussière. Il
a été reconstruit de fond en comble
to9|5a3^ 7g*
ji reporter.
19,762 08
319,070' 19*
6o6
MÉMOIRKS SUR MA VIE, A MON FILS.
Report
9.* Maison des douanes.
KuÎDée et inhabitable ^ il a fallu la re-
b&lir
10.
Imprimerie •••.••••
Quoique la carcaMe de la maison n'ait
pas é\é mise à bas, la reconstruction a
rëellement é\é faite presque à neuf et on
s'en aperçoit à la somme portée ci-dessus
Cette imprimerie remonte à Texpédîtion
de Kourou , en 1 ^63. Ses ouvriers mou-
rurent au débarquement. M. Bessner vou
lut un instant lui redonner un peu de rie
ce fut un Telléité*
Les portugais la gratifièrent d'une ^r/i7e
presse et dun catxiclère pica , acheté h
Londres.
Néanmoins, sous M. le comte Carra-
Saint- Cyr y elle n'était , ni par son p/srson
nel ni par son matériel , en étnt d'impri-
mer même un almanach. Il fallait beaucoup
de peine et de tcm)is pour en arracher
une courte proclamation ou ordonnance.
Sans m'eflrayer de cette exiguïté de
moyens , je fondai hardiment la Feuille
hebdomadaire de la Guyanne Française ,
et je ne sais par quel miracle elfe n'a
i'amais éprouvé la moindre suspension,
'eus le bonheur de découvrir^ dans le ba-
taillon de la Gujanne, un officier qui con-
naissait la typographie : je l'éprouvai et
ensuite je le nommai DiarcTEva. Il orga-
nl^a ce service , et ce service a marché
constamment avec une extrême activité.
J'y annexai un relieur ; mais ce pays n'a
pas de quoi l'occuper.
DÉPENSE
FAITE.
119,070' 19'
3o,!i39 i3
DEVIS
ESTIMATIF.
ji reporter. 1 359)386' 53<
LivnE 6. ( 1820 — i8a3. )
607
Repori.
Le mobilier du métier, înilëpendam-
ment des bAlimens ( auxauels j*ai ojoutë,
h la fin de février i8o3, la petite maison
Âiontis) , ne râlait, en septembre 1819,
qwe 7,389' 5y
11 Tant de plus aujourd'hui. 33,3aof io<
Total 40)6<^' %
DÉPENSE
PAITB.
DEVIS
OTIMATir.
159,386' 53*
Celte imprimerie possède un bel assor
liment de caractères et autres articles que
î*ai, la plupart, fait renir récemment de
France.
Elle est enfin capable de soutenir toutes
les entreprises de son genre , dont cette
colonie soit susceptible.
y ni ainsi introduit, dans ce pays, ce
puissant agent de propagation des lumières
et de progrès de ci? ilisation.
1 1 .• Jardin Royal des Plantes , savoir
Acquisition des deux terrains. 1 3,000' oo«
Entourage , ponts , recons-
tructions '5,745' 53*
Ersemble
Il existait un Jardin des Plantes h
Cayenne avant la révolution. Il fut par-
tagé et concédé h cette époque. Des mai
sons en prirent l«i place.
Le vide en était d'autant pins sensible
que ce nort est une des stations par Ics-
qnellcâ Tlndc verse ses végétaux vivans au
musée de Paris. J'en ai moi-même reçu
pour cette destination, que je ne savais
dans quel asile reposer, refaire et protéger.
Je résolus donc de rétablir, sous mes
yeux un jinoiii boyil des plahtes.
A reporter
»7,:45' 53.
287,1 3a' o6«
6o8
BIKMOIRFS Sl.'Il MA. VIE, A MON Ffl^.
Report.
rachetai, le 4 janvier iSao, d*eDire Ips
terrains à vendre, celui qui me parut
le plus propre h cet objet. Le 17 juillet
•uirant, j'y en joignis un autre attenant,
qui avait une maisonnette où il serait pos-
sible de loger pro? isoiremeut le jardinier
et les ouvriers.
La superGcie du terrain total était de
plus de deux carrés.
M. Poiteau présida à l'installation. Il
j avait, dans les premiers mois de i8t»3,
déjà 316 espèces aiverses de plantes exo-
tiques précieuses , formant 3i genres ,
comprises celles que la ZéUe , capitaine
de vaisseau Serec^ venait d'apporter.
On 7 en dépose en outre de ce climat,
lui-même , qu'on se propose de transpor-
ter en Europe.
Une cour et des loges j sont aussi proje-
tées pour les animaux vivans , auxquels il
sera possible de songer à faire passer les
mers.
13.* Canal Laussai et quartier contigu
La dépense se compose , savoir :
1.* Pendant Vannée 18^3, ateliers de nè-
gres journaliers, h 3^ par jour et la nour-
riture, 7,3g8 journées, ci. 37,433' 33«
Constructions , écluses ,
ponts et chemins par les
ouvriers miliuires ia,383 74
Déplacement et recons-
tructions de cases parti-
culières pour ouvrir la
J reporter 39,816' 07»
ji reporter
387,133' o6«
DEVIS
ESTIMATIF.
89,608 73
376,740' 78»
LIVRE C. ( i8ao. — i8i3.)
G09
Report. ••
j4 reporter,
rue de V Esplanade , sa-
voir:
Case Jean Fran' \
cois ^ ci 4>7^''^^j
d!» Victoire Le- 1
maure , ci . . . . 1 ^QSg ^5 1
d.» Rose Merle \
(non toisé.) /
39,8i6f or
DÉreMSE
PAITI.
376,740^ 78«
6,745 69
ElfSEMSLC 4^9^'' 76*
Octogone 00 nouvelle poiS"
sofuierie 6,000 00
Eksbmblb 5i,56i^ 76*
!2.* Pendant les années anté-
rieures 1819, 1820, 1821 ,
pour journées des pre-»
miers nègres requis en na*
ture^ nourriture des tra-
vailleurs f matériaux et
nommément ceux du
pont f main-d'œnrrtt de ce
pont, elc 37,046 96
89.608^ 7^*
La dépense» faite depuis le i.«' janviei
iBi3 , u*y figure pas.
Je n'avais pas habité Cajcnne deux mois
4|ue déjà l'aspect de ces marais qui Fiu-
fectaient de miasmes et d'insectes k l'est
et au sud et de cette crique sartines à re-
plis et coudes stagnaus, qui empoisonnaient
et étranglaient le quartier le plus fréquenté
et le plus commercial de la ville , m'avaient
inspiré le désir d'en délivrer les liabiians,
DEVIS
ISTIMATIP.
6io
MiMOIEIS SUR MA VIE, ▲ UOfT FILS.
DÉPENSE
FAITE.
Report
non moins pour la salnbriié que pour Tem-
bollissement.
]*en arrtui le plan avec le génie. J'en
tnireiins, le 6 octobre 181^» un conseil
de goiivcrnement et d'adminitiralion. J'au-
rais dès-lors pn m'elfrayer des difiicttiléa
prëf nés et opposées à son eiécniion.
Néanmoins I le i3 da moissnirant, je
proposai à nn autre conseil Tordonnance
par laquelle je m'j livrais.
La campagne de 1819 avait été employée
à tracer la partie supérieure du canal ^el
celle de 18^0 le fut à en tracer la partie
inférieure jusqu'au bord de la rivière.
Mais, en 1821 1 l'insulfisance des moyens
auiauek nous avions recouru jusau'alors
me ht aJoptcr un nouveau mode , celui d'un
atelier permanent composé de nègres de
pelle il 3 fr. par jour : il nous a réussi an
gré de nos vœux.
Le canal a été navigable en décembre
i8ai et j'en rendis compte > le 16 du même
mois, au Ministre.
Sa longueur est de iiSgB mètres, dont
les I1O73 mètres en amont du pont» ne
sont que fouillés : les digues et les bornes
n'en sont pas finies.
La larçeur de la partie en ai*al du poni
est de 14 mètres et celle de la partie en
4tmonl de 8 mètres.
Aux approches de la campagne de i8ao
j'avais fait procéder 9 avec les formalités
de droit, à la réunion au domaine de cet
espace de terrain de Yhahitation Le Blondy
3ui allait s'en trouver séparée par la ligne
roite du nouveau canal , tirée du pont h
l'embouchure^ dans la rade. J'avais arrêté
en même temps que | sur ce terrain | après
376,740*' 78»
DEVIS
ISTlIlATir.
LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3. )
6ii
Report.
DÉPENSE
râiTi.
376,740' 78^
rnclint, seraient placés le magasin général ,
Varsenal du port et les cliantiers du génie
Non seulement ce terrain suiTisait > mais ,
(In surplus , il 8*est formé encore , pour la
TÎUe ) un quartier nouveau. Sa situation
et sa distribution le destinent à en deve-
iiir le plus animé et le plus brillant. Où
mouillait , sous Louis XlV , le Taisseau du
comte d'EstrécSySont ouTcrtes aujourd'hui
des chaussées serrées et des rues réculières
prêtes à se couvrir de maisons. Il y a eu
concurrence vive pour j obtenir des con-
cessions. Il 7 en a été accordé 32 au prix
total de 22,800 fr. , qui rembourseront
largement les 1 4*040 fr. que ce terrain
avait été acheté par le Boi à dire d*ex<
perts $ outre ces 22,800 fr* , j'ai vendu au
sieur Guitton un petit coin , pour 3|000 fr.
il a payé la convenance.
Enfm j le sort de cette entreprise et, si
i'ose dire, de cette création , est décidé,
les ouvrages en ont été ponssés avec une
célérité extraordinaire pour le pays. La
critique a été désarmée.
i3.» Parc du Génie
Clôture et terrain iiui ont été assignés
au génie pour ses ateliers , dans le non-
veau quartier de la ville.
i4.' Pont de Malouri ou de la Crique
Fouillée
Ce pont fut détruit j^ l'invasion clrs
Ïiortugnis en 180g. 11 est un des plus utî
es de la colonie : il lie le ciuartîor du
Tour de Vile au quartier de Vile de
Cayenne, Sa i*cconstructioii était ardem-
ment sollicitée.
A reporter.
DEVIS
tsmcATir.
G,332 54
10,717 43
398,790» 75«
6l9
MKMOIRES SUR BIA VIR , A MON FILS.
Report.
J'omets ici le pont du Canal haussai
3,556 fr. j parce que cette somme est com
prise dans la dépense de ce canal.
i5.* Haras de Montpli. . • •
Voir son article cî-devant parmi les do-
maines du Iloi.
i6.* TilsU ,
Ces 113,453 fr. 10 c. relatives à Tilsii
ne comprennent pas la dépense des canaux,
k laquelle il a été pounru par la direction
de V intérieur et du domaine , non par celle
du génie, et qui est mentionnée ci-devant
k l^rticle de cette habitation.
in.» Briqueterie Rojrale de Mapériho.
Je renvoie à ce qui en a déjà été dit à
sou article^ parmi les domaines du Roi.
«S.* Léproserie
Peu de semaines après mon arrivée,
j'envoyai visiter la Léproserie de CHet la
Mère.
Il résulta des rapports qui me furent
successivement faits, que les Lépreux j
étaient amoncelés dans un enfoncement
situé au couchant et couvert des venis d'est
par un rocher élevé ; qu'il sortait de ce
foyer des exhalaisons infectes ; que les
Lépreux s'empestaient les uns les autres;
que d'ailleurs le peu de terre cultivable
qu'il y avait^ n'était propre qu'au coton,
et que le coton manié par ces malades de-
venait eontagieux et avait communiqué
leur mal : les vivres ^ le maïs, les bananes,
dont ils ont bien plus besoin , ne venaient
pas sur ce sol. Il était d'ailleurs envahi
^ reporter.
DÉPENSE
FAITE.
DEVIS
ESTIMATIF.
398,790' 95'
îi9,386 îi4
113^4^3 10
33,968 25
17,500
593,098' 34^
3o,ooo'
uvRB G. ( i8ao. — i8a3. )
6i3
Report.
par des myriades de fourmis. Les Mtimens
7 requérnicnt des réparations majeures.
Je conçus alors le dessein de transfe'rer
ces malheureux aux lies de Salut ^ en y
faisant les dispositions con?enaliles.
Les ingénieurs visitèrent le local. Ils
dressèrent un plan , cjue j'agréai. Nous
fûmes plus d*un au sans trouver d'entre-
preneur. Enfin , uu marché fut passé , au
commencement de mars i8ai > avec M.
Malviu ûls^ pour 3o mille francs.
Les constructions ont traîné et essuyé
des rctardemens inévitables par la dilti-
cttlté des communications.
A l'inspection que j'en lis faire vers In
mi-novembre dernier, il me fut prouvé
que les ouvrages étaient asscs avancés pour
qu'on put y placer les malades et que leur
présence même en bAterait la fin.
En conséquence j ils y ont été iranspor-
té«, le 8 janvier iS^S.
11 m'est doux de penser que j'ai pu Toîr,
avant mon départ, l'accomplissement de
cette œuvre de miséricorde autant que de
bonne administration.
J'y ai envoyé en mission , h la fin de fé-
vrier^ un officier de santé ^ qui m'en a fait,
k son retour , le rapport ofBciel le plus
satisfaisant.
L'entrepreneur aura encore & rccevoii
i2,5oo fr. pour solde, outre une indem-
nité Il réçler & raison d'un ehangemeni
qu'il dut laire par ordre de M. Benouard,
ofticier d'artillerie chargé par intérim du
service du génie , envoyé en examen sur
les lieux.
Mais il faut d'abord que l'entreprise ait
été achevée et conduite à bonne fin.
Les lépreux au demeurant gagnent im-
mensemeut au change.
DËrai«SE
rAlTB.
593,098' 34
DEVIS
BSTUiâTir.
6i4
MÉMOIRES SUR MA VIE , A MO?f FILS.
DÉPENSE
FAITS.
DEVIS
ISTlMATir.
Report
Projets à exécuter , selon au*il jr aura
autorisation et fonds.
EOLISB 8VR L'cSFLAllAOe..*
Les missionnaires et les liabiUns la ré-
clameni de loules leurs forces. Les liabi
tans paraissent même disposés à concourir
h la dépense de cette construction. Les
devis ont été dressés et envoyés à Paris
Pavillou des Officiebs
593,098' 34-
V ancien gouvernement 7 a été destiné :
les deux tiers en sont à rebâtir.
MlGASin GÉ2f ÉnAL
Ateliers et Bureaux du port^ savoir
Ilangards et ateliers 23,1 ^n' 4i*
Bureaux et logemcns. « . . . 24,474 ^o
Ateliers et Bureau du Géhie , savoir :
Ilangards et ateliers 123,469 23
Bureaux et logemens.... 29,4^i( oS
Atelier , Magasims et bangards, pour l'ar-
lillcrie. savoir:
Magasins ^^tl^
Ilangards et ateliers 22,§4<
Hangard pour voitures. . « 33
i63f ni
,549 Bi
,104 70
Total des projets
Les devis estimatifs de tous les projets
ont été envoyés au ministre h Tappui des
budgets.
SeclioO 3. — BHTIETUMS ST RiFARàTIOMS.
Les entretiens et réparations ontembrassé
45 articles divers qu il serait minutieux et
sans intérêt de détailler.
Cette dépense est montée depuis juillet
1819 jusquau 3i novembre 1822 à....
Total gérbeal de la dépense faite 781^956^ 67'
i5i,638'oo
92,089 42
181,901
46,65i
85
152,953 3i
99,418 26
724,652' 75*
i88,858f 33*
uvRE 6, ( i8ao.— i8a3.) GiS
Il en a été dit assez sur les ouvrages tfart ''j*»
pour donner à juger à la fois de ce qui a été «•«î»
fait et de ce que j*ai laissé à faire : mon but
est rempli.
AiiT. 14. — BAPPORTS EXTÉlUEimS.
Mes premiers voisins étaient les hollahdais à
Surinam et les portugais au Para. J'ai vécu avec
eux dans la meilleure intelligence.
J'eus le bonheur, dès le commencement, d'ac-
cueillir une goélette expédiée de l'Amazonne,
qui avait été rencontrée et maltraitée par un cor-
saire de Buenos-Aires, et de rendre des services
à l'équipage. M. le comte de Yillaflor, gouver-
neur du Para , s'en montra reconnaissant et en
retour combla d'attentions les Français et nom-
mément nos officiers de la marine. La Junte, qui
lui succéda et qui subsistait encore à mon dé-
part, n'avait pas cessé de manifester les mêmes
sentimens et d'avoir les mêmes procédés ijumens,
bœufs , couac , ris, tout ce que je demandai me
fut toujours accordé avec empressement , sans
s'arrêter aux prohibitions.
J'avais eu soin d'entretenir ces bonnes dispo-
sitions par une juste réciprocité.
J'ai eu moins besoin de recourir au gouver-
nement de Surinam ; mais , toutes les fois que
les occasions de part et d'autre s'en sont pré-
sentées, nous avons traité sur le pied le plus
amical.
6l6 MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS.
iSao, Une seule fois, j'ai expédié une goélette du
i8:i3. Roi à Berbice : elle y a été reçue avec des pré-
venances et une politesse parfaite.
Je les ai rendues amplement aux commandans
des deux corvettes anglaises , qui sont venues
me visiter.
J*ai su qu'on se louait beaucoup sur les bords
de la Plata , de la tolérance et des facilités que
j'ai accordées à ses navires marchands.
J'ai , tant que je l'ai pu , envoyé au moins
une fois chaque année l'un de nos stationnaires
aux Antilles , pour y entretenir des relations de
fraternité avec les gouverneurs de la Martinique
et de la Guadeloupe.
En copiant ainsi le compte rendu par moi
au Ministre de la marine, de mon adininistra-
tion de la Gujranne , au mois de mars i8a3^
époque à laquelle je fus rappelé, avec ordre de
la remettre à M. le baron Milius, mon succes-
seur, on est du moins certain que j'en donne
le t'ibleau authentique : il a été fait à vue des
pièces justificatives. Elles existent dans les ar-
chives tant du ministère que de la Guyanne.
J'ai eu mes peines : je ne crois pas qu'elles
m'aient fait commettre d'injustice.
Si, dans quatre années de gouvernement, je
me suis ùit des ennemis et ai encouru des hai-
nes, qu'on sache que c'est uniquement pour
n'avoir pas consenti à prévariquer dans la ligue
du devoir ou à prostituer mes bonnes grâces à
des gens qui en étaient indigues.
LiVRB 6. (i8ao. — i8a3-) 617
Sans doute qu'avec moins de roideur qu'avec iSao ,
( ne le taisons pas ) , un peu plus de lâche 13,5.
complaisance soit pour les folies de M. Catineau,
soit pour cette société de colons qui, se mettant
sous la protection des relations privilégiées de
MM. Vidal , juraient Tintroduction frauduleuse
des noirs de traite dans cette colonie malgré
moi et les lois et la réprobation des puissances
éclairées de r£urope, je me serais épai^né un
ouragan de calomnies et d'intrigues.
J'avais répondu aux premières violentes incar-
tades de Catineau : puisque vous sortez de votre
rôle , je reprends le inien , et je l'avais repris.
Il en fut furieux. Il souleva alors ce qu'il y avait
de reptiles autour de moi ; il ourdit des tas de
mensonges, dans leur compagnie, pour noircir
tout ce que javab fait ; il inventa des horreurs
et me les appliqua : la vérité se fait jour et sur-
nage. Mais il faut du temps et pouvoir s'expli-
quer, et, en attendant, échapper à la première
impression. Sitôt que M. Catineau-Laroche vit
ses plans de fortune détruits , il perdit la tête :
je devins son idée fixe. Il profita du moment
d'humeur, que causait contre moi un procès qui
compromettait malheureusement beaucoup d'ha-
bitans influens et joignit avec rage et impétuosité
ses clameurs aux leurs. Je n'avais , à l'en croire ,
rien conçu , rien essayé , rien opéré , rien voulu
qui ne fût absurde, inique et mauvais.
Pour M. Yidal-Lingcndes, il se constitua le
6j8 MiMoinES sur ma vie, a mon fils.
iSao , représentant d'une trentaine de propriétaires no-
iSaS. tables, coalisés contre une législation que je les
forçais à respecter et dans laquelle ils voyaient
ce qu'ils appelaient leur ruine. Fils d'un père ,
qui était, j'en conviens, la principale victime
dans cette occasion , et endoctriné par lui , il ne
cessa d'obéir à ses conseib et fut constamment
partout son agent et son organe.
Tout jeune homme encore, 11 venait d'être
reçu avocat au barreau de Paris, et manquait
d'expérience et d'acquis. Sa mère, femme res-
pectable, avait eu d'un premier mariage le vi-
comte Nomper de Champagni , neveu de M. de
Champagni, duc de Cadore. Le vicomte était
passée de l'état-major de ITapoléon , au grade
d'aide-de-camp de M. le duc d'Angouléme, à qui
il avait plu et auprès de qui il avait prompte-
ment fait son chemin. Yidal-Lingendes, son
demi frère, était né du second mariage de sa
mère avec M. Vidal, négociant à Cayenne. Pen-
dant qu'elle vivait à Paris , celui-ci obéré de det-
tes^ était retourné, sous les portugais, à la
Guyanne , où il avait entrepris d'élever la sucre-
rie de Mondélice, au nom et comme procureur-
fondé de sa femme; car il avait perdu de sa
personne tout crédit II lui était seulement resté
de l'immense quantité d'affaires qu'il avait faites
nne certaine prépondérance et une réputation
d'habileté. Tel était Thomme que je m'étais par-
ticulièrement mis & dos.
LnmB 6. ( i8ao. — i8a3.) 619
J^ traite des noirs étant proscrite , M. Portai , li^o »
ministre de la marine, m*avait fortement recom- ,$35.
mandé d*y veiller. Louis XVIII lui-même, dans
son audience de congé, m*avait dit, que sapa-
rôle était solennellement engagée envers les puis^
sances étrangères, et qu'il detniit la tenir.
J'avais à me reprocher depuis mon entrée en
fonctions, d'avoir trop fermé les yeux à cet égard,
et j'avais répété dans mes conversations publi-
ques qu'on ne me forçât pas à les ouvrir.
La goélette la PhiUs, partie de l'Afrique, Ile
du Prince, entre en rade le 5 juin i8af . Le capi-
taine, pris de vin, fut fort indiscret, lies nègres
noves , aux approches du port, avaient été , la nuit
précédente, mis à terre sur la côte, i peu de lieues,
distribués et déposés entre des habitans , dont
les noms me furent donnés, et dix-neuf nègres
nommément chez M. Vidal & âtondélice. Je les
y fis saisir comme pièces de conviction ; ib com-
parurent devant le tribimal dans le procès.
De vives et réitérées démarches se succédèrent
d'abord auprès de moi , pour me détourner de
poursuivre. M. Vidal le père fut celui qui se dé-
montra le plus. Je fus inébranlable. Alors explo-
sion éclatante.
Je devais m'y attendre. Au moins douze des
premiers colons avaient intérêt pécuniaire à cette
spéculation. Les autres même faisaient secrète-
ment des vœux pour eux. Tous en un mot vou-
laient généralement la continuation de la traite.
6aO MEMOIRES SUR MA VI R , A MON FILS.
i97o , M. Vidal fils, de concert avec son père et comme
i8a3. jeune guyannais assez marquant par sa situation,
se chargea de la défense. Il y fut grandement
aidé par ses compatriotes. Dénégations, parjures,
obsessions, subornations, manèges, rien ne fut
é]Kii^né. Les juges, à la majorité , déclarèrent
constant que la phtus n* avait pas mtroduit un
nègre hovb.
Restait à s'assurer que Paris ratifiât ce jugement.
Trente-six convives rassemblés à-grand-peine
dans cet objet , offrirent un dîner à Vidal lils.
On ne se sépara pas sans s'être cotisés pour faire
face aux frais de la mission et du procès. M. Vidal
fils, nommé sur Flieure même ambassadeur,
s'embarqua donc, peu de jours après, pour les
bords de la Seine , cliargé à la fois et d'y appuyer
les actes de la justice incorruptible des tribunaux
de Cayenne , et d'y faire entendre une nom-
breuse adresse de dénonciations combinées con-
tre le gouverneur.
Dans l'intervalle et par ordonnance Boyale de
décembre i8ao, la marine et les colonies avaient
passé de M. Portai à M. le marquis de Clermont-
Tonnerre , et le ministère Villèle s'était mis à l'œu-
vre. J'étais connu de M. Portai ; je ne l'étais point
dutout de son successeur. Il étaitlié avec le vi-
comte de Champagny d'amitié de cour. Il fut
bientôt décidé entre le marquis et le vicomte
qu'on délivrerait la Guyanne de moi. Pour avoir
cefiendant l'air de procéder avec un ])eu d'ordre.
uvRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 6a i
d'examen et de justice, une dépèdie particulière ■'?®>
du Ministre , datée du a4 février 1 8aa , et qui me i8a3.
parvint le 4 mai , emprunta aux correspondances
de Catiueau et de Vidal les principaux griefs,
auxquels je fus sommé de répondre, atf€uU,
était-il dit, quUlJût pris une délennination im^
portante , comme si elle n'eût pas été déjà prise.
En effet, M. Miiius, capitaine de vaisseau , était
dés-lors désigné à Paris comme destiné à me
remplacer. Mes explications ne se firent pas at-
tendre. Elles étaient en raute le 9 du même mois
de mai.
L'année suivante i8a3, au commencement
de mars, pour toute réponse à mon apologie,
la corvette la Sapho, commandée par le capi-
taine de frégate M. Lamarche, débarqua le nou-
veau gouverneur, dont la nomination était signée
du 117 décembre i8aa.
Je connaissais, depuis i8o3, Thonneur, la
probité, l'intelligence du capitaine de frégate
Serec : c'était un brave et excellent marin. Il
était de l'équipage du brick le SurveiUant , qui
m'avait conduit à la I^uisianne. Il toucha &
Oiyenne au printems de 18110, lorsque j'étais
le plus occupé de chercher les moyens d'entrer
dans les vues d'accroissemens de cultures et de
population dont le ministre , M. Portai , m'entre-
tenait J'en causai avec Serec. Il me persuade
qu*avec 3o & 35 milliers pesant de notre girofle,
fiMdlei à lui fournir, il pourrait se prociurer i5o
Gaa iiiMomES sur ma. yie, a mon fils.
J09O, mille francs à Bombai. Il achetterait à Mascate
189S. ^^ baudets; il en vendrait 60 à Bourbon, avec
ao mille francs de profit II repasserait de là
k Madagascar; il y engagerait aoo nègres, k
4o piastres fortes par tête , qu'il organiserait en
pioniers et qu'il nous amènerait Je n'entendais
pas que le ministre Portai exposât nullement sa
responsabilité. Je prenais cette entreprise tota-
lement sous la mienne. Si elle était goûtée k
Paris, que M. Portai me renvoyât seulement M.
Serec et la Zélée comme pour des approvision-
nemens. Je ferais le reste.
""■\ La réponse en effet n'api^rouva point mon
A n. roKTAL. plan ; mais Serec et sa corvette me furent ren-
voyés.
J'avais prévu l'apparent désaveu; je croyais
que le succès me justifierait suffisamment.
Je donnai mes instructions à l'expédition ; je
l'environnai de toutes les précautions que je sus
imaginer, et elle partit, le na octobre i8ai ,
pour l'Inde.
Cest de ces lointains parages que M. le mar-
quis de dermont-Tonnerre apprit que la Zélée
y naviguait. Ses allures et ses diverses échelles
avaient une apparence de mystère qui avait at-
tiré l'attention. Il m'en pariait sur le ton de la
défiance et du mécontentement. Je me hâtai , le
9 mai i8aa, de lui en donner des explications
cathégoriques. Je n'en sentis pas moins l'ardent
désir d'être justifié par le retour immédiat de
UYRi 6. ( i8ao. — i8a3.) 6a3
ce bâtiment à la Guyanne pendant que j*y étais iSao,
encore. Il y jeta Tancre , heureusement pour mon ,3,3^
repos, douze ou quinze jours avant que j'en
partisse. Il ramenait une trentaine de baudets
d'Arabie , ne put opérer d'enrôlement de nè-
gres & Madagascar, et nous rendit excellent
compte de la vente avantageuse de nos girofles
à Bombay. Je ne le retins pas plus de six jours
auprès de moi. J'eus la satisfaction de ne laisser
en arrière aucune de mes opérations, qui ne fut
dose et liquidée. Cayenne reçut, la même se-
maine , son nouveau gouverneur.
Laisser & ce peuple qui m'avait été confié un
nom long-temps cher, telle était l'ambition de
tous mes jours et de tous mes momens. Je me
livrais à mes devoirs publics avec le feu de mon
naturel. Ces plans si doux et si beaux en théorie
éprouvent des difficultés nombreuses et insur-
montables dans la pratique. Je n'en étais pas re-
buté ; j'y persévérais. Lorsqu'en moi-même je n'é-
tais pas content du présent, je me repliais sur
l'avenir. Mes vues étaient si pures, si bienfaisan-
tes, si dénuées de toute personnalité, qu'il me
semblait impossible que tut ou tard justice ne
leur fut rendue.
Le gouvernement, au reste, m'a d'abord et
long-temps merveilleusement secondé, toutes les
fois qu'il a été question de faire le bien.
Il m'a aussi récompensé.
11 y avait* à peine six mois que j'étais à la
Guyanne, lorsqu'à la Légion-d'honneur, dont
6^4 MiMOiRKS srn ma vir , mon fils.
iSao, j*étais décoré, je joignis, par brevet du aa août
1833. 1819, la Croix de St.-Louis.
Au baptême du duc de Bordeaux , par ordon-
nance du 6 mai i8ai , rendue proprio motu , je
fus de plus créé baron, et ce titre, que j'avais
perdu par la déchéance de l'Empereur Napoléon ,
me fut ainsi renouvelé.
Quoiqu*aient dit les Catineau et les Vidal , les
vindicatifs et les mécbans, j'ai constamment gou-
verné avec équité et modération. Je n'ai échoué
que par ma fidélité à Tezécution d'une loi de
suprême humanité, conformément à mes obli-
gations et & mes promesses. Je n'ai pas du reste
(exemple rare dans les colonies) expulsé du
pays un seul homme , excepté les agens de l'ad-
ministration , que je renvoyai à la suite de M.
Carra-Saint-Cyr. Je n'ai mis, par mesure politi-
que, quun particulier en prison et ce fut parce
qu'il travaillait à jeter le trouble et le désordre
entre les premiers pouvoirs : il n'y resta pas 4^^
heures. Je n'ai infligé qu'une fois des arrêts de
haute-police. Il ne me manquait poutant ni mau-
vaises langues , ni brouillons , ni intrigans , ni
envieux , ni opposans , ni diffamateurs.
J'ai tâché en toute ciramstance de faire res-
pecter et aimer le nom du roi ( Louis XVIII ) ,
tant par mon attention à me montrer son digne
représentant dans ma conduite publique , qu'en
ne cessant de réjKindre avec discernement et do
l'élever avec éclat ses bienfaits et sa mémoire.
Si je mourais , désormais , {lourquoi donc i*e-
uvRB 6. ( i8ao. — i8a3. ) Ga5
gretterais-je encore de n*avoir plus k rester sur iSm ,
la terre ? Le ciel m'a accordé tout ce que favais ^3^3
à lui demander. Mes enfans sont établis. Je suis
content de leur sort Mes bénédictions leur ont
prospéré. Mon fils a pris sa place dans Tordre
des générations. Il se voit déjà survivre. Son nom
ne se prononce pas sans quelqu'bonneur. 11 an-
nonce qu'il ne dégénérera pas.
Deux avertissemens passagers et un soudain,
véritablement grave, m'ont rappelé ma mortalité.
Ce sera quand la Providence voudra. Je suis sous
sa main , comme toute la nature, depuis Tatômc
jusqu'aux firmamens.
A la quatrième année de mou gouvernement
de la Ix>uisianne, époque de ton mariage, mon
cbcr Lysis, je sentis que l'instant était venu d'aller
tranquillement terminer mes jours dans d'hono-
rables loisirs, au sein de ma famille. Tenfis part
à ta mère. Comme j'avais été en même-temps
violemment attaqué dans mon caractère public,
je ne crus pas devoir prévenir le jugement La
S^io enfin me tira d'incertitude. Je m'y embar-
quai. Je mouillai trente jours après à Brest. J'ar-
rivai à Paris au mois de mai.
Je me présentai aussitôt au Ministre, M. le
marquis de Clermont-Tonnerre. J'en reçus un
accueil plus gracieux que je ne m'y attendais. Il
lut le compte rendu de mon administration.
C'était loin et des impressions qu'il avait reçues
et de l'idée qu'il s'en était d'abord faite.
CaG M^OIRES SUR BtA. TIE , A MON FJLS.
ilio. Disons mieux : il avait débarrassé de moi les
^^^y Yidal, et vengé de la traite des noirs les colons ;
il était satisfait.
On me retint quatre mois à Paris, bercé d*cs-
pérances d*assez belle retraite. Deux années en-
tières, pendant lesquelles j*avais exercé active-
ment les fonctions de Pré/et maritime^ semblaient
me répondre de G,ooo fr. Mais quoique j*eusse
débuté fort jeune et eusse depuis été constam-
ment employé , j'avais tellement changé de car-
rière et de département, qu*il m*était difficile
de compter trente ans de services, réputés utiles
pour ma pension, devant la loi. Faute de ces
3o ans, je fus pit>visoirement renvoyé chez moi,
jouissant toujours d*un traitement d'inactivité de
lo^ooofr., jusqu'à ce qu'une ordonnance , du
a4 mars i8a5, me fixa enfin définitivement une
solde annuelle de retraite, à dater du i.*^' jan-
vier iSaS, de 3,670 fr.
Je vivais en paix et heureux , à Pardies , près
Nay, avec ma femme, attendant que, suivant
Tordre de la nature, elle me fermât les yeux. Vain
calcul ! beaucoup moins âgée que moi, une mort
prompte et imprévue me Ta ravie, ce 28 mars
j8a7 : elle m'a devancé dans la tombe. Quel
vide affreux ! pourquoi respirerais-je encore ?
o mes enfans !
rm DU SIXIEME ET DEBIIIEE LÉTEE.
6^7
PAR ORDRE DES MATIERES.
PAGES 7 à 94.
JANVIEH A NOVEMBRE 1805.
SOBIHAIRE.
ErobarqueiDebt k Rochefort pour la NouTelle-Orléans , tiir
le bride le Surveillant, mit à ma dîspotitioo. Escale à
Saiot-Ander. Noos y chargeons de l'argent destine i Saint-
Domingue , où nous le laissons en passant. Notre nafigation.
Nous mouillons aui bouches du Mississipi.
AiTivëe i b Nourelle-Orléans. Accueil. Hesures et marchés
pour l'installation prochaine des troupes françaises.
Le pavillon de France admis provisoirement sur le même
pied que le pavillon d'Espagne.
Renvoi du brick le Surveillant en France.
Affluence en ville des habitans, des cultivateurs, des Jnglo^
Américains^ de l'intérieur et des Postes.
Blés courses k la campagne.
Le fleuve et la levée.
Black setilers ou accroissemens des défrichemens et de b
population aux Etats-Unis.
Magasin à poudre.
Canal-Carondelet, Bayou Saint-Jean , Lac Pontchartrain et
métairie. Variation de b température. Printemps de ce climat.
Vargo.
6a8
Blarquis de Cnsii-Gilro.
Entrepôt américain.
Passes RousUd.
Socîëlë.
Moustiques et roaringouios.
Bruits de mësiotelligeuce entre la France et l'Angleterre.
Général américain Dayton i la Nouvelle-Orléans.
Deux gros navires tout bâtis et équipés descendent de Pittsburg,
600 lieues dans les terres, par TOhio et le Mississipi , i b mer.
n se confirme que la Lomsiane est cédée par la France aux
Etats-Unis.
Bowb. Visite de sauvages. Baisse du Mississipi. Saison de
Textréme chaleur. Fièvre jaune. L'adjudant commandant
Burtbe.
Denrées du pajs. Prix courans.
Fêtes et festins des habilans i leurs campagnes.
Serpens i la Louisiane.
Introduction de b canne i sucre. Rafineries.
Journées des dimanches. Jeux d'adresse. Esclaves. Hospitalité.
Réfugiés de Saint-Domingue.
Premier avis officiel de la cession delà Louisiane aux Etats-Unis*
6^9
fwvt Sciixiièmr,
PJGES W à 111.
DECEMBBE 180S A JUIN 1804.
SOMMAIRE.
Eicarskm k ^^ wiio lieues Amont du Mississlpi.
Sucrerie d'Estrehan. Paroisses et carés. Eiemple de la justice
coloniale Espagnole. C6U$ des Allemands ou des Alsaciens*
Longue vue de la Ramée. Familles d^Acadiens. Cale des
Acadiens. Cotonnerie Bringier. Mariages Louisianais. La
pluie borne ma course et hâte mon retour. Etablissement
d'un courrier entre la Noutelle-Orlëans et Wasbington-Citj
par kl Nalcbës. Habitation Gantrelles. Mes visites en redes*
oendant le fleuve. Aoddens de ses bords. Moulins i scie.
Chasses.
M. Pichon , ministre plénipotentiaire Français aux Etats-Unis ,
m'envoie , par M. Landais , les dépêches concernant la ces-
sion de la Louisiane. Gaibome et général Wilkinson nom-
més commissaires pour les Etats-Unis. Menées Espagnoles.
Relation de la reprise de possession.
Afiaire de Saint-Julien aux Alakapas.
Arrêté relatif & la police des nègres.
Procédé de la remise aux Etab-Unis et actes de la domination
intermédiaire.
Querelles Anglo-américaines et Françaises.
Evacuation de malades de Saint-Domingue. Réexpédition du
brick VArgo.
Protestations des commissaires des Etats-Unis rebtives aux
Florides.
GMadère des Louisianais. Allures Espagnoles et Américaines.
63o
Prëptntilli de mon départ. Baie del Carmen à Tucatan.
IfoUsage du Natchei^ petit navireMu commerce sous pavillon
Amëricain , pour me transporter incognito i la Blartinique.
Je quitte la Nouvelle-Orléans. Navigation. J'arrive i Saint-
Pierre. Ma situation nouvelle toute différente de ce qu'elle
était i la Louisianne. Entrée en Fonctions. Vérifications des
caisses. Tableaux des finances durant tout le cours de mon
administration dans celte colonie. ^
63 r
PJGES 995 à 515.
JUILLET 1004. ^ 1806.
SOMMAIRE.
Satie de reformes el amëlioratioos. Budget. Commerce. H6-
pîtaai. Monnaie. Artillerie et génie. Escadres et bâtimens
de mer. Climat. Promenades matinales. Raf-de*mar«^. Trem-
Uemeat de terre. Tonmée de llle et de ses habitations.
Mulâtres.
Quantité prodigieuse de serpens de même espèce à la Marti-
nique et accidens.
Rébellion de llle en 1717.
Rëfleiions que m'inspire la tournée que j'ai faite.
Esdares : leurs mœurs; leurs poisons.
Ma femme et mes filles arrivent , le 7 juillet i8o5 , de b
NouTelle^rléans i Saint-Pierre et, cette même année i8o5,
mon fik en France, passe , par mon ordre, de Juillj au
Pritanée. Célébration du i5 août i8o5.
Dangerot meurt de Xz fièvre jaune.
Tracasseries auxquelles je suis en butte. Je lutte contre elles.
J'envoie au printemps de 1806 mon secrétaire Bouchard i
Paris, 7 porter mes plaintes; je n'aurai plus pour témoins
ma femme ni mes filles. Je les j achemine bientôt après.
Elles 7 sont rendues au mois de septembre suivant. L'édu-
cation de mes enfans s'y continue.
La Légion-dHonneur , dans laquelle j'avais été oublié à son
institution, m'est donnée par un décret particulier du 10
septembre 1806, inséré dans le Moniteur »
63a
Cuire <8tiiatrUme>
PAGES 514 à 419.
1807. —AOUT 1808.
SOMMaIHE.
L'Emperrar nous rapatrie , le Gipitaine-gëoëral et moi , sans
proDoocer entre nous.
Sujeto de nos querelles.
If os difTërends sur les officiers de l'état civil et sur la con^
sensation des hypothèques , dans V introduction du code
civil. Le Capitaiue-gënëral prëtend que TëUt de siège rëduit
mes fonctions aux simples fonctions d'ordonnateur. Il
commande aux administrateurs sous mes ordres et les gour-
mande, sans même nul concours de root. Il m'enlève la
surveillance de la Gazette. Il met ses soins à m'isoler et
me reproche mon isolement , etc., etc. Lettre du Ministre,
du 10 septembre i8o6, qui ordonne, honorablement pour
tous deux, notre réconciliation.
Les résultats tournent i l'avantage du Capitaine-gënëral , qui
ne se reUche d'aucune de ses hautes prétentions.
Ses saillies devant la commission consultative.
Les tribunaux , mécontens de ne plus diriger, mordent le frein .
G>rruptioa des douanes.
Officiers civils établis à Saint-Pierre k la demande même
des curés.
Printemps de la Martinique.
Le Capitaine-général et le grand juge par intérim , provoqués
par le curé du Vaudin, 8*entendent pour empêcher^ contre
la disposition Tonnelle du code noir sous Louis XIY et
633
eaotre hm» «rii, W irity é'ao Esfopto «fw um filU
de cookory d sospendeat la I4gislalioo tur ot point
Pëtitioofl rdratéfli pir U Capital m f ginirû p«r k tedU raboa
qu'elles toot edreMé ei tîmullaiitoeDt , conme ellet dewitot
rétre, aa Préfet colonial.
Celui-ci est menacé par le Capitain e -fénérai d'aocnailioo pour
avoir osé reprocher des ticcs de complafaililé à des offidan
de place. Lettre de Miaoyi conunandanl do la Trinité,
ioconcefable d'indécence et d*andace au Capitaine-fénéral
contre moi.
Le Cours de Saint-Pierre.
La Salfy'jinna et Lebertre. Je le dénonce au Ministre.
L'Empereur le met aux arrêts.
Montré de pain ailjugée par le Gipitaine-géoéral à Lebertre ,
contre Tordonnance.
Etablissement de quatre agens de change courtiers du com^
mercc.
Dirert i asemens en Tille et Bamboulas.
L'Empereur m'aoooide une gratification annuelle et persoonelU
de dix nulle francs, à dater du i.** jantier 1808.
Sursis commercial pour dettes coloniales , établi par le
Capitaino-génàral, à l'instigation dn grand-jnga par inierim
Bence, réproufé par moi eomflM le plus déssUriOT tl le
plus abusif des expédiens.
634
€inv€ CTittqtiiiime,
PAGES 4n à 4in.
8EPTEMBBE 1808 — 1893.
SOMMAIRE.
L*|iuiiiier du domaine, charge de poursuivre les contribuablef
en retard^ est tellement Tei^ par les habitans propriétaires
tt surtout rebuté par le capitaine-général lui-même , que je
suis forcé de supprimer sa place. Garnisaires rendus tou^
aussi ine0jcaces par les manèges de Lcbertre et de Miany.
Vide de la rade. Réduction des rations mililaircs. Disette de
TÎTres. Approvisionncmens.
Code de commerce. De l'intérêt. Code de la procédure civile.
Mongeri , préposé payeur i Saint-Pierre , s'enfuit laissant un
Tidc de i5o,ooo fr. dans sa caisse. Etranges efforts pour le
sauver. Comment M. Bence, grand-juge par intérim ^ et le
capilaine-généial y donnent les mains.
Attaque de Tble par les Anglais, le 3 février 1809 , et sa
reddition le 24. Ils avaient négligé de rien stipuler pour le
trésor et veulent après-coup s'en prendre i moi. Us sont
(brcés d'y renoncer. Ma traversée en Angleterre par convoi.
Bla captivité. Mon échange. Mon retour en France. Accueil
de l'Empereur.
Je suis nommé 4 la préfecture maritime d'Anvers. J'y com-
mande en cette qualité pendant plus de deux ans.
Je passe & b préfecture du département de Jeromapcs. Motifs
généraux de ce changement.
Puissances alliées envahissant la Belgique. Ma famille et moi
nous nous rabattons sur Paris. Mon fils y arrive de la Cham<
pagne , atteint du typhus et blessé. Hordes étrangères. Napo-
635
1^ êbdiqut. RestmintioD. Mon fib MyodMtHMJor eu Hgi-
neot da roi dragons. Les cent' jours dol'Eoiperettr on i8i5.
Waterldo. Général Ytnot blessé. Blon fib licencié à Monlins.
J'arais été de la chambm on BOtisiMTAiis.lb fiunillo entière
est rendue à la retraite.
Nommé gouverneur pour le roi à Cayennê ^ je me rem-
barque , en 1 8 19, et rais , au-loin , courir cette nouvelle for-
tune. Vj succède au lieutenant-général Carra -Saint -Cyr.
Résultats de mon gou?emement et de mon administration
dans leure détaib. Clergé et écoles. Législation. Codes.
Justice et tribunaux. Sûreté publique. Troupes. Agens adi
ministratils.
636
Citrre Shtxtèmt,
PAGES 819 à 6ftG.
1898. -. 1831.
SOMMAIRE.
Finaiicet » rereous et produits. Magasto. Comptabilité. Cootri-
bationf. Débets. Habitations rojales. TUsii, Haras à Biont'
jofy. Briqueteries. Ménageries. Recettes annuelles eidépenses.
Afiranchisseniens. Curatelle aux facances. Caisse des invalides
de la marine. Explorations. Atelier noir. Moulins à vapeur .
Constructions. Bob. Population. Essais pour Taccrottre. La
Mana. Catineau-Laroche. Labourage k la charrue. Société
^instruction. Commerce. Ouvrages d'art. Lépi*oseric. Jardin
royal des plantes. Projets i exécuter. Rapports extérieurs.
Vidal Lingendes.
Expédition Serec.
Minbtère de la marine et des colonies du marquis de Clermont-
Tonnerre, & la place de Bl. Portai. Par condescendance
et commérage de cour , le nouveau ministre se hât^ de me
nommer un successeur pour me punir d*avoir osé sévir
contre la traite des noirs. Mon retour 4 Paris. Le ministre
ne m'y lait pas de reproche. Il applaudit au compte-rendu
de mon administration.
Chevalier de Saint-Loub depuis le 3i août iSig, je fus créé
baron proprio motu au baptême du Doc ni Bobdbaux , en
i8ai , laveur renouvellée d'un décret impérial de mars i8i5.
Ma retraite précédée provisoirement d'un traitement d'inacti-
vité. Me contestant le nombre de mes années de service, ma
pension^ par ordonnance du 24 mare i8a5, est réduite de
6,000 fr. , que j'avab cru pouvoir me promettre , & 0,678 fr.
Ma vieOlesse au sein des miens, i la campagne, depub
l'automne de i8i3.
tim DIS TAILES PAa OROaC DES MATicacs.
TABLE DE RECTIFICATION
DES NOMS PROPRES ET DES DATES
CONCERNANT LA PARTIE LOUISIANAISE,
D'APRÈS LES NOTES INSÉRÉES DANS LA TRADUCTION
DE LA SOEUR ACNÈS-JOSÉPHINE PaSTVA.
p. 16 Labatut : Jean Baptiste Labatut
p. 23 Salcedo : don Manuel de Salcedo, gouverneur espagnol
p. 23 Ulloa : Gouverneur Espagnol
p. 25 fort Plaquemines : fort St Philippe
p. 25 Favrot : Pierre Joseph de Favrot
p. 29 Sibben : F-J. Sibben
p. 29 Bernard Marigny : Bernard de Marigny
p. 29 Lanusse : Paul Lanusse
p. 30 M. de Livaudais : Jacques Enould de Livaudais
p. 30 Charpin : Jean Baptiste Charpin
p. 30 M. de Pontalba : Xavier Delfau de Pontalba
p. 30 Oreilly : O'Reilly
p. 30 quand il prit possession de la colonie pour l'Espagne :
1769-1770
p. 31 Morales : Juan Ventura Morales
p. 32 marquis de Casacalco : marquis de Casa Calvo
p. 36 M. Duvilliers : le chevalier, aine, Couland de Villiers
p. 36 Romand : Jacques Etienne Roman
p. 37 Dublanc : Louis Charles de Blanc
p. 37 Chouteau : Auguste Chouteau
p. 37 frère de notre Laclède : Pierre Laclède
p. 37 M. Maillard : Charles Maillard
p. 37 M. Podras : Julien Poydras
p. 37 M. Destrehan : Jean Noël d'Estrehan
p. 37 M. Bahen : Joseph Bahan
p. 38 Prudhomme : Emmanuel Prudhomme
p. 38 \akitoches : Natchitoches
p. 38 M. Youngs : Samuel Young
p. 39 M. Borée : Jean Etienne de Borée ou Bore
p. 40 Black-settlers : Backwoodsmen coureurs des bois,
défricheurs de forêts
p. 41 Bernaudy : Bernard Bemoudy
p. 41 les Pradelles : chevalier de Pradel
p. 41 gouverneur Galvés : don Bemardo de Gâlvez
p. 43 Pierre Palao : don Pedro Palas y Pratz
p. 44 Pensacole : Pensacola
p. 45 habitation Sauvée : Pierre Sauvé
p. 47 par le traité de 1793 : par le traité de 1795
p. 47 M. Pichon : Louis André Pichon
p. 48 Roustan : Jacques Rouzan, négociant
p. 48 Mérieult : Jean François mérieult, négociant
p. 48 général Victor : Claude Victor
p. 49 j'ai écrit au gouverneur : gouverneur Salcedo
p. 53 général Dayton : Jonathan Dayton
p. 53 maison Hottinguer : Hottinger
p. 57 Piltsbourg : Pittsburgh
p. 57 AUeghany : Allegheny
p. 58 Ténézée : Tennessee
p. 58 Bowls : William Augustus Bowles
p. 59 avant la révolution : révolution américaine
p. 59 à la Providence : New Providence Island, west indies
p. 59 Williams Ponton : William Panton
p. 59 pour lequel il y avait envoyé : aux Bahamas
p. 59 associé Forbés : John Forbes
p. 59 Séminoles ou créoles inférieurs : En fait indiens Creek
du sud, les Séminoles sont une tribu de la nation Creek
p. 60 Hevia : José Bernardo de Hévia
p. 60 Rousseau : Pierre Georges Rousseau
p. 61 Ile de France : Ile Maurice
p. 61 les créoles : les indiens Creek
p. 62 Ossome : Joaquim Ossome
p. 62 Madame Maxant : Madame Gilbert Maxent
p. 63 chactaws : choctaw
p. 68 (et suivantes) adjudant B : André Burthe
p. 69 amiral Martin : préfet naval de Rochefort
p. 71 Mlle D : Dulaur - Delord Sarpy
p. 74 madame veuve D : veuve Dulaur
p. 75 M. Blanque : Jean Paul Blanque
p. 85 M. de Mira : don Estevan Rodrigues Miro, gouverneur de
1785 à 1791
p. 85 Soliés : Manuel Solis
p. 86 Morin : Antoine Morin
p. 86 MM. Portier et Godefroi : Michel Portier, aîné et
Godefroy Olivier de Vezin
p. 87 MM. Hazeur en marge Azeur : Hauser
p. 96 M. Cabaret : Pierre Marie Cabaret d'Estrépy
p. 96 veuve Eme : Marie Pélicité Julie Portier Aime
p. 96 le planteur -sucrier le plus actif : Ormond
p. 100 veuve Trépanier : veuve Pierre Trépagnier
p. 100 M. de Villeboeuf : Jean de la Villebeuvre
p. 101 M. Andri : Manuel Andry
p. 101 Mlle Glapiant : Catherine Sophie de Glopion
p. 101 M. Lebourgeois : Louis Le Bourgeois
p. 103 les Duparc : Dupards
p. 104 M. Bringier : Marius Pons Bringier, négociant
p. 105 M.Tureau : Augustin Dominique Tureaud
p. 106 M. Duplantier : Allard Duplantier
p. 107 Nantuky : Natchez
p. 108 Poeyferré : Jean Baptiste Poeyferré
p. 108 M. de Canterelle : Michel Bernard de Cantrille
p. 108 était sœur à Andri et à Sosten :Gilbert Sosthène Andry
frère de Bernard Noël Andry et de Céleste Andry
p. 109 Oumes : Houmas
p. 110 Armand : Jean Marie Armant
p. 111 M. Pain : Daniel Pain
p. 111 habitation Massico : Geneviève Grevenberg, madame
Jacques B. Massicot
p. 113 Abine : Louis Habiné
p. 114 M. Duparc : François Dupard
p. 116 les Lebreton d'Organnois : Lebreton d'Orgenois
p. 116 les Fleuriau : Jean Baptiste de Fleuriaus
p. 116 Dominique Bouligni : Dominique Bouligny
p. 116 Saint-Dée : Pierre Saint-Pé
p. 117 habitation Marrigni : Marigny
p. 117 M. Claibome : William C.C. Claibome
p. 117 M. Landais : Pierre Landais
p. 118 général Wilkinson : James Wilkinson
p. 118 M. Lyons : James Lyon
p. 119 Je reçus mes paquets le 4 décembre et le 5... : ...le 24
novembre et le 25...
p. 119 Deville-Depontin-Bellechasse : Joseph de Ville de
Goutin Bellechasse
p. 120 Villeray : Jacques Philippe Villeré
p. 120 Johns : sir Evan Jones
p. 120 Tareaud : négociant, gendre de Bringier
p. 120 Jean Watkins : John Watkins, physicien
p. 121 aux termes du traité : Traité de San Ildefonso signé
entre la France et l'Espagne le 1er oct. 1800
p. 122 dans le traité : Traité signé le 30 avril 1803 entre la
France et les Etats-Unis
p. 124 Clark : Daniel Clark junior
p. 124 l'Hôtel de Ville : le Cabildo
p. 125 sur la place : place d'armes aujourd'hui Jackson Square
p. 125 Daugerot : Joseph Daugerot
p. 130 Madame Almonaster : Louise de La Ronde Almonaster
p. 130 M. Folck : Vincente Foich y Juan
p. 131 M. Dublanc : Louis Charles de Blanc
p. 131 Saint Julien : Pierre Louis de Saint Julien
p. 131 Duralde : Martin Duralde
p. 132 M. Le Blanc : M. de Blanc
p. 133 Sorel : Joseph Sorel
p. 133 M. Derbigny : Pierre Derbigny
p. 134 Barrère : révérend Bernard Barre re
p. 134 Hasset : Thomas Ilasset
p. 135B iBurthe
p. 138 habitation Mether : James & George Mether
p. 138 Je me déchargerai avec plaisir d'un fardeau sans
objet : son poste de préfet colonial
p. 139 M.Wadson : Decius Wadsworth
p. 140 Les troupes anglo-américaines : américaines seulement
p. 151 Saint-Abit : Saint-Avid
p. 151 M. Davis : Samuel Davis
p. 151 du Mole : Saint Domingue
p. 161 Picot : James Pitot
p. 161 Berquin : Pierre Louis Berquin-Duvallon
La majorité des citations latines sont extraites des Enéides de
Virgile des Satires de Juvenal, de Tristia d'Ovide, etc.
Achevé d'imprimer en février 2001
sur les presses de rimprimerie
de Navarre à Pau pour
édition du Gave
alolier îii-8
I)a
été tiré
de cet ouvTage
^'îo exemplaires^
numérotés sur vélin Yearlmg
augmentés d'un portrait et de
documents en fac-similé hors-texte
et 5oo exemplaires sur vélin
Brut de Centaure
éditi
Gave
B.P. .9
64121 Serres-Castet
© édition du Gave, 2001
ISBN 2-9I2238-00-5
toute reproduction interdite
«T-5^i^
^