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Full text of "Mémoires sur ma vie à mon fils: pendant les années 1803 et suivantes, que j ..."

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MËIIIOIRËS 

SUR MA VIE, 

A MOÎN FILS, 



A LA LOUISIAUiWE, 

LA R£Pnut 0t ...,«>.^.^ WT tftri iaiO?»tt r -' 



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A LA MARTINIQrE, 

COMM» ntrCT COKHtA 

A LA GUVANE FRAJ^iÇAISE , 



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I 



MEMOIRES 

SUR MA VIE, 



374 

4-, s 



MEIHOIRES 

SUR MA TIE, 

A MON FILS, 

PENDANT LES ANNÉES 1803 ET SUIVANTES, 

qUE j'ai rempli des fonctions publiques y SAVOIR : 

A LA LOUISIANNE, 

EN qUALITÉ DE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS POUR 
LA REPRISE DE POSSESSION DE CETTE COLONIE ET POUR SA 
REMISE AUX ÉTATS - UNIS } 

A LA MARTINIQUE, 

COMME PREFET COLONIAL } 

A LA GUYANE FRANÇAISE , 

EN QUALITÉ DE COMMANDANT ET ADMINISTRATEUR POUR LE ROI ■ 

^^OTty^. c/e ^4ZiJjtt/ fourre- Jûumen/,J 



Vixi et çuem dederai eursum fmrtuna peregi* 
YlRClLl — 0E« Lib. 4 



É. VIGNANCOUR. I M PRIM EUR - LIBR A IRE. 



4i3 
LITRE CINQUIEME» 



AOUT 1807. — I8&S. 



ACCOCIt 
ST LB8 CBlCÂirSS 



A t HUISSIKft 

D« DOMAIRB 

CUktLOi 

DE PouisunriK 



Les huissiers près les tribunaux remplissaient ^ cAMTAtifE- 
si mal leurs fonctions quand je les employais , «*"*»*"• a'»«« 

* 1» TELLEMENT 

que je dus nommer à une place a huissier du le mauvais 
domaine , vacante depuis long-temps et qui exis- 
tait néanmoins d'après les anciennes ordonnant f^'^ 
ces locales. Pointet obtint mon choix. Il me 
présentait de bons certificats de services, soit 
dans les armées Françaises pendant la révolu- la lENTmiE 
tion, soit près les tribunaux , à la Guadeloupe, coimuiuTioiis 
comme huissier. A««iiEiEs, 
A peine fut-il en place que la tourbe des ha- colonial 
bitans endettés lui suscita des tracasseries; nf^,?™!. 

DE EEROlfCEft 

Au Robert, un nègre nommé Jean- Jean, de ^ »^ soutesi» 
la garde sédentaire , s'affuble de l'uniforme , va db le 
au cabaret où était Pointet , le toise et affecte •"''■'•«"• 
envers lui des airs arrogans. Pointet, qui est 
vigoureux , le rosse. 

Pointet rend compte au commandant Mianj 



4î4 MÉMOIRES SUR Uk VIE^ A. MOlf FILS. 

1807. et à Gaigneton , commissaire-commandant Lof* 
ai^ûV ficier de service lui écrit que Xhabit uniforme 
rendait ce militaire inviolable. Gaignerôu me 
transmet sa plainte , san$ paraître -y attacher 
d'importance. Pointet revient à Saint-Pierre. Je 
le mande. Je lui communique les reproches qu'on 
lui fait. Il s'en excuse assez raisonnablement. Je 
l'invite néanmoins à user de modération. Il me 
représente qu'un nègre l'insultait et que je con- 
nais le préjugé. 

Or, ce matin, lettre du capitaine-général à 
ce sujet. Il me communique celle qu'il a reçue 
de M. Catalogne , chef de bataillon , au Robert. 
M. Catalogne demande la punition de Pointet. 
M. Dumas , capitaine du Gros-Morne , appuie. 

Le capitaine-général avait évité de inentrete^ 
nir de ces misères , mais il espère que je savon- 
nerai cet fwmme , dont se plaint l'officier du 
Robert. J'ai mandé au capitaine-général ce que 
Je savais des aventures du Robert et lui ai en- 
voyé Pointet, />oiir en faire tout ce quUl voudrait. 

On a vu le tour que le commissaire-comman- 
dant du Gros-Morne donnait à l'affaire. La vé- 
rité est que Pointet s'était présenté à lui et que 
le commissaire*commandant voulut Tempechor 
d'agir; Pointet lui opposa les ordres dont il 
était porteur. Que fait le commissaire? H y avait 
cent trente redeveUfles en retard. Il expédié aussi- 
tôt , sans hésiter, un certificat d'indigence à ces 
i3o contribuables j observant qu* il pourrait bien 



xivBE 5. ( 1807. — 18213.) 4<5 

être destitué de cette affaire ; mais ajoutant qu^U 1807. 
s'en moquait. J'exhortai Poîntct à ne pas s'ar- ai*aôût. 
réter à des obstacles de ce genre , à moins que 
les certificats ne fussent conformes à mon arrêté 
de messidor an XII I. 

Tel est Taccueil qui fut fait, dès le commen- 
cement , à la nomination de llmissier Pointet , 
au Robert et au Gros-Morne : voyons si cet huis- 
sier fut , Tannée suivante , plus heureux au 
Yanclin et au Marin. 

Sur les plaintes réitérées du receveur parti- i8<»^- 

,. , ''11» • T 1 Samedi II juin. 

culier, le receveur-général Ij envoie. Je le sus. 
Je le fis venir. Je lui recommandai d'épargner 
les véritables indigens. 

Il va en droiture au Vauclin. 

M. I^abroue écrit au capitaine-général que c'est 
un insolent ; que, s'il eût été présent, il l'eût 
fait arrêter ; qu'il a manqué au lieutenant-com- 
missaire , M. HuigheS'Desances ; que c'est un 
homme à destituer; etc. 

Pointet a le ton fendant et familier. Je crois 
bien qu il aura tenu tête à ses adversaires. Ce 
serait mal juger et mal connaître le pays, que 
de lui imputer d'avoir été l'agresseur. On lui a 
contesté sa qualité sous prétexte qu'il n'aidait 
pas d'ordre du capitaine-général. Il a dû retour- 
ner à Fort de France , pour y obtenir du ca- 
pitaine-général Vordre qu'il lui fut fourni des 
garnisaires, c'est-à-dire qu'il pût faire son métier. 
Il emporte l'ordre. Il revient au Vauclin. Il y 



4l6 HiMOIRÈS SUR M4 VIE, A MON flLS. 

iSo8. rèclaitie des soldats. I^e commissaire le renvoie & 
Il jum. ^^ sergent, homme de couleur^ appelé lUimi. Ce 
sergent ne comparait qu'au second message et 
promet 'des gamisaires pour midi. 

A 4 heures du soir , ni lui ni les gamisaires 
A^avaient paru. 

Pointet en dresse son procès-verbal et quitte 
la paroisse. 

Je sens les conséquences de reculer : je pro« 
pose au capitaine-général de le renvoyer avec des 
soldais* de troupe de ligne. 

Le capitaine-général me répond que « ce se- 
» mit, selon lui, si avilissant pour les com- 
» missaires commandans que pas un seul , il n'en 
» doute pas, ne voudrait garder sa place; que, 
» pour lui, en pareil cas, il donnerait au sieur 
» Pointet, tous les moyens qu'exigerait sa mis- 
» sion, mais que, dès qu'il l'aurait remplie, il lui 
» ferait donher cent coups de bâton en expiation 
9 €& ses injures. Si cet officier prend ce parti , 
» comme son honneur blessé lui parait, à lui 
9 capitaine-général, le commander, il s'ensuivra 
» des informations, des destitutions, et des pen- 
9 daisons, peut-être; car il est difficile de pré- 
» voir les suites d'un pareil mouvement. Il ne 
» veut pas que l'autorité fasse un pas rétrograde.... 
» mais il veut qu'on destitue Pointet. Il ajoute : 
» tout autre agent que Pointet, fen suis sur, 
» parviendrait à son but. » 

I.e moyen , je le demande , de faire marclicr 



LIVRE 5. ( 1807. — i8a3.) 4'? 

le gouverneineiit avec un chef de ce caractère, 1808. 
avec un commandant qui, au haut poste qu'il '"^"* 

occupe , tient un pareil langage ? 

Étant allé à Fort de France, le capitaine- Mercredi 
général me parla de Pointet *^i*^- 

Il parut reconnaître que les torts n'étaient pas 
du côté de Thuissier; ces gens-ci sont des gens 
à ménager : voilà la raison de sa conduite. 

Ce système de ménagemens est le mien comme 
le sien : mais le mien est en outre , qu'il faut 
dans le déploiement de notre autorité , un mé« 
lange de fermeté et de douceur ; le sien est de 
n'employer que la douceur. 

Après d'autres réflexions , je Fai assuré que 
nous ne nous brouillerions pas ensemble pour 
cela et que je renonçais k envoyer Pointet avec 
des soldats au Yauclin. J'examinerai ultérieure- 
ment ce qu'il convient de faire. 

Pointet, rappelé de sa tournée, est venu «6 juin, 
me trouver hier. 11 m'a conté ses querelles du 
Yauclin. 

Le premier jour, M. Labroue l'invita k dîner, 
avant de partir pour le Marigot. Un triage des 
cantraignaùies fut dressé. Labroue, indiquant 
le lieutenant-commissaire présent, lui donna se^ 
instructions. L'huissier fait sa ronde , presse inu- 
tilement, va trouver M. IIuyghes-Desances et 
le prie de lui accorder enfin des gamisaires. 
Desances dit oui y et renvoie au lendemain jouf- 
lie la Fête-Dieu. Un certain renard Belair, do- 



4l8 IIÉMOIBES SUR MA VIE, ▲ MON PlLS. 

iSo8. taire , est V esprit par excellence et le conseil-né 
J«"* ji^ bourg. Il complotte avec les meneurs de ren- 
voyer VhmssieCjScmsquUl put rien faire.Tieiajïce& 
et Belair vont le trouver et lui font une querelle 
d* allemand y sur ses pouvoirs : qui est-il? D'or, 
dre de qui? Il n'a pas dioit de requérir la 
force armée ? Il montre sa commission d'huissier 
signée de moi : on refuse de le reconnaître. 
Oà est y s'écrie M. Desances , la signature du 
capitaine-général ? Il est , lui , répétait-il sou- 
vent, le père de la colonie. Il ne sait pas qiion 
vient ainsi épuiser par des extorsions le pauvre 
hiJfitant et lui tirer le sang des veines. 

Pointet est poursuivi des mêmes propos sur 
la place publique. Beaucoup de monde sy ras- 
semble. 

Uhuissier déclare que puisqu'on veut des or- 
dres du capilainef;énéral , il va les chercher. 

On le menace. 

Il monte à cheval et part, en plein jour, di- 
sant quV/ va revenir. 

I.^es mutins cependant écrivaient de leur côté 
et envoyaient leurs lettres par des voies détour- 
nées; le capitaine-général les avait reçues, quand 
l'huissier parut. 

Mais aussi pourquoi , fut la première question 
du capitaine-général, ne vous étes-vous jms muni 
de mon ordre? — Je ne crojrais pas que j'en 
eusse besoin. — Je vais vous le donner. 

U le lui donne. Pointet repart et le remet au 



iimt 5. (1807. — i8a3.) 4'9 

lieutenant Desances , qui le regarde et à qui ces \M. 
inots échappent : le capUaine-géhéralï nousn*au* ^*""' 

riotis jamais cru... Il est comme les autres. 

Desances confère avec Belair; il commande 
au sergent Mimi de fournir trois garnisaires. 

lis se font attendre. 

Le cheval de Pointet est éborgné dansTéairie^ 

M. de Labroue accuse Pointet d'avoir exigé 
dix gourdes. Pointet somme M. de Labroue de 
nommer ceux qui l'accusent. M. de Labroue 
nomme au hazard un partiailier du boui^. Il 
est vérifié que Pointet ne lui a point parlé. La- 
broue prétend avoir rendu compte au capitaine- 
général. 

Des gens de couleur sont enfin donnés pour 
garnisaires : à mesure que l'huissier les place « 
ils décampent. L'ordre du capitaine-général por- 
tait quV/ serait Joumi des garnisaires pris dans 
la garde nationale........... Cest comme si l'ordre 

disait qu'il n'en serait pas donné. 

Bref, rhuissier Pointet n'a reporté de sa bni«* 
yante tournée qu'une dixaine de mille l;vres co- 
loniales. Les gens de couleur et Xesjyetits habitans 
en ont fait les frais. Il n'y a que les pauvres qui 
paient. Les autres se sentent soutenus. 

Des sucriers, faisant partie de la liste des con- 
traignables , en ont été distraits à la recom- 
mandation même du capitaine-général. 

Pierre Souquet et Jean Itichard, du Yauclin, 
avaient signé comme témoins le procès-verbal 



Il 
SaoAt 



4aO lliMOUlES SUR MA T1E , ▲ MOH PIL^ 

M. de l'huissier : ik ont été obligés de déguerpir 
de la paroisse. 

Tai enfio dû 6ter sa place à Pointet. 
Tai établi, le 3 de ce mois d'août, un huissier 
du domaine et un huissier d^atnirauié. Je les ai 
assujettis à un cautionnement de 5o mille livres 
coloniales, en immeubles. J'ai nommé Jean-P^'* 
Desmazes k Saint-Pierre, et Noguier à Fort de 
France. Voyons si j'y aurai gagné la paix. 

On a TU comment l'huissier avait été traité; 
voici comment avait été reçue la demande de 
gamisaires. 
1806. Us avaient été introduits dans cette colonie 

Mwdi24iûîii- en floi^i an XII (mai 1 804 ) par MM. Berlin, 
préfet colonial, et Yillaret- Joyeuse, capitaine- 
général. 
LB MOI» Le receveur-général les requiert. Je vise Vélat. 

"^W^Jl"^ Tout le reste regarde le comptable Seul et le 
PAS nmx , commandant militaire. La morgue de ces gens-ci 
ne s'accommode pas d'une marche aussi simple : 
j'en écris au capitaine-général , dont la réponse 
coMMANDANs ambigue me fait croire qu'il a levé les obstacles. 
Cependant Lebertre répond au receveur^énéral 
qa*iln*apas de réquisition à recevoir de lui , mais 
du Préfet colonial; que néanmoins , sans tirer 
à conséquence^ Use contenterait cette /ois de sa 
demande et em^rrait , le lundi suivant^ un ca^- 
poral et quatre fusiliers av coaps-D£-GAmDB de 

LA. PK^ECTUmB OU IL LES IfETTAAIT A VA DISPOSI- 
TION pour être employés aux contraintes. 



GRACS 
A LA MAOVAISB 

YOLoirri 



DB PLACS. 



Lnmi 5. ( 1807. — i8a3.) 4»i 

Cette lettre m'est communiquée par le rece- 1806. 
Teur-générat. Jeu envoie copie au capitaine- ^' 

général le jour même. Il ne m en a pas même 
accusé la réception. 

La chose s'est faite et passée comme Lebertre 
l'avait disposée. 

Le capitaine-général se garde de réprimer ces 
insultes. 

Son commandant de place imagine que ces 
poursuites sont odieuses à Thabitant, et que-, 
s'il en est tourmenté et vexé, il verra que c'est 
mon œuvre à moi seul et ne s'en prendra qu'à moi. 

Il est parvenu au même moment une lettre 
du commandant Miany au capitaine-général, sur 
son humiliation d'avoir à fournir ses gamisaires 
pour ces viles fonctions. La lettre a passé de 
main en main à lai troupe dorée, qui remplissait 
le salon du capitaine-général, et cette lettre y 
est devenue le sujet des commentaires. 

Toutefois, le capitaine-général, me parlant de StmediaSjiiui. 
ces tracasseries, s'est contenté d'en rejeter la 
faute sur la hétise de- Lebertre : oui y général , 
ài-je répondu , il est héte , le commandant 
Lebertre , c^est une pécore , mais une pécore 
pétrie de limon et de poison. — Je suis plus 
sensible que vous y Préfet, à ce qui s* est passée 

U y est sensible , et il n'a pas puni ! 

Ainsi me profitèrent les gamisaires , positive- 
ment admis à la Martinique et universellement 
employés en France, ainsi m'y profita Yhuissier 



i8o6 , 
1S07. 

et 
1808. 



1808. 
Jeudi 3 main. 



1808. 

Mercredi 

iSjitio, 



R#.0UCTI01f 

D*UN TIEIS DAlfS 

LIS QUAIfTlTiS 

SUR 

LES RATlOlfS 

MILITAIRES , 

AVEC D* AUTRES 

MESURES 

CONTRE 

U FAMllfS. 



4aa MiMoincs sur mjl vie, a moh fils. 
Poiniei , quand je crus être moins tnallieureux 
avec lui....... Et pourtant il fallait lever les con- 
tributions! Qu'en eut-il coûté au capitaine-gé- 
néral f pour prêter, à des comptables , la main- 
forte qui leur est attribuée par nos usages et 
nos lois? 

Nous nous lamentions sur le vide de la rade. 
Elle était encore occupée de loin à loin par des 
neutres caboteurs du voisinage. Aujourd'hui, 
rien. U n'y reste plus qu'un bâtiment américain. 
Cette situation est vraiment déplorable! 

Je me suis rendu à Fort de France. 

L'objet et le résultat de mon voyage , c'était 
la réduction des rations militaires y comme suit: 

Pain de a6 onces à 18 onces. 

Bœuf salé de 8 onces à. . . 6 

Ou à la place, 
Porc salé de 6 onces à. . . . 4 

Il y aura un tiers d'épargne sur les comesti* 
blés et à ce moyen, au lieu de voir nos appro- 
visionnemens s'achever en août prochain, ils 
nous suffiront jusqu'à la mi-octobre, à moins 
d'événement imprévu. 

Averti , le 6 janvier dernier , de Vembargo de la 
Martinique f depuis lequel ilnenousestà-peu-près 
plus venu ni farines ni salaisons, nos provisions 
nous auront nourris pendant neuf mois et demi. 

Pour remplacer au soldat le nombre de lit^res 
pesant que nous lui otons , nous lui payons de 
supplément un franc par ration. 



uvEs 5. ( 1807. — i8a3.) 4^3 

Si cet arrangement nous épargne un tiers sur 180S. 
nos subsistances, il augmente de 3o mille francs iSjuio. 
par mois la dépense de la solde des troapes: 
car cette indemnité est une espèce de solde et 
se payera avec la solde; or, la solde totale étant 
déjà d*environ 70 mille francs par mois, elle 
montera désormais à 100 mille francs. 

La crise devient violente : si je m'en tire, je 
n'aurai pas trop à me plaindre de mon sort 

Nous avons rassemblé , 
MM. d'Houdeeoif maréclial-de-camp, comman-- 
daut des troupes; 
de Joyeuse j directeur*général d'artillerie; 
Montjortj colonel du 8a.*; 
JRouXf capitaine des grenadiers du a6.*, à 
la place de Prost qui est aux eaux- 
chaudes, dans les Pitons. 
Je leur ai expliqué cette mesure sous tous ses 
rapports : ils m'ont paru satisfaits. 

Les circonstances deviennent de plus en plus Lundi 4 juillet, 
difficiles. Fort de France manque de pain. La 
ville de Saint-Pierre en manquera demain ou 
après-demain. 

Je n'entends que tristes complaintes autour 
de moi. 

Les créoles se feront à la farine de manioc 
et aux racines du pays : Texclusion du pain leur 
sera moins pénible; mais nous européens! 

J'ai diminué ma consommation. Je mange, 
de préférence aux autres productions du p^ys^ 
des choux caraïbes. 



i8o8. 
Vendredi 
8 jtûllcl 



U»râiS 



IKTBOOVCnOII 

DV CODB 

HB OOMMUCB 

FRANÇAIS f 

ADAPTÉ 

A L4 

MABTIMIQOB* 



4^4 MillOIRKS SUE MA T1E , ▲ MOlf FILS. 

Ce jour est le dernier où la ville de Saint- 
Pierre ait du pain chez ses boulangers. La mo- 
rue , le bœuf et le porc salé abondent On a 
essayé de fabriquer du pain avec uu tiers deja^ 
rine de manioc et deux tiers de froment : il en 
est résulté un pain mêlé excellent. 

Cet état de détresse ne me faisait pas négli- 
ger Tintroduction du code de commerce dans 
cette colonie. Quoiqu'il soit moins parfait que 
notre code civil, il était toujours de beaucoup 
préférable aux usages qui en avaient pris la 
place. 

Je composai une commission de 
MM. Cairoche, notaire; 
Chaluet, habitant; 
Gaschet atniy ancien 

commerce; 
Lalanne; 

et 
Delhorme (Antoine), 

Le chapitre le plus épineux, celui du co/n- 
missiomuUre et de r habitant , dans les colonies , 
nous retint trois séances. 

Dans le cours de nos conférences, il a été 
question ile l'intérêt, soit en matière de com^ 
merccj soit en matière civile. Il avait été convenu 
que nous coulerions cette matière à fond, lorsque 
nous en aurions fini avec le code. 11 s*est mani- 
festé une telle diversité d'avis entre M. Chalvet 
seul habitant et les autres membres, dont trois 



commissaire de 



commissaires 

du commerce 

en exercice. 



uvRE 5. ( 1807. — i8a3«) 4^5 

étaient négocians , que M. Chalvet s^étant plaint 
de son isolement, je proposai eu conséquence 
d'appeler à notre assemblée 

MM. Sinson Beauville^ 
et 
Decurt , celui-ci frère cadet du membre 
de l'assemblée constituante. 

Mettez en présence trois négocians et trois 
liabitans, et soyez sûrs d'avance qu'iZr soutien- 
dront bravement leur terrain : pas un d'eux ne 
rompra la mesure. 

Cairocbe, désintéressé dans la question, notaire 
très-employé, extrêmement versé dans. les af- 
faires, a prononcé une opinion claire, solide et 
convaincante. Il y a proposé , pour la colonie 9 
r intérêt civil à 7 '/a, et V intérêt commercial à 
10 pour cent. Il a appuyé cet avis de calculs 
exacts, de faits positifs, de vues saines. 

Les habitans ont tourné autour de ce pivot , 
disant que ce qui a été depuis si long-temps est 
probablement un bien ; que les meilleures terres 
ne donnent pas ici 5 p. ^/^ d'intérêt ; que sans 
doute les biens fonciers ont une valeur /i/rure , 
mais que c'est une fiction qui constitue la richesse 
des colons ; que , si on vendait au comptant et 
par conséquent en une valeur réelle , les terres ne 
suffiraient même plus à la libération des dettes 
dont elles sont grevées; qu'on ne gagnerait rien 
à établir une proportion plus raisonnable entre 
l'intérêt civil et l'intérêt commercial; que les 



1808. 
Hardi 5 maL 



se i^iniiiêT 
DB l'argbnt 

DANS 
LBOOLOMUf* 



IbrdâSin 



7 août. 



1807. 
18 DOYeuibre. 



1808. 
Dîfiiaocbe 
3o octobre. 



TClfTATITS 

PAITB PAR LB 

CKAND-JOGB 

PAR INTERIM 

DE PAIRE 

ADOPTER 

DANS 

LA COLONIE y 

LE CODE 

iiMENDé 

A SA PAÇON , 

DE PROCÉOVRB 

CIVILE. 



4^6 MiMOIRCS SUR IIÂ VIE, ▲ MOlf FILS. 

commissionnaires savent bien se dédommager 
du préjudice qu'ils trouvent k emprunter k 10 
et à placer à 5 ; mais que, si on corrigeait cette 
incohérence , ils ne sW ménageraient pas moins 
les autres profils par lesquels ils s'en indem- 
nisent et il n'en lésulterait que perte de plus 
pour riiabUani. 

Ces argumens ne sont pas restés sans réponses 

Des législateurs impartiaux et instruits pro- 
nonceront quelque jour. 

Nous en sommes au point où nous ne devons 
songer qu'aux moyens de vivre. 

Néanmoins, le code de la procédure civile nous 
a été envoyé de France pour nous occuper aussi 
de son introduction à la Martinique. 

M. Bence m'adressa à Saint-Pierre, à la fin 
d'octobre, un mémoire intitulé rapport sur le 
code de la procédure civile. 

Je lui en avais accusé la réception, en le priant 
de m'informer s'il était d'accord avec le capi- 
taine-général pour me faire cette communication. 

11 a d'abord balbutié , mais m'a pourtant à la 
fin répondu : oui , et que le capitaine-général lui 
avait même répondu par lettre qu'il avait tout lu ; 
qu'il partageait ses vues; qu*elles lui paraissaient 
convenables et sages. — C'est qu'il est/ort différent 
pour moi de répondre à vos idées j Monsieur 
Bence, ou luix délibérations de M. le capitaine^ 
général jointes aux vôtres. Il est d'ailleurs bon 
lie constater comment a été suivie une maivhe qui 



uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 4^7 

a au moins quelque chose d* étrange. — En quoi? 
— C'est que je ne crojrais pas du tout que ce fut 
là ce que le Ministre nous assoit demandé. 

Il a voulu pousser la conversation : c*étalt 
inutile. J'ai passé à autre chose. 

]*en parlai , quelques jours après , au capitaine- 
général : il ne me nia point qu'il n'en eut réel- 
lement été question entre eux. « Cela ne signifie 
» rien , m'ajouta-t-il , et n'entendant pas ces ma- 
s> tières, il m'écouterai t de mon côté, en oppo- 
y> sition. — En attendant, lui ai-je observé , votre 
» esprit sera prévenu et votre avis engagé. » 

I^ code de la procédure civile en est resté là. 

Je l'avais , de mon coté, comme on Ta vu , 
préparé , avec ma commission d'hommes de loi , 
d'avoués , de notaires, le mois précédent , et sim- 
plement adapté et approprié aux localités. 

Je le discutai, dans une dépêche de ce jour, 
aQ janvier 1809, au Ministre de la marine, à qui 
je remis en même temps le travail de M. Bence. 

Tout en soignant les grands intérêts qui me 
sont confiés, mon principal souci roule cons- 
tamment sur les subsistances, desquelles dépend, 
en ce qui me concerne , le salut de la place. 

Depuis que nous avons remplacé Iiuit onces 
de pain sur les seize onces actuelles de la ra- 
tion militaire, enfariné de manioc, nous ne 
consommons guère plus que aoo barils de fa- 
rine de froment par mois : mais il les faut. Il 
ne nous restait de disponible que 5oo barils 



1808. 

Dînmiiche 
3o octobre. 



i5 nofembre. 



1809. 
agjftOTÎer. 



1808. 

Dimanche 

20 novembre. 

DIS 
SUBSISTAHCIS. 



4^8 MiMOIEES SUR HA. VIE, A MOlf FILS. 

iSoê. ( non compris les 600 barils d'approvisionné- 
aoimembre. ^^^^^ ^^ ^^^^ Deseix), lorsque nous nous soni- 
mes mis à ce régime. 

Je comptais que la fin d'octobre ou de novem- 
bre nous amènerait des secours de France. Ils 
ne paraissent pas. Je veux soutenir dignement la 
gageure jusqu'au bout 

J'encourage tant que je puis les petits marau- 
deurs : je ramasse les miettes qu'ils nous appor- 
tent 

J'ai adieté depuis huit jours : 
66 barils de farine à 4^ p.'«* f.i«».... 3i77^p* f*. 

385 d.» J35i!à 37 p. f.J38 'V.^p. f. 13,828 

100 d.* 3o9Vi*«P«^* 3,800 

55i barils 10,400 p. H 

Faisant 110,160 fr. 

Quelle somme énorme pour si peu de vivres ! 
c*esi payé en bons et beaux deniers comptant, 
sur l'heure. 

De même s'acquittent les environ 675 barils 
farine de manioc , ensemble 5,4oo gourdes , que 
nous consommons par mois. 

Nos fonds s'en vont et s'épuisent sans espoir 
de retour. Il n'est rentré en septembre et oc- 
tobre , que des arriérés de contributions. L'ha- 
bitant fait flèche de tout bois. Il peste, il jure, 
il maudit 



PATEVA 

OB SAIirr-FtKlM 

s'enfuit , 



iiviiB 5. (1807. — i8i3.) 4^9 

Je me pique d'être juste, pur, désintéressé. 180S. 
J^aurais été avide de porter cette colonie au plus ^ n^l^Uibre. 
haut point de prospérité et d*y rendre mon nom 
béni : telle est toutefois la fatalité de mon sort 
que je semble n'y être venu que pour y exercer 
des rigueurs. Il est certain qu'on y est malheu- 
reux. On y serait plus intéressant, si on y man-^ 
quait moins de tout bon esprit, de tout esprit 
national. 

Deux maisons de commerce de Saint-Pierre, 180B. 
Sargenion et Carre et Fidehup , ont averti ^o octobre, 
le ti^ésorier Navailles qu'ils avaient peine à ar- ^^^^ 

racher au préposé-payeur Mongery l'acquittement 
de deux de ses mandats , dont ils étaient por- 
teurs. LAISSANT 

IFN VIDE 

Navailles est accouru sur-le-champ de Fort de d'av moins 
France à Saint-Pierre et est descendu chez ce 1,4^!^ sa^caum. 
comptable. C'était dimanche dernier. Mongeri coautioii 
était disparu depuis le vendredi. Il n'avait pas ^ tAouaLE 

encore reparu le lundi* manoeveent 

L'inspecteur Motas étant absent , j'ai donné des ^ ciNiEAi. 
ordres au chef de service Boisson. Il s'est joint " " 

^ CEAND-JUGB > 

à Navailles, trésorier. pooe sauvée 

I^ vérification a montré au premier coup- d,cbcoiotaiie 
d'oeil un déficit de plus de i4o mille francs. ©^ l'eonneoe 

1 .1. , ., DE LA FAMILLE 

Sa comptabilité ne comportait pas mi pareil 
vide. ^' 

Mais , outre que les fonds se sont entassés k 
la fin de septembre dans la caisse , pour faire 
Csice au montant des salaisons achetées de Car- 



DB SA FEMME 



43o iiibfoi&ES SUR Mk vie, k ttoif fils. 
i8o«. rier et de Carre et de Vidcloup. Je donnais, 
30 ociûbre. depuis çe temps de détresse , des délais au coin* 
merce pour payer les droits des douanes , et 
en attendant le commerce déposait des billets 
à terme entre les mains de Mongéri. Or, ce {vi^ 
pon les escomptait en secret, sans autorisation 
ni permission. Delhorme s'était ainsi mis à dé- 
couvert de 9a,5oo livres coloniales, Quervet de 
38,ooo liv., Tanglais Omullanede 10,000 liv.coL 
et Taméricain Marean de G,ooo liv., sur leurs 
acceptations existantes au trésor et dont ils y 
avaient irrégulièrement anticipé les paiemens 
par forme d'i-comptes , & leurs |ïérils et risques. 
Cependant, des symptômes d'embarras de la 
part de Mongery se manifestèrent. J'aurais dû en 
être le premier informé. Je fus, comme il arrive 
toujours , le seul à l'ignorer^ 

llle solus nescil omnia, 
Terent. Adelth. 

Au moindre avis, j'aurais prévenu le mal et le 
scandale. 

Nous ne voulions pas le perdre^ m'objecte-t-on; 
... .il répugne de faire éclater la ruine de quel- 
qu'un. 

Ce n^est point la vraie raison. Je l'ai apprise. 
Quand un paiement était à faire, Mongery ac- 
cordait du temps et des facilités. On le lui ren- 
dait par ces connivences. 

Les comptes avec le payeur principal étaient 
en règle au bout de chaque mois.' Le préposé 



uvRE 5. ( 1807 — ï8i3.) 43 1 

couvrait son désordre en portant comme en |^: 
porte-feuille des effets qui n'y étaient plus, parce 10 ociolirt. 
qu'il les avait escomptés. Il n'en avait pas le droit 
Personne n'en avait pu traiter avec lui à l'insçu 
des chefs de la colonie. 

J'ai rendu de suite un arrêté pour faire les 
dépouillemens et inventaires. 

Le délit ainsi constaté, j'ai réservé aux tri- 
bunaux de le poursuivre d'oflice. 

Tel n'est pas le langage du capitaine-général. Dîmandie 
Il m'écrit : « Trouvez un expédient pour tout 
» concilier et assoupir une affaire qui jette la 
n consternation dans toutes les classes de la so- 
» ciété..... Je puis mettre d'une minute à l'autre 

» 5o,ooo écus à votre disposition.... Que les pré- 

7* venus offrent des cautionneroens valides...... 

9 J'ai fort à cœur de vous voir me proposer ou 
31 prendre vous-même un înezzo-îennine , qui 
3» concilie tout. » 

Le capitaine-général m'avait donc laissé arri- 
ver à ce point où nous en sommes pour finir 
par ce coup de théâtre. 

Il me destinait encore cette fois aux risées 
de cette meute qui lèche ses pieds et aboie 
après moi. 

Si MM. Astorg, Regnaudin, Blanc , Amalric, 
présidens et procureurs du Roi à Saint-Pierre 
et à Fort de France , avaient agi sérieusement 
contre les quatre débiteurs du trésor, qui que 
ce soit eut-il pris leur fait et cause ? Qui ne se 



43^ MÉMOIRES SUR Uk tIE, A MOlT FILS. 

}^^j^\ moquera de raes actes et de mon pouvoir; quel 
4 décembre, préfet colonial dégradé ne serais-je pas, si déjà 
trop décrédité, trop avili , j'allais rooi^méme^ 
dans cette occasion d'éclat, affichant mon im- 
puissance? 

Le capitaine^énéral me mandait , le a décem- 
bre courant, c Qu*il y avait une très-grande 
» fermentation dans les esprits, qu'il donnait 
j» en conséquence les ordres de redoubler de 
» vigilance et de le prévenir à temps pour qu'il 
» se portât où besoin serait » 

Excepté parmi ceux-là à qui il importe de tenir 
le capitaine-général dans ces terreurs , personne 
en ville n'aperçoit en aucun sens ombre de fer- 
mentation. J'en causais a vecSargenton,I^lanne, 
Saint-Cergues, Gaubert, etc. « Il y a en ville , 
» m'ont-ils attesté tout d'une voix, tristesse et 
» accablement de l'état actuel de la colonie; 
3u quant à Delkorme, Qnervet, Omullane et 
» Marean , à peine si on leur compatit Au con- 
» traire, ils sont généralement blâmés. On ac- 
3» cuse leur imprudence et leur avidité; ils eo 
» sont les victimes. » 

Je découvre que Mongery ne payait presque 
jamais intégralement et en une seule somme les 
mandats que le payeur principal tirait sur lui. 
Le tribunal de Saint-Pierre avait lancé , contre 
Mongery, plusieurs condamnations et saisies; 
Astorg et Regnaudin auraient du sur-lc-chanip 
m'en donner avis : ils s'en sont bien gardés. 



zjVRE 5. ( 1807. — i8i3.) 433 

Ce banqueroutier est demeuré, jusqu'au samedi 
aS octobre, caché en ville : ce même jour, il se 
réfugia au Roseau, ville anglaise , de la Domi- 
nique. 

Le capitaine-général et moi envoyons, avec 
nos lettres, le trésorier Navailles le réclamer ou 
tâcher d'obtenir de sa personne la restitution de 
tout ou partie du déficit. 
Démarche bien inutile. 

Delhorme, Quervet, Omullane et Morean 
étant les seuls contre qui les papiers invento- 
riés oflrent des preuves , ils ont été aussitôt ac- 
tionnés. Ils ont trouvé un ferme appui chez M. 
Bence, grand-juge par intérim. Il leur a ménagé 
en même temps celui du capitaine-général et 
les favorables dispositions de la cour d'appel, 
toujours appelée conseil général^ et qui se trou- 
vait assemblée. Bence m'a forcé à lui rétorquer 
vertement et à relever son ignorance. En eflet, 
il suffisait qu'un acte fut administratif pour que 
la justice dut s* abstenir d'y intervenir. Aurait-on 
peur que j'abusasse? Le recours est ouvert contre 
moi auprès du Ministre , du conseil d'état , de 

l'Empereur en dernier ressort enfin de la 

haute cour nationale. 

Toutes les fois que lui personnellement in- 
tervertirait cette hiérarchie, il trouverait en moi 
une barre de fer. 

Je levai ensuite minutieusement ses doutes. 
U s'excusa principalement sur ce qu'il ignorait 



1808. 

DimanclM 
4jdéoeiiibre. 



i5 noremlNre. 



434 HiMOIRKS SUR MA. VIE , MON FILS* 

1808.^ nos lors nouvelles. Pourquoi donc n'avons-nous 
i5 Dovembre. pas un grand-juge titulaire , muni des connais- 
sances indispensables , pour en exercer les fonc- 
tions? 

Teus des peines infinies à faire comprendre 
à celui-ci pourquoi et comment l'action crimi^ 
nelle contre les prévarications de Mongeri avait 
été séparée de Vaction administrative en réinté- 
gration du débet y par mon arrêté du 3i octo- 
bre 1808, qui renvoie Vaction criminelle aux 
tribunaux. 

Il ne le conçoit pas encore. 

Je ne lui ai pas dissimulé que, pour s'être plu 
ik favoriser les prétentions et les espérances de 
quatre débiteurs mal fondés , il est cause de la 
tournure que l'affaire a prise : ce ne sera pas la 
faute du grand-juge par intérim et de ses adhé- 
rons , si ces débiteurs ne poussent leur résistance 
à l'extrême y s'ils ne font grand bruit et scandale, 
s'ils n'excitent la commisération publique. 

Pour ce qui me touche, ils me forceront à y 
mettre de plus en plus de rigueur , mais je ne 
fléchirai pas. Ils m'ont tendu d'autres pièges par 
l'intermédiaire du capitaine-général : je les ai 
mis à nu et j'ai continué , autant qu'il m'a été 
possible, mes poursuites judiciaires. 

Ils savaient bien qu'il ne leur fallait que gagner 

un peu de temps : ce ne leur était pas difficile. 

1S09. N'avaient-ils pas encore , au besoin , madame 

Mardi ■ 

10 jaovier. Mongeri ? Elle a peu d'esprit, mais elle est fille 



LivEB 5. ( 1807. — i8i3.) 435^ 

de M. de Gourcy , chevalier de S.MjOuîs, et die "f^* 
est par là assez bien apparentée; sa mère, déoé^ 10 janner. 
dée , lui a laissé une fortune d'environ aoo mille 
livres coloniales. La chicane a donc oùgrapiller, 
les amis et alliés, Latouche, Brière, Astorg, Re- 
gnaudin, Bascher de Boisjoly, qui est le familier 
de M. Bence « etc. , ont fait leurs réflexions. La 
bande sauvera Mongeri en portant plainte au 
nom de Madame Mongeri , le 29 décembre iSoS, 
devant le tribunal civil de Saint-Pierre, contre 
ITavailles, payeur, et Boisson, commissaire de 
marine , pour faits graves qui auraient eu lieu 
diez ce comptable , le lundi 17 octobre précédent. 
M. Astot^ l'appointe, le a4 décembre, d'un soit 
montré au procureur- général ; R^naudin l'ap- 
postille, le a6, d'uny> n* empêche ; Astoi^ l'ap* 
pointe, le même jour 16, d'un autorisons la 
dame épouse du sieur Mongeri^ absent de la 
colonie , à la poursuite de la présente action. 

M. de Jjatouche, très-galant homme d'ailleurs, 
était en même temps venu à plusieurs reprises 
me désoler pour qu'i7 n'jr eût pas de poursuite 
au criminel. Il me garantissait qu'<7 était certain 
de ne trouver à cet égard d*obstacle ni chez M. 
Bence 9 ni chez M. Fabnenière ni ailleurs : que 
Je promisse seulement de demeurer passif. 

Je lui demandai s'il avait conspiré ma perte : 
m^ étant déc/iargé de la partie criminelle sur les 
tribunaux, mon rôle était ^ni. 

Tallai le même soir visiter le capitaine-général : 



436 M£M0IEE5 SUR MA TIE , A MOlf FILS. 

i8ot|, j'y rencontrai le grand -ju ge /?ar intérim Bence et 
lojaDvier* ^^ procureur-géiiéral par intérim Valmeiiière, 

Fous étiez ^ dis-je au cspitaîue-général, entre 
M^ Bence et M, Fabnenière , et sans doute ils 
vous parlaient d'un incident clans V affaire Mon- 
geri , sur lequel Af, Bence m'a écrit ce matin. 

Je le trouvai excessivement monté ; les accusés 
Boisson et Navailles étaient déjà convaincus à ses 
yeux. La justice avait parfaitement bien fait de 
a'en saisir. Il était prêt à lui donner son appui. 

Il me reprocha de*rechef Tobstination cjue j'y 
avais mise. 

u Qu'eut servi , lui répliquai-je, de céder à vos 
» désirs, lorsqu'également nous ne pouvions point 
n empêcher que ce procès au principal n allât en 
u France ; et je lui objectai Yaction au criminel 
a contre Mongeri. » 

11 reprit, qua cet égard même il n'eut tenu 
quà moi de tout terminer ici...*. Oh, ma foi , 
ce mot-là en dit trop et peint le pays. 

Fendant qu'il me tient ce langage, il m^accuse 
de vouloir soustraire Boisson et Navailles à la 
hache de la justice. 

Il a été impossible de lui faire entendre que 
l'autorité administrative était aussi une justice, 
une juridiction, une autorité-, qu'elle livrait les 
coupables; mais que, sous prétexte de coupa- 
bles, elle De se laissait ni asservir ni désor- 
ganiser. 

Il s'écria quV/ était seul' maître ; qu'il nj 






UVRB 5. (1807. — 1813.) 437 

waii d*auiorUi que la sienne. — La mienne 1S09. 
existe aussi et indépendante de la vôtre. — Qu^î/ 
peut me ren\H)jrer. — Benmjrez-moi , générât^ 
rentH>jrez^moi. — QuV/ en a le droit. — Le droit 
des baïonnettes : l'Empereur serait bien étonné 
de vous entendre vous exprimer en ces termes. 

— Qu'i/ avait ses instructions. — Les mêmes que 
moi. — QuV/ pouvait suspendre tous mes actes. 

— Jprès en avoir délibéré avec moi. — DéUbéfé 
avec vous ? — Oui, général, tlélibété ensemble 
et tenu registre de nos opinions. 

Il s'adoucit soudain beaucoup. 

Les assistans au bruit de cette scène s'étaient 
écoulés. 

J'étais malheureux d'avoir à discuter avec des 
hommes qui n'avaient pas la plus légère tein- 
ture de nos lois et de notre droit public. 

Le capitaine-général me fit un grief de pré* 
tendre régir ce pays À notre nouveau mode et 
alla jusqu'à me dire affirmativement que le Mi- 
nistre de la marine avait improuvé que nous eus- 
sions promulgué le code civil; que ce n*avait pas 
été r intention du gouvernement; que nous avions 
mal fait ; qviiljr avait personnellement bien des 
regrets. 

Le grand-juge Bence m'informa que Madame 
Mongeri avait dénoncé contre Boisson et Na* 
vailles un ilélit^privé du ressort de la justice or* 
dinaire, et qu* arrêter le cours de cette plainte 
eut été déni de justice. 



438 MiMOIRES SUR Mk YIE, A MOH FILS. 

1809. Je me contentai , le 3i décembre, de lui rap- 

lojMmer. peler les lois qui prononcent la forfaiture contre 
les Juges qui citeront devant etix les administra- 
teurs pour lettrs Jonctions .... Les sieurs Boisson y 
cotwnissaire de marine^ et Navailles , payeur 
principal^ ont agi par ordre expfès et formel de 
moi. Je le rendais personnellement responsable 
des suites. 

Son accusé de réception respirait une profonde 
ignorance et ne contenait que divagation et dé- 
raison. 

Puisque mon opposition était si tranchante 
et si formelle, il va charger M. le procureur- 
général de se faire rapporter la plainte qui sera 
itiise sous mes yeux. 

Avant-tiier, une dépêche du capitaine-général, 
du 6 de ce mois, m'a apporté la copie désirée: 
n'ayant de temps pour m'en occuper que le sur- 
lendemain , le capitaine-général m'a assuré que/t 
attendant on différerait. Je m'aperçus cependant, 
à l'examen des pièces, qu'on y avait éludé de 
parler de suspension : je marquai à M. Bence 
qu*il avait omis de m* informer nettement de la 
suspension des ordres de poursuivre Jusqu après 
mon renvoi devant les tribunaux; que J*en ré- 
clatnais sa déclaration. 

Il m'a répondu hier, mais tout k fsiit jésui- 
tiquement et en procurettr^ 

Je l'ai invité à s'expliquer cathégoriquement. 



uvHi 5. ( 1807. — i8a3. ) 439 

J*ai cependant, par un arrêté, nommé une 1809. 
commission composée de toUmitt. 

MM. Damareif notaire; 

Godard, commissaire de marine; 
Cléfnansin, sous-commissaire; 
Lechevalier , commissaire du commerce; 

et 
Dupuy ^ négociant 

Elle est chaînée de passer à Tétamine Boisson 
et Navailles, pour leur conduite dans le cours 
de raffaire Mongeri : je serais bien trompé si 
elle n'était irréprochable. 

En effet, le rapport, précédé de l'examen le Vendredi 
plus minutieux , était déjà prêt et tout-à-fait à ^ Strier, 
leur honneur; mais les lenteurs affectées du 
Palais ne s'étaient pas inutilement étudiées à 
conduire de jour en jour Mongeri jusqu'à Téta- ,f"^W 
blissement des anglais dans File, qui serait le riAusAMOLiis» 
moment certain de l'impunité. 

Depuis plus d'un mois les signes avant-cou- 
reurs se succédaient. Enfin , ce vendredi , 3 fé- 
vrier, on entend de toutes parts ce cri ; les e/ï- 
nemis débarquent En même temps, 'plusieurs 
voiles sont signalées du côté du Marin et 5o 
autres voiles du coté du Robert. 

Bientôt \à pavillon rouge oxxpan^Ulon d* alarme 
est arboré dans toute l'ile. 



1809. 

Vendredi 
SftfTMr. 



440 MiMOÎRES SUR M 4 TII , A MOH FILS. 

Nos approYiaionnemens consistent en , Siyoir : 



rABIHB. 



•ALAlfOMt., 



FORT 

VB Là ▼lU.B 

AFOST 
M riAVOU 



•OlPfi TITAUt* • • . 
MOVr^NfOOCAIBin. 



SSobtrOs. 
75 qntot.* 
iTobtrili. 

i3o. 

\2t. 



FORT 



• BIAIS. 



lySoobanb, 
3ooq«int 
65obtrib 



TOTAL. 



i,85ol»ri1s. 
375 qoint. 
Sao barils. 



Outre un approvisionnement de i a niiliers de 
café et 4 quintaux de sucre, à distribuer, durant 
le siège à la troupe , pour la reconforter, à l'ins- 
piration du colonel Montfort. 

Nous étions, d'effectif, en troupes régulières 
et leurs suites, Savoir : 

OiBciers gëoëraax 4* 

Ofliden supërieon 18. 

Ofljcien du grade de capîtaioe et au-^esaous. . i3i* 

Sous-oflicîers et soldats 3,a58« 

Femmes et eofàos 17* 

Employés divers 55. 

Domestiques 96. 



Toril.. 



«•4*9- 



Auxquels il est distribué, sans compter les 
extraordinaires f i,6io rations. 



uvBE 5. ( 1807. — i8a3.) 44< 

Suivant M. de Sancé, la poudre existante au d***^^ 
fort Desaix, le i.^'' janvier 1809, monte à aa8 laOvrkr. 
milliers de poudre. 

Nous étions attaqués par 8 à 9,000 combat-, 
tans, dont 4*000 venus dUalifax, tout exprès , 
sous le général Prevot , et le restant rassemblé 
des lies anglaises voisines sous le général Beck- 
vsrlth, commandant de terre. 

Le même jour, 3 février, au soir, le capi- 
taine-général tint un conseil composé de lui, 

Et de MM. le général A'Houdetot, 

le directeur-général iïZTl}^ Joyeuse , 
Bic/umdf directeur du génie, 
Montfort, colonel du 8a.* d'infant. 
Et moi. 

n y proposa l'évacuation immédiate du fort ,1809. 
de la ville de Fort de France et de Uilet à Ra^ 3 'Sérier. 
miers. Son motif était de concentrer toutes ses 
forces autour de lui au fort Desaix. 

Je me permis d'observer , sans attacher aucune 
importance à l'avis d'un homme tout-à-fait étran- 
ger aux opérations militaires , mais pour faire 
un peu, comme je m'exprimai, l'ai^car du diable, 

I.® Que s'il venait des secours de France, cet 
abandon de la rade le rendrait à -peu-près 
inutile ; 

a.® Qu'outre que ces évacuations enhardiraient 
beaucoup l'ennemi , nous lui abrégions d'au 
moins huit jours le rassemblement de ses forces. 

On répondit. 



iSo8. 
IKiQuebt 
Sféfriir. 



Vendredi 
ôftfner. 



10 février. 



44^ MiicoaiBt SUE lu vaty ▲ moh fics. 

L'ordre (Tévacuatioii fut donné 8iir4e-€haœp, 
à ronanimilé* 

Mais, mon ràle est fini. Je n*ai plos à me mê- 
ler de rien , depuis (pie Tattaque est commencée. 
Les forts sont approvisionnés. La défense appar- 
tient au capitaine-général seuL Je me contenterai 
donc de conter rapidement les érénemens. 

Les gardes nationales de 111e firent le premier 
jour quelque mine de résistance ; puis, elles ren-* 
trèrént promptement chex ellea déposer leurs 
armes. 

Les anglais opérèrent leur princrpal débarque* 
ment au Robert et en firent un autre moindre 
au Marin. Us attaquèrent par mer la Case Na^ 
vire , afin d*y mettre à terre et de-Ià distribuer t 
autour du fortDesaix, leur artillerie. Us dirigè- 
rent quelques troupes par le Diamant et les 
jinses d'jiflets sur lllet à Ramiers. 

Nous brûlions, le 6, tous les bâtimens soit 
frégates ou bricks et goélettes qui , surpris dans 
l'ile, avaient été recueillis au Cul-deSac du Fort 
de France. 

Dès le 6, Tennemi avait gagné ses positions 
autour du fort Desaix, et nous étions reserrés 
dans les nôtres de toutes parts jusqu'à la redoute 
Bouille, à un quart de lieue de nous, du côté 
du chemin du Gros Morne. Son pavillon flottait, 
dès le 8 février , au Fort de France, et ses pa- 
trouilles faisaient la police dans la ville; De-là, 
nos canons nous ont lancé, de nos propres 



LIVRE 5. (1807 — i8a3.) 443 

projectiles, les premières bombes que nous ayons '^^ 
reçues. 

Ce i3 février, Vanglais est en plein bombar- Lmidi t3 (in. 
dément contre nous. 

L'idée est venue, hier au soir, de tenter Fen- Mardi 14 ttfr. 
lèvement, par un coup de main, de ce même 
Fort de la Fille ^ qui nous fait aujourd'hui beau- 
coup plus de mal que le capitaine^énéral n'avait 
d'abord prévu, quand il l'abandonna. Il a as- 
semblé un conseil de guerre. Pas un seul offi- 
cier n'a osé se présenter pour l'entreprendre. 

Deux grenadiers, témoins de ces ravages, mar- Mercredi i5. 
chant ce matin devant moi, disaient : sacred....! 
Venfant bat sa mère. 

Une bombe tombée, ce a3 février, sur notre 
grand magasin à poudre y a fait une crevasse 
assez large et qui le traversait de part en part 

On a appris en même temps qu'à la redoute 
de Bouille^ les ouvrages de l'ennemi et son feu 
y faisaient de tels progrès qu'il conviendrait de 
se préparer à charger les mines ^ afin d'empêcher 
soit l'arrivage aux fossés de la place , soit l'éta- 
blissement à la redoute. 

Là-dessus, beaucoup de mouvement entre les 
officiers supérieurs , pour représenter au général 
en chef que cette situation critique appelait de 
sa part la plus sérieuse attention. 

Le capitaine-général parait. 

On le presse d'obtenir des conditions .favora- 
bles pendant qu'il en est encore temps. 



444 MiMOIHES SUR VA Y», A HOV FILS. 

j!^* ^ capitaine-général rentre , de ma casemate, 

33l^rier. OÙ il était, dans la sienne , où je refuse de le 
suiTTe. 

Vers neuf heures , le lendemain matin , son 
aide-de-camp Boyer vient me prier d'y passer. 
Je m'y rends. J'écoute. Tentends généralement 
le mémearis répété et appuyé par tout le monde. 
J'étais le dernier à parier , immédiatement avant 
le capitaine-général. Cet atis fut aussi le mien. 

11 nous quitte soudain, et, accompagné de 
Sancé et de Richard , il va lui-même visiter le 
magasin à 'poudre et les batteries. Il a vu et 
est resté convaincu. On propose-en conséquence 
de capituler. 

M. Boyer rédige d'ailleurs le procès-verbal de 
ce qui vient de se passer. 

J'y propose des corrections en petit nombre 
qui étaient conformes à la vérité et qui furent 
acceptées. 

Cependant les feux se taisent. 

Le major général Ramsai , de l'armée anp- 
glaise , apporte , à six heures du soir , la réponse 
à la lettre que notre capitaine-général avait écrite 
et pour la rédaction de laquelle je lui avais 
donné, à sa demande , mes conseils, qui se bor- 
naient à iléclarern^entendre entrer en négociation 
que sur la base du renvoi de la garnison frcsn- 
çaise libre de toute parole. Le général en chef 
des troupes britanniques répond en ces mots : 
renvoi en France , mais sous parole de ne ser^ 
vir qu* après valable écliange. 



uvRE 5. ( 1807. — iBa3.) 445* 

Plutôt s'enséi^elir , s'écrie notre capitaine-gé- «'oj: 
néraL aîféîriw. 

A ces mots^ l'officier' observe froidement, qu'il 
est simple porteur et ignore de quoi il est question. 
Le capitaine-général prend une plume et re- 
met sa réponse écrite. 

Nous reprenons , avec M. Boyer, la rédaction 
commencée. Boyer relut. M. k capitaine géné^ 
rai cédant aux instances de M. le préfet colonial. 
U y avait auparavant : M. le préfet invité à la 
séance par Al. Boyer ^ d^ ordre de M* le aqui- 
taine général y et cela était vrai. A ce change- 
ment imprévu de phrase , je me soulevai. On 
la changea et on mit : Le préfet colonial ap* 
pelé à la conférence , partageait V opinion de 
MM. les officiers. Quoique la première version 
fut la plus exacte 9 je ne voulus pas avoir l'air 
de m'arréter à des chétives difficultés, et je si- 
gnai. Je remis la plume au capitaine général : 
Je ne signe pas , en s'adressant à moi , c*est inu- 
tile ; J'ajouterai au pied : « Qu'en conséquence 
3» j'ai envoyé mon aide-de-camp au général 
» en chef anglais Beckwith , et cela suffira. » 

Saisissant aussitôt la parole, et le regardant : 
à qui donc prétend-on tendre ici des pièges ? 
Est-ce une supplique qu*on m^aurait fait signer ? 
je ne suis pas d'humeur à la consentir. 

Je rappelai ce qui s'était passé ; je citai des 
mots couverts de rétractation , de récrimination^ 
murmurés à basse voix avec affectation autour 



446 MiMoiiEfl snm ma tik, ▲ moh tas. 
iSoçu de moii et qui, «Tant ce moment, auraient 
aS fSSrkr. ^'^° ^^ ™^ melire sur. mes gardes; je ne dissi- 
mulai pas mon indignation sur ces sortes de 
gens y dont les poisons ne cesseraient de semer 
jusqu*à la fin la division et les méfiances entre 
le capitaine général et moi. Si /avais su , lut 
ajoutai-je, mentir, tromper, dissùnuler comme 
tant d^autres, nous n^aurions pas vécu cinq ans 
entiers dans les querelles. Il est écrit qtiun souf- 
flê empesté nous suivra jusques dans cette der-- 
nière bicoque, et que , grâces aux bons conseils , 
nous /inirons comme nous avons commencé* 

Le capitaine général disparut , alla examiner 
la capitulation de Malte, revint et apposa sa 
signature. 

Dés-que sa réponse fut parvenue aux assié- 
geans , leurs attaques redoublèrent : nous ne 
pûmes nombrer les boulets ; mais nous comp- 
tâmes cette nuit 700 bombes. 

 sept heures du matin , on était réuni chez 
le capitaine-général. L'incident de la veillé m'a- 
vait ôté toute envie de m'y remontrer. 

Tôt après y il me revint, que le pavillon par- 
lementaire était arboré à tous les bastions. Les 
feux cessèrent dans l'instant; 

Le commandant ennemi Beckvrith nomma le 
major-général chef d'état-major Maitland , le gé- 
néral Prevot et le commodore Cockbum , pour 
convenir des termes de la capitulation. Le com- 
mandant français leur opposa son frère, le di- 



OB l'Ilb 

DBLA 
MABTUriQOB* 



uvM 5. ( 1807. — i8a3.) k^^ 

recteur d'artillerie Joyeuse, le colonel Montfort «««9- 
et Taide-de-camp Bpyer. Je me défendis , comme ^ ftmer. 
de raison , d'en faire partie. 

«( I^ garnison sera transportée sur des bâti- cAnnniATioif 
9 mens anglais dans la bare de Quiberon, où 
x> réchange s'établira homme pour homme, et 
x> grade pour grade.» 

Les généraux anglais se tinrent invariablement 
i cet ultimatum. 

Seulement , en témoignage de Testime parti- 
culière dont ils font profession , pour M. Yillaret, 
capitaine-général, ils accordent que ni lui ni ses 
deux aides-de-camp ne seront prisonniers de 
guerre. Le préfet colonial, notamment, quoi- 
que chef aussi et non militaire, n'en sera pas, 
excepté , malgré les réclamations contraires. La 
capitulation fut aussi ratifiée le même jour a4 
février 1809. 

Le siège, à compter du 3 février , où les an« 
glais descendirent dans l'île, jusqu'au a4 du 
même mois, où elle leur fut rendue , dura vingt- 
un jours. 

Par quelle méprise, ce boulevard de nos pos« 
sessions aux Antilles avait-il été donné en garde 
à un marin , vice-amiral , qui n'avait jamais 
commandé qu'à bord d'un vaisseau ? Il me di- 
sait : Quand je serai dans mon fort , au milieu 
de ma troupe , Je me battrai à outrance de ba* 
bord et tribord, et nous verrons gui remportera. 
Cest-là le moindre et le dernier talent d'un 



1809. 

Y€odr«di 



Samedi 
35 fëriier. 



Dimanche 
a6 féf lier. 



448 MilIOUlXS W% MA VIE, ▲ MOH FIL». 

géoéial de terre , et quand il est réduit à cette 
extrémité , il est déjà perdu ; il lui a fallu au- 
paravant autre chose qu'une iweugle bra%K^urez 
cette bratfoure^ le général l'avait, et, k beaucoup 
d'égards, il y joignait im noble caractère. 
Nous avions consommé pout ce siège : 

1,2170 boulets ; 

736 bombes; 

373 obus. 

419)^00 cartouches. 

Nous calculons qu'il a été lancé contre nous 
4)500 à 4600. bombes. 

U n'avait nullement été question d'argeni du 
trésor y pendant le siège , lorsque, le aG février, 
le général en chef des troupes anglaises Beck- 
with , s'avise après-coup d'écrire à notre capi- 
taine-général : «que j'avais en mon pouvoir une 
« forte somme provenant, soit des revenus, soit 
» des propriétés publiques ; ils appartiennent à 
» la nation anglaise ou aux différens quartiers 
» de la colonie; je serai rendu individuellement 
» responsable de toute tentative que je pourrai 
» faire pour les couvrir comme propriété indi- 
» viduelle. » 

lie capitaine-général Yillaret me communiqua 
cette lettre. 

La capitulation n'avait pas plutôt été en pour- 
parler, que nous avions sur-le-champ arrêté, 
savoir : 



uvRB 5. (1807. — i8a3.) 449 

i.^ D'aligner I de concert, la solde entière des 
troupes, et d'y ajouter le paiement anticipé 
de trois mois ; 
a.® De faire aux fournisseurs de Tannée une foule 
d'acquitteniens sur les ventes qu'ils nous 
avaient consenties à crédit ; 
3.® De préparer une remise à la caisse du tréso- 
rier des invalides de la marine, à Paris, d'en- 
viron 175 mille francs, que nous lui devions 
pour retenues faites à son proflt , dans les 
paiemens courans ; 

Tout cela avait été exécuté sur-le-champ. 
Les observations des généraux anglais arri- 
vaient deux à trois jours trop tard : il ne nous 
restait pas un sou dont nous pussions encore 
disposer. 

Dans tous les cas , cela ne me regardait plus : 
Depuis que j'avais cessé mes fonctions de préfet 
colonial, je n'avais conservé d'autorité ni sur les 
deniers ni sur le payeur de la colonie. 

Néanmoins, le 217 février, M. Beckwith insista. 
Le capitaine-général Yillaret eut infiniment d'hu- 
meur qui rejaillit sur moi : il y eut à cette occa- 
sion renouvellement de scènes vives entre nous. 
Les anglais me décochèrent MM. Henri Iluifey et 
James Maxwell , agcns des prises : je leur 
prouvai qu'ils s'adressaient à moi pour des choses 
tout-à-fait hors de ma compétence. Je ne suis 
pas sous les ordres du capitaine-général. Quand 
il fait la guerre, quand il signe la paix, il est 



1809. 
DiiMochs 
aSiléfrîer. 



Ijnodi 
«7 février. 



Vendredi 
5 mars. 



iSog. 
Yeodredi 

3] 



Samedi 
4fôTrier. 

8 février. 



Mercredi 
S mars. 



45o MiitOIRES SUR Uk VIE, A MOH FILS, 

seul maître et il n'y a plus aloss de préfet colo« 
niai. Mon rôle est fini. Les ordres ne partent 
plus que du capitaine-général. 11 en est respon- 
sable. Les commissaires anglais ont exigé que je 
leur donnasse ma réponse par écrit. Je Fai donnée. 

Tai infortoé le capitaine-général Yillaret de 
cette entrevue. 

Il m'a appris à son tour qu'il avait reçu la 
visite de l'amiral anglais Cochrane et que, sur 
sa demande, il en avait obtenu la permission 
de nous embarquer, mercredi 8 du courant , 
à l'entrée de la nuit La parole lui fut aussi 
donnée qu'il tâcherait de tout arranger, de ma- 
nière il ce que mon propre embarquement put 
avoir lieu en même temps et n'éprouvât plus 
de difficulté. 

Le soir, à lo heures, la pâle lune, qui se 
levait au fond de riiorison , éclaira notre silen- 
cieuse marche. Nous atteignîmes les doubles 
avant-postes anglais. Quand nous eûmes gagné 
les derrières de Thôtel du gouvernement , la rue 
solitaire de }l arsenal de Vartillerie , quelques an- 
glais s'avancèrent vers nous. M. Maxwell , l'un 
d'eux , me présenta au capitaine Lake , comman- 
dant de Y Ulysse, vaisseau auquel j'étais destiné. 
M. Lake, parle peu et mal français. Il me con- 
duisit très-poliment à son bord. Après quelques 
roots de conversation, où nous avions peine à 
nous entendre , il alla se jeter dans un cadre à 
l'arrière de son bâtiment, et je sautai dans le 



uvBB 5. (1807. — i8a3. ) 45t 

mien , qui venait d'être suspendu à tribord de ^^^^. 
sa grand-chambre , entre deux canons. % m^^. 

Plutôt que de ne pas nous entendre dutout 
ensemble, je hasardai avec lui un peu de mon 
mauvais anglais. 

Je ne lui suppose pas plus de â5 à aG ans. 
Il est fils cadet du feu général Lake , qui s'était 
distingué dans les guerres de Tlnde , et fut créé 
lord d'Angleterre. 

Le directeur d'artillerie Joyeuse panit à bord 
pour tâcher d'y caser Madame Armand , sa mai- 
tresse. Elle y obtint la place qui m'appartenait 
et je reculai ainsi d'un cran. Ses clmrmcs no 
nous dédommageaient certes pas des incommo- 
dités qu'elle nous causait. 

J'eus d'ailleurs fort à me louer du comman- 
dant Lake , des bonnes façons et des emprcssc- 
mens qu'il me prodigua pendant la traversée. 

Les commissaires anglais Iluffey et Maxwell 
/se sont encore ime fois rapprochés de moi pour 
en obtenir quelques renseigncmens. Je les leur 
ai donnés. Ils ont été contens. Ils m'ont témoi- 
gné leur regret de n'avoir pas connu plutôt notre 
organisation et la nature de l'autorité dont elle 
me revêlait. 

Prcsqu'au même moment le capitaine-général 
Yillaret me mandait, par son secrétaire Blan- 
chet, « qu'il était aflligé des obstacles par les- 
» quels on cherchait à entraver mon départ; 
» qu'une foule de particuliers s'annoncent atir 



45^ MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS. 

1809.^ » généraux anglais, comme créancrers de notre 

s nmn. * administration; il m'engage à satisfaire, à celles 

» de ces réclamations qui seront fondées, avec 

» les lettres de change , dont je suis dépositaire. » 

Il se méprend et méconnaît mes qualités et 
mes moyens. 

M. Blanchet m'expliqua où Ton <eB était avec 
Navailles. 

Mais puisque cette condescendance de ma part 
semblait au capitaine-général pouvoir seule tran- 
cher les difficultés, j'allais apposer ma signature 
aux lettres de change, dont il ferait ce qu'il ju- 
VeiHlred' gérait convenable, aux périls et risques de qui 
10 mars. s^ exposerait. 

Nous n'étions plus en rade de Fort de France, 
nous faisions de l'eau à la Case-Navire. M. Na- 
vailles y apporta ses lettres de change. Je signai 
à force. 

Il était une heure un quart après midi. M. 
Diks, capitaine du Pavillon du contre-amiral com- 
mandant Cochrane, sur le Neptune, et M. Hender- 
son , major du régiment d'Yorck , qui a commandé 
le fort de la ville de Fort de France pendant le siè- 
ge, se présentent; ils me communiquèrent un or- 
dre de MM..Cochrane et Bekwith pour mon trans^ 
port à Fort de France , ou je serais détenu jus* 
qu'à ce que j'eusse satisfait, etc. 

J'observai que j'avais déjà répondu verbale- 
ment et par écrit Ils répondirent qu'ils étaient 
purement chai|[és de m'emmener. 



Vendredi 

lO I 



LIVRE 5. ( 1807. — i8a3. ) 453 

Je répliquai que notre capitaine-général , chef 18^09. 
de Tannée française, auteur de la capitulation, 
était le seul avec qui je pusse correspondre, et 
que par lui seul il m'était donné d'avoir des re- 
lations avec les commandans anglais. 

Le capitaine-général , reprirent-ils , a reçu , dès 
ce matin, à 6 heures, notification de la mission 
qui leur était donnée. Nous n'avons qu'à exé- 
cuter cet ordre de nos chefs. Nous sommes des 
militaires. 

Je demandai qu'il me fut permis d'appeler 
des officiers français qui pussent certifier à mon 
pays que j'avais été forcé. 11 en entra six. 

Je déclarai que je voulais être enlevé par des 
soldats. 

Nous le sommes , répartirent-ils , ei nous en- 
tendons vous enlever de force. — Je rCirai que 
forcé : voUà mon épée. 

Ils refusèrent de la prendre. Je la mis sur la 
table devant eux. Us s'obstinèrent M. Jubeliu 
eut la bonté de s'en charger. 

On embarque mes effets. 

Us tirèrent une liste de leur poche, et lurent 
les noms de MM. Navailles , .Bouchard et Jubé- 
lin , qui devaient m'accompagner. 

Nous entrâmes dans les canots. Nous débar- 
quâmes vers 3 heures sur le pont de la Sainme. 

Nous attendîmes dehors que M. Dicks se fut 
assuré de la maison qu'on avait arrêtée pour nous* 

Elle était située à la Grande rue. M. Hender- 
son ne s'était pas séparé de nous. 



454 miMOIRES SUR UK VIE, A MON FILS. 

1S09. I^ major Massé , aide-dc-camp du général 

10 nmn. Maitland , vint m'avertir que le général Mait- 
land était k la campagne « et que j'étais renvoyé 
}>our le voi^ au lendemain. 

On me demanda alors /mi parole : Je n'en 
donnerai aucune , pas plus que de caution» 
Comme prisotmier de guerre , je ne VcutrtUs 
pas refusée ; mais je ne suis plus qu'un prison- 
nier de geôle. 

L'officier alla reporter ma réponse. H parla 
en particulier à M. Henderson. Celui-ci resta 
quelque temps ; après il me dit : vous ne vou- 
lez jms donner votre parole eui gouuernemenL 11 
m'est pénible de garder un homme comme vous. 
Il ne saurait vous être non plus commode d'être 
gardé. Puisje personnellement espérer que vous 
ne me compromettrez pas , moi qui réponds de 
vous? — OhInon.Sojrez tranquille. Quand tout 
votre régiment serait-là sous les armes ^ il ne 
me garderait pas aussi bien que cette confiance 
en moi de votre part. 

Il me quitta en conséquence. 
Tai emprunté en ville un peu de linge et 
de faïence. 

Les débris d'un dîner que le traiteur Duclos 
donnait à des officiers anglais ont garni ma table 
à huit heures de la nuit et nous avons couché 
sur la dure. 

 neuf heures et demie, ce matin , des clie- 



uvRE 5. ( 1807, — i8îà3.) 455 

vaux s'arrêtent à ma porte. On m'anncmoe un tSog. 

Vaodrwi 
officier anglais. Cétait M. Maitland. Je descends. i^ 

Il débute par des complimens, suivis de ces 
mots : si vous voulez justice pour vous^ il faut 
que vous nous rendiez justice. Tout ce qui ap- 
partenait à l'Etat au moment de la capitulation 
nous appartient. Nous voulons que ce nous soit 
rendu. Nous en demandons compte. 

Nous étions dans une galerie. MM. Doucliard , 
Jiibelin, Navailles étaient présens. Par ce mou- 
vement naturel de la politesse française, entre 
personnes d'un rang distingué , conférant ensem- 
ble sur des affaires, je ramenais, en promenant 
et en parlant , le major^énéral Maitland , en 
dedans du sallon : /e n^ai pas, me dit-il, de 
secret et nous pouvons parler en présenee de ces 
Messieurs. — C*était par honnêteté , lui répondis- 
je, que je vous faisais entrer; mais si vous 
n'avez pas de secret, je n'en ai pas non plus, 

II me remit une note. Je la lus. Elle articu- 
lait les demandes. 

« Quel que soit, continuai-je, le traitement 
» que je reçoive , je ne sortirai i>as de ma règle. 
» Le gouvernement colonial, à la Martinique, 
D se com|>osait de trois chefs : le capitaine-gé- 
» néral, qui élait le premier, le préfet colonial 
» et le grand'juge. — Pourquoi n^avez-vous donc 
» pas concouru à la capiiidation ? — Il était des 
» choses et en grand nombre que le capitaine- 
» général fesait sans ma coopération , telles que 



456 MlblOIAES SUR Ma VIE, A MON FILS. 

v«l!i^* * ^^ opérations militaires, la défense , par exem- 
10 iMin » pie , de la colonie et sa capitulation. 11 a agi 
» en cette occasion comme général en che/iVar- 
» mée. Tout ce qui dépend de cet acte est de son 
» ressort, non du mien. Je n'entends rien dé« 
» rober à ce que la capitulation a rois au pou- 
» voir des anglais. On n'a qu'à* voir les hôtels 
I» des préfectures il Saint- Pierre ou à Fort de 
y France : j'ai voulu qu'il n'y manquât pas une 
y épingle. Les anglais ont été moins scnipuleux 
» envers moi : ils ont ouvert mes malles, y ont 
» pris des plans de S.^-Pierre , du Fort Desaix, etc.. 
» Us ont eu du plaisir à les prendre : ils les 
j» avaient déjà dans les dépôts publics. — Mais 
> nous tiendrons ce que nous avons dit. — M. 
» mettez-moi au fort, dans des casemates, en pri- 
y son, dans un cachot; envoyez-moi à Londres 
» ou en tel lieu de l'Angleterre que vous voudrez 
» sur un bateau, sur un esquif; faites-moi 
» même fusiller sur la Savane; vous n'aurez pas 
» d'autre réponse de moi. Que le gouvernement 
» anglais mette ces questions en négociation , 
» et il verra si j'ai pu et du me conduire diffé- 
» remment — Pas pour répéter , donnez-nous 
ji vos réponses par écrit — Je les donnerai sur- 
» le-champ. — Prenez du temps : vpus nous les 
» enverrez demain par un domestique. » 

Il prenait cependant le chemin de la porte , 
et il monta à cheval. 



LtVBB 5. ( 1807. 

ILOTES 



J>ES GENERAUX ANGLAIS. 



Maitiniqub thb tcnth or 
uAMtcm 1809. 

i.»' It is rttfuired of M. 
Laussal, ihe Prefect^ he shnll 
-give , or cause io be given , io 
such person or Pensons as majr 
be appointed bf ihe commander 
in cnief io recieve it , a fair 
and jiist acconnt , supported br 
proofs , cfall money in ihe public 
ireasurjf oflhe French Governe- 
ment in Martinique^on ihe a4 M. 
offébruaty 1809, ihe day on 
wich ihe capitulation W4U com- 
pleted. 



a."* It is required cf Jf. 
Lnussat^ Préfect, that he $hall 
pay, or cause to bepaid^ iQ,such 
person or per.sons as shatl be 
appointed bj ihe commander 
in c/èief to recieve it , ail ihe 
moner wich by the account de- 
manded in ihe first article , shall 
appear to hâve been in ihe public 
ireasurr on ihe day namedy be- 
cause that money becameon that 
day ihe right and properiy of 
Jus Britannic Màjesiy. 

3.** It is required of M. 
Laussat, ihe Préfect that he shall 
Jydfl ail his engagements to the 
inhabitans of this Colony who 
4ire public crediiors of ihe french 
governement , for wich ihey can 
produce proper vouchers; that he 
shall pay those crediiors in the 
bills upon ihe french governe- 
ment, of which ii is known he 
ffiolds a large amouni and M, 



i8a3.) 4S7 

REPONSE 

DU mÉFET OOLONIAL 

A LA MABTINIQVB. 



I.* Cela ne me regarde point; 
CCS notions ne sont pas en me» 
mains. 

Ceux en mains de qui elles sont 
les auront transmises ou à M. le 
capitaine-gënëral , on , par ses or- 
dres , aux commissaires anglais 
nomm^ pour les recevoir. 

Il n'est pas plus dans les pou- 
voirs dont j'étais revÀu de me 
mêler de l'exécution de la capitu- 
lation, qu'il n'était dans ces mêmes 
pouvoirs que yt me mélasse de 
b faire. 

a.* La réponse précédente satis- 
lait i cette seconde demande. J.'ai 
cessé mes fonctions d'oOice., comme 
préfet colonbl^ le a4 férrier der- 
nier, par reflet de la reddition 
de la colonie. 

Il est hors de ma sphère de 
discuter sur les droits dérivant de 
la capitulation. 



5.* Les engagemens dont on 
parle sont ceux du gouvernement 
Français et non les inîcns. 

Je n'ai plus qualité pour les 
faire remplir. Quand je le pour» 
rais, les moyens m'en manque- 
raient. J'ai recommandé qu'on li- 
quidât les créances réclamées, et 
je les appuyerai auprès de S. M. 
Impériale et Royale. Je n'aî pas 
besoin d'y être invité. 



458 



MÉMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS. 



LaussaU is informed thad ht will 
noi be allowedto relum to France 
until those bills are paid. 



The whole qf ihese demands 
heing siriclly wUhin the capitu- 
lation wich while it préserves 
priwsite propertf inviolate,guards 
expressif agaîost any public 
property being taken away. 

Signé F>£oiKic MiiTLAND , 
major-général , and comman- 
der général. 



Ccpcndnnt , M. le canîtainc^ 
sënënil Villarct fn*ajant ëcrit avant- 
hier qu'il croyait indispensable de 
donner nos lettres de change aux 
créanciers de TEtat pour lever , 
enfin , les diflicultës qu'on oppo- 
sait à l'exécution de ta capitula* 
tion« j'ai acquiescé, comme je le 
devabf à sa réquisition. J'étais 
occupé h les signer pour les dé- 
poser chez l'inspecteur Françab, 
en les T mettant à la dls|)ositioii 
du chef de l'administration Fran- 

rise, quand on est venu m'enlcvcr 
bord de VUfyse. 

Me détenir Jusqu'à ce qu'elles 
soient acquittées.,.. Je nai^ de 
mon c6té, que la sauvegarde du 
droit des gens ; on a , du sien , 
la force ; on en est donc le maître. 

Il ne m'appartient pas , je le ré- 
pète , d'eiaminer ce qui est ou ce 
qui n'est pasdansics tcrmcsdc la ca- 
pitulation, à moins que ce ne soit 
pour réclamer les conditions qui 
y ont été stipulées relativement 4 
mon sort personnel. 

Mais j'ai du reste assez prouvé 

Sar les faits qu'il n'était point 
ans mes principes d'emporter 
d'autres propriétés que les miennes 
ni spécialement de soustraire aux 
vainqueurs aucune propriété pu- 
blique. 

A Forl-de-France , dans la mai- 
son privée, où j'ai été constitué 
prisonnier. 

Ce lo mars 1809, à 11 heures 
demie du matin. 

Le Préfet colonial^ chevalier 
de la légion d'honneur , 

Signé, IAU8SAT. 



M. Mai tlaiid , à qui ces réponses ont été portées , ^^ 
a répondu que, pour le moment, cela suffisait 



LIVRE 5. ( 1807. — iBiS. ) 459 

[and , à qui ces réponses ont été portées , 
que, pour le moment, cela suffisait 

Le capitaine-général, instruit que j*avais été 
enlevé de mon bord, est entré en correspondance '^ 
avec l'amiral Cochrane. Celui-ci s'est de suite 
transporté de S.^-Pîerre à Fort de France. 

Les commaridans anglais ont écrit à l'amiral Londi tS 
Yillaret que « s'il donne sa parole d'honneur qu'il 
» n'a pas été payé d'argent de la caisse française, 
» depuis la ratification de la capitulation, cette 
» déclaration sera reçue et tenue pour suffisante. 

» En explication de ce dernier article, si le 
» général Yillaret veut donner sa parole d'hon- 
» neur qu'en conséquence de ses ordres au préfet» 
» relativement au paiement des créanciers publics 
» du gouvernement français à la Martinique, ce 
» dernier officier a été requis et recevra de lui 
» instrtiction de laisser des lettres de change» 
» avec les officiers qu'il conviendra , pour satis- 
» faire aux justes demandes de ces créanciers 
» contre le gouvernement français, une déclara- 
» tion semblable, avec indication , par le général , 
y> des officiers qui seront ainsi nommés du côté 
» du gouvernement français, seront considérés 
» par les commandans des forces de terre et de 
» mer de S. M. D. comme contenant une garantie 
» directe de la part du gouvernement français 
» pour leur paiement, et le préfet et toutes autres 
» personnes maintenant détenues se rendront à 
n bord de VUlysse. 

» Signés y Géor<Te Bekwith, Alex. Coghravb. * 



i8og. 
Il«[dii4 



SamedlaSayril. 

DEPART DBLÀ 
MARTIKIQUB 

A BORD 

DU COlfYOI 

ANGLAIS 

ET A uni vis, 

D'ABORD 

A QUIBEROlf , 

POIS 

EH ANGLETBRREy 

ENFIN 
AU CANTONNEM.t 

DE WINCANTON 
(SOMBRSETSnUE) 



4G0 MÛffOIRES SUR MA VIR , A MOIT FILS. 

M. Boyer, ai(le-<le-carop du capitaine*général, 
a apporté aux commandaus anglais , une lettce 
de son général. Il leur explique : « Qu*avant le 
» a4 février, il décida qu*on paierait la solde à 
» la troupe et quelques dépenses qui étaient 
» dues dans le fort : à quoi les fonds en caisse 
» ne suffirent même pas y et qu'il n'a plus dc- 
9 puis disposé ni pu disposer d'aucun argent 
» du trésor public 

»• Qu'au surplus , par nos constitutions , il ne 
ji me donne pas des ordres ; mais que j'ai con- 
9 descendu à ses désirs, en laissant à Cambou- 
p laret etàllainville, les lettres de change pour 
» servir au paiement des dépenses arriérées. » 

MM. Beckvsrith et Cochrane ont été satisfaits 
de cette déclaration. 

Nos bagages et nous tous débarqués, avons 
été rembarques sur-le-champ. Navailles a encore 
formé seul quelque doute que de nouvelles in- 
terprétations des généraux ont bientôt levées. 

11 était environ quatre heures de l'après midi 
quand nous mimes à la voile. 

Je lisais alors Montaigne, et j'en transcrivis ce 
passage sur mon journal : u Enfant venu au mon- 
» de pour endurer , endure , souffre et tais-toi. » 

Partis, le i4> de la Martinique, après 46 
jours d'une traversée extrêmement ennuyeuse, 
nous avons mouillé , jeudi dernier , quatre 
heures de l'après-midi , dans cette rade de Qui- 
beron près Belle-Isle ; 45 /ours de traversée : en 
convoi ce n'est puis trop. 



UYRB 5. ( 1807. 1823.) 461 

J'ai été invité à dîner à bord du Taisseaa -,??^Jv- 
commandant , par M. le commodore Cockbum ^ 9««>m* 

qui est venu me voir à bord de VUfysse. U m*a 
fait un accueil extrêmement honnête. Tai trouvé 
à son bord le capitaine-général Yillaret. On at- 
tendait des réponses de terre sur les échanges. 

Il fallut demander , de Brest à Paris, des expli« SaintdiG maL 
cations, et Tamiral Yillaret débarqua avec sa 
suite. 

Tobtins du commodore Anglais, qu'à tout 
événement^ je renverrais mon maitre d'hôtel^ 
Didier , et avec lui le gros de mes bagages; ce 
vieux serviteur me serait à chai|;e en Angleterre 
et il ira rejoindre ma femme à Paris. Je fis mes 
préparatifis. Quinze à seize malles, caisses, ba* 
rils, paquets^ emportèrent tout ce qui n'était 
pas indispensablement nécessaire pour ma cap- 
tivité. Je gardai mon nègre André, qui m'y 
servirait 

J'écrivis au ministre de la marine et à ma 
femme : au ministre^ je lui rendais compte des 
procédés auxquels j'étais en butte; à ma femme 
je lui donnais une idée vague du si^e. Je priai' 
le 2 mai, le maire d'Auray de m'envoyer un canot, 
il ne reçut ma lettre que le 4- Eufin, le 6 mai ^ 
M. Bonnard , maire d'Auray , s'est entendu avec 
le commandant de la station, M. I^gaunay, et 
j'ai vu arriver à midi et demi à mon bord la 
chaloupe la Petite Tourterelle pour prendre mes 
ordres. J'y ai embarqué Didier et son bagage.- 
Ils ont filé vers Auray. 



au i5 mai. 



462 MÉMOIRES SDR MA. VIE, A AfON FILS. 

1800. Le Commodore Cockbuni m'a de rechef invité 

' à dîner : il est homme d'esprit et de bonne com- 

pagnie. Nous nous sommes enfermés après^iner 
dans sa chambre, où nous avons causé trois heu- 
res et prise de la Martinique et échange et paix 
ou guerre. Il a été fort prévenant. Il ne nPa pas 
dissimulé que la présence de la maîtresse du gé- 
néral Joyeuse lui avait déplu. Il avait pris des 
mesures , pour qu'un canot la transportât à terre 
ce matin. 

Son état«>major est composé avec choix. 

M. Brenton , son capitaine de pavillon , est un 
homme de bonne mine. 
Lundi 10 mai Les dernières réponses du ministre de la ma- 
rine , en date du 3o avril , portent que S. E. ne 
peut accorder en compensation pour échange que 
les prisonniers qu'il a fait offrir. 

A huit heures, Faiicre était levée et les proues 
de nos vaisseaux étaient tournées vers TAngleterre. 

Le long du Devonshire, le Start- Point se rap- 
prochant de nos cotes de France semble tendre 
la main au Cap de Lahogue, qui de son côté 
s'avance à sa rencontre. Que de tristes et longs 
souvenirs attachés à ce nom funeste ! cent qua- 
rante ans n'ont pu réparer, pour notre marine-, 
cette malheureuse journée. 

Nous rencontrons à chaque pas des bâtimens 
qui vont et qui viennent. \jq Marborough et un 
autre vaisseau rentrent du Brésil à Plymouth. 
Une frégate conduit à notre vue une prise fran- 



uvRB 5. ( 1807. — i8a3.) 4^3 

^se dans les ports. De toutes parts , des ooutoIs ; iSm. 
hier un, aujourd'hui un autre. Le commerce an- 
glais envoie en cette saison ses flottes dans les di- 
verses parties du monde y échanger les produits de 
son industrie. Combien de pécheurs et de pilotes, 
qui rodent tranquillement, dans tous les sens» 
aussi loin que notre vue peut s'étendre ! 

Quel contraste entre la joie rayonnante sur les 
fronts des anglais qui revoient déjà leur patrie 
et le somhre désespoir de nos pauvres marins 
qui ont pour perspective un ponton devant eiUL | 

Des bordées sans fin : cette manche est pour 

nous le Styx aux mille replis. 

Hier nous avons louvoyé entre Poriiand et 
Saint- JldanS'Head; aujourd'hui, nous louvoyons 
entre Pool et la Pointe N. E. de l'île de Wight. 
Les zéphirs du printemps sont charmans dans les 
prairies et dans les bois : ils sont détestables sur 
mer : s'ils sont favorables, ils sont lents; si con- 
traires , ils n'offrent point de brise pour remon- 
ter. La côte du Dorsfet-Shire est aride et de fer. 
Lés troupeaux à laines y réussissent parfaitement 
dans de vastes et gras pâturages. On dit llle de 
Wight fertile; dans cette saison, son aspect est 
aride. 

Nous avons enfin aperçu ce 1 5 mai , vers dix 
heures du matin , par-dessus la pointe de llle de 
Wight, un pavillon amiral bleu^ et successive- 
ment plusieurs autres. Nous avons jeté Tancre , 
il onze heures , à côté du commodore Gockbuni. 



464 MiMOIRES SUR MA VIE, A MOK FILS. 

1809. U y avait soixante-iin jours que nous édons partis 

j8 mai. 1 . », . . '^ 

de la Martinique. 

The colonial pre/eci and forij oj/icers are to 
be landed ai Gosport and wiïl he send on iheir 
parole to fTincanion. — Le capitaine Lake ni*a re* 
mis cet ordre. Il me demanda sij*éiais content. — 
jéu contraire f lui répondis-je, très-mécontent. Il 
me prit honnêtement à-bord de son canot et me 
conduisit lui-même à Gosport. Il ne s'est pas 
Samedi 37 mai. démenti jusqu'au bout dans ses aimables procé- 
dés. Il me présenta à M. D. WoodrifF, commis- 
saire des prisonniers, et de-là à Taubei^e de la 
Croivn , où il me recommanda. II me pressa la 
main, me disant d'une voix altérée, god bless 
jrou, et prit congé de moi. 
Dimancho N'ayant pas pu avoir plutôt de voiture, j'en 
aS mai. louai enfin une pour aujourd'hui , dimanche , 
et me rendis à Wincanton par Southampton, 
Salisbury et Hindou. C'est au printemps que je 
fesais ce voyage et parcourais ce joli recoin de 
l'Angleterre. 

L'étendue de cette belle culture , cette verdure 
si fraîche, ces prés si fleuris, cette haie d'aubé- 
pine odorante, ce concert perpétuel de rossi- 
gnols, cet air même, frais et tempéré, dans 
lequel une diligence propre et légère nous traî- 
nait rapidement sur des chemins unis , entre-^ 
tenus comme des allées de jardin, rafraîchis- 
saient nos sens émoussés par un si long séjour 
entre les Tropiques 



uvAE 5. ( 1807. — i8a3.) ^6$ 

Nous fumes enfin déposés à neuf heures du 
soir, à notre cautionnement de fFùtcaïUon. Les 
prisonniers français, nos oompagnons d^infor- 
tune , couvraient les chemins , rentrant de leurs 
monotones promenades de la journée. 

Je me a*oyais certain d'être incessamment 
échangé. Je reçus à peine quelques lettres rares 
de ma famille. Elles me parvenaient à la déro- 
bée par des voies détournées. 

Une entre autres m'arriva de mon pays , où 
Ton me mandait que, malgré mon long éloi- 
gnement et mes dix ou douze années d'absence ; 
mes compatriotes s'étaient souvenus de moi aux 
dernières élections et m'avaient présenté candidat 
AU SENAT CONSERVATEUR. Ck>mbien cette attention 
et cet honneur, dans une pareille circonstance, 
me consolèrent ! 

Des anglais , les seuls de qui je reçusse un 
accueil bienveillant , ce fut la famille Frankland. 
Le frère amé sir Thomas Frankland , de Tbir- 
keby, Yorkshire, était membre du parlement. 
J^ père avait été vice-amiral. 

Le cadet possède un bénéfice ecclésiastique 
d'environ !i4 mille francs de revenu, dans ce 
voisinage, y est marié à la fille de lord Colvile , 
écossais, et a d'elle plusieurs enfans parfaitement 
élevés. L'auié, jeune, sert dans la marine. Cette 
maison m'offrait l'image de lunion et du bon- 
heur domestique. Je fus invité plusieurs fois 
chez eux. Je fréquentai leur société. J'y vis 



tSog. 



CAPTIVITÉ 

IT SÉJOliA 

CNKZ 

IM ARGLAK. 



/|6G lliMOIRES SUR UK VIE y A MON FILS. 

1S09. bonne compagnie. Ils me prêtèrent d'excellens 
livres dans leur langue. M. Fraiddand était un 
des descendans de Cromvirell : il me fit lire avec 
fruit sa très-curieuse vie. 

Ma femme trouvait à Paris , plus que moi en 
Angleterre, des occasions de librement entrete- 
nir notre correspondance. Tappris par elle des 
paroles d'échange entre le gouvernement Fran- 
çais et le gouvernement Britannique, où il s*agi- 
rait de rendre libres des deux cotés le consul 
Alex. Cockbum et le Préfet colonial Laussat. La 
proposition était partie , le 5 juillet , de notre 
ministère et n*arriva jusqu'à moi que dans le 
courant de novembre. 

Je ne tardai pas trop & en éprouver Teflet. 

Le 3 décembre, à on2.e heures du matin , un avis 

du iransport-qf/ice me fut remis, daté du 3o 

novembre , contenant ces mots : « S. M. consent 

1» à votre échange avec M. Alex. Cockburn , con- 

» suUgénéral à Hambourg , à qui il a été permis 

» de revenir de France dans ce pays : je suis 

1» chargé par ce bureau de vous annoncer que 

» que vous allez recevoir incessamment les pa- 

» piers nécessaires pour opérer de même votre 

» retour en France. Ils seront adressés à M. 

» Messiter , qui vous en procurera les moyens. » 

Je m'entendis aussitôt avec M. Messiter. Je 

pressai, en réponse, le transport-office de m'en- 

voyer mes passe-ports et ceux de mon secrétaire 

Jubelin et de mon nègre André. 



uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 4P7 

Le a3 décembre, je reçus Favis dePlymouiU 1S09. 
qu'un cartel y était loué pour mon passage , et^ 
le a4, je reçus, à 11 heures, de M. Messiter 
mes passe-ports. A 1 1 heures un quart, je cou- 
rais la poste sur la route de Plymouth. ]*y arrivai 
le lendemain lundi , à 7 heures du soir. Le mardi, 
à 8 heures du soir , j'étais à bord de mon cartel 
\ Union , capitaine Hane , que m Wait loué pour 
cent guinées Tagent des prisonniers. A 9 heures , 
nous étions appareillés et le lendemain mercredi , 
à 4 ou 5 heures du soir , mouillés près le Châtttui 
du Taureau , au bas de la rivière do Morlais. iBm. 

Nous étions en pays ami. Nous primes vite le *^" «4 P"^««'»*- 
chemin de Paris. Nous arrivâmes à Versailles, le 
jeudi 4 janvier. J*y trouvai ma femme et tous mes 
enfans. Ce fut un des plus doux momens de ma vie. 
J'étais rendu à ma patrie, à mon souverain, 
à mes amis , à ma famille. 

L'empereur Napoléon, pendant que j'étais 
éloigné , avait eu quelquefois occasion , dans ses 
conseils, de s'exprimer siur mon compte, eu ter- 
mes à faire croire qu'il me comblerait de sc*s 
faveurs à mou retour. Plusieurs personnes me 
l'assurèrent. Je n'eus pas cette confiance. 

Il m'accueillit avec distinction dans une au- 
dience particulière. Il m'y dit de lui-même, tout- 
d'ahord, que le capilaine-général FiUatvt lui 
avait perdu fort vite une belle colonie , et me 
parla promptemeiit de l'Angleterre et d'autre 
chose. 

Il me congédia. 



4C8 lliMOlAES SUR MA VIE, A MON FILS. 

iSio. Au bout de peu de jours, n*ayant pas les 

moyens de soutenir plus long-temjis ma famille 
à Paris sur ma propre fortune, il devenait pres- 
sant que je fusse placé. Le temps s'écoulait. Je 
ne Tétais pas. Un dimanche, au sortir de la 
messe , je le représentai laconiquement à l'Em- 
pereur. 

Tje surlendemain, la février 1810, à huit 
heures du matin, les poissardes entrent dans 
ma chambre, un bouquet à la main. Je m'en 
étonne. Leur orateur me harangue, comme 
nommé à la Préfecture maritime d* Anvers. Je 
m'en défends : il tire le décret de sa poche et 
me le montre. Le ministre de la marine , à qui 
je courus, m'embrassa, en me disant : Je ne 
vous ai pas indiqué, y ai appris la nouvelle par 
le MoiviTEun. Ce n'est pas à celte place que je 
vous aurais mis. jN ' importe ; vous irez. Allons , 
nous marcherons ensemble. 

En effet , mon rôle changeait. J'étais jusqu'alors 
étranger aux détails de la marine. Je n'y connais- 
sais, pour ainsi dire, rien. J'avais le désavantage 
immense d'y entrer sous d'autres auspices que 
ceux du ministre. 

Heureusement, l'organisation de cette admi- 
nistration était telle que le chef pouvait s'y 
passer de la pratique de l'art. Il avait tous les 
jours , sous lui , un conseil composé , 

du Directeur militaire du port et des mou- 
veniens, 



UVRB 5. (1807. 1823.) 4^ 

du Directeur du génie maritime, 1810. 

du Directeur de Tartillerie, 

du Ciief de Fadministration 
et 

de Finspecteur, 
hommes très-instruits, chacun dans sa partie. Il 
me suffisait de les comprendre et de choisir 
parmi leurs avis. 

Je trouvai-là, en M. de Rarsaint, un marin 
loyal , et en M. Lair, un ingénieur du premier 
mérite et du naturel le plus franc. Ils me pro* 
diguèrent avec empressement leurs lumières; 

Je mis une application extrême à mon serviœ. 
Je portai partout une surveillance ocidaire. Je 
cherchai tant qu!il me fut pos^ble à m'instruire. 
Je fis la guerre aux abus. Je tins la main à de 
grandes entreprises, à de vastes travaux. Le port 
fut augmenté de deux fois sa première étendue. 
Les constructions de vaisseaux de tout rang s'é- 
levèrent de 8 à 19. Le plus magnifique bassin 
de rUnivers fut creusé , avec deux écluses , par 
lesquelles pouvaient passer des vaisseaux de lao 
canons. Celle de Flessingue fut refaite et agran- 
die. J'avais sous mes ordres des bataillons et des 
régi mens de 3 à iifOoo ouvriers de marine , avec 
5 à ti,ooo hommes de troupes d'artillerie et, 
dans tous les genres , des magasins et des chan- 
tiers et ateUers immenses. Ma Préfecture embras- 
sait d'Osteude aux Bouches de la Meuse et à 
Nim^ue. Je présidai , en deux ans, à des dé^ 



470 IIKMOIRFS SUR MA. VIK, A MON FILS. 

1810. |>oiises , qui s'élevèrent de 4^ ^ 43 millions de 
francs. Je ne doute fias que ma vigilsince et mes 
soins n y aient économisé. Les officiers d'admi- 
nistration seuls me secondaient mal générale- 
ment. Quelques probités m'étaient même sus- 
pectes. Je les contenais un peu par la crainte. 
J'habitais un hôtel et un jardin fort agréables. 
Les Brabançons , qui passaient pour ne pas 
aimer les Français « nous comblèrent person- 
nellement et ne se démentirent jamais. 

Il n'en fut pas de même du ministre Decrès. 
Depuis que j'avais été nommé à cette préfec- 
ture maritinie, il ne cessa de me desservir. 

L'Empereur y distribua des faveurs , dans les 
deux séjours qu'il y fit, de-mon-temps , à tout 
le monde, excepté à moi. 
iRii. Un congé me permit d'aller passer les mois 

de janvier et de février 1811 à Paris. 

L'Empereur m'invita à une de ses soirées des 
Tuileries et le maréchal du palais Duroc, par 
ses ordres , à un diner. Mais il ne me fut pas 
décerné la moindre- récompense personnelle. 

Je pressai le Ministre d'augmenter mon trai- 
tement. Il était de 
a4tOOO fr. appointemens , 

720 fr. à déduire, 3 p. ®/o des invalides de 
la marine. 



23,a8o fn net. 



J'avais en outre le logement^ le jardin y le 
chauJJTage. 



UVRE 5. ( 1807. 1823.) 4?^ 

Je dépensais annuellement 1 2 à i5 mille francs 181a. 
du mien. 

rbabitais une des villes les plus chères de 
l'Europe. Tj étais exposé à de la représentation. 

Ma demande fut vaine. 

Mais , en place, X estafette m'apporta , le 1 1 ou 
12 du mois de mars, un décret qui me nom- 
mait préfet à Jlfons. 

J y reconnus Tinfluence du ministre Décrès. Mars. 

Je sus bientôt positivement à quoi m'en tenir. 

Parmi mes papiers se trouverait encore la 
copie du rapport que M. Décrès fit à l'Empe- 
reur pour ce changement. 

Mon ancien secrétaire Bouchard, i.^' commis 
de marine, qui avait joui de ma confiance à 
la Martinique, après avoir été long-temps pri- 
sonnier de guerre , était devenu commis expé- 
ditionnaire au ministère de la marine : il fut 
chargé d'expédier cette copie : il la fit, en garda 
une et me l'envoya à la dérobée. 

Le Ministre me donnait de brillantes louan- 
ges. Il les terminait par le témoignage qiiUl me 
croyait propre à tout. 

Il ajoutait que, comme préfet maritime, je 
commandais en ce moment 10,000 hommes de 
troupes tant ouvriers militaires qWarfitterie y sans 
avoir jamais servi : « S. M. k la veille de partir 
» pour une grande expédition (celle de Russie) 
» se souviendra peut-être des hostilités de l'An- 
» gleterre contre Flessingue , en 1 809 , et jugera , 



A 
D*UU 



47a 31CM01AES 8UH Uk VIE, A MON FILS. 

i8ia. » qircn pareil cas, il vaiidiait mieux que les 
"' » forces conceutrées daus la préfecture niaritimc 
» crAuvers y fussent confiées dés à présent à 
» uu militaire, » 

11 pi*oposait en conséquence de me substituer 
le capitaine de vaisseau deKersaint. Ce fut aussi- 
tôt agréé et ordonné. 

On n'eut pas non plus besoin de me le dire 
à deux fois. 
JB PAssK Je partis trois ou quatre jours après, avec ma 

.LA,BÉr«:T... ^^jy^^ pourMons. 

DBPAiiTSMsirT J'y meuai la vie paisible et commune d'un 

D£JEMMAPBS, #r 1 1 # -n %> 1 

MONs , préfet de département. J y remplis pourtant dans 
JE BEKTBAi j^ circonstauces difficiles de pénibles fonctions. 

A PABIS ■ 

PAR l'uibuptioii Jc uc m y écartai pas des principes de la jus- 
ussALLi . ^.^^^ j^ ^^,y g^ point de mal. J'y adoucis des 

' • mesures rigoureuses, autant qu'il m'était |K>ssible. 
C'était un excellent peuple que celui du llai- 
nault , judicieux , industrieux , riche. 
Dcccnibre. Le* Russes, les Autrichiens, les Pnisses s'avan- 

çaient dans les plaines de la Belgique et déjà 
serraient de près les anciennes frontières de la 
France. Les cosaques touchaient aux confins du 
département de Jemmapesi Je les apercevais , de 
Janvier. ^^^" hôtel, couronuaut les hauteurs des envi- 
rons de Mons. Sur ces entrefaites, me parvint, 
comme Préfet, l'ordre formel de Napoléon de 
rester à mon poste jusqu'à ce que l'ennemi fut 
dans la ville. 
Je renvoyai ma femme et mes enfans à Paris. 



uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 47^ 

Vers la fin de janvier 18149 les cosaques ed- xSi4. 
trèrent paradant jusqu*aux portes de Mons. 1a 
3 ou 4 février, des piquets de cinq ou six péné- 
trèrent aiulacieusement jusqu'à Feutrée du /K>/t 
de la rwière en dedans de la place et prompte- 
ment rétrogradèrent au galop. 

Je montai alors dans ma voiture, et, par des 
chemins détournés, je gagnai Ghlin, Peruwels 
et Condé. 

Je n'oublierai jamais que , tout Préfet fugitif 
que j'étais , la garde nationale de Peruwels voulut 
absolument m'escorter et ne me laissa point que 
je n'eusse dépassé de ce côté les bornes de son 
département. 

Je ne m'arrêtai qu'à Valenciennes. 

L'armée Française, qui avait de son côté éva- 
eue Mons, entrait, au même instant, dans cette 
autre place, dont les encombremens et les em* 
barras me déterminèrent à passer outre : je vins 
coucher à Paris. 

L'un des premiers débris de cet énorme co- 
losse , naguères si puissant , aujourd'hui s'écrou- 
lant de toutes parts sous des attaques universel- 
les et bien combinées, je me trouvai ainsi ra- 
mené au point central d'où j'étais quatre années 
auparavant parti. Les miens m'y avaient devancé 
de peu de jours. Je m'y réunis à eux. Jamais, 
en ce lieu, je ne m étais vu dans un pareil dé- 
sert. Pour le coup, je n'avais plus ni relations, 
ni affaires, ni revenus, ni asile, ni propriétés, 



474 MEMOIRES SDR MA. VIE ^ A XOH FILS. 

i8i4. ni même pays natal; car le Béam aussi était 
envahi à Tautre extrémité de la France et dé- 
vasté par les armées. Je louai un appartement 
et me rabattis isolément dans notre intérieur 
aux écoutes et en attente de la catastrophe qui 

Mars. nous menaçait. Au commencement de mars, mon 
enfant 9 tii me fus reporté de Lusigny , en Cham- 
pagne ^ devant Troyes, où tu avais été atteint 
d'une balle au pied gauche. Presque aussitôt le 
typhus des armées s'y joignit. Ta mère te pro- 
digua ses soins. Tu en réchappas. Mais , à la fin 
du même mois, les alliés entrent dans Paris. 
Napoléon abdique le a avril à Fontainebleau. 

Tu étais en pleine convalescence. Je me hâtai 
de te faire partir avec ta mère et tes sœurs pour 
Bemadets prés Pau. Il y avait alors à-peu-près 
vingt ans que nul de nous n'avait revu le sol 
natal. Nous y avions perdu tous les êtres qui 
sur la terre nous étaient les plus chers. 

Resté moi-mcme seul à Paris , pour voir s'éta- 
blir le nouvel ordre des choses, je robscrvai 
prenant son vol , et me convainquis fort vite 
que mon temps était passé. 

Juin. La seule satisfaction que je goûtai fut de te 

voir nommé au mois de juin adjudani-major 

du REGIMENT DU ROI DRAGONS. Uécapitulaut CU 

peu de mots ta carrière, je n'avais pas lieu d*eii 
être mécontent. Entré , à seize ans , à l'école de* 
cavalerie de Saint-Germain , tu avais débuté sous- 
lieutenant du 20.* de chasseurs , au commence- 



LIVRB 5. ( 1807. 1823.) 475 

ment de ]8i3, sur les frontières de la Prusse, 1814. 
et de bataille en bataille, arrivé par Leipsick à ""** 

Ilanau , y avais mérité la légion d'honneun Tu 
avais, trois mois après, en Champagne, gagné 
une balle, le typhus et le grade de lieutenant. 
Maintenant, je me retirais; mais du moins je 
te laissais encore dans une voie de distinction. 

Pour moi , tout consolé et tranquille , je re- 
gagne, à mon tour, vers la fin de juillet, ma 
campagne, ma retraite, mon domicile et mes 
loisirs. 

Les cent jours vinrent m*y surprendre. Un i8i5. 
décret impérial, publié le ao ou at mars 181 5, 
me donne aussitôt le titre de baron et la préfec- 
ture du Pas-de-Calais. Tétais au fond des Pyré- 
nées. Un autre entre en possession de la pré- 
fecture. Mais la chambre des BEPRiisBirrANS fut 
convoquée et j*y fus nommé par moh dépar- 
tement. 

Les choses , à mon arrivée , étaient tellement 
avancées , qu'il était facile aux moins clair-voyans 
d'en prévoir Fissue. Je m'en expliquai à-peu-près 
sans détour dans les comités. Je me promis de 
ne point prononcer un mot à la tribune. Je 
n'avais point de confiance aux événement. Je 
les attendis. 

Tu étais à Waterloo. Ton retour sur les rives 
de la Seine mit un terme à mes inquiétudes. 
Tu suivis tes drapeaux juscju'aux bords de la 
J^ire, à Orléans, et de l'Allier, à Moulins. 



47^ MKMOIRRS SUR Mk VIE, A MON FILS. 

iSi5. Notre cliambre tint sa dernière séance , le 4 

<""^ juillet 

Deux jours plus tard , je traversais ,. non sans 
infiniment de dcisagrémens , les colonnes prus- 
siennes jusqu'à Chartres. J'eus encore le bonheur, 
six jours après, d'embrasser, dans nos foyers, 
ta mère et tes sœurs. Tu les y rejoignis, au bout 
de six mois , à ton retour de l'armée: 

Le plus grand mal que Napoléon ait fait aux 
Français , c'est celui de son éphémère réappari- 
tion. Il était naturel que les hommes qui réflé- 
chissent lui crussent quelque probable assurance 
d'appui au-dehors et particulièrement de la part 
de l'Autriche. 
r8i5, Me revoilà enfin retombé en moi-même. Je 

\b\i* reportai sérieusement mes regards sm* mes af- 
faires domestiques. Je pus alors goûter cette sa- 
tisfaction , dont rien ne me distrayait plus. Il y 
avait vingt-cinq années que j'en étais détourné. 
J'avais besoin d'y substituer l'ordre au cahos. 
Réduit à nos biens-fonds , je leur donnai des 
soins très-attentifs et très-assidus. Je liquidais ma 
fortune pour séparer et régler nettement leurs 
lots à mes cnfEuis. Je contemplais, dans de froides 
et fréquentes méditations, mon âge avançant et 
ses suites inévitables et plus ou moins prochaines. 
Je croyais que je ne sortirais jlus du cercle où 
je me Toyais circonscrit Je ne r^rettais pas quel- 
ques beaux momens dans le passé ; il m'arrivait 
plutôt d'oser en espérer de doux encore dans 



1817, 
1818. 



LivRï 5. ( 1807. — i8a3,) 477 

Tavenir. La fantaisie me repassait souvent «n tête iSi5« 
de prévenir Tennui d'une pleine oisiveté, en re- ]g|.* 
prenant quelqu'une de mes vieilles entreprises ^8>'* 
littéraires. J'avais seulement peur que mon es- 
prit eut faibli. D'ailleurs, mes sens appesantis, la 
roideur de mes membres et ma complette myopie 
me rendaient désormais toute continuation de 
mes jeunes recherches de cabinet trop pénibles. 
L'histoire m'a de tous les temps beaucoup tenté ; 
j'aurais voulu faire sortir, avec bonne foi, de 
mes anciens matériaux , les siècles lustoriques de 
la France y ou Vhisioire de Ijouis XI ^ ou le 
ministère {lu cardinal de Richelieu. 

Une réflexion pourtant m'affligeait quelque- 
fois : j'avais de bonne heure abandonné mon 
premier penchant, celui des lettres, pour cou- 
rir une carrière publique , nationale, laborieuse, 
agitée, consacrée enfin à mon pays; que m*6n 
reste-t-il ? Mille comparaisons en ce genre m'é- 
taient sensibles. 

J'avais long-temps été attaché à la Marine; 
M. Portai l'occupait. Mon ami Faget de Baure, 
peu de jours avant sa mort , arrivée en décem- 
bre 181 8, m'avait mandé tenir de ce ministre , 
parlant de moi : voilà les hommes que nous 
devrions employer. 

Tu m'informes, mon fils, en revenant de Pari^, 1819. 
au mois d'avril i8ig, qu'on t'avait chargé de me ^^' 
prévenir , qu'i/ était question de moi pour un 
poste supérieur aux colonies. Je m'applaudis de 



47^ MiMOIEXS SUE MA TIE 9 A MOV FILS. 

1S19. compter parmi mes élèves M. Jiibelin , de qui 
le mérite et la reconnaissance font mon éloge. 
Il est chargé de savoir de moi si j'acxxpterais. 
Je me consulte à Uemadets en conseil privé, et 
je réponds qu*oiii. 

M. Dam et M. Jubelin me pressent à la fois 
d'arriver. Je pars. Je me pf^6sente le 17, et M. 
Jubelin , que j*accoste le premier ^ m'apprend 
que ma nomination de commahoaiIt et admi- 

RISTAATBDB OS LA GuiAHB FbAHÇAISB POUR LE BOI, 

datée du i4t m*a été adressée en Béam. 

Je n*eus par conséquent d'autre démarche à 
faire que de remercier. 

La députation des Basses-Pyrénées me seconda 
dans cette circonstance de son appui. 

Je reçus généralement un bon accueil. 

M. Portai , ministre de la marine et des co- 
lonies , me traita avec confiance et amitié. 

M. Mauduit, directeur des colonies, qui ma- 
vait beaucoup connu quoique je ne le connusse 
pas dutout , me donne affectueusement toutes 
les marques d'une ancienne estime. 

Je m'applaudis du parti que j'avais pris. 

On ne m'entretenait au ministère que des 
projets qu'on avait sur moi. La Guyane était 
destinée à faire essais et exemples des réformes 
qu'on méditait pour les colonies. Là , dans l'or- 
dre administratif et surtout dans l'ordre judi- 
ciaire, tout était à créer. M. le lieutenant-général 
Carra-Saint-Cyr, qui était allé reprendre celle 



uvRE 5. ( 1807. — i8a3.) 479 

possession des. mains des portugais, ne donnait 18 m. 
pas même de ses nouvelles. Il gouvernait et ex- 
ploitait le pays à sa manière et en quelque sorte 
dans une entière indépendance. La cour royale lui 
avait déplu : il l'avait renversée et la justice n*y 
était plus rendue. C'était le premier objet qui de- 
vait attirer mon attention. On sentit qu'il impor- 
tait de me donner d'abord un homme de loi, un 
procureur général , avec qui je pusse marcher. 
Il n'y en avait que l'ombre. Celui qui en faisait 
les fonctions était un négociant^ et encore le 
gouverneur s'en était-il à-peu-près débarrassé. 
Un procureur général f rien n'était aussi essen- 
tiel ; mais un procureur du roi en première ins- 
tance l'était presque autant : sans ces deux che- 
villes ouvrières, il était impossible qu'il y eut 
des tribunaux. Nous ne trouvâmes à Paris ni 
un magistrat ni un avocat qui voulut aller cher- 
cher une fortune incertaine si loin. Mon neveu 
Dufourcq de Salinis avait été quatre ou cinq 
ans conseiller-auditeur à Pau et était alors subs- 
titut du procureur du roi à Orthez. M. Ferrior 
était substitut du procureur général à Pau. L'un 
et l'autre étaient estimés. Je les proposai. Ils 
furent acceptés au moment où j'allais m'embar- 
qiier. En conséquence, je les appelai à Rochefort. 
M. Ferrier demanda du temps. 11 en obtint. 11 
finit, au bout de six mois, par déclarer qu'il 
ne se rendrait pas. Mon neveu, Dufourcq de 
Salinis, vint me joindre à Rochefort. 



48o MiMOUCES SUR MA VIE, A MON FILS. 

i9to. M. DeiDonteil, ingénieur maritime, chargé 

d'examiner les bois de la Guyane poiur les cons- 
truciions natales, et M. Poiteau, botaniste, suivi 
de sa Ëunille, furent également du nombre des 
passagers. 

Je quittai Paris le 3 juin 1819, séjournai à 
Rochefort du 6 au 10 , et, ce jour-là , m embar- 
quai à bord de la flûte du Roi la Loire , com^ 
mandée par le lieutenant de vaisseau Robin. 

remmenais avec moi, 
MM. Frachon (Charles), secrétaire archiviste; 
Amédée de Lesparda , lieutenant de chas- 
seurs à cheval , pour mon aide-de-camp ; 
et 
Saint' jàmandf mon secrétaire particulier; 
L*élat-raajor de bord était d'ailleurs composé^ 
outre le commandant, 
d'un second; 

de trois lieutenans de vaisseau; 
de huit élèves; 

de Bergeron, officier de santé; 
d'un deuxième officier de santé ; 

et 
d'un agent comptable. 
,g Une lente et paisible navigation nous condui- 

sit, en quarante-sept jours, au mouillage de 
Cayenne, où nous jetâmes Tancre. 
A cAVENNi Le pilote du port ne parut que le lendemain. 

PREMiEiis TEMPS ^^ brusqual l'entrée; car la stupeur régnait par- 
DE MON tout sous les formes d'un gouvernement souiv 

AUMINISTAATIOlf 



I81O. 

a3 juillet. 

AIIIIIV^.E 



LIVRE &. ( 1807 — i8a3.) 46 1 

çouneux et environné de précautions. Le pilote >f >9- 
ne pouvait bouger ie bâtiment de place, qu'il 
ne fut retourné auparavant prendre des ordres. 
Tavais envoyé Lesparda porter au gouverneur 
ses dépédies. Il navait pénétré jusqu'à lui 
qu'après avoir passé par le secrétaire de confiance 
Pétrie liC gouverneur lui-même avait lâché à 
Lesparda ces mots : si on m*inquieUe\ je me 
cabrerai. 

Un simple enseigne de vaisseau fut envoyé à 
mon bord et m'escorta à mon débarquement, 
sans la salve d'un seul coup de canon. Empres- 
sement et foule sur le rivage dans un grand 
silence. 

Tel fut l'accueil de ma réception. 
J'eus fort vite lieu de m'apercevoir que la 
manie du général Carra Saint-Cyr avait été de 
toat diriger par lui-même; qu'en conséquence « 
il avait rassemblé autour de lui un petit nom- 
bre de créatures dociles à transmettre fidèlement 
ses ordres; que de ce nombre était Pétri, sou 
âme damnée, jouissant de toute sa confiance, 
sans titre d'ailleurs qui l'attachât ni militai- 
rement ni administrativement à lui , et Cher- 
bonnier, commis de marine, entré dans la mai- 
son du gouverneur pour y seconder Pétri ; qu'au 
surplus le général avait semé la division parmi 
les troupes et s'y était formé un parti , à laide 
duquel n avait anéanti et décrédité l'autorité 
d'une partie des ofliciers et notamment des chefs 



48a MiMOIEBS SUE MA. VIE , MON FlIiS. 

18 10. et était parvenu à régner et prévaloir sur les 
' ^' autres par l'intrigue : pour cela, il avait fallu 
8*affectionner cinq ou six officiers des moins es- 
timés, et abreuver le reste de dégoûts et de rebuts. 
Les habitans, qui se respectaient et en général 
les plus notables, avaient battu en retraite. Se 
raccrochant à la tourbe mercenaire et décriée 
de ce qu'on appelle dans les colonies gens de loi 
et gens d'aj/aires , il s'était brouillé d éclat avec 
trois membres de la cour d'appel, et l'avait forcée 
à suspendre ses séances. Sa société ordinaire se 
composait de quelques militaires et adminis- 
trateurs. 

Cependant, il me céda, le a8 juillet iSiG, le 
palais du gouvernement et alla prendre ma place 
chez M. Donnés, absent, où j'avais été installé 
à mon débarquement. Il n annonça pas d'abord 
son départ. Il renvoya à le fixer au moment où 
le dépouillement de ses actes et de ses papiers 
l'auraient mis à même de pouvoir rendre ses 
comptes ; la flûte la Loire , sur laquelle j'étais 
venu, restait à ses ordres. 

rentrai en fonctions. Mon premier soin fut de 
distribuer les affaires aux chefs inférieurs , à qui 
elles revenaient , et de remonter insensiblement 
tous les services. 

Nous étions ainsi arrivés à la mi-octobre. 
X 5 octobre. Pendant ce temps, ceux qu'avait long-temps 

ralliés sous sa bannière le général Carra-Saint- 
Cyr, se voyant comme affectés d'une même dis- 



uvM 5. ( 1807. — i8a3.) 483 

eràce, s'étaient naturellement réunis. De leur .'''9: 
bord , partaient les censures , les épigrammes ; 
on frondait dans les boutiques et au coin des 
rues ; on fesait des repas et des orgies , où je 
n'étais pas ménagé; on vint jusqu'à pratiquer 
les gens de couleur, et à leur souffler la sédition. 
On semait le bmit que le comte Carra-Saint- 
Cyr, serait i*établi avant d*étrc parti , et on glis- 
sait adroitement, à propos de moi, le mot Rem- 
barquement. 
J'observais. 

Le général alongeait complaisamment son tra- 
vail. La dernière semaine de septembre encore, 
il m'avait demandé des copies. 

Enfin pourtant, je reçus, le i5 octobre, l'avis 
de lui , qu'il appareillerait le a5. 

J'invitai sa femme et lui à diner avec moi 
le 17. i7ocIoImpc. 

Ce même jour , à 4 heures après-midi , le mai- 
tre-tambour du bataillon de la Guyane entre 
chez moi et me dit : Saint-Gennain (c'était un 
des plus mauvais sujets de la ville) est venu à ta 
caserne chercher à me gagner pour être ce soir^ 
avec tous mes tambours, diez lui, à ii heures 
ou minuit y et jr battre la générale , pour vous 
embarquer et faire rester M. le comte Carra- 
Saint-Cyr. 

Je donne mes ordres. 

Je rentre. Je passe le reste de la soirée avec 
le comte et la comtesse Carra-Saint-Cyr. 



484 MiMOtRES SUR MA. VIE, A MON FILS. 

1^19* A neuf heures, compte in*est rendu par Les- 

parda, chef d'état-major, que Saint-Germain et 
Raschet (autre misérable complice), ont été ar- 
rêtés , et , le lendemain, sur leur interrogatoire, 
le furent de même Malin, Passavy, Petit et 
Millet Saint-Just 

Une ordonnance coloniale, du ig octobre 
1819, créa aussitôt nine commission militair'C ^ 
pour juger cette tentative d'embauchage. 

Par jugement du 1.*' décembre suivant: 

Gennain (Paul-Toussaint), condamné, à la 
majorité de 5 voix contre x, à neuf mois 
de détention; 

Malin (Pierre-André-Clément), déclaré non 
coupable à la majorité de 3 voix contre 4* 

Raschet ( Antoine) , \ 

Millet-Saint-Just (Pierre), f Déclarés 

Passavy (Jean-Baptiste), \ non 

Petit ( Edme-François-Fréderic- 1 coupables. 

Vincent ) , J 

Le dimanche 18 octobre , que dînaient chez 
moi M. et Madame de Carra-Saint-Cyr, et que 
devait être battue la générale, Petry donnait en 
même-temps un dmer., dont étaient Cherbon- 
nier , Yanault, Malin ^ etc. , etc., à la fui duquel 
on chanta entr'autres : ça ira , ça ira. 

Octobre Dcux heuTCS après, les arrestations commen- 

el novembre, çaient 



LivBE 5- ( 1807. — i8a3. ) 485 

Cependant , dès le mardi a6 octobre, je pié- itig. 
Tenais M. Carra*Saint-Cyr, en réponse à sa lettre 
du i5, que X^ifliUe avait completté ses approvi- 
sionnemens et était prête à prendre la mer. Il 
ne me fut pas répondu. Mais Tavis me parvint 
le a novembre du bord de la Loire , à huit heu- 
res du soir, que le général venait de s*y embar- 
quer. Je me hâtai de fermer mes dernières dé- 
pêches. £nfîn,Ib«4 novembre, les voiles se dé- 
ployèrent et voguèrent vers la France. 

Vainement d'incroyables efforts furent tentés 
par le général pour m'engager à retenir Petry 
et Cherbonnier dans mon administration à la 
Guyanne : j'y résistai inébranlablement. Us par- 
tirent et L'offîcier de santé Yanaùit les suivit. 

Ainsi se- termina , au bout de quatre mois , 
cette prolongation de séjour de mon prédéces- 
seur : elle me causa quelques embarras et ne 
fut pas sans inconvéniens. 

Les restes de cette faction furent encore quel- 
que temps à s'efiacer et à se dissiper : néanmoins 
après le départ du. général et de sa suite, elle 
s'éteignit et bientôt les derniers vestiges en dis- 
parurent.. 

Le plus difficile fut de rétablir l'union , la su- 
bordination, la confiance, l'esprit de corps, dans 
le militaire : j'en dus éloigner cinq ou six ; j'eus 
le bonheur de les placer avantageusement , dans 
leurs grades , à la Guadeloupe. A ce moyen , le 



48G IIKJtfOIRES SUR M4 VIR , A. MON FILS. 

1819. commandant lieutenant- colonel Cliariemont ot 
les autres chefs reconquirent tranquillement leur 
influence et leur autorité. 

A la Louisianne , ma mission avait roulé sous 
mon plein arbitre. Je l'avais dirigée et suivie k 
moi seul. Ck>pier les récits de mon séjour, c'était 
suflisamment la (aire connaître. 

A la Martinique, toujours traversé, j'«ivais 
passé ma vie de scène en scène, et j'avais du dé- 
peindre mes combats et expliquer ou mes défaites 
ou mes victoires. 

Dans Tune et l'autre de ces contrées, j'avais 
tenu des mémoires y et je les ai soit consultés 9 
soit même dépouillés. 

A la Guyane au contraire, je reconnus promp- 
tement qu'ils seraient entièrement inutiles. 

Je rendais compte en France do toutes les af- 
faires , jour 'par jour et à mesure qu'elles arri- 
vaient, sans empêchement et sans obstacle. Tap- 
planissais ou je surmontais les difficultés. Mes 
actes devenaient des lois. Ces lois sont tout sim- 
plement la véritable histoire de mon gouverne- 
ment. 

J'énumérerai donc ce qui a été fait et on nie 
jugera. 

Prenons potur guide les ursTRUcnoiis qui nie 
furent données par le roi , et comparons-leur , 
article par article , les résultats de ma conduite* 



uvRB 5. ( 1807. — i8a3. ) 487 

RÉSULTATS 

DE TOUS LES ACTES DE MON GOUVERNEMENT. 



i8ao. 



Ait. l.** — POUVOIBft POLITIQUES. 

Je n'ai exercé mes |)ouvoirs que dans les formes 
|)rescrites. 

]'ai notamment tenu des conseils de gouver- w/rona 
hement et D'ADMiifisTRATioif daus toutes les cîr- '^*"*^''"'* 
constances où ils m'étaient indiqués. J'y ai laissé 
aux opinions la plus grande liberté. Des pi ocès- 
verbaux en ont toujours été rédigés avec étendue 
et exactitude. I^ registre complet et authentique 
existe aux arcliives. Des copies en forme en ont 
été envoyées au fur et à mesure et régulièrement 
au ministre en France. 

J'ai de plus rassemblé constamment, deiuc fois ig^^ 
l^ar semaine, les mercredis et les samedis, dans ^ 

dos conférences, les cheb des services, sayoif : 
l'Ordonnateur ; 

le Directeur du génie militaire ; 
le Directeur de l'artillerie ; 
le Directeur de l'intérieur et du domaine; 
le Capitaine de port , directeur des cons- 
tructions 
et 
le Contrôleur. 
J'y appelais assez souvent le pi*ocuf eur-général 
et le chef d'état-major , capitaine ndjudaut de 
place. 



488 MEMOIRES SUR M\ VIE, A MON FUS. 

iBao, Le but de ces couférciiccs était de me tenir 

i8j5. ^^^ <^^^^ ^u courant de la marche de tous les 
services, d'y lever les difficultés d'exécution, dy 
discuter les questions importantes et problémati- 
ques de l'administration, d'imprimer et de main- 
tenir partout le mouvement et l'unité. 

J'avais reconnu la nécessité, et j'ai reconnu 
par la suite les avantages d'une semblable ins- 
titution. 

Une ordonnance du Roi du aa novembre 18199 
créa les coMiTis consultatifs coloniaux, et une 
autre ordonnance royale, du 4 octobre 1820 1 

EN NOMMA LES MEMBRES pOUT CCttC Colouic, SUr 

mes présentations. Leurs premiers pas, dans 
Tunique session qu'ils aient tenue, se ressentirent 
de leur inexpérience. Ils montrèrent du penclian^ 
à outre-passer les bornes de leurs attributions 
et de la censure ; mais je n'en étais pas effrayé, 
j'espérais que le temps les formeraient et les mo- 
déreraient. Malheureusement il intervint . dans 
le courant de l'année suivante, une affaire (pro- 
cès du Négrier la Pfiilis ) , qui suscita des op|K)- 
sitions combinées et beaucoup d'aigreur contre 
moi. Je fus forcé à quelques actes de rigueur, 
dont le plus signalé frappa M. Kerckowe , mem- 
bre du comité consultatif. 11 en fut excessive- 
ment révolté. Ses confrères et amis du comité 
consultatif partagèrent son humeur. Il en résulta 
qu'à la session suivante, M4 Kerckowe refusa de 
siéger, et les suppléans se trouvant eu France, 



LivEE 5. ( 1807. — i8a3.) 489 

il n*y eut pas d'assemblée. Cet état de choses s^i 
durait encore en ]8a3. iSaS. 

Je concourus dans le temps par mon influence 
à faire élire M. Favard, secrétaire du comité 
consultatif, à 5,ooo francs de traitement; j'eus 
doublement tort, d'abord , parce que les appoin- 
temens furent trop élevés^ tant pour le travail» 
que pour les ressources du pays , ensuite parce 
que ce jeune et riche habitant était un trop 
grand personnage pour la place. 

En deux mots, l'institution du comité cou- 
sultatif est très-bonne en soi ; mais j'en ai man- 
qué la composition à Caycnne. 

Ses papiers sont déposés aux archives du gou- 
vernement. 

Un secrétaire - archiviste inamovible y a été 
établi à l'époque, où j'ai été nommé gouver- 
neur. 

Ce dépôt se divise en dépôt des archipes 
et en dépôt géographique. Il y règne, sous 
l[un et l'autre rapport, beaucoup d'ordre: 
les papiers, les livres, les instrumens de ma- 
rine ou de physique d'une part ; et d'une 
autre les cartes géographiques sont classés , 
inventoriés et enregistrés. I>es cartes , qui 
étaient dans un état déplorable, ont été toutes 
collées sur toile, à une colle empoisonnée qui 
les préservera des insectes. J'y ai ajouté plu- 
sieurs cartes nouvelles toutes généralement nu- 
mérotées et enregistrées sur des catalogues 



lEUCIOIf< 



490 MlblOIRES dUR MA VIE, A. MON FILS. 

'^^<>f méthodiques. C'est un dépôt précieux, dont le 
j8a3. gouvernement est redevable à Fexcellent géo- 
graphe Simon Mentelle, digne frère du membre 
de rinstitut Edme Mentelle qui est mort à Paris 
en 18 15. Simon vécut de son coté durant 60 
ans à la Guyanne, à laquelle il voua ses 
veilles. 

Aat. 9. — RELIOIOH. 

Les missionnaires, et nommément Fabbé 
Guillier, préfet apostolique, étaient fort mal 
avec mon prédécesseur. Je fus chargé d'amé- 
liorer leur sort : je le fis autant que me parurent 
le permettre les vues d'une sage administration. 
Us furent, non d'abord, mais par réflexion, 
très-mécontens , levèrent insensiblement le ton 
et finirent par envoyer un des leurs me dénoncer 
k Paris. Déjà, sur mes propres rapports, le 
ministre avait fait droit à leurs nouvelles récla- 
mations. Je les ai ultérieurement parfaitement 
traités pour leurs logemens. J'ai fixé à 5oo francs 
par tête celui des simples missionnaires, et à 
laoo francs celui du Préfet Apostolique. Ayant 
ensuite trouvé à acheter, pour le Préfet, une 
maison convenable, comme Presbytère y je l'ai 
payée 10,000 francs, dont la caisse des affran- 
chissemens fit l'avance, sauf à les y restituer, 
à raison de f,aoo francs par an, avec le fonds 
de l'indemnité que le Préfet ne toucherait plus, 
mais dont le Roi continuerait d'être chargé jus- 
qu'au plein acquittement du prix du Presbytère. 



LIVRE 5. (1807. — i8i3.) 49I 

Ces prêtres néanmoins ne sont pas contens. ••^•» 
Ils sont avides et intéressés. Ils n'ont point du a8i3. 
tout l'esprit évangélique. Us font d'une profes- 
sion sainte un pur métier d'argent. 

Un collège fut fondé autrefois dans cette ville 
par des legs particuliers, que la révolution a 
dévorés. Une maison en restait transformée tan- 
tôt en caserne, tantôt en magasin, sous le nom 
perpétué de collège. Je la fis évacuer et la ré- 
parai avec le dessein de la rendre à des insti- 
tuteurs qui m'avaient été annoncés de France. 
Je permis cependant qu'un ancien père capucin 
(le père Casieliari)^ missionnaire révéré pour 
sa cliarité et sa bonté, y prit à son arrivée une 
chambre. Ce fut un prétexte à deux de ses con- 
frères de prétendre à la même douceur. Je ne 
m'y opposai pas à la condition bien expresse de 
déloger au premier avertissement Je l'ai donné, 
cet avertissement , au débarquement des soburs 
DB SÀiHT-JOSBPH, DK cujvi, que je voulais y re- 
cueillir provisoirement avec leurs écoles. Les 
missionnaires, par l'organe de leur préfet apos- 
tolique , refusèrent net d'obéir, alléguant qu'il ne 
leur suffisait pas de 5oo francs par tête pour se 
loger ailleurs. 

Je louai alors précipitamment la maison Noyer 
pour les institutrices, et je rendis compte au 
ministre. 

Cependant, sur l'avis que trois frères îles éco- 
les chréiiennes m'étaient envoyés , je prévins de 



49^ iiiiroiRES SUR nk ti£, a uon fils. 
'^^®' rechef très-sérieusement les missionnaires qu'il 
i8a3. était indispensable qu'ils déguerpissent le collège. 
Le préfet apostolique me le promit par une lettre 
positiTe. J'ai laissé à mon successeur d'en voir 
Taccomplissement 

Ces prêtres, après leur refus formel , réflé- 
chissant qu'ils s'en excuseraient difficilement, 
m'avaient proposé d'ouvrir eux^némes des écoles: 
je les avais pris au mot Ce vaudrait toujours 
mieux que la privation totale d'instruction , dans 
laquelle vivaient les enfans mâles. I/abbé Guillier 
mit à Ix tête l'abbé Viollot et sous lui son pro- 
pre neveu Locquein : c'est justement à quoi vi- 
sait l'oncle. Les sujets n'étaient pas merveilleux, 
c'était une spéculation d'argent. J'ai aperçu à 
mon départ de la colonie, une quarantaine 
d'élèves. 

Le pensionnat des Sœurs de Saint-Joseph rem- 
plissait parfaitement son but Elles n'étaient 
pourtant pas assez nombreuses. On n'y recevait 
pas d'ailleurs à élever les enfans illégitimes, qui, 
dans ce pays , pullulent et dont plusieurs sont 
riches. 

Je méditais de déterminer les Sœurs Hospi* 
tôlières à r'ouvrir, pour tous les enfans, sans 
distinction d'état ni de couleur, l'école gratuite 
qu'elles avaient formée à l'arrivée des Sœurs de 
Saint^Joseph et qu'elles tenaient fort bien : j'en 
avais parlé à la supérieure. Elle n'y avait pas de 
répugnance. 



LIVRE 5. ( 1807. — i8a3.) 493 

Mon prédécesseur avait fait un règlement de i^^o» 
fabrique paroissiale , dont Fabbé Guillier se plai- ,9,3. 
gnait. Ce règlement me paraissait pourtant à vue 
d'oeil avoir traité généreusement le clergé. Quoi- 
qu'il en soit, c'était une matière délicate : j'évitai 
de m'en mêler, malgré les sollicitations qui m'en 
furent faites. 

IjCS Eglises paroissiales des quartiers, renver- 
sées par la révolution, ne s'étaient pas encore 
relevées. Macouria et Roura me montrèrent des 
<lispositions à rebâtir les leurs et je les y ezdtai. 
Macouria fit une chapelle provisoire et appela 
un missionnaire. Les habitans ne furent plus 
d'accord quand il fallut pourvoir à ses deman- 
des. Lui-même trouva que le métier n'était ni 
lucratif ni agréable, il r^^agna sans bruit sa 
résidence de la ville. 

Le rétablissement du culte ne me parait £Mule 
dans ce pays, ni par les prêtres, ni par les 
fidèles. Roura a ces»é aussi ses démarches. 

A AT. 8.— LÉGISLAJLATION. 

La li^islation de cette colonie n'était en quel- 
que sorte connue que des adeptes. Elle n'était 
point imprimée ; il n'en existait pas de collec- 
tion ; les gens de loi , ou plutôt ( car ils ne mé- 
ritaient i)as d'autre nom ) , \es praticiens et faisant 
métier de diicane^ la recelaient mystérieusement, 
comme leur patrimoine exclusif. Quand, an 
commencement , j'avais besoin de connaître les 
lois en viguenr , sur quelque point que ce fut , 



liolSUTlOlf. 



494 MiMOIRES SDR MA YIE, A MOlf FILS. 

1^2®» je parvenais avec beaucoup de peine à en obtc- 
i8a3. nir même rindication ; et je ne parvenais à me 
les procurer qu*avec de plus grandes peines en- 
core. Je conçus alors le projet de les répandre 
par la presse. C'est ce qui , successivement , m'a 
entraîné à refondre presque toute la législation. 
Les actes qui en sont résultés ont vu, au fur et à 
mesure, le jour dans la feoillb db la GUTAnnB 
FRANÇAISE. Elle offre aujourd'hui le code pres- 
que complet de cette colonie. 

Les ministres n'avaient cessé, depuis 1762, 
de demander qu'on recherchât de toutes parts 
et qu'on rassemblât des matériaux pour un code 
DE LA gutanne FRANÇAISE, scmblablc à ceux 
de Saint-Domingue, de la Martinique, de l'ilc 
Bourbon. Après avoir essayé plusieurs moyens 
pour y parvenir , je m'arrêtai à celui de former , 
sous le directeur de l'imprimerie, un bureau 
chargé de cet ouvrage , et je le subordonnai di- 
rectement à M. le procureur général. Ainsi , enfin 
a été tiré de la poussière des divers dépots et 
d'entre des tas de papiers pourris et rongés par 
les vers , tout ce qui s'est conservé de lois , d'é- 
dits , d'ordonnances, deréglemeqs, d'arrêts, d'ins- 
tructions, d'émanations quelconques de l'autorité 
jusqu'à nos jours. La collection en est dans les 
mains du directeur de l'imprimerie royale , qui 
la publié en deux parties : l'une , antérieure à 
la reprise de l'administration française , le 7 no- 
vembre 1817; l'autre postérieure : celle-ci pa- 
rait la première . comme contenant les actes 



uvRE 5. (1807. — i8a3.) 495 

présentement en force et par conséquent dont il 1^0, 
importe le plus que la connaissance soit à la g8a3« 
]K>rtée de tout le monde. 

Je pense que mon successeur jugera cette en 
treprise digne de son attention : elle n'arrivera 
à heureuse fin qu'autant quil la suivra de près. 

Mais S. M. m'avait imposé une autre Iichi3, 
celle d'introduire dans cette colonie, avec les 
modifications convenables, les nouveaux codes 
français, et nommément le code de la rROCEDURB 

CIVILE , le CODE DU COMMERCE , le CODE d'iNSTRUC- 
TION CRlBIlflELLE. 

Je l'ai fait. 

Du dernier de ces codes , je n'ai appliqué au 
pays que les Disposmoirs de matière correc- 
T10NNELI.E. 

Je m'étais préparé à aller plus loin , en sépa- 
rant totalement la jostice criminelle des escla- 
ves de la justice criminelle des hommes ueres 
par l'établissement pour ceux-là d'une cour 
PRÉvoTALE. Mais, dans la réflexion, j'ai jug« 
d'une part que la population blanche n'était ici 
ni assez forte par le nombre, ni assez généra- 
lement avancée par l'instruction , pour pouvoir 
y introduire les formes du jury ; et ci autre part 
c|ue le préjugé des blancs contre les hommes 
de couleur y était trop violent et trop invétéré 
pour se prêter à aucun rapprochement entre eux 
dans le cours d'une procédure à laquelle il serait 
impossible d'empêcher qu'ils ne dussent fréquem- 
ment concourir ensemble. Aussi est-ce la seule 



49^ HliMOlRES SUR MA VIE, A BIOU FILS. 

i8ic, des grandes tentatives, qui me furent recom- 
1833. mandées, devant laquelle j'aie reculé. 

Tai d^ailleurs donné à la Guyanne le code drs 
DOUAifEs, LA LOI DU hotariat | etc. , etc. y y 
ai organisé et mis en activité le régime hypo- 
thécaire; mais j'ai eu tort d'y établir un conser- 
vateur SPECIAL : les hypothèques sont si peu 
consi Jérables qu'elles ne produisent pas de quoi 
le salarier même médiocrement, et j'étais résolu 
à supprimer cette place et à en réunir purement 
et 6impletnent les fonctions à la direction de 
l'intérieur et du domaine, de laquelle cette partie 
ressortit naturellement. 

J'ai apporté un cliangement essentiel au mode 
de la CURATELLE AUX VACANCES. Il m'a fallu y 
procéder à tâtons. Néanmoins , j'ai réussi au 
principal. L'objet est semé de difficultés. J'ai , 
Tannée dernière, opéré encore quelques modi- 
fications. L'avoué de Moncy serait excellent s'il 
n'était trop vieux, trop facile, usé. J'ai vaine- 
ment cherché par quel ressort permanent je 
pourrais le stimuler. J'étais à-peu-près déterminé 
k le remplacer; mais par qui? C'était mon em- 
barras. Dans tous les cas, il importe d'avoir l'œil 
sur cet agent et de l'obliger , à la fin de chaque 
exercice , à Caire ses remises de fonds au minis- 
tère en France , pour compte des parties inté- 
ressées. Il ne saurait fournir de meilleure preuvo 
de son travail. 

La curatelle avait ainsi à remettre 34,aoo fr. 
en janvier dernier; mais j'ai du lui enjoindre de 



uvRB 5. ( 1807 — i8a3. ) 497 

.suspendre y parce que le trésorier colonial n*a- iSio» 
Tait pas de traites du trésor royal. ^^^3 

Qu*en outre les comptes annuels de laai- 
râtelle soient rendus exactement à la Cour Royale 
à la fin de chaque exercice. 

Tai chargé une commission composée du Pro- 
cureur général , du Prociureur du Roi et du Di- 
recteur du domaine , qui s*asseroblerait une fois 
par semaine, de le surveiller et de diriger les ac- 
tions à intenter. Je n*ai pas encore réglé comment 
et devant qui le trésorier colonial compterait de 
ces deniers. C'est que je méditais de proroquer 
du ministre une ordonnance royale qui statuât 
que ce trésorier serait justiciable de la cour des 
comptes généralement tant pour les caisses locales 
que pour la caisse du Roi. Ce serait, me semble, 
le seul moyen d'y établir un ordre immuable. 

J'ai refondu la législation des affranchisse- 
MENS, qui étaient tégis, depuis 3o ans, à-peu- 
près sans principes, sans ordre, abusivement et 
capricieusement. J'ai forcé une foule d^affran- 
cliissemens non reconnus à se faire reconnaître: 
je leur en ai applani les voies. 

J'ai affranchi, savoir: 

Par lettres lag. 

Par Finscription sur les contrôles de 
la compagnie des chasseurs de cou- 
leurs. 17. 

Total i46. 



498 MEMOIRES SDR MA Vl£, A «ON FILS. 

iSso, J*ai aussi retrempé la discipline et la police 

iSaS. ^^ esclaves ^ soit en rappelant les anciens régle- 
mens, soit en accordant à la fois des facilités 
et des tempéramens pour la punition régulière 
et juste de cette claue de délinquans , selon la 
gravité des fautes et non selon la fantaisie et 
la colère des maîtres : f ai institué en un mot 

un TBIBUiriL MUNICIPAL POUR LA POUCB CORREC- 
TIONNELLE DES ESCLAVES. Je n*ai eu qu'à m'en 
applaudir. 

La COUR PR^ÔTALB u aussi parfaitement ré- 
pondu & mes espérances , et il n'y a pas de sage 
colon qui ne reconnaisse le bien qu'elle a fait. 

Mon ordonnance sur les monnaies n'a été 
qu'une mesure de pure législation et nullement 
de finance. Elle m'était commandée par mes ins- 
tructions. 

La Guyanne, à l'exemple des autres colonies» 
avait son système sauvage et absurde des mon- 
naies. Leurs cours et leurs dénominations loca- 
les y tenaient à d'anciens usages, nés originaire- 
ment des embarras de la pauvreté et d'autres 
circonstances éphémères, sans égard aux valeurs 
intrinsèques ni à aucun calcul réel du change, 
^introduisis le décret du ao floréal an i3 (10 
mai i8o5), et le tarif annexé à l'arrêté du 17 
prairial on 10 ( 6 juin i8o3 ) , là finissait mon 
mandat 

Mais on se plaignait généralement qu'il y eut 
à la fois dans la circulation des sous marqués de 



uvRB 5. ( 1807. — i8a3. ) 499 

billon^ de deux sous admis pour 7 Y^ centiinesy et i>^<> t 
depareûs sous marqués démission réœnte de 10 a8i5. 
centimes. J*écoutai trop ces plaintes. Les pièces 
de deux sous , me représentait-on, ne s*élevaient 
pas à une somme de aoo mille francs répandus 
dans tout le pays. Je prescrivis que ces sous 
marqués de Cayenne seraient reçus pour 10 cen- 
times. Comme il n*y a guères en circulation que 
de la monnaie de billon , surtout pour le petit 
débit et en mains du peuple, il en résulta que^ 
dans les marchés journaliers, les vendeurs haus- 
saient leurs prix , de manière à toucher la même 
quantité de sous marqués qu'auparavant. Ainsi , 
la marchandise , qui était livrée pour 80 sous 
marqués^ fesant 6 fiancs, ne le (ut que pour ce 
même rouleau de 80 sous marqués^ quoiqu'ils 
représentassent 8 francs, suivant le nouveau ta- 
rif. Le surhaussement fut donc d'il/! tiers en sus. 
Il devint le même, quelle que fut la monnaie 
avec laquelle on payât, et il frappa d'abord les 
denrées de première nécessité. 

De là naquit une clameur de réprobation. 
Je secouai en conséquence toute mauvaise 
honte , et je révoquai ma fausse mesure par une 
nouvelle ordonnance du 29 juillet i8ao. 

J'en fais aujourd'hui franchement l'aveu. Je 
déclare en même-temps que cet accessoire de 
l'opération principale était en soi de faible im- 
portance pour le pays, et qu'on le grossit par 
esprit de parti. 



5oO MÉMOIRES SUR MA. TIE , A MOlf FILS. 

iSao, Un heureux hasard voulut queceux qui avaient 

i8a3. profité de la hausse, furent aussi ceux qui souf- 
frirent de la baisse. 

Mon unique tort avait été d'avoir voulu mêler 
de Fautorité dans une monnaie qui était en tout 
de pure convention. 

Pour se faire une juste idée de la révolution 
que j'ai opérée dans la législation du pays , en 
me conformant néanmoins aux instructions qui 
m'avaient été données , je renvoie à hi feuille de 
la Guyane Française. Elle est le fidèle dépôt de 
mes actes. 

Les événemens et les convulsions survenues 
depuis 3o ans, avaient effacé les traditions, dé- 
truit les monumens, brouillé les principes» 
plongé les lois et les anciennes coutumes loca 
les dans le cahos ou l'oubli. J'ai eu principale 
ment en vue de les remettre en lumière et en 
honneur, de les perfectionner et compléter à beau 
coup d'égards. 

Je n'ai pourtant pas osé rendre une ordon- 
nance concernant les concessions ^ bien qu'elle 
soit indispensable; j'en ai seulement soumis le 
projet au ministre. 

Si j'insiste autant sur l'article que je traite , 
c'est pour m'excuser de n'avoir pas été plus 
sobre en cette partie de mes attributions ; car je 
me reprochais de réellement donner trop de prise 
par cet endroit aux ennemis , aux malveillans et 
aux mécontens. Il appartient , suitout en ceci , 



LIVRE 5* ( Î807. — i8a3. ) 5oi 

au temps et à Texpérience de me justifier ou de ■^'^o , 
me condamner. iS^S. 

Abt. a.^JTUSTICE. 

Une Goun hotalf suspendue, et Tancien séné- jgsricB. 
chai transformé de nom en tribuic al de première 
INSTANCE , tel était, à la Guyane, lorsque j*y 
abordai, l*orore judiciaire. En un mot, et il 
faut prendre ce mot dans son sens absolu, il 
n*y avait aucune justice. Je la rétablis ; je la fis 
marcher. 

D'elle sont constamment venues mes plus pé- 
nibles sollicitudes. 

Je réouvris les sessions de la Cour royale, et 
j*y remplis les places vacantes. 

Le Roi y avait introduit le perfectionnement 
important d*y nommer un procureur général 
que j'avais emmené de la Métropole. 

Le tribunal de PREmiRE instance, comme 
sous l'ancien régime, était composé d'un seul 
juge. Je lui en donnai trois et un procureur du 
Roi. Celui sur lequel je comptais ne vint pas* Le 
ministre dut le remplacer. Il rencontra malheu- 
reusement fort mal. 

D'autre part, à un juge de paix, incapable 
et qui était un instrument passif dans les mains 
d'un greffier dangereux, je substituai un juge 
de paix capable et qui avait une bonne répu- 
tation. Mais son âge et sa faiblesse me le firent 
remplacer au mois de juillet 1822 : je fus bien 
inspiré cette fois. Cette magistrature est la plus 



Soa miSmoires sur ma vie, a mon fils. 

i8ao» utile de la colonie. Elle y étouffe les procès à 

i8a5. ^^^^ source. 

Après que j'eus promulgué le code de com- 
merce , je constituai un tribunal de commerce. 
Il ne coûte rien et il a la confiance des né- 
gocians et de la marine marcliande : celui-là 
ne me valut que de l'approbation. La rareté 
momentanée de sujets le rendit difficile à corn- 
pletter. 

Cette même rareté se fait sentir bien essen- 
tiellement pour le TRIBUNAL CIVIL. Tel qu'il est , 
ses services ont fait un bien journalier incon- 
testable : il a travaillé avec assiduité et zèle. 
Heureux si ses faibles lumières n'étaient jamais 
obscurcies par des passions de localité. Il est 
liors de mes attributions de juger les jugemens, 
mais du moins ( ce qui ne s'était pas vu avant 
moi ) ils ont reçu sans obstacle et avec mon 
plein concours leur exécution. 

Quant aux réformes qu'appelait dans ce pays 
l'ordre judiciaire et dans ses institutions et dans 
son personnel, j'ai acquitté en conscience ma 
dette auprès du ministre^ toutes les fois qu'il 
m'en a i^quis, et je n'aurais aujourd'hui même 
ni à changer ni à ajouter à ce que je lui ai 
écrit , quand j'étais en présence et sur les lieux. 
Abt. «• — 8UEETË PUBLIQUE. 

suiiETi Autrefois les Procureurs du Boi étaient les 

PUBLIQUE. principaux agens chargés dans les Colonies de 

toutes les polices tant judiciaire qu'administra- 



LIVRE 5. ( 1807. — i8a3.) 5o3 

lire. Celui de la Martinique les a conservées; i^^o, 
celui (le Cayenne les exerçait, quand j*y arrivai. igaS. 
Ils n'ont en France que la police judiciaire. 
Le Procureur du Roi, que je trouvai ici, était 
indigne de sa place. Je lui ôtai sur-le-champ toute 
police , et bientôt après je le destituai. Je créai 
un Commissaire commandant de la ville. Ija 
police municipale lui revenait de droit. Il en fut 
investi. Comme c'était un habitant exposé à s'ab- 
senter fréquemment pour aller à son habitation 
(ce qui probablement sera toujours ainsi ) , je 
lui adjoignis un commissaire spiaAL de pouce 
SALARIE. Une décision ministérielle réunit à cet 
emploi celui d'oFFicisR de l'^at civil. Cet or- 
dre de choses subsiste. I^e titulaire vient de 
mourir. Le choix de son successeur est un des 
plus délicats que puisse avoir à faire un gou- 
verneur pour son propre repos. 

Le Procureur du Roi , qui nous a été donné 
de France aurait bien voulu que je lui aban- 
nasse aveuglément les renés de la police judi- 
ciaire ; mais lorsqu'il m'eut été connu, j'eus au 
contraire hâte de les lui retenir. Il est d'un ca- 
ractère à mettre partout le trouble. J'ai du finir 
par ne lui permettre même des poursuites cor- 
rectionnelles , qu'autant qu'il y aura été préa- 
lablement autorisé par le Procureur-général. 

Quant au juge de paix , il est impossible qu'il 
exerce dans le pays les attributions qui lui sont 
dévolues par les lois françaises en fait de police. 



5<4 MEMOIRES SUR MA YIE , ▲ MOH FILS. 

1030, m^ g^jji incompatibles avec le mélange de sang 
i8a3. et avec les mœurs de la population coloniale. 
Les contraventions, les querelles, les injures 
y ont lieu le plus communément soit de la part 
des esclaves, soit de la part des noirs et gens 
de couleur , ou entre des individus de ces classes 
et les individus de la classe blanche. 

Le coM M issAiR£-coM MANDAiiT OU Ic commissaire 
de police municipale sont plus propres à répri- 
mer et terminer par voie de police municipale 
et à Tamiable ces sortes de dissentions. 

lis m'ont constamment, ])endant trois ans et 
demi , informé et servi au mieux. Je défie qu'on 
cite une autre époque où la tranquilité publique 
ait été moins en danger. Tout tort constaté a 
été vérifié et vengé. Les fix>ndeurs sont allés 
leur train ; mais j'y ai peu prêté d'attention. 

Je cite avec amour-propre l'état où je laissai 
les PAisons et le petit nombre qui y existait de 
prisonniers. Il a rarement sous moi été plus 
affligeant. J'y ai corrigé et prévenu les abus 
par des réglemens précis. Elles recevaient les vi- 
sites fréquentes du Procureur-général , du Com- 
missaire commandant de la ville, du Commissaire 
de police, et, pour les militaires , du Capitaine- 
adjudant de place. 

Je déplore l'état de leurs bàtimens, l'incom- 
modité et la petitesse du local, la confusion 
forcée où y sont les conditions, les sexes, quelle 
que soit la cause grave ou légère de l'emprisou- 

iiftnipnf 



LITRE 5. (1807.— i8i3.) 6'o5 

J'avais eu le désir de transporter la geôle au i8ao » 
coté oriental du palais de justice, sur l'esplanade; ,3,5^ 
mais l'argent m'a manqué. 

J'ai cependant fait pratiquer , au corps-de- 
garde du Fort y deux petites chambres de police y 
où l'on pût enfermer instantanément des blancs. 

I.>es bandes de nègres marrons sont aussi des 
ennemis de la sûreté publique. Je n'ai cessé de 
les avoir présens. Avis ne m'est jamais parvenu 
de quelqu'un de leurs mouvemens qui inquiétât 
un quartier , sans qu'aussitôt j'y aie expédié aux 
commissaires-commandans des ordres et les se* 
cours de cliasseurs qu'ils m'ont demandés. 

Ces bandes menacent principalement sur trois 
points. Vers le haut de la rivière de La-Comté, 
où j'ai fait enlever la bande de Pompée, en 
août 182a ; vers les sources de Kouron , où une 
expédition de 75 hommes, que j'y avais détachés, 
a manœuvré pendant tout le mois de décembre, 
sans y tomber sur aucun de leurs repaires : enfin, 
l'espace qui s'étend de YOrapu à XJpprouague, 
par les derrières de la Gabrielle , de Kaw et 
iSjépprouague : cette dernière est la plus con- 
sidérable. J'avais le projet de l'attaquer dans l'été 
de 1823, par deux expéditions combinées, diri- 
gées l'une par l'Oyapoc et l'Orapu , et l'autre 
l'Approuague, et qui feraient leur jonction au- 
dessous des sources de Kaw. 

L'exemple des nègres-mwrrons de Surinam , de 
cette puissance aujourd'hui redoutable, qui a 



à 

i8a3. 



FERSONNU. 
MILITA 1KB. 



5o6 MÉMOIRES SUR Ma VIE, A MOV FILS. 

traité de pair-à-pair avec les gouvememens An- 
glais et Hollandais et qui confine avec nous à 
Touest, doit nous servir de leçon et nous dé- 
fendre de fermer les yeux sur cette plaie. 

Abt. 6. — PERSONNEL MILITAIRE. 

Le complet des troupes réglées sur le pied actuel 

. iOfliciers '^ItiIA^ 

( Sous-olficiers et soldats . 4# o ( 
L'effectif eu était au i.*' mars , comme il suit : 



CORPS. 


PI 


•n 

2 

i 

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ElÉSE 

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34 
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II 

8- 


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H 




Bataillon de la Gujanc. 
Artillerie •••. 


lO 

1 
3 

•4 


i3 
66 


«tant les 

ffnarlirrs 

et k la ttiariae. 


II 

4' 
53 


.89 
36 
i3 

107 


1 


Brigade du train 

Chasseurs de la Guyane 

Totaux 

Milices de Cajenne. • • • 


278 


393 


345 


1 


10 


a55 


a,5 




1 



L'iiispection générale d*flirmea, que j'ai passée 
en mars i8aa et dont les Ui^rets sont déposés 
aux archives, me dispense d'entrer sur les trou- 
pes , dans plus de détails. 

II n'est pas d'expédient imaginable auquel je 



uvRB 5. ( 1807. — i8a3.) 507 

n*aie eu recours pour porter au complet la oont- 1810, 
pagnie de cfuuseurs de couleur : il faudrait au ^3,3^ 
moins quarante recrues, une trentaine pour at- 
teindre le complet , et le surplus pour remplacer 
les invalides à congédier. 

De cinq commandans , par les mains desquels 
cette compagnie difficile à conduire, a passé sous 
mon administration, le commandant actuel est 
le seul qui y ait établi la discipline et Tordre 
dans toutes les parties. 

Ce commandant , M. Brache , est d'ailleurs 
d'un commerce difficile et a les formes dures : 
ses bonnes et ses mauvaises qualités , l'avantage 
envié qu'il a eu d'être chargé de deux expédi- 
tions dans les grands bois, se joignant au mérite 
d'avoir fondé et soutenu, malgré mille contrariétés 
l'imprimerie royale , en ont fait souvent , et au 
militaire et au civil, un objet de jalousies et de 
tracasseries, qui lui ont valu de plus en plus 
mon juste appui : ce sont de ces sujets que des 
chefs se félicitent de rencontrer et à qui ils 
pardonnent volontiers leurs défauts. 

La moitié de l'effectif de cette compagnie a été 
constamment détachée à la Mana depuis octobre 
iSao, au grand détriment du corps lui-même et 
de la garnison de Cayenne. 11 n'y en restait plus 
que 3o qui y résidassent en 1 8a3. Cette troupe 
sera toujours la plus précieuse de toutes pour la 
guerre des bois. 

U a été impossible, au reste, de maiiiteuir la 



5o8 MiMOIRBS SUR MA VIE, A MOlf FILS. 

i83o, police militaire avec la sévérité désirable, faute 
j8a3. sur-tout d'un quartier suflisamment vaste et clos. 
La construction en a été commencée cette 
année. Le tiers environ des murs est fait. 

J'ai représenté itérativement au ministre que 
tant que le bataillon ne sera point porté à quatre 
compagnies, Finstruction s'y perdra et la Guyane 
n'en retirera pas cet avantage, que les colonies 
sont accoutumées à trouver dans les troupes eu- 
ropéennes, qui est de leur fournir des gens de 
métier et des r^isseurs dont la population in* 
digène est avare. 

Le DETACHEMENT DES OUVRIERS à la SUitC dtt 

bataillon est de ma création autorisée par le Mi- 
nistre. Il s'est perfectionné. Mais j'espérais que 
les recrues qui étaient attendues de France don- 
neraient le moyen d'y introduire un meilleur 
choix d'ouvriers* 

Le TRAIN d'équipages organisé depuis peu ne 
pourrait se soutenir , si on le tenait à la paye 
ordinaire de ces corps en France. On l'emploie 
ici à tout. Il est dans une activité continuelle, 
qui fatigue et extenue l'homme et use ses effets. 

Sans ce train, les travaux du génie militaire 
n'iraient pas et les transports des divers servi- 
ces faits à bras coûteraient énormément. Obligé , 
lors de la rédaction du projet de Budget pour 
i8a4, de prendre un parti à cet égard, j'ai 
réduit la solde fixe au taux ordinaire; j'ai porté 
au chapitre des travaux une solde supplémen-' 
taire de journées de travail. 



UYKE 5. (1807. — i8i3.) 5o9 

J'avais incorporé, dans ce train , des Malais 1810, 
arrivés de llnde par le Rhône , et des Indiens ,3,5 
provenant du Para; mais il n'y a pas moyen de 
les recruter par d'autres gens de même origine : 
il n'en existe pas en général dans ce pays. Cest 
un inconvénient très -grave. Je me proposais 
en conséquence de choisir quelques Français 
d'entre ceux qui me seraient envoyés pour re- 
crues. 

Quant aux milices , moins cette colonie est 
riche et populeuse , plus il est difficile de les 
y mettre sur un pied respectable. Je les ai re- 
constituées suivant les anciennes ordonnances, 
qui j'ai adaptées aux localités. J'avais d'abord placé 
à leur tête un capitaine d'artillerie retiré. U m'a 
prouvé que ce qu'on appelé les officiers sans 
troupe ne sont nullement propres à en corn* 
mander. Les milices étaient sous lui une masse 
gauche et inerte. Ayant lui-même trompé ma 
confiance à une époque orageuse , je le rempla- 
çai par M. Lembert, ancien adjudantmajor, plein 
de zèle. Il les remonte. Elles s'assemblent le pre- 
mier dimanche de chaque mois. Avec de la per- 
sévérance, elles acquerront une tenue tolérable, 
deviendront utiles et prendront l'esprit qui con- 
vient. Elles ont déjà gagné sensiblement. J'en 
ai écarté les officiers qui montraient une mau- 
vaise volonté incorrigible. Ceux qui sont aujour- 
d'hui en pied , paraissent dévoués. 

Les miliciens de couleur n'ont point dutout ici 



5fO MlbfOIRES SUR MA. VIE, À MON FILS. 

1810, les qualités militaires. J'ai eu lieu cl*étrc extre- 
1835. mement mécontent des vingt qui ont été de l«i 
dernière expédition contre les nègres-marrons : 
aussi , ces miliciens , me promettais-je de les tra- 
vailler. 

Abt. 7. — ADMINISTRATION. 

ADMiNimATioii M. Boisson , qui était le chef de l'administra- 
tion 9 avait été nommé contrôleur à la Guade- 
loupe, et M. deMuyssart, commissaire de marine, 
était arrivé, le a5 février i8a3, de la Martini- 
que , à Cayenne , pour y prendre les fon crions 
d'ordonnateur : il portait une bonne réputation; 
M. Boisson en emportait une excellente fondée 
sur de longs services. 

Le Ministre me prévint qu'il avait supprimé 
les commis auxiliaires ^ à compter du i.^' jan- 
vier iSaS, et qu'il ne tarderait pas à faire suivre 
cet avis par un règlement qui , en simplifiant le 
travail, rendrait l'économie d'argent praticable. 
I.ies instructions à cet égard devaient avoir été 
données à mon suc(!esseur. En l'attendant, je 
laissai, au i *' janvier iSaS, les choses dans 
l'état 

J'espère qu'on aura envoyé de la métropole un 
GARDE MAGASIN. J'cii ai installé de provisoires. 
Mais le magasin est ici une machine lourde et 
compliquée, parce qu'on doit faire acheter en 
France tous les approvisionnemens, sous peine 
de les p«iyer au quadniple de leur valeur et 



uvBB 6. ( 1807. — i8a3. ) 5i I 

d^avoir à lutter continuellement contre la mau- ^^^^* 
yaise foi des marchands du lieu. J^avais défendu 1823. 
qu'on achetât rien d'eux. 

Une autre cause tend à surcharger ce magasin, 
c'est que ni le génie militaire, ni l'artillerie n'ont 
pu jusqu'à présent tenir leurs magasins particu- 
li^9 : l'un et l'autre puisent au magasin général. 

Je trouvai la comptabilité dans le cabos. Elle 
s'est depuis éciaircie , non sans un travail obstiné. 
Mais j'ai reconnu chaque jour davantage la né- 
cessité d'y avoir un bon garde - magasin , qui 
se soit rompu au métier dans les grands ma- 
gasins de la marine en France. 

Je dois ce témoignage à M. Boisson , qu'il m'y 
a merveilleusement secondé, et je lui attribue 
le bien que j'y ai obtenu. 



Vm 0V LITRE CIVQVIEMC. 



Su MiMOlK» SUR MA VIR , A MOlf FILS. 

•• •• »<>»■■■><»»■< » »>>»<«» »» 

LITRE SIXIÈME. 



18S0. — i8tS â i8SI. 



Ev ne montrant ainsi de mon administratioir 
que les résultats , je sais que je me prive de Toc- 
casion de faire valoir mou zèle, ma fidélité, mou 
plus ou moins d'habileté à remplir les vues et 
les intentions du gouvernement , qui m'avait 
dioisi pour tenter dans cette colonie des essais 
applicables à d'autres. Je ne développe ni la sa- 
gesse et la légalité des moyens que j'employai, 
ni les obstacles et les intrigues que j'eus à sur- 
monter, ni la fermeté dont je dus rester sans 
cesse armé, ni enfin , dans cette suite perpétuelle 
de contrariétés , la constante irrépréhensibilité 
de ma conduite; je dis crûment : voilà ce que 
foi fait. Niez, si vous l'osez : mes œuvres ré- 
pondront pour moi. 

O)ntinuons^n donc tranquillement la simples 
énumération. 



LIVRE 6. ( i8ao.— i8a3.) 5i3 

AftT. 8. — FUVAIICES. 

!.'• Section. — coNTftiBUTioiffl. 



EUSBMBLB 2l6|10l' 5l« 



couipUnt 
à termes 



.... ) 



Eflcls j Portefeuille des 

divers / inTslides pour } 79^0 7^ 
exigibles) billets de ren- 
trée d'une an- 
cienne créance. i6,io8 66, 
Avances imputables iS^S? ^ 



Total 310,789' 64« 

Sur lequel il 7 a de non disponible, k 
cause des crédits déjà ouverts et qui 
restent à acquitter 67,694 94 



Fonds disponibles • • . . • 353,o44^ '^o* 

Là-dessus il appartient à la curatelle. 47>7<>^ 8a 



Restant pour le trésor !io5,34if 83« 

Dont aux invalides et aux gens de mer . 78,^66 a6 



Net à la caisse coloniale.^ 127,075' 62* 



i«ao, 

è 
1813. 



Lorsque je remis la colonie à mon successeur , financis. 
le i3 mars i8!i3, il existait dans la caisse du 
trésorier colonial , savoir : 

Numéraire ai6,ioi' 5i« 

Traites du caissier-général du trésor royal. » 



5l4 MlbfOIRES SUR Ma VIE, A MON FILS, 

»8j^» Report 127,075^ 62» 

i8a3. Ajoutons : 

10^227 k. aoo« Chus de giro/ie , prorc- 
nint de U recolle de 
i8aa de U Gabrîelie, 
qui sont en grenier et 
dont on peut disposer k 
toute lieure au cours de 
^ 7'le1(il.yci«7i,59o'4^« 

1^081 k. 300* d.* blancs, id. 

4'a5«lekil. /i^S^S 10 

Ensemble • ■ ■■ 76, 1 85 5o 
Avances pour le compte du sebvice mabive , 
remboursables, et dont on peut expé- 
dier 4 Tolonté et sur-le-cbamp des 
traites sur France 73»ii9 34 

Total géméral 276,380' 46^ 

Les contributions locales étaient 

en 1819, savoir: 

Directes 176,000' 

Indirectes 1 SS^ooo 

Total 33o,ooo' 

Le Roi accorda, en 1822, un dëgrève- 
ment de 200,000' , et d'autres cbange- 
mens 7 furent opérés en 1820 : elles 
furent ainsi réduites à 

Directes 38,ooo' 

Indirectes. • • •• 66,5oo 

Ensemble 4... — io4,5oof 



UVRB 6. ( i8ao. — i8a3.) 5i5 

Une ordonnance locale du ao septembre 1819 i99o , 
et itne autre du aG décembre i8ao réglèrent ,g^5 
avec précision le mode et les conditions du re- 
couvrement et des contraintes. 

Je liquidai de bonne heure Tarriéré considé- 
rable des anciens rôles. J'avais auparavant posé« 
selon les lois de la métropole, les principes et 
établi les formes d'après lesquelles il serait pro- 
cédé aux déclmrges et dégrèvemens. 

Les formalités prescrites exigent un concours 
d'experts, que Finsouciance créole rend difficile 
à rassembler. Quelques affaires de cette espèce 
me furent encore présentées en décembi*e iSaa: 
je crus devoir les renvoyer à la décision de mon 
successeur. 

Les comptabilités du trésor du Roi étaient 
au courant et dans un bel ordre, grâces au pré- 
cieux administrateur (M.Barbey) qui se trou- 
vait à la tête du bureau des fonds. 

La plupart des créances de FEtat avaient été 
revisées. Celles qui restaient à recouvrer étaient, 
à un petit nombre près, en recouvrement. 

Le dernier curateur aux vacances ^ forcé à 
rendre compte , avait payé son débet. 

Un de ses prédécesseurs en avait un de 80 
mille francs. 11 échappait aux poursuites par ses 
manèges et par son insolvabilité. Je Tavais ce- 
pendant mis en train de s'acquitter, au moyen 
d'une fourniture de bois que je lui avais donnée. 
Il n'avait, à mon départ de la Guyanne, versé 



5l6 MJÎMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS. 

iSso, encore que 10^74 &• 77 c. Débiteur de mau- 
1813. ^aise foi, on n*aiua raison de lui qu*à force de 
ténacité et de rigueur. Ijes créanciers de la cu- 
ratelle , de qui il a géré les droits, y sont in- 
téressés et le gouvernement leur doit protection. 

Plus de 600 mille francs de créances françai- 
ses , appartenantes k des propriétaires résidans 
en Europe y anaient été séquestrées ou paralysées 
par les portugais. J'instituai une commission 
pour les revoir, les liquider et les rendre exécu- 
toires. Cette commission accorda amiablement 
des termes. Le premier et le second sont expi- 
rés. On a poursuivi mollement. I^a somme totale 
est majeure. Le sort des créanciers avait été em- 
piré par la connivence des débiteurs. 

La curatelle aux vacances y avait la plus forte 
part. Je Tavais plus d'une fois stimulée et il im- 
porte de la forcer à agir. 

Cependant, je lui rends aussi cette justice, 
qu'aux dernières explications que j'ai eues à ce 
sujet avec elle, je me suis convaincu que plu- 
sieurs des absens, qu'elle avait représentés, lui 
ont retiré leurs procurations et les ont remises 
à d'autres procureurs-fondés. 

Ces pauvres créanciers résidans au-delà des 
mers sont environnés de pièges! 

J'ai déclaré nulles les concessions que l'auto- 
rité portugaise avait données, lorsque sa domi- 
nation sur ce pays n'avait encore été ratifiée par 
aucun traité diplomatique. Après avoir rendu cet 



LIVRE 6. (i8ao. — i8a3. ) Sij 

Hommage aux principes, j'ai moi-même confirmé *8j<>» 
ces concessions^ avec une extrême condescen- i8a5. 
dance, par titres authentiques et tout-à-£ait gra- 
tuits, sauf un infiniment petit nombre que fen 
ai exceptées pour cause dLUiiliié publique. 

3.»« Section. — AKvmus et raoDvirs TtMMxtotdknx, 

Outre les contributions^ le Roi possède à 
Cayenne des propriétés qui lui rendent un re- 
venu évalué, pour 1814, à i83»4^o fr. 

Il provient des habitations de 
La Gabrielle, 
Tilsit, 

Moni/oljr et son Haras ^ 
Baduel, 

la Briqueterie de Mapiribo , 
le chantier de VOrapu , 
les Ménageries de. 

Santé j 

lUatoutiy 

Matouri , 

Baduel , 
et 

JUontjoly. 

Suit le tableau des produits de ces domaines 
de l'Etat, pendant 1819, 1820, i8ai et i8aa, 
que j'ai gouverné la colonie : 



5l8 MEMOIRES SUR MA VIE, A >tOH FILS. 



P RO 



LA GADRIELLE.. 



/Girofle... 

I Foivrr*. .. 
(Motcadct. 



Totaux. 



1819. 



QUARTlTis. 



*"iU'l:: 



TAUEDIS. 



«79,741 f.ÔQ 
1,010 9» 



178,751 f.go 



1890. 



QUAMTlTis. 



«7 ^ 



VALEOIS. 



5o,884f*6o 

9,169 34 

69 70 



53,1 i6f. 641 



TiLSiT J'omets 1 ;7o8' coton en 1820 , me contentant d'obserrer 

qu'il a subi les bouleversemens et les 



BADUEL.M.. 



I Girofle ..( 
LCaBelle.. 



Totaux.. 



(Boit «le Charpente, Ma- 
CIIAKTIER i>BL*oiA»u. 2 driers, M«U, BorH.- 



BBIQUETERIB* 91 MAPERIBoIbBIOUËS.;!/.*;'.; 

Î!S5^1;Î MOUTJOLY Pou? MimoiiH',. 

N£NAG£BlEa« Béuil teailu 



338k noo 
19 5oo 



i,4oor.4 

96 8 



1497 r. 98 



93 k 000 
99 5o<» 



i44f.88 
«47 «^ 



991 f. 88 



16,696 00 
i,o5o ou 



>g»>o9 79 
g53 3i 



uvRB 5. (i8ao — idaS.) 



5i9 



IVlTSt 



lati. 


QUANTITES. 


TALVUIS. 


13,885 k~» 

178 «m 

i5 iSo 

a3 6110 


188 8» 



90,761^67 




s3,oook 000 



i38^ooof. 00 



i38,ooor 00 



TOTAL. 

QUANTITÉS. TALIUiS. 



85,4o8kc 
3s «r>o 

a3 600 



55ij6s5r.s9 

3,«>. 59 

i53 5; 

188 8i 



55S63or.s5 



teume moyen. 

QUAirrrris. taubuks. 



ti35t k <^« 

So5 s5o 

8 o6t 

5 900 



■37»Qo6r.3> 

oi5 66 

38 39 

47 ao 



138^907 r. 56 



que Tilsti n'a d'ailleurs rien rendu que des bananes en quatre années , parce 
premiers travaux de sa transformation en sucrerie. 



3oik895 
16 t 



i,9«5f.75 

III 95 



9/117 froo 



357ko(M>| 9,i4if«col 909k ( 
14 oool 49 ool 79 000 



s,i9of.oo| 



'^^'îil "i^'A 



5^r.36l 



sr.o6 
3 53 



t,4P«f59 



iSt.?!» 



4(v6i6 81 

10,619 7® 

» 

355 90 



390,119 



47ri39 00 

97>»7 84541,899 

» 

735 00 



^154 60 



U9*7 *4 «70^9» ■ 
3^093 5i » 



35,013 65 

18,963 77 

» 

773 37 



520 



MÉMOIRES SHR MA. VIK, A MON FILS. 



ÉTAT DES 

PENDARîT LES ANNEES 



NOMS 

des 

iTABLISSSMElfS. 



IvA Gabrielle. . . 

Tilslt. . . , • 

RadueK».» 

Briqueterie -de- 

Racamont. . 
Chanlier de TO- 

rapu 

Ménageries de Si- 

namar j 

Léproserie de IT 

let delà Mère. 
Briqueterie - de - 

Mapéribo. . 
Chantier S*-JeaQ. 

Montjolj 

Mana 

Ateliers delà ville 



1819. 



'4 






nMiAws, 



3i 



307 
o 



10 



taso. 



HOMMES. 



29 2 

... 
4.. 



FEMMES. InirAllS 



•••ÎL 2 
or-*» 



67 3o 
>4 



8 
2 5 



548 

118 

63 



49 
3 
S 

18 



Totaux. . 



66 20 



16/1 



8/* 



24 



76 



32 



14 



109 



55 6 



677 II 



62 



186 



i5 



129 



70 



23 



124 



108 43 



I2f 



yi{ 



uvRx 5. ( 1820 — i8a3.) 

rÈGRES DU ROI. 

819, 1820, 1821, 1822. 



5ai 









1821 


• 






- 




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3 


6 


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3 


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335 


74 


9^ 


108 


145 


54 


60 


773 


*7 


a44 


106 


81 


i5i 


"9 


53 


64 


1 
834 

1 



Saa xtooiR» SUR ma vie , a moit fils. 
1830, Fesons quelques observations sur chacun de 

1893. <^^ domaines. 

La Gabrielle. 

Elle a décliné sous M. Poiteau, que ses entre* 
prises de botanique absorbaient en dessins et re- 
cherches 9 sur lesquels il essayait le plan de sa 
fortune privée. 

M. Cosnardy qui n'a ni ses connaissances, ni 
son esprit 9 a mieux dirigé cette plantation. Il 
en a retaillé et nettoyé les giroffliers. Il a mul- 
tipUé les muscadiers et les poivriers. Il a coupé 
a,3oo vieux giroffliers , pour doimer de Fair aux 
autres et les féconder. Cette opération jugée né- 
cessaire depuis long-temps et préconisée par M. 
Poiteail, avait été différée, sous divers pi'étextcs, 
d'année en année. 

On compte d'individus en rapport , savoir : 

Girofliers, en déduisant a,3oo pieds supprimés 
cette année 1 2,070 pieds. 

Caféyers 900. 

Muscadiers a^%. 

Poivriers 658. 

Ganeliers ^^Sga. 

Manioc et vivres 70 carrés. 

La ailttire du ^ curcuma longa) safran des 
Indes , a été essayée : il ne donne ses récoltes 
pour le commerce qu'à la troisième année. Nous 
y touchions. Il parait réussir. 

Il occupe le milieu d'une p<')pinièrc , où il y 



LIVRE 6. (i8ao. — i8a3.) 5a3 

d^ailleurs 4ooo girofliers, de deux ans, en pa- i^^o, 
niers (croucrou) et iioo en terre. Des semis i8a5. 
considérables ont été faits cette année. On dis* 
tribue les plants aux habitans 

Les nègres , au nombre de 33a de tout sexe 
et de tout âge, sont parfaitement soignés, vêtus 
et nourris suivant des réglemens positifs, que 
j'ai renouvelles. Rien ne rehausse autant le ré* 
gime auquel ils sont soumis, que d'observer 
qu'on y voyait le mois dernier a6 beaux enfans 
à la mamelle. 

Qelquesmns des bâtimens, la maison du tnattre, 
Véœnomat , la cuisine , V atelier de menuiserie , 
ont besoin de réparations urgentes. 

On y bâtit une sécherie nouvelle. Il manque 
peu de chose pour la terminer. L'ancienne sé- 
cherie aura besoin peut-être d'une reconstruction 
totale 

Le canal de Racatnont , qui conduit au pied 
de la montagne , a occupé a4 ouvriers par jour, 
à compter du a4 octobre dernier jusqu'en dé- 
cembre. 

Il y a cinq excellentes embarcations. 

Le dernier inventaire estimatif élève la Ga* 
brielle à une valeur de 800, 1 3a fr. 

Tilsit. 

Cette plantation ne possédait en esclaves, au 
mois d'août 1819, que 70 individus de toutjge 
et de tout sexe. Elle ne cultivait qu'une petite 



$24 HiliOIRBS SUR MA VIE, A HOU FILS. 

i«ao, quantité de mauvais cotoniers et des vivres. 

iSa3. LVxcessive humidité et les innondations pour- 
rissaient les vivres annuellement. Elle ne pro« 
duisait à proprement parler rien. 

Je la visitai. Je discutai , à mon retour , en 
conseil, où j'appelai les meilleurs kabitans de 
la colonie , la question de savoir ce qu'il con^- 
venait de faire de ce beau local. Le procès- 
verbal de cette séance remarquable existe dans 
le registre des comeils du gouyememeni : il est 
bon à consulter. 

U fut résolu d'y établir une sucrerie Normale. 

Je tournai dès-lors mes dispositions vers ce but. 

Je demandai sur-le-champ à M. Quesncl , de 
Rouen , de nous procurer un moulin à vapeur 
et je lui remis d'avance 20,000 fr. à-compte du 
prix. 

J'achetai assez bon marché l'habitation con- 
tiguê de M. Benoit Cavay, et doublant ainsi l'é- 
tendue du terrain , je le rendis digne de sa des- 
tination. 

Je renouvellai ce qui existait de digues; j'en 
achevai l'enceinte autour de ce vaste carré. Je 
le garantis enfin solidement des inondations 
futures. 

Un système de canaux fut tracé. On y a tra- 
vaillé ces trois dernières années dans la belle 
saison. 

En voici la situation au moment présent. 



UYRE 6. ( i8ao. — 1823.) 5a5 

CANAUX DE LHABITATION BOYAI.E DE TILSIT. 



Canal central. 



oisiO NATION. 



IiONOUIUR 



I /• partie 



a.« 



3.». 



5.*, 



TOTAL. 



LAIOEUR. 



F»0- 
FONDBVS. 



450^00 
1,160 00 

58o 4)0 



58o 

590 00 

5go 00 



3,95o«oo 



10^ 00 
8 00 

8 00 
G 00 



i-3o 

80 

1 3o 



o 80 



8 00 



3o 



00 



OMIRTATIONi. 



n reste 35* à fouil- 
ler dans sa looffueur 

Ce Canal, dans la 
partie cavëi, a be* 
soin d*étre chargée 
de 3* dans sa long.' 

En général tous 
ces canaui ne sont 
pas navigables. Ijcs 
plus avancés ont be- 
soin de 4 pdles de 
fouille. 

Il faut décharger 
tous les bords, de b 
vase qui j a été a- 
moncelée et qui les 
fatigue. 

J'y ai fait travail- 
ler cet hiver de 1 833 
à 1833. 

Il faut làire toutes 
les digues intérieu- 
res. 



Les nègres loués i 3 francs par jour, pour aider les nègres de 
l'habitation à creuser ces canaux , ont coûté , Savoir : 

En 1820 10,743 

182 1 . 4»3^7 18,073 fr« total. 

i8a3 3,oo3 , 

Deux anciens rnwxyiiis coffres tle dessédiement 
ont été remplacés par trois neufs, qui ont coûté 
ensemble 6,644 francs. 



5fkG ItfiMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS. 

i8ao, Je renvoie à dire, au chapitre des bâtisses, 

1833. ce qu'ont coûté celles de Tilsit, jusqu'à ce jour. 

J'avais soumis le projet de cette sucrerie nou- 
velle au Ministre. 

S. Exe. avait semblé l'accepter et me le con- 
seiller. Dans la réflexion , elle craignit ensuite la 
dépense. Elle décida , après un an de silence, qu'il 
y fallait renoncer. 

Je me repentis d'avoir entrepris. Il y en avait 
pourtant alors trop de fait pour reculer. 

Le gouvernement ne saurait donner à cette 
propriété d'autre emploi utile, et son exemple 
comme son assistance me semblait nécessaire au 
canal de Torçjr, berceau infaillible de la pros- 
périté et de la richesse Guyanaises. Si le gou- 
vernement répugne à ces dépenses et à ces em- 
barras, il ne lui reste d'autre parti à prendre 
que de vendre cette habitation. Je l'ai constam- 
ment déclaré. 

Pour moi, plein de ma première idée, je me 
ralentis sans me rebuter. Je n'y ai plus enfoncé 
de grosses sommes. Je me suis contenté d'entre- 
tenir petitement l'exécution des plans et princi- 
palement l'ouverture des canaux. 

On a continué de planter des cannes à sucre. 
J'avais malheureusement de mauvais régisseurs 
et une partie de leur travail a été perdu. Je suis 
convenu avec M.Ronmy, liabitant voisin , à qui 
le Roi avance un moulin à vapeur , qu'il roule- 
rait nos cannes et qu'il en fabriquerait le sucre 



UYRB 6. ( i8ao. — i8a3.) 617 

^ le tafia , au tiers du produit pour lui , et aux i8ao, 
deux-tiers restans pour l'Etat; comme cependant ^g^s^ 
il y avait 2,400 toises ou quatre carrés de cannes 
déjà mûres, et que le moulin de M. Ronmy 
n'était pas encore monté , nous avons eu recours 
au moulin de M. Dejean , et j'ai eu le plaisir 
de voir nos cannes produire une douzaine de 
boucauds de sucre de première qualité. 

Le nombre de nègres s'est élevé àXibit, sous 
moi, de 70 à 117. 

J'avais osé imaginer d'engager à temps a5o 
nègres pour un prix convenu , sous condition 
de pleine liberté au bout de i3 ans de service, 
pendant lesquels ils formeraient deux compagnies 
de Pionniers , régulièrement organisées et sol- 
dées , pour les attacher à la culture. J'entendais 
essayer avec eux d'un régime particulier. 

Je m'étais figuré faire une chose également 
avantageuse à la France et aux colonies. Je ne 
me dissimulais pas que le gouvernement par lui- 
même ne pourrait la tenter; mais je croyais que 
je le pourrais sous ma responsabilité, sauf à lui 
de me désavouer au besoin. Je me persuadai 
même qu'un peu de généreuse audace me serait 
pardonnée à cause de la pureté d'intention. Je 
m'aventurai jusqu'à charger la frégate la Zélée 
de ma commission. 

Il était clair que cette expédition ou me fe« 
rait honneur ou me perdrait. Cela dépendait 
des événemens. Il fallait qu'ils la favorisassent. 
Ib Font contrariée. 



5a8 MEMOIRES SUR MA YIR , A MON FILS. 

i8ao. Je me bercerai toute la vie du rêve qu'elle 

1833. pouvait avoir les résultats les plus prospères. 

En dernière analyse , il me semble que Tilsit 
peut raisonnablement être soutenu dans le rolc 
étroit auquel je l'ai réduit. 

L'atelier contient : 
20 nègres de pelle. 
3o nègres ou négresses de Houe. 

Il serait insuffisant pour faire valoir ce vaste 
domaine dans toute son étendue. 

Mais n'en cultivez en cannes à sucre que la 
moitié , ou l'ancienne habitation de Tilsit , et 
consacrez à une bananerie et k une belle savane 
pour une ménagerie , l'autre moitié ou l'ancienne 
liabitation Cavai. 

Employez la charrue et le sarcloir. Ne dé^ 
tournez pas les nègres. Donnez votre confiance 
à l'habile régisseur actuel , M. Prosper Thibault , 
que je regarde comme une précieuse acquisition » 
à la suite surtout des mauvais cultivateurs qui 
se sont succédés malgré moi , sur cet établisse- 
ment pendant trois ans. 

Finissez de fouiller ses canaux. 

Achevez les bâtimens. Ayez un moulin à va- 
peur de force de huit chevaux : je n'eusse pas 
eu de repos que je ne l'eusse obtenu. 

Soyez sûr. que vous ferez ensuite 35o à 400 
milliers de beau sucre par an, ci. i5o à iao,ooor 

a5o barriques environ de mé- 
lasse, ci 5o à 55,000*^ 

Ensemble i55 à 176,000^ 



LivEE 6. ( i8ao. — 1823.) Sag 

Le Roi possédera ainsi une bonne habitation, 1810, 
pour laquelle je ne lui suppose , dans ces calculs, ,3^5, 
d'autres moyens d'exploitation que ceux qu'elle 
a : ce serait à mon avis une folie que de l'aban- 
donner. 

Mais son utilité vraiment Royale et la plus 
digne de la considération du gouvernement, c'est 
qu'à sa conservation et à son activité tient le sort 
du canal de Torcy. 

Du reste , énonçons avec précision que : 
Le pont du Havre est fini ; 
La case du Régisseur y livrée et habitée; 
hes fondations de la sucrerie ^ commencées; 
Celles de la case à Bagasse , terminées ; 
L *approifisionnement des bois de grillage , com- 
plet; 
Celui des bois de construction , avancé ; 
Treize des ao cases à nègres, couvertes et les 

sept autres en état d'être montées. 
Vétat général des construction , qui sera in- 
séré vers la fin de cet écrit , dira ce que celles 
deTilsit ont coûté. 
Quatre embarcations y sont attachées. 
L'inventaire estimatif de i8aa évalue cette ha- 
bitation à 273,5i5 fr. 

Baduel. 

Baduel fut originairement destiné à cultiver 

des vivres pour la subsistance des n^^res du Roi. 

Il devint plus tard la pépimere des plantes 



53o MÉMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS. 

i8ao, exotiques àépices qu'on introduisait dans la co- 
1 8a5. lonie. Les premières souches de girofliers, si abou- 
dans aujourd'hui , en sont sorties. Il en reste 
encore 35o pieds : ils forment avec 80 cafiers 
et aoo caneliers la fortune de ce domaine. Le 
sol est maigre, crayeux et stérile* 

Ce lieu n'est d'ailleurs recommandable que par 
une fontaine d'excellente eau , la seule de pareille 
qualité qu'on connaisse k Cayenne et dans les 
environs. 

Elle remplit , non loin de sa source, un étang 
que j'y ai pratiqué pour les Goraniis venus de 
de nie de Bourbon. Us avaient été déposés pro- 
visoirement dans un des fossés de ce jardin. Je 
les transportai à l'étang en iSai.Ils'en trouva 
alors dix-huit de grands et du frais en bonne 
quantité. Ils sont bien placés et réussissent. 

Deux Carbets-hôpitaux pour des esclaves ont 
été élevés, par mon ordre , à Baduel : l'un pour 
les hommes, l'autre pour les femmes. Un officier 
de santé y est attaché. 

Mon intention fut d'assurer aux ateliers du 
Roi les secours que l'humanité et une économie 
éclairée sollicitait en leur faveur dans leurs ma- 
ladies graves. 

U s'est manifesté cet inconvénient qu'ils y sé- 
journent trop et qu'ils répugnent en roéme-tems 
à entrer dans ce foyer de souffrances et de mort : 
mais n'en est-il pas de même des hospices des 
blancs? 



Montjoly. 
V^ï acheté et fondé cette habitation pour les 

HARAS DU ROI. 

Je reconnus de bonne heure que, sans un sem- 
blable établissement et si je m'en remettais aux 
soins des habitans , la propagation des bonnes 
races de chevaux , dans la situation actuelle de 
la colonie, n'y réussirait pas. Les propriétaires 
cultivateurs n'y sont pas assez aisés pour y avoir 
de ces goûts et s'y livrer à de ces occupations 
de luxe. 

J'acquis donc, en mai iSai , l'iiabitation. J'y 
instalbi , trois mois après , les étalons et jumens 
venus du Sénégal; et, en octobre ou novembre 



à 

1835. 



LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 53i 

Les esclaves invalides sont réunis ici de pré* 1810 , 
férence. 

Il y avait en mars 1823, savoir : 
i3 nègres, 
5 négresses, 
8 négrillons, 
a négrittes, 

37 I '^ "^'**' I invaUde». 
( ai négresses, ) 

65 Total. 

Cette habitation a été évaluée en 1811, 
ci 56,907 fr. 



53s MiMOÎRES SUR MA TIE , A MON FILS. 

1^90» suivant, ceux que j'avais envoyé acheter en 
i8a5. Virginie. 

La propriété, avec ses nègres et bestiaux, re- 
présentait un capital de ii3,o88fr., comme je 
le marquai au ministre. 

Les taureaux et vaches ont peine à s'y subs- 
tanter pendant la saison de la sécheresse. 11 en 
a péri sept têtes Tété dernier ; vingt faisaient 
le premier fonds de cette ménagerie, quand on 
Tacheta. 

Deux taureaux et une vache du Sénégal y ont 
été mis. 

Le croît y est de f ^ ^^"^ ' 1 Total i3. 
( lo génisses.) 

J'avais résolu de partager ce troupeau eutro 
Tiisit et la ménagerie de Matoury , que j'ai ré- 
tablie depuis que le port de la Crique-FouUlée 
a été reconstruit et depuis qu'il facilite les com- 
munications avec l'île. Mais par réflexion , j'ai 
cru préférable de faire passer dernièrement , au 
nombre de lo têtes, le beau taureau d'Afrique, 
qui nous restait avec la vache de même origine 
et quelques autres vadies à Tiisit, où il y a de 
gras herbages. Ce bétail s'y restaurera. Ten ai 
pour garant l'exemple des habitations voisines. 

Le surplus de ce bétail sera envoyé i Matoury, 
dès que les avenues du pont auront été rendues 
praticables. Deux taureaux d'Afrique , placés 
d'abord k Baduel , et parmi lesquels il y en a un 
superbe, ont recommencé, avec 17 autres têtes. 



uvRE 6. ( i8ao. — 1823. ) 533 

le noyau de cette ménagerie de Matoury. Mon i^ao , 
dessein était de ne conserver près de la ville , ,8a3. 
que quelques vaches laitières. I..es pâturages y 
sont arides pendant la sécheresse et maigres 
toute Tannée. Le voisinage de la ville , malgré 
les gardiens , expose aussi à des plaintes conti- 
nuelles sur les ravages que ces animaux causent 
en s'échappant de côté et d'autre. 
Montjoly a aussi de plus : 

9 brebis , 

a béliers y 

II ensemble. 
7 fruits mâles et femelles, 

18 total d'espèces choisies, dont 

7 têtes sont venues d'Afrique. 
6 dito de Marie-Galante. 

J^es produits ont été réservés à la reproduc- 
tion par les naissances et les croisemens. 

Mon dessein était d'en répandre les mâles dans 
les troupeaux des habitans. 

Avant que nous fussions eu possession de 
Mont-Joly, nous avions pourvu, durant deux 
ans , aux fourrages des chevaux du train , moyen- 
nant un mardié à 3 francs par monture. Nous 
en avons 16, ce qui donne 17,520 fr. par an. 
Mont-Joly y suffît depuis septembre dernier par 
ses récoltes et y suffira constamment ; d'où ré- 
sulte l'épargne de cette dépense. 



3 sont pleines 
iO{ î du Sëni^l , ^ Jumens^ dont] et 

5 près de mettre bas. 



tnie. 



534 MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS. 

1830 , Quant au haras , il se compose aujourd'hui de 

!7 de Virginie y 
I du Sën^l » 
3 du Pani^ 

-J 3 poulains» \ ^^ a^ t ' jument de Virginie 

'I 1 pouUche , J né* de j ^ ^.^^ ^^ ^^^ 

^ 3 taureaux , 1 è boase» jeunes» de Bfadagascar, dé- 

^ 3 Taches » | poses en ce lieu , ces jours derniers , 

pour les adimater avec soin. Je les 
aurais, dans un ou deux mois, réunis 
à la ménagerie de Tilsit, où réussb- 
sent des taureaux du Sénégal. 

Il y a 40 nègres dans latelier, sans y compter 
4 négrillons à la mamelle et la famille du com- 
mandeur. 

Un palefrenier blanc, détaché du bataillon, 
est à la tête des écuries. 

L'inventaire estimatif de 1 82a a évalué Mont« 
Joly à 160,394 fr. 

Je m'applaudissais , sous tous les points de 
vue , d'avoir créé cet établissement intéressant. 
Il assurait à la Guyanne une belle race de che- 
vaux. 

Il ne faut pas se dissimuler qu'il ouvre aussi 
la porte à de nombreux et faciles abus. Six mois 
do négligence peuvent le ruiner. Mais , avec une 
surveillance attentive, qui tournera en un agréa- 
ble amusement , ce lieu rendra le bien que j'en 
ai espéré. 



LIVRE G. ( i8ao. — i8a3. ) 535 

Je désirais vivement introduire aussi dans le 1820, 
pays la propagation des mulets ; ils ne sont pas ^3^5 
moins nécessaires à la culture qu'aux manufac- 
tures. On les verse du dehors et ou les vend à 
chers deniers. Je fus trompé, en iSao, dans 
Tachât de 7 baudets , qu'on me vendit pour des 
baudets étalons de la Plata et qui étaient bis- 
tournés. Je donnai mission à la Zélée d'en aller 
chercher à Mascate. Elle partit le a.i octobre i8ai 
et fut de retour à -Cayenne le a5 février i8a3, 
amenant 

a. baudets, j j^^ 
9 ânesses, ) 

Je plaçai deux baudets et toutes lès ânesses 
dans les établissemens du Roi à Mont-Joly^ Tilsit^ 
la Gabrielle et Matoury. 

Je distribuai i4 baudets à des habitans pro- 
priétaires-cultivateurs, qui me parurent en situa- 
tion d'en propager la race daiis les quartiers de 
Remire 9 du Tour-de-Vile^ de Rovra^ de Tonne- 
grande , du Montsineri , de Maœuria et de 
Kourou. 

Je projetai de faire venir ultérieurement 60 
grandes jumens d'origine Andalouse, de Buenos- 
Ayres. 

Tant que la colonie ne possédera que le peu 
de jumens de petite espèce qui y sont, le ser- 
vice que j'ai voulu lui rendre , courra risque de 
toumer à pure perte. 

En somme j il a été introduit à la Guyanne, 



iSlOy 

à 

iSi3. 



536 MEMOIRES SDR Uk VIR, A MON FILS. 

en dix fois difTérentes , pendant la durée de mou 
gouveraemeni, savoir : 





• 


1 

• 


r 


{ 


n 


1 


i 
1 


1 


T 


Nombre de léttt. 


13 


i6 


7 


99 


33 


9 


e 


8 


lO 


Totaux ptr espèce». 


3S 

siwiBAt. 


io6 


4a 


6 


i8 

















Chantiers ilu Roi , À ï Or a pu. 

Ces chantiers d^exploilation de bois de cons- 
truction languissaient à Nancibo , sur les bords 
de la rivière de la Comté, entièrement épuisés. 

D'autres causes encore en tarissaient les pro- 
duits pour FEtat 

Je chargeai une commission spéciale d'aller 
reconnaître la rivière de TOrapu et ses rivages. 

Cest là que j'ordonnai ensuite la transplan- 
tation de Tatelier Royal de Nancibo. 

La première année fut presque perdue en tra- 
vaux de nouvelle installation. On en recueillit les 
fruits en i8ai. Ce chantier est en plein rapport. 
Son produit annuel peut s'estimer pauvrement 
à 48«ooo fr. U li'a rendu, année commune, dans 
ces derniers temps , que 3o,ooo fr. Mais il faut 
remarquer que 1819 et 1820 ont été dissipés en 
déroénagemens et emménap:emen5;. 



uvRB 6. ( 182a. — i8a3. ) 537 

Son T^isseur, le contre-maître de marine, le i^o, 
sieur Breton , le conduit à merreilles : c'est jus- ,8a5. 
qu'à présent , le meilleur chef que nous ayons 
eu. Je lui ai donné, dans son vérificateur des 
tâches, un excellent second , le sieur Clairon, 
parvenu au terme de sa libération comme gre- 
nadier du bataillon. 

Cet établissement des chantiers n'a jamais été 
plus florissant. 
On compte : 

10 n^;r6s employés aux transports des bois , 
a4 écarrisseurs, scieurs de long et manouvriers, 
4 ouvriers détachés à la Mana , 
9 n^ers, 
7 enfuis. 

54 i ndividus , qui sont en général des nègres 
de choix, pour lesquels on a toujours 
usé de ménagemens et de iaveurs. 

Ils fournissent les meilleurs guides pour la 
guerre des bois, contre les nègres Marrons. 

Sept d'entr'eux sont décorés de la Médaille, 
la première des distinctions, après celle de Xaf- 
franchissement. 

Outre les rations qui leur sont fournies eu 
nature, du magasin du Roi, leurs cultures 11e 
les laissent manquer ni de manioc, ni de ba- 
nanes, ni d'ignames. 

Le chantier de l'Orapu a été estimé , en 1822 , 
€!•••«••••• 1 19,100 fr. 



538 MEMOIRES SUR Mil VIE, A MON FILS. 

jSaOy 
à 

iSi5. Briqueterie de Mapéribo. 

Une petite briqueterie sise sur la' rive gauche 
de la crique de Racamont ou du canal de lu 
Gabrielle , était inaccessible faute dTeau pour na- 
viguer, pendant les plus beaux mois de Tannée. 
Des marins de Féquipage de la Loire, que j'en- 
voyai, en octobre 1819, y chercher des briques^ 
en revinrent tous pris de fièvres, et deux en 
moururent 

Je résolus àfi transporter en lieu plus favora- 
ble une manufacture dont nous éprouvions, cha- 
que jour de Tannée le besoin, et j'arrêtai de 
l'établir sur une plus grande échelle. 

Mapéribo fut choisi , à 3 ou 4 lieues de la 
rivière de Mont-Sineri , abordable à des embar- 
cations de 10 à la pieds de tirant d'eau. L'ai^ile 
y est d'une qualité admirable. Une superbe sé- 
cherie , dont la charpente toute faite et prove- 
nant des Portugais , était déposée au chantier 
des constructions de la marine, y a été levée. 
La case du r^isseur y a été transportée de l'an- 
cienne briqueterie de la Gabrielle. Le local re- 
cevra rétablissement de deux fours : l'un fait son 
service depuis plus de deux ans ; mais le toit 
pour lequel on avait essayé de la méthode de 
Philibert-Delorme , s*est effondré et n'est que 
provisoirement remplacé. Le second four est resté 
en projet. Le premier même a besoin de répa- 



LIVRE 6. (i8ao. — i8a3.) 539 

rations essentielles. Néanmoins il fournissait jus- iSio, 
qu'à 5o milliers de briques par mois. Les deux ^g^^ 
fours étaient calculés pour en donner ensemble 
au moins 1200 milliers par an, en tenant compte 
des chaumages accidentels auxquels ces sortes 
de manufactures sont sujettes. Ce nombre s^ac- 
croitrait considérablement, si on y appliquait un 
moulin à pétrir la terre ^ qui est d'un mécanisme 
fort simple et dont j'étais d'accord, avec M. 
Touniié , qu'il s'occuperait à mon premier avis. 
Lé toit aurait été remonté si nous n'avions 
manqué de fer. 

Cette briqueterie était nécessaire. 

Elle prospérait déjà , avant que je quittasse 
l'administration , et n'avait plus besoin que de 
quelques améliorations faciles. 

Son atelier était composé de 

3 Chinois de l'expédition Philibert : il y en 
avait 4; 'un est mort ; 

9 Midgaches envoyés de Bourbon à cette co- 
lonie par M. Milius ; 
If nègres \ 

9 négresses \ 

I négrillon \ 

33 individus. 

11 y a trois bonnes embarcations. 
L'inventaire estimatif de 1822 évalue cette 
briqueterie à« « io6,i4C fr. 



54o llâHOlRB» SUR MA TIE, A MON FILS. 

*^J® » Ménageries . 

i8a3. Le croit constitue tout le produit des mena*- 

geries : elles rendent d'ordinaire dix pour cent« 

Passons-les en revue : 

Ménagerie de Lévis. — Elle paraît appartenir 
à la famille de Lévis^ à laquelle la possession en 
a été ravie pendant la révolution. 

Je Tai expliqué au Minîstare dans ma lettre du 
i8 mai i8aa« 

Les héritiers la revendiquent en vertu de la 
loi du 5 décembre i8i4 

Une formalité doit précéder l'application de 
cette loi à la Guyanne , c'est que le Ministre y 
en ait auparavant formellement ordonné la pu- 
blication. Tant qu'dle n'y a pas eu lieu , il nous 
est interdit de nous permettre, sous nul pré- 
texte , d'y exécuter aucune nouvelle loi. 

Cette ménagerie est tenue à Cheptel. 

L'inventaire estimatif de 182a, porte sa va- 
leur à f 3,a5o fr. 

Ménagerie de Santé. — Cette ménagerie est 
à Sinamary. Il y avait i36 têtes en 1820. Elle 
a été affaible depuis de 

ao têtes pour fonder celle de Passoura; 

19 d.® fournies à Laussadeiphie ; 

II d.® envoyées à Cayenne, pour y être 
employées au labourage. 

5o total. 



Elle ne possède plus que 90 têtes. Elle est 
estimée 7,860 fr. 



uvRi 6. ( 1820. — i8a3.) 541 

Ménagerie de Passoura. — Celteu paraissant iSao,* 
singulièrement propre à une nfénagerie , j'y trans- ^^^ 

portai du bétail de la Maison de Santé. Joignons 
à ce bétail de Passoura celui de Laussadelphie^ 
qui en est voisin^ et nous y compterons: 
3i têtes, 
I étalon, 



. du Para. 
I jument, 

Elle est estimée 5,194 ^* 



Ménagerie de Baioaii ou Barhupi. — Elle 
doit son origine à Fenvie que j'avais de propager 
dans ce pays les chevaux en pleine liberté, comme 
ils ont été propagés dans les campagnes de Bue- 
nos-Ayres et du Paraguay. On m'assura que cette 
partie du quartier de Macouria y était éminem- 
ment propre et je la fis visiter. 

J'y jetai d'abord une vingtaine de jumens, 
avec un baudet et plus tard un étalon. 

Il n'a survécu que l'étalon et 5 jumens qui 
étaient pleines et dont 4 ont avorté par défaut 
de soins. 
J'y jetai ensuite. 

D'abord 45 têtes de bétail, qui me furent 
cédées à un prix assez raisonnable en 
paiement d'une créance sur M. Mille ; 
Ensuite 6 génisses , acceptées par arrange- 
ment, en acquittement d'une taxe d'af- 
franchissement. 
L'estimation de Matouti est montée, à la fin 
de i8aa, à 8,i36 fr. 



54a MEMOIRES SUR MA. VI£ , MON FILS. 

i83o, Ménageries de Sinatnari. — Ces ménageries 

i8a3 ^^'^^ très-loin cle*Cayenne. On en reçoit rare* 
ment des rapports. Le local n*y est pas propre à 
élever des chevaux. Cette considération fut prin- 
cipalement celle qui me détermina à fonder la 
ménagerie de Matouti. S'il est possible que, nulle 
part dans ce pays , la production des chevaux et 
des mulets à l'abandon , en plein air réussisse , 
ce sera de préférence dans ces campagnes de Ma- 
couria. Taurais désiré avoir de bonnes souches 
k y répandre , au risque d'en perdre plusieurs par 
Tacclimatement Ces sortes d'entreprises n'ont 
de succès qu'à la longue et à force de bazarder. 

Je ne m'étais pas dissimulé qu'à une si grande 
distance les ménageries ^au-dessous du vent 
avaient besoin d'être surveillées. Des nègres pas- 
teurs ne méritent point de confiance. Je crus la 
bien placer en nommant pour leur régisseur le 
sieur Négrier, ancien aspirant de marine, retiré 
à Kourou. Je sais qu'il touchait exa.ctement le 
traitement que je lui assignai. C'est à-peu-près 
tout ce qui m'en était connu. 

En un mot, ces établissemens allaient mal. 
Ménageries de Baduel y Montjoli y Tilsii et 
Maiouri. — Je réunis ces quatre ménageries en 
un seul article : j'avais décidé d'en réunir ainsi 
la presque totalité des têtes à Matouri. 

Tai parlé séparément de chacune d'elles en 
parlant des habitations entre lesquelles elU» 
étaient divisées. 



ixvAE 6. ( i8ao. — i8a3.) 543 

En un mot, il y en avait; i8aO| 

28 têtes àMontjoli, dont 10 avaient passé a ^g^^ 

Tilsit , et les autres à Matouri ; 
54 têtes à Baduel, qui avaient été réduites 
à 3o par les translations faites à Matouri , 
et je me proposais de continuer ces trans- 
lations jusqu a ce qu'il ne restât plus que 
10 vaches et 1 taureau : les pâturages 

de Baduel ne comportent que ce nombre. 

8a têtes subissaient , au commencement de 

i8!i3, cette nouvelle distribution. 
Terminons cet article des finances par quel- 
ques aperçus relatifs au période de mon gouver- 
nement. 

Ije tableau des recettes et des dépenses des 
deniers du Roi comprend , en me cx>nformant 
aux divisions ordinaires des comptabilités, a4 
jours de juillet 18 19, qui appartenaient it mon pré- 
décesseur. 

Bestanten caisse au i.*' juillet 1819,01. 566,187'' 49* 
ReceUes Senvoîs éCespèces du trésor 

rojralf de contributions coloniales et 

de revenus domaniaux depuis le i." 

juillet 181g jusqu'au 3t décembre 

1822,01 3,758,176 i4 

Ensemble ^yZ^^.lfiZ^ 63« 

Dépenses au oompte du trésor de la 
oolonic; durant le niômc cs|>acc de 
^«np« 4,129,693 07 

Kesiant des deniers du Boi^ en oaissc 
aa 12 mars 1823 , ci >94»77^' 56* 



544 MEMOIRES SUR MA. VIE, A MON FILS. 

i8ao, Là ne sont pas comprises les dépenses en 

i8a3 vivres et approvisionnemens envoyés de France y 
qui s'élèvent à , Savoir : 

YÎTret 47^>094'#88« 

ApproTisionnement 5^,8i5 60 



Total •••. 996^910'' 4^* 

Ajoutons : 

• La caisse des libertés ou affranchissemens , dont 
il ëUit compte sëparëment et qai Remployait en 
dépenses d'intérêt pnrement local : elle a rendit 
en 18191 i8ao^ i8ai| 183a et janTÎer 1833, 

ci 761 377' 4^* 

Il en a été dépensé a4y5i5 81 



Reste en caisse « . • . 5i,86i' 58* 

Elle a été réanie^ le ^4 janTÎer i8a3, an trésor 
colonial du Roi, section des droits domaniaux, 
et elle est comprise dans Ven caisse actuel. 

9.* La caisse de la Curatelle , qui n*est qu*an dépôt 
dont les deniers appartiennent aux absens et dont 

la recette s'élèf e 4 i44»4^9' ^* 

\9l dépense k t 96^726 77 

Reste en caisse . • • 47>70^' 8a« 

L'en caisse da trésor da Roi comme 

ci-dessns i94>770 ^ 

3.* La caisse des invalides et des gens 

de mer 78,266 16 

Total réel de IVit caisse da la 

mars 1828 , ci 320,739' 64* 



uvRE 6. (i8ao. — i8i3.) 545 

Présentons maintenant la situation des fonds 1810 , 
spÉaArx dont l'emploi m'a été confié : ils font ^^^^ 
partie sans doute des sommes des recettes et 
DÉPENSES DU trésor ; mais j'en dois un compte 
particulier. 

i.^ Crédit extraordinaire, en 1810, de. . . . 5oo,ooofr. 



Ils furent distribues comme il sait : 

1 .• ExPLOBATioN , 119^91' 5ia« 

Commission d'exploration : \ 

En France 11,098'' 67* 

A Cajenne 86,595 68 



Ensemble ^ifioi^ 35« 

CAt^s de la Mana, triTanz 

et paquebot 81^175^ 65«/ 

A employer encore 

2.* Atelibi Hon ia5,ooo^ oo« 

Nègres achetés k diTcrs, 

ci 35,38if ga» 

De V Aurore , 
( Lesage et 
Franconie.) 74f8^ 49 

Ensemble. ••• — — . _ 110,111' 4'* 

N. B. Ces nègres ont coûté i3o,ooo'» 
mais 58,857' 36« étaient pajés par com- 
pensation en i8ig. 

3.* Achats d'Aviu/.vx 60,000' oo« 1 

Animaux achetés. . . . 



' 118,870' oo« 



611' aa« 



14,788 59 



...60,000' oo«I 

...57,611 93 j 



2,388 08 



À reporter *7,798' 96* 



Em 
ploi. 



5/iG UiHOIBES 8UB MA. VIE, A MON FILS. 

Report >7>798' 9^* 

DÊFaicHcuM Amkaicaihs {sei* 

tiers) 58,ii8f 88« 

I AiWuseat , qui a à^ ltr« pay^ \ 
ftrUMiaittra, ei.i3y39sr77 1 

AlaGv»««>«mir: Us.oaS T^l 

Perto...!.. k^tok ( ' ^ 

llatM«l...i9,6gBr94 j 

RetUni 4 employer.. ao^ogS i3 

5.« MouLias A TArevm four sucRt , 4 ttire tl*aTancc k deux 
babiunt, qai cleTaieni la rembourter le i.«' ayril 1824, 
el poar laquelle il aTail été d'abord ealcalë qu'il suf- 

fiiailde... 66,000' oo« 

Mais dont le prix réel s'eit ëlevë ,a?ec les 
acceftoires , â aa excédant de 4 ■^7<* 9^ 

Total à rccouTrcr , ci 97*^70*^ 9®* 



RÉCAPITULATION DES FONDS SPÉCIADJT , 
Qui apaieni été accordés ^ wec destinations particulières. 

Exploration 12S37®' oo* 

Kecres 1 "«f*t » 4« 

AcnATH d'Ahimaux 57,61 1 9a 

DÉFRICHEURS AMERlGAIflS 38,0^5 '}S 

Ensemble 334>7i9' o8« 

MOULIRS A TAPEUR 97,870 90 

ToUl 43^,589' 98* 

Reste disponible 67,410 o^ 

Total Ae^ fonds spéciaux .•••• » 5oo,ooo' 

Sur ce resuntde 67,410' ov 

Le Ministre a réserré en France pour 
faire retour au trésor royal 71 ,388 88 

11 dcTait rerenir 4 la colonie. • . . 3,978^ 88' 



LivBR 6. ( 1820. — i8a3. ) 547 

a.^ CbAdit spiciAL podr les constudctioiis 

]>ES CASERNES, ci • . 3oo,ooo fr. 

Casernes , 
yiôpital ftlilUaire , 
Débarcadaîre , 
Sdclierie de la Gabrielle. 
Les cinq premiers ouvrages dari ci-après section i .'• « 
constructions nouvelles , montreront qu*il a ëld cm- 

plovd sur ces 3oo>ooo' oo« 

la somme de i€2|8i5' 19 

Il en reste par consëqueni de disponibles, ci. i37»i84'' 71* 
AaT. 9. — APPROVISIONNEMENS. '"~ ' ~ ' 

Les seuls approvisionneinens , dont il soit ici 
question , sont ceux des bois i>r consTRUcnoir , ArfBovisioifif»i 
qui se font sur les lieux, tandis que ceux du 
MAGASIN GÉRihiAL sout cnvoyés cliaque année de 
France. 

J'ai ranimé le commerce des bois. Il avait cessé 
d'exister par des circonstances particulières. Il 
est maintenant dans une extrême activité. I^ 
gouvernement a fait marché pour d'assez gran- 
des entreprises : elles sont en pleine exécution 
Voici Xétat des bois , qui sont maintenant en 
magasin pour les constructions : 



MBNS. 



DESTINATION. 


NOMBAB 

de 
pièces 
del)ois. 


lif 


LONOOBOB 

ensemble. 


VALEUR. 


Xt^ combles des casernes 2.« qualité.. 
Débarfîadaire. . . , . , 


ii5 
40, 
i56 


o,i65 
o,aio 
0,165 


81686 

3,998 00 
i,i63 10 


6,578' i4- 
19,531 08 
11,114 a6 


, 


1 TOTAOI 


65i 




5,388 06 


48,114' 4«'j 





548 MiMOIRFS SUR MA VIE, A MOU FILS. 

i8ao, Il est un autre article d'approvisionnemens à 

1895. ^^^ ^^^ ^^ lieux, qui est susceptible d^une 
épargne considérable : c'est celui de la farine 
de Manioc , dont les rationnaires du Roi con- 
somment annuellement pour plus de 60 mille 
francs, et quoique beaucoup de ces rationnaires, 
tels que les chasseurs et les hommes du train 
eussent été mis cette année au pain de froment, 
comme le soldat , il ne devait pas se dépenser 
encore moins de SoyOOO fr. àe farine de Manioc. 
A mon arrivée , nous en achetions la quantité 
à-peu-près entière. Tai tant tourmenté , que la 
culture en a été fort étendue à la Gabrielle. Elle 
y était , Tannée de mon rappel , de 70 carrés. 
Mais il serait impérieusement besoin d'un moulin 
à grager semblable à ceux avec lesquels on grage 
en France la betteraife pour la fabrication du 
sucre. Je l'avais demandé et redemandé au Mi- 
nistre. Je courais , depuis deux ou trois ans , 
après cette économie. Il n'y en a, ce me semble , 
ni de plus aisée, ni de mieux entendue. 

ÂAT. 10. — POPULATION. 

porvLATioif. Dressons-en le tableau ahiiuel depuis 1819. 



UYRE 6. ( iSao. — i8a3. ) 549 



^ 


1819. 


1890^ 

25l. 


ini. 


un. 

5i5. 
3«o. 
a33. 


Hommes 

Femmes 

BLANCS. . . . Enfans. ..... 

Totaux. . . 


446. 


465. 
a85. 

a47- 


989- 


1,004. 


997- 


i,o48. 


/Hommes. ... 
r*i7itfc ^ 1 Femmes. ... 
GENS D. cou. Enfans 

LBUB,LU1ESJ 


456. 
704. 
538. 


639. 


g: 


499- 


\ Totaux... 


.,698. 


1,733. 


1,630. 


1,852. 


Hommes. .... 
Femmes. . . . 

ESCLAVES.. £S^-i^: 


5,.59. 

3,091. 
899- 


4>>o3. 
3,781. 
1,010. 


4.94»- 
4,019. 

a,8io. 
1,193. 


5M^. 
4,14^. 
3,154. 
1,006. 


Totaux... 
/Hommes. .... 


13^369. 


i3,i53. 


«^,964. 


13,549. 








227. 

a3i. 
a45. 


Femmes 


INDIENS. .. Enfuu ,.... 








TOTAVX 


703. 




. TOTAir 


X. 


COMPABAl 


SON p/m 




PoPOLATIOH TOTALE 


1810. 

i6,o56. 


iSSO. 

15,890. 


18SI. 

i5,38i. 


ion. 

i6^4g- 
703. 


Ihoius. 












17,152. 



55o M^OIRES SUR BfA VIR , A MON FIM. 



J 



iHio» La source importante de |K>pulatioti coloniale , 

i8a3. ^^^ ^^ noirs, est tarie par Tabolition de la 
traite. 

Rassurons-nous, k cette réflexion très-juste, 
qu'avec un bon et paternel régime , la popula- 
tion noire multipliera par elle-même dans une 
une progression rapide. Suivant le tableau qui 
précède, elle aurait augmenté de 1819 à iSaa, 
pour les esclaves , de près de aoo âmes. Le 
recensement de i8aa fut fait, il est vrai, avec 
une exactitude plus qu'ordinaire. Il y avait eu 
d'ailleurs, et Ton n'en peut douter, plusieurs 
introductions frauduleuses de nègres de traite. 
Aussi , je crois que , malgré le redoublement de 
soins , ce dernier dénombrement est encore resté 
au-dessous de la réalité , tant les habitans font 
d'efforts pour échapper à ces sortes de vérifica- 
tions. J'estime enfin {^population des esclai^es de 
plus de 1 5,000 âmes. 

Quant à la population blanche y des projets 
nombreux tendant à l'augmenter, ont occupé 
sérieusement le gouvernement en 1818 , 18 19, 
i8ao et i8ai : trois seuls ont été suivisd'efiets, 
celui des Chinois , celui de Passoura et celui de 
la Mana. 

I.* Chinois. 

Le Ministre confia à M. le capitaine de vais- 
seau Philibert, en 1818, une expédition dans 
l'Inde , pour en transporter des Chinois à la 
Gtiyanne. L'expédition » touclia , en passant , au 



UVRK 6. ( i8ao. — i8a3.) 55 1 

mois de février 1819, à Cayenne et y déposa un i8ao , 
ingénieur des ponts et chaussées chargé de leur ,9,5, 
préparer un local. Après des recherches faites 
sous les yeux même de M. Philibert, il fut 
arrêté que ces Chinois, k leur arrivée, seraient 
installés sur les rives du grand et du petit Rawa- 
na, dans le quartier de Raw. 

On en était là, quand je débarquai à Cayenne. 
Je pressai plusieurs fois l'ingénieur de s'occuper 
des préparatifs. Il s'en occupa en septembre 1819. 
Ces préparatifs furent retardés et traversés par 
mille difficultés. Mes excitations étaient vaines. 
Cependant, au mois de mars 1810, il fut porté 
sur les lieux un atelier de nègres à loyer. Les 
incommodités du séjour et Fénormité de l'en- 
treprise étaient telles qu'ils désertèrent et se dis- 
sipèrent en fort peu de temps. Il demeura dé- 
montré qu'il serait impossible que cet empla- 
cement fût prêt 

Non loin de li et sur les bords de la rivière 
de Kaw se trouvait une jolie habitation appelée 
YHeimitage , et plantée en rocou , cafés , giro- 
fles, appartenante à un M. Càmpardon, retiré 
en France. Elle était à vendre. Il y avait des bâ- 
timens et des plantations. Je la fis acheter et je 
donnai aussitôt à l'entreprise la construction de 
3o cases nécessaires pour Ic^er 100 à aoo Chinois. 

Yingt-sept seulement mouillèrent en rade de 
Cayenne, le 9 août suivant, à bord du Rhône ^ 
commandé par le capitaine de fr^ate Elie. 



55a MÉMOIRES SUR MA VIE, A MOJ FILS. 

i8ao, li exbtait des engagemens synallagmatiques 

t8a3. entr*eux et le commandant Français. Je m'y con- 
formai avec wie précision scrupuleuse. Je les ins- 
tallai à Vffermiiage , où il y avait seize cases 
de pleinement achevées. C'était plus qu'ils n'en 
avaient besoin. Je leur donnai M. Pastoret^ ha- 
bitant mûr et expérimenté , pour leur patron. 
Ils furent amplement pourvus de tout et nommé- 
ment de vivres. Us mangèrent à plusieurs repri- 
ses, en 1 5 et en lo jours, les provisions d'un 
mois : ils les enlevaient violemment. Dans une 
de ces émeutes , leur capitaine Tem|)eton , es- 
sayant de les rappeler à l'ordre, reçut de Fuii 
d'eux un si rude coup de tête , qu'il fut atterré 
et mourut au bout de cinq ou six jours. Ni 
menaces, ni caresses n'étaient capable de les en- 
gager au travail. Les graines, soit de ris, soit 
de légumes qui leur furent distribuées , ne furent 
point semées. J'imaginai de leur en imposer par la 
crainte, à l'aspect d'un sous-ofBcier et d'un détache- 
ment de gendarmes. Ils prêtèrent quelques minu- 
tes à cette troupe une obéissance passive , puis 
retombèrent promptement dans leur indolence et 
leur oisiveté. Manger, boire ^ dormir et croupir 
dans la misère, rien ne pouvait les tirer de là. 
Ils n'écoutaient même pas un officier de santé , 
et des négresses, que j'avais mis au milieu d'eux 
pour les délivrer de leur vermine et de leurs 
])laies. 
Enfin, après quatorze mois de patience et 



LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3.) 553 

d'essais , en août i8ai , je fis revenir tous ces i8ao, 
vauriens à Cayenne. ig33. 

Us n'étaient plus que 17, sur lesquels encore 
il en mourut a. Us étaient distribués, quand je 
quittai la colonie , comme il suit : 

a à Timprimerie , 

3 à la briqueterie , 

8 au jardin des plantes , à Cayenne , 

a au train d'artillerie. 

i5 total. 

Je leur fixai pour traitement , savoir : 

Un habillement. 68^ 38* 

Une ration journalière de vivres , 
comme elle leur avait été pro- 
mise y o fr. 67 c. , faisant pour 
Tannée. • ^44 54 

Deniers de poche y à 3o c. , idem. 109 5o 

Total par an ^ • l\ii l\% 

Multiplié par o i5 

Ensemble, pour tous. . . 6,336^ 3o* 

Malades, ils seraient reçus à l'hôpital sous re- 
tenue de leurs vivres et de i5 centimes par jour. 

En les suivant , on en tirera quelque parti. 

L'établissement des Chinois à Raw , depuis ses 
commencemens en 1819 jusqu'à sa fin, en i8ai, 
avait coûté 45,8ai' o6* 

IL avait été fait un fonds de 4^9377 fr. pour cet 
objet. 



554 HjbcOIRES SUR MA VIE, K MON FILS. 
1090 , 

i8a3. 2,* Passoura ou Laussadelphie. 

J'avais observé de près pendant mon séjour 
i la Louisanne, ces setilers, ces défricheurs ^ qui, 
au nord de rAmérique, sont comme les troupes 
légères de la civilisation , en avant d'elle de 5o 
à 60 lieues dans les immenses forêts du Nouveau- 
Monde , qui y font métier de commencer de 
grands défrichemens pour les revendre , à des 
cultivateurs déterminés à y fonder des établis- 
semens stables. J'imaginai qu'ils seraient de bons 
modèles à offrir aux Français dans les bois de 
la Guyanne. Je souhaitai avoir six à douze fa- 
milles de cette espèce , composées chacune d'un 
père de famille, de la mère et de trois à quatre 
enfans : le Ministre de la marine m'autorisa à 
m'adresser en son nom à MM. notre Ministre 
plénipotentiaire (Hyde-de-NewilleJ, et notre 
consul général ( Petry ) aux Etats-Unis. Je leur 
écrivis de Paris en mai 1819. Le Ministre de 
la marine m'appuya lui-même directement au- 
près d'eux. 

Texpliquai formellement qu'il me fallait des 
FAMILLES et des £aimilles de laboureurs, am^i- 

CAN SBTTLERS* 

Le consul général M. Petry y mit d'abord un 
appareil foit éloigné de mes vues. Il consulta 
tous les consuk Français d'un bout à l'autre de 
la confédération. Je m'aperçus qu'il n'avait nul- 



LIVRE 6. ( !8ao. — i8a3. ) 555 

lement saisi ma pensée. Tentrai dans de nou- tSao , 
velles et amples explications. ig,5. 

Cependant notre vice-consul à Norfolck, M. 
Buchet-Martigny, à l'instigation du consul général 
à Washington, M. Petry engagea 4 1 individus, 
formant ii familles, et mêles expédia, le 216 
septembre i8ai ^ par le brick américain VOnljr 
Daughter. Mais, au moment d'embarquer, plu- 
sieurs reculèrent. Il en mourut en route. Bref, 
le 18 novembre suivant, il en débarqua sur la 
rive droite du Passoura , ao de sept différentes 
familles. Gnq ou six d'entr'eux étaient des chefii, 
en âge et en état de travailler. 

Je moccupai de tenir toutes les promesses qui 
leur avaient été faites au nom du Roi. Je com- 
mandai de bâtir, sur un plan régulier, six cases 
dans un terrain choisi long-temps d'avance à ce 
dessein. Les immigrans s'y logèrent , et enchan- 
tés de mon accueil, donnèrent eux-mêmes à ce 
lieu le nom de Laussaxielphie. Le directeur de 
l'intérieur et du domaine , M. de Lagotellerie , 
alla les y recevoir et les y installer. 

Je livrai i3 têtes des ménageries du Roi , tant 
pour le labour que pour le nourrissage. Je don- 
nai trois différentes charrues. Je réglai , sur le 
pied Anglais, toutes les rations à fournir, pen- 
dant un an. 

Mais je ne tardai pas à connaître que nous 
placions mal nos bienfaits. Ce n'est pas des ra- 
vages du climat que je me serais plaint. Us en 



556 MiMontES sub ma tib, a mon fils. 

1890 « 80u£Grirent peu ; et s'ils se fussent moins livrés 

1833. à la paresse et à Tennui, ils en auraient encore 

moins souffert : ils vivaient dans Foisiveté. Je 

les stimulai en vain. Mais aussi qudles gens! un 

pr^osi des douanes^ un préire catholique dé^ 

/roqué et mariée un boucher^ mk mauvais char- 

peniier. les trois garçons les plus vigoureux 

n'ont jamais voulu gratter la terre. Us n'ont 
cessé de murmurer ouvertement et de complot- 
ter leur évasion clandestine , parce que j'avais 
fini par leur signifier que, les envisageant com- 
me des engagés, ils n'obtiendraient pas de moi 
leurs congés. Ce tas de fainéans était composé 
d'Irlandais ramassés sur les quais de Norfolck. 
Trois hommes y une femme et un enfant mou- 
rurent dans les cinq premiers mois. La mort 
d'un père de famille entraînait la perte de la 
famille entière ; car les enfans étaient la plupart 
en très-bas âge. Des commissaires allèrent plu- 
sieurs fois, par mon ordre , les visiter. Je pla- 
çai même à poste fixe, au milieu d'eux, un 
sous-offîder de confiance pour les contenir et 
les obliger à travailler. L'année touchait à son 
terme et il était impossible de ne pas continuer 
à les nourrir, parce qu'ils ne s'étaient formé par 
eux-mêmes aucune ressource. 

Les KeUi^ avec le père et la mère, étaient 
au nombre de six et la mère en était l'âme. Us 
valaient, et sur-tout la mère, mieux que les 
autres. C'était une véritable paysanne. Le vieux 



uvRE 6. ( 1820. — i8a3. ) 557 

mari a été le seul qui ait manié la charrue. Les ' l^* 
autres mangèrent par gourmandise trois têtes du ><a3. 
bétail que je leur avais données pour les propa- 
ger. La mère Relli mourut en octobre i8aa. 
J'avais renvoyé , selon leurs désirs , aux Etats- 
Unis y celles qui avaient perdu leur chef. Il ne 
restait plus d'individus , en qui j'eusse d'espoir, 
avant de prendre les mesures que la fin de Tannée 
de séjour rendait indispensables , j'ordonnai une 
nouvelle inspection. Il en résulta que, sur sept 
personnes , les Relli, qui comptaient pour quatre, 
ne voulaient plus rester, malgré les offres at- 
trayantes que je faisais encore au père ; le reste 
persistait dans la mauvaise volonté qu'ils avaient 
toujours montrée. 

Déjà, dès le mois d'août, j'avais soumis à la 
discussion d'un conseil spécial la question du 
parti à prendre sur les débris de cette petite co- 
lonie. Il y avait été arrêté que le mieux serait 
de s'en défaire entièrement, en les rembarquant 

Je revins à cet avis. Us repartirent, le ai no- 
vembre 1821, poiu: Boston, sur YEssex* 

Ils ont été constamment comblés d'attentions 
et de faveurs. S'ils ont mal tourné , c'est bien 
leur faute. 

Cette tentative a coûté 37,494 f'* 7^^. 

Nul doute que ce triste dénouement ne m'ait 
affligé. Tai fort regretté les peines prises et les 
sommes dépensées. Aussi n'ai-je cessé de songer 
comment il serait possible de les faire encore 



558 MiMoiaES sub mi vie, ▲ mon fils. 
iteo , servir à Tutililé de la colonie et k Textension , soit 
iSaS. ^^ ^ population , soit de sa culture. 

Le caporal Gabet, que j'avais envoyé dans 
les derniers temps aux laboureurs Irlandais pour 
les fûre travailler et les contenir , est resté jusqu'à 
présent sur les lieux. Il m'a offert de s'y établir 
avec de ses camarades libérés et d'y faire ce que 
des étrangers D*y ont pas £eiit. Je l'aimerais in- 
comparablement mieux. Tai saisi cette ouvertnre. 

J'ai écouté les propositions de neuf soldats 
du bataillon , ses camarades libérés. Les plus 
intintes d'entr'eux s'assosciant de deux en deux, 
tous y sans contracter formellement de mutuels 
liens, cultiveront de concert le même espace 
de terrain , sauf à obtenir ultérieurement chacun , 
quand une fois ils auront acquis pleine connais- 
sance de la chose, une concession particulière 
d'une vingtaine ou plus de carrés de terre. Ils 
auront cependant en commun des instrumens 
aratoires , des bestiaux , des embarcations. 

Une ration journalière leur sera fournie pen- 
dant un an. Il leur a été signifié qu'on les ver- 
rait avec plaisir se marier convenablement. De 
l'humeur dont est ordinairement le soldat, je 
n'oserai répondre des suites de cette entreprise. 
Elle se présente à plusieurs égards sous de pro- 
pices augures. J'ai même eu le temps d'en re- 
cevoir un premier rapport satisfaisant. Ils ont 
entouré de barrières et défriché des terres ra]>- 
prochées de leurs maisons. Us labourent , ils plan- 



uvRB 6. ( i8ao. — i8a3.) SSg 

tentj ils soignent l>eaucoup le bétail. L'aspect du 1890 » 
lieu change et respire Tactivité. Savoii s'ils per- 13^^ 
sevèreront. On pourra en juger dans trois mois. 
Alors , ou bien on les gardera , ou , s'ils ne rem- 
plissent pas l'attente du gouvernement, ils se- 
ront renvoyés en France un peu plus tard seu- 
lement que les autres soldats libérés. 

3 ^ La Mana. 

Quand je fus nommé au gouvernement de la 
Guyanne y le ministère de la marine était extré- 
ment occupé de projets tendant à accroître la 
population , la force , les productions et l'im- 
portance de cette colonie* Il me les donna à 
examiner et à lui en dire mon opinion dans 
les premiers mois de mon séjour à Cayenne. 

Des hommes de couleur libres provenant des 
Etats-Unis f des Chinois ^ des Malais ^ des en- 
gagés soit Africains soit Européens ^ des blancs 
des Canaries y tout le monde avait ses vues sur 
lesquelles j'eus à m'escrimer. Mais, de ces son- 
ges-creux, le ministre Portai me mit en rela- 
tion, à mon passage à Paris, avec le plus accré- 
dité auprès de lui , M. Catineau-Laroche : celui- 
ci paraissait avoir sa confiance. Il lui brochait 
des plans. 

Je fus chargé , à mon départ , de découvrir , 
dans l'intérieur de la Gujranne, iles terres pro^ 
près à recevoir un grand établissement de culti- 
vateurs tirés de France. 



56o MiMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS. 

j89o, Portant mes r^rds autour de moi, ils se 

i8aS. fixèrent à la Mana. Cette rivière arrose un vaste 
pays, vers Foccident, confinant avec Surinam, 
dont il n*est séparé que par le Maroni. Les 
terres y sont très-boisées. Nul établissement n'y 
existait encore. Le sol vierge nous était inconnu. 
Nous y distinguions seulement un plateau im- 
mense, dont Fabord même n'était pas inacces- 
sible, mais pourtant était au-dessus de mes 
forces. 

Trois reconnaissances nécessairement incom- 
plètes s'y succédèrent, par mes ordres, en sep- 
tembre, octobre et novembre 1819. Je ne man- 
quai pas, le 18 avril suivant , d'en rendre 
compte au Ministre. 

Cependant M. Catineau lui remettait au même 
moment un trcUté de colonisation de la Gujrannc 
en 218a pages in-folio. Il n'y était pas question 
de moins que d'y verser ga mille âmes en 10 
ans, à raison de 10,000 par an, lesquelles y au- 
raient élevé la population totale à aoo mille au 
bout de ce terme et jouiraient alors d'un re- 
venu de plus de aoo millions de livres en co- 
ton ou de i5o mille francs en argent, en même 
temps que de tous les autres avantages d'une 
civilisation perfectionnée. C'était au demeurant 
sur ces bases une Utopie complette. 

L'ouvrage me fut adressé le 17 juillet i8ao, 
pour que , comme des autres , j'en dise mon 
sentiment. Il n'y avait que quatre jours qu'il était 



uvRE 6. ( i8ao. — i8a3.) 56 1 

en mes mains et je ne Tavais pas encore la, le igio, 
no octobre 1810, lorsqu'une commision Royale g^^ 

composée de 
MjM. 
Catineau^Laroche , commissaire en chef« 
Legoarant , lieutenant de vaisseau , 
Lefebi^re (Hippoly le), enseigne de vaisseau, 
débarqua du Courrier du Havre et me remit 
une dépedie ministérielle. 

Les résultats de mes trois reconnaissances 
étaient parvenus. Son Excellence les trouva peu 
satisfaisans. Elle proposa aussitôt au Roi d'en- 
voyer immédiatement trois agens sur les lieux. 
Ils s'y réuniraient à trois autres de la Guyanne, 
que je leur adjoindrais , procéderaient les six en- 
semble aux recherches , et dès qu'ils les auraient 
complettées , ceux de Paris se hâteraient de les 
y rapporter. 

Copie des instructions , qui leur avaient été 
remises , m'étaient adressées. Je donnerais enfin 
mon avis tant sur lesjoumaux des explorateurs 
que sur le rapport général, dont M. Catineau- 
Laroche était chargé de me présenter une am- 
pliation. 

Je ne me fis pas attendre pour le choix des 

trois membres adjoints Guyannais ; il se fixa sur 

MM. de Lesparda^ adjudant de place, faisant 

fonctions de chef d'état-major. 

N. B. Il commandait cl*ailleiiis la troupe de l'expédition. 



5Ga MEMOIRES SUR MA VIE, A MOlf FILS. 

i^^Of Jkuion, naturaliste; 

i$2l. Poiieau , botaniste , directeur des cultures ; 

et, pour suppléant f 
M. Perroiet , botaniste-voyageur , du mu- 
séum. 
D'autres suivaient, sans places, savoir : 
MM. Gerbet , officier d'infanterie, détadié du 
bataillon, pour commander à la Mana; 
Didier^ bourgeois de Paris, secrétaire de 

M, Catineau-Laroche ; 
Florian, ancien officier , pro-\coltiTaieurs 

priétaire à Iracoubo , f habîuns 

Mal^in fils, propriétaire à Co4^« quariicr 
namama , / ' 

Gabert , lieuten.^-commissaire d'Iracoubo ; 
Henriouy dessinateur employé par M. Poi- 
teau. 
L'expédition était accompagnée de 
]3 soldats et sous-officiers, avec un officier du 

bataillon de la Guyanne; 
4o gendarmes et sous-officiers de la compagnie 
des gens de couleur. 
3e les mis au surplus tous à la disposition de 
la commission et j'affectai à son usage, 
I grande Pirogue , 
a Pirogues moyennes. 

J'y ajoutai encore le brick de l'Etat \ Isère ^ 
sous le commandement de M. le lieutenant 
de vaisseau de Sercey et son équi|)age. 
La commission prit en outre 



LIVRE 6. ( 1820. — i8a3. ) 563 

la goëiette ie Itoileur , 18:20» 

®^ i8a5. 

la Goëiette les Trots-Sœurs^ 

montées par des sauvages et des Indiens , 

et qu'elle rencontra dans les eaux de la 

Mana, où elle les loua. 

Au bout de cinq jours , le 16 octobre i8ao, 
tout était prêt , en rade de Cayenne , pour se 
mettre en marche. 

Le bâtiment leva l'ancre le 29 du même mois 
et mouilla, le 3o, à cinq lieiu'es du matin, de- 
vant Iracoubo, et le 5 novembre i8ao, à quatre 
heures de l'après-midi , à une lieue environ dans 
l'embouchure de la Mana. 

L'exploration commence ; les abeilles se dis- 
persent, volant à la picorée. 

§. i.** — Cours du fieuve la Mana^ en le 
remontant 

MM. Legoarant, lieutenant de vaisseau, 
et 
JfyppoUte Lefebvre^ enseigne, 
accompagnés pendant la première partie de la 
route de 
MM. Banon , 
Perrotet, 

et 
Maluin fils. 
Aux officiers de marine, commissaires venus 
de France , est donnée avec raison la belle et 



5G4 M^OIRES SUR MA. VIR , A MOJf FOS. 

18)0, principale part, celle du (leuve la Mana et de 

i8a3 ^^ abords à droite et à gauche . 

Leur course commence , à partir du poste 
principal y le a novembre i8ao, et finit le aa 
décembre : elle dure 4^ jours. Ils s'élèvent, sui- 
vant leur estime, de 5." 24." latitude à 4-® i?-"» 
c'est-à-dire à une hauteur de 68 milles ou 2 3 '/a 
lieues, en ligne droite, depuis le poste principal, 
et de 43 V3 heues en y tenant compte des si- 
nuosités. Chacun d'eux a fait six explorations 
sur Tune ou l'autre rive. Ils ont dressé et joint 
à leur journal une carte exacte et belle de la 
Mana. Ils y ont néanmoins trop peu fait d'o6- 
sen^ations astronomiques , à cause des grands 
bois dont ils n'ont cessé d'être couverts. 

Leblond , médecin , simple voyageur , en 1 787, 
nous a aussi laissé sa carte. Nous ignorons où 
il en a pris les matériaux. Il est probable que 
Simon Mentelle y a contribué. L'embouchure de 
la Mana est placée 5.® 5o." de lat. nord, au lieu 
de 5.® 43" qu'elle occupe : cette différence tient 
à celle des anciennes observations astivnomiques 
avec les dernières; il en est d'autres qui tien- 
nent aux calculs de marches des Pirogues ; l'un 
et l'autre peuvent à cet égard s'être plus ou moins 
trompés. Les instrumens sous un ciel découvert 
détermineront un jour mieux les vraies positions. 



LIVRE 6. ( i8ao. — i8ai. ) 



565 



Quoiqu'il en soit , la i /' 
des six explorations tant à 
Test qu'à l'ouest , en remon 
tant la Mana , a eu lieu au 

4 .• saut 

La 2 «à l'île Verte..., 
3.^ au-dessus du < 

saut * 

4.* au-dessus de Tem- 
bouchure de ÏJra 

ouni. , 

5.* (le 5 décembre) au 
saut Maraouni ou 
du Sabbalhj c'est- 
à-dire, selon leca< 
lendrier chrétien , 
de St.^abas , dont 
la fête se célèbre ce 
jour 5 décembre. • 
6/ r 1 3 décembre) saut 
des Cascades , 4 
lieues au-delà du 
précédent 



LATrrODES 

SlFTSNTKlONALlSi 

suivant 



LCGOARAIIT. 



5» 
5.* 



10' 



4.» 56' 



4." 39' 



4.* 26' 



LEBLOHD. 



5.» i3' 
5.* 9* 

4* 



5» 



4.« 54' 



ai 



4.^ 44' 



I 4." 4^' 



Les explorateurs ont donc devant eux Vile et 
le saut des Cascades j le 17 décembre i8ao. La 
saison des pluies est ouverte. Us résolurent leur 
retour. 

Ils l'effectuent et s'arrêtent, le ao décembre, 
au Poste-principal ou plutôt au village indien de 
Falentin, qui , en leur donnant un dîner, leur 
fait les honneurs du lieu. 

Dès le ai novembre, n'y ayant déjà plus suf- 
fisamment d'mcfie/u vorteurs avec MM. Legoarant 



iSao, 
& 

i8a5. 



566 lIÏMOIRftS SUR MA VIE, A BION FILS. 

9^20 , et H. Lefèbvre , M. Catineau avait invité par écrit, 
1825. MM. Banon 

et 
Perrotet^ 
i se rapprocher de lui. 
M. Banon le fit 

Quant à M. Perrotet, il eut à cœur de con- 
tinuer avec eux ses explorations jusqu'au ag 
novembre^ époque à laquelle il se rendit aux 
mêmes ordres. 

D'autre part, M. Malvin fils , accompagné 
du capitaine indien Jean-Pietre Fàlentin, 
et de deux indiens, 
songea, le 19 novembre i8aa, à remplir la mis- 
sion qu'il avait reçue de se porter droit aux 
sources de Viracoubo , quand il se détacherait 
de la Mana. 

Il atteint ces sources le 5 décembre : un filet 
d'eau y coule gros comme un petit tronc d'ar- 
bre. Quatre jours sont employés par lui et ses 
compagnons pour arriver de cet endroit à la 
mer. I^e manque de vivres les fait beaucoup 
souffrir. Us rencontrent enfin 

MM. Coudein, enseigne de vaisseau, 
et 
Dulaurais, élève de V Isère, 
qui avaient été envoyés, le 1 5 novembre, sur la 
goélette le Hodeur, reconnaître, 
riracoubo 

et 
le Conamarna. 



LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 567 

Tous ensemble rentrent , le 8 décembre i8ao, 1820, 
en droiture, au Poste Principal ^ rapportant des 18.^3. 
plants de vivres et des approvisionnemens. 

§. a. — Chemin entre Organabo et la lUana, 
tracé par M. Florian. — Recotmaissance par 
MM.Cat. Laroche y de Sercejr^ de Lesparda^ 
Poiteau et le docteur Lefevre sur la route 
d'Organa. — Reconnaissance de la rii^ière 
Laussat et voyage à Organabo et Iracoubo 
par M. Didier j et MM. Florian et Henrion. 
— Reconnaissance au S. E. à VE. et N. E. 
du Poste principal, par M; Poiteau et M. 
Didier. — Reconnaissance au S. E. et à VE. 
du posTS PRinaPAL , par M. Hippoljrte Le/e- 
i^re et M. Malçin fils. 

Les explorations se sont fort multipliées dans 
ce quartier. Iracoubo et Organabo ont depuis 
long-temps des commencemens de civilisation. 
De vieux habitans soit européens soit indiens 
y sont établis. Par eux , on connaissait déjà un 
peu la Mana et on traitait avec elle. On est venu 
ici aux premiers renseignemens et aux premiers 
secours pour les communications. Les anciennes 
relations ont servi et s'y sont mêlées aux dé- 
couvertes nouvelles. M. Gabert y était Lieutenant 
commissaire à Organabo et nous voyions tous 
les ans y à Cayenne, M. Florian, militaire, qui 
avait choisi y en cet endroit, sa retraite et à qui 
nous avions recommandé , par une lettre, d'ai-> 



i8a3. 



568 lIKMOiRES SDR BtA VIE, ▲ MON FILS. 

1830, ^^^ de son expérience M. Catineau-Laroche. Plus 
les témoins s*y sont multipliés , plus les témoi- 
gnages ont varié. Il a été visité par 

MM. Florian , \ 

. Mes I o et 1 2 noveinb. , 

Henrion , ) 

par terre , chemin de 4 Vb ligues , 
qui a exigé à faire 7 '/a heures ; 

MM. CatineaU'Laroche A 
De Sercejr, I 

DeLesparda^ lie la novembre; 
Doct.^ Lejès^re^ | 
Poiteau , / 

M. Didier ^ \particulièrement sur 

Un Gendarme ^ f la route d*Organabo , 
Deux Indiens , | font 1 5 à 16 lieues le 
en deux et demi jours 3 16 novembre; 

MM. Florian (?»"> ^^T) 

^'«««/Hi/ deux i j^^b 

'{ en Pirogue, 1 
MM. De Sercey, 
De Lesparda^ 
DJ Lefevrej 
sont entrés, le la novembre, dans la rivière 
Laussat , et n'ont guèrespu faire que trois^uarts 
de lieues en Pirogue; 
MM. Fïonan 
et 
Henrion 
ont mesuré la laideur de cette rivière de 4o 



8^3. 



uvRE <J. ( i8ao. — i8a3.) 569 

pieds à son embouchure et sa profondeur de 8 ^^j[®» 
pieds. 

Ils ont trouvé un peu plus haut, à six heures 
du soir, M. Didier, sur un point de la route 
d'Organabo, qu'il avait suivie les aS , a6 et 27 
novembre , avec M. Florian lui-même. 

M. Didier était parti, le matin, du Poste-prin- 
cipal, à environ trois lieues. 
MM. CatineaU'Laroche , 
De Lesparda , 
De Sercey, 
Poiteau , 

et 
le DocL' Lejèvre , 
explorent ensemble, le i4 novembre, la rivière, 
environ deux lieues, et la partie de route qui 
conduit à Organa. 

Us rejoignent 
MM- Didier, 
Florian , 
Henrion , 
près des TroisSauts que forme un banc de gra- 
nit, de 5o à 60 toises , assez large et assez pro- 
fond pour laisser passer des Pirogues. 

Un terrain marécageux , crevassé par les eaux 
pluviales , se prolonge ensuite sur une lieue 
d'étendue. 

Après ce marécage, se trouve le point de jonc- 
tion des deux branches de la rivière , la princi- 



570 IfJKMOIRES SUR UA VIE, A MON FILS. 

1830, pale de 3o à 4o pîeds de largeur venant du sud, 
iSaS. l'autre venant directement du N.-E. 

La rivière Laussat, depuis le Saut jusqu'à 
Fembrancheinent , est plus profonde qu'elle ne 
Test depuis Tenibouchure jusqu'au Saut : elle 
conserve pendant tout cet espace la même lar- 
geur. Mais au-dessus du point de jonction, elle 
est si peu considérable qu'il serait impossible 
d'y naviguer. Si elle était dégagée des arbres 
morts qui la traversent, elle serait flottable pen- 
dant dix mois de l'année , dans une étendue de 
10 lieues. 

MM. Florian 
et 
Henrion , 
après le point de jonction , ont traversé un ma- 
i^écage pareil à celui qu'ils venaient de quitter et 
près de demi lieue de longueur. 

Ils ont traversé, pour la seconde fois, la petite 
branche de la rivière. Ils ont descendu un momet 
par une pente douce. Ils ont repassé la branche 
de la rivière pour la troisième fois ; ils ont en- 
core remonté d^autres mometSy qui les ont con- 
duits à une terre-plate d'une lieue environ de long. 

Ils étaient rendus sur les bords de l'Organa, 
qu'ils ont côtoyés par la rive gauche, à travers 
des marécages, pendant deux lieues et demi. 

La crique d'Organabo est navigable pendant 
une lieue sur de petites Pirogues , durant neuf 
mois de l'année. 



i8a3. 



uvRE 6. ( i8ao. — i8a3.) 571 

D'Oi^ana, MM. Florian 1830, 

et 
Henrion 
sont partis, le 5 déoembre, pour se rendre à 
Iracoubo. 

Ils se sont séparés à une lieue dans la Savane. 

M. Florian est entré dans les bois, a poursuivi 
sa route jusqu'à Iracoubo, sur une langue de 
terre entrecoupée de petites criques et de maré- 
cages , laquelle n'a pas moins de buit lieues de 
longueur sur i5o à aoo pas de large. 

M. Henrion a gagné au S.-E. la limite des 
grands bois qui bordent les savanes. Après avoir 
traversé un marécage, il a cheminé environ trois 
quarts de lieue sur un sol plat. Puis, de mor- 
nets en momets , entrecoupés de marécages et 
de deux petites savanes , il s'est dirigé par Test, 
en suivant la crique Ouauama , a atteint la sa- 
vane Makoi , d'où il s'est rendu à Iracoubo. 

5. 3. — Exploration de la rivière Portai, entre 

rO. JV. O. à VO. du POSTE PRINCIPAL. 

MM. Poiteau 
et 
le docteur Lefe%fre 
vont, le a4 novembre i8ao, avec trois gendar- 
mes et deux jours de vivres visiter les terres à 
rouesl du Poste principal. Ils ont trouvé , i en- 
viron deux lieues du point de départ, une belle 
rivière, qui parait venir de l'O. N. O., et qui 



572 MEMOIRES SUR MA VIE, A MOH FILS. 

iSao, a le quart de la largeur de la rivière de la 
i8a3. Mana. Ils reviennent en rendre compte le a5. 
M. Catineau veut la voir le lendemain a6. 
Le docteur Lefevre l'y accompagne. Ils allon- 
gent leur route et rencontrent cette rivière au 
bout de sept heures et demi. Us ont fait d'abord 
ro. S. O.^ puis le N. O., et enfin le N. Us sont 
retournés eu trois heures au poste. Us Font ap- 
pelée la Rivière Portai. 

Enfin y une dernière exploration du G décem- 
bre i8ao par M. le lieutenant d'infanterie Ger- 
bet, escorté de deux gendarmes, avec cinq jours 
d'approvisionnemens, a rapporté, le 8 décembre, 
à M. Catineau, qu'il était sorti de la rivière 
Portai par son embouchure dans la Mana, à 
une lieue et demie au-dessous du Poste. 

Une pirogue, qui y avait été construite en 
bois d'Acajou, est montée prendre, le la dé- 
cembre, son mouillage au Poste principal. 

§. 4- — Exploration depuis le Poste principal 
vers ro. S. O. au-dessus de la rivière portal 
jusqu*auprès du Maroni. 

MM. Perrotet 
et 
Didier 
escortés de quatre gendarmes noirs et approvi- 
sionnés de vivres pour dix jours , sont chargés 
de cette exploration. Us parlent le 4 décembre , 



uvRB 6. ( i8ao. — i8a3. ) 673 

au soleil levant Ils s'acheminent , par le chemin iSao » 
frayé , à la rivière Portai , qu'ib traversent. Ils mar- jg^s, 
chent ensuite, pendant quatre jours , à TO. S. O. , 
direction du Maroni : ils font un peu plus de 3o 
lieues et se supposent assez proches des parages 
auxquels M. Poiteau a dû atteindre du côté du 
Maroni. Nous entendons ici cette distance de 
lieues marines. Il y a onze lieues entre la Mana 
et le Maroni. MM. Perrotet et Didier , abseus 
sept jours et demi, exténués de fatigue, mou- 
rans de faim, regagnent, le i4 décembre, le 
Poste-principal. 

5. 5. — Diverses explorations dans le bas de 
la Mana y à son embouchwe et à ses appro- 
ches jusqu^aux premiers postes Hollandais du 
Maroni f aux criques ACAJtouAiri et de la 

VRILLE. 

MM. De Sercey 
et 
Lesparda , 
à environ a 1/3 lieues de l'embouchure de la 
Mana et sur sa rive gauche, ont été chargés, 
le a6 novembre, d'explorer la crique jicarouanu 
Elle a environ ao à 3o pieds de largeur pendant 
8 lieues et 7 à 8 pieds de profondeur. Plus loin , 
sa profondeur n'est plus que de 4 ^ 7 pieds d'eau. 

I/entrée de la Mana et sa route pour V Isère 
avait été reconnue par des hommes de l'équi- 



574 MEMOIRES SUR MA YIK , BtON FILS. 

i8ao, page, vers le 4 novembre , et ils y avaient placé 

isîî. ^«* balises. 

MM. de Lesparda et Mal vin fils avaient cinglé, 
dans la nuit du 4 ^u 5 novembre, vers le vil- 
lage du Capitaine François, sur la gauche du 
Maroni , rive Hollandaise. Ib décidèrent ce ca- 
pitaine à venin On désirait traiter avec lui du 
secours d'une douzaine de ses Indiens Galibis. 
Il était suivi de Tofficier Hollandais , comman- 
dant le poste dé VHermine , qui était en quête 
de trois déserteurs. Les déserteurs n'avaient \kauI 
paru. Le commandant François et ses Indiens 
furent inaccessibles à tout traité. On reconduisit 
le lendemain matin les deux chefs à leur poste. 

Le 8 novembre ont continué les sondes dans 
les eaux et autour de V Isère. 

Le village des Indiens- Falentin est visité le 9. 

Le i3 novembre , Paul , pilote de la goélette 
Y Isère , laquelle déchargeait et emmagasinait , 
au Poste-principal j ses approvisionnemens, et 
maître Yayre , chef de timonnerie , les deux 
escortés 

d'un matelot 
et 

de deux gendarmes , 
reçoivent de M. Gatineau l'ordre d'exploiter la 
crique la brille , qui était à portée. Ils en sont 
de retour le 16. 



uvEE 6. ( i8ao. — i8a3.) 675 

1810, 
§. 6. — Voyage sur le Maroni. * 



MM. Poiteau 
et 
raHiant, 
le premier, botaniste, 
abord d'une grande pirogue^ 
avec six gendarmes 
et des TÎvres pour a5 jours ; 
le second, enseigne de vaisseau, 

avec la chaloupe armée de Vlsèr^Cy 
entreprennent de compagnie un voyage dans le 
fleuve du Maroni. 

La proposition en fut faite par M. Catineau* 
Laroche, le 3o novembre ^ à M. Poiteau. Celui- 
d était affecté de l'espèce d'abandon où il était 
laissé et comme dédaigné : il accepta Vojfre avec 
un sentintent très-visible de satisfaction. 

Ils passèrent, le 2 décembre i8ao, à cinq 
heures et demie par le travers et assez près du 
poste hollandais, à l'entrée du fleuve, qui est 
large d'environ une lieue ^ à six kilomètres de 
l'embouchure de la Mana. Sur la même rive , i 
quatre kilomètres au-dessus du poste hollandais, 
sont deux villages indiens, dont l'un est celui 
du capitaine François , chef des Galibis. 

Une petite peuplade d'indiens habite 4 lieues 
plus haut, quelques carbets sur la rive française. 
Les terres environnantes ont été visitées. 
Le 3 , à midi , les voyageurs ont atteint un vil* 



itaS. 



576 XilfOIEBS SUR MA VIS, A HOH FILS. 

i89o, lage de Galibis et d'Arouagues des dépendances 

jSsS. ^^ François. Ib étaient, à G heures et demie, à leur 

couchée, qu'ils ont appelée \vi Pointe du Refile. 

Ils Font quittée, le 4 décembre, aune heure 
de l'après-midi, et ont débarqué à cinq heures 
et demie à une pointe que M. Vaillant a déuom 
mée la Pointe Trompeuse. Une chaine de mon- 
iagnes , sur la rive hollandaise correspondante, 
parait avoir son origine aux sources du Maroiii 
€t s'étendre jusqu'ici , tandis qu'à la rive droite 
Française la côte est plate et les monticules 
même disparaissent. 

Le carbet de la Pointe Trompeuse est aban- 
donné le 5 décembre, à 7 heures du matin, 
et les voyageurs, après trois heures de l'après- 
midi, se trouvent au milieu de roches qu'ils 
heurtent de tous côtés. Au bout de demi heure 
ik sont arrêtés par un banc de 4 pieds qui lie 
la rive Française avec une île du fleuve. D'au- 
tres roches les empêchent de la tourner. Ils vi- 
rent de bord et en réchappent avec des dan- 
gers infinis : ib gagnent à sept heures et demie 
du soir une petite anse que M. Vaillant nomme 
la Pointe des Dangers. 

En face est le poste Hollandais Hermine^ à 
5* 7'. U était commandé par M. Scorpion , of- 
ficier hollandais, qui avait été reçu, le 5 no- 
vembre, i bord de V Isère. 

U a appris que, peu d'années auparavant, un 
officier de la marine royale de Hollande et son 



uvRR 6. (i8ao. — i8a5.) 577 

équipage avaient péri en voulant franchir ce iSao , 
grand saut Le hollandais avait vu que MM. ,9,3^ 
Vaillant et Poiteau s'engageaient dans la même 
aventure et avaient envoyé , le matin , à leur se- 
cours, une pirogue. 

En conséquence, renonçant, le 6 décembre, 
à l'espoir de remonter le Maroni plus liant, M. 
Poiteau se met à midi en route, avec ses gen- 
darmes et sept jours de vivres , prenant sa di- 
rection au S.-E. des terres de l'intérieur qu'il 
explore jusqu'au 1 1 décembre , où il rentre au 
Poste des dangers. 
Le lendemain , rei^as cordial auposte Hollandais. 
I«e i4 décembre, les deux embarcations re- 
descendent le fleuve. Le 18, ces voyageurs cou- 
chent au village du capitaine François; le 19, 
ils s'arrêtent à un village voisin d'Arouagues et 
passent la nuit suivante au village Hollandais 
de l'embouchure du Maroni. 

Le ao au matin , à 6 heures , ils mirent à la 
voile, et quatre heures après ils étaient à bord 
de V Isère f dans la Mana. 

M. Vaillant, cependant, constatait par des 
sondes, la profondeur de9 eaux du Maroni, en 
relevait les îles et les rives , déterminait par des 
observations astronomiques les positions, 
du village de François, 
de la pointe des Carùets, 
delà pointe qu'il a appelée de roùsermtion, 
et du poste Hollandais Hermine: 



5^8 MÉMOIRES SUR MA VIE , A MON FILS. 

iStio, eu levait enfin une bonne carte qui a été trans- 
,9,3 mise à S. Exe. le Ministre et qui restera comme 
monument précieux de nos investigations. 

M. Catineau-Laroche était resté à-peu-près tout 
ce temps-là i un mille du Grand-Saut, à onze 
lieues de Temboucluire de la Mana , point le plus 
haut , auquel le brick Y Isère put s'élever. 

Cest là qu'il fixa, le 7 novembre i8ao, son 
quartier-'général 9 et de là qu'il distribua ses ex- 
plorations. 

Il donnait ses ordres et recevait ici les répon- 
ses. Il s'éloigna personnellement peu de ce centre. 

Le village de l'Indien Jean-Pierre Falentin était 
proche : il le fit promptement visiter; il y prati- 
qua une chaussée et des ponts. 

Il plaça à cette hauteur, sur la rive, non loin 
du mouillage, le Poste-principal^ où il établit 
une caserne, un magasin , des potagers, des routes 
allant, soit à notre mouillage, soit sl^x village 
Indien , et des abattis pour des vivres. 

M. CatineauJjaroche réfléchit qu'il avait eu tort 
d'embarquer , avec ses 4o gendarmes noirs, des 
soldats et sous-officiers blancs. Les noirs travail- 
lent , disait-il, tandis que les blancs trouvent qu'il 
est plus honorable et sur^tout plus facile de se 
reposer. Comparant la quantité de ces bouches 
inutiles aux provisions qui, le 16 novembre, lui 
restaient encore , il se détermina subitement 
à renvoyer, sur les Trois-Sœurs, à Iracoubo, 
huit de ses treize sous-officiers et soldats qui , dé- 



uvRE 6. (i8ao. — i8a3.) 679 

gagés de leurs fusils, rejoindraient de la , à pied , »^jo , 
leur bataillon : ils exécutèrent heureusement i8a3, 
leur retour. 

Mais M. Catineau n'en commit pas moins une 
inconséquence , qui jurait avec ses principes et 
avec son langage : si ses blancs résistaient mieux, 
s'ils valaient mieux à la peine , il falait au moins 
les éprouver, 

J^ 12 décembre i8ao, la saison des pluies est 
déclarée à la Mana. Il n'y a plus d'explorateurs 
à envoyer, ou d'explorations à diriger. Ce serait, 
au gré de M. Catineau-Laroche, perdre son tems 
que d'attendre même pour décider où l'on pla- 
cerait des postes^ comme l'avaient recommandé 
les instructions données par M. Portai à la com- 
mission : le prompt départ pour Cayenne de M. 
Catineau, commissaire en chef de la commission , 
est décidé. 

11 se hâte à lui seul d'ordonner qu'un poste 
sera laissé à Iracoubo. 

Il s'en remet de la suite de sa mission sur M. 
de Lesparda, à qui il transmet ses intentions. 
M. de Lesparda reçoit de lui le commandement, 
en l'absence de M. Legoarant, qui était l'officier 
le plus ancien. 

M. Catineau s'an^êtc à Iracoubo et y prend 
quelques mesures. Il y assied \e poste. Il poiu^uit 
ensuite son chemin , le a6 décembre, sur la goé- 
lette les TroiS'Sœurs et ne cesse , pendant quatre 
jours, d'essayer vainement de doubler Sinaroari. 



58o IfiMOIRES SUR MA VIE, A HOH FILS. 

1 830 , Il a échoué. Il desœnd des Tiois-Sœurs. Il remonte 
iBaS. 1^ Conanama, prend la route de terre, et bar- 
rasse, dégoûté, arrive, le 7 janvier i8ai, à 
Cayenne. 
MM. Legoaran 
et 
Lefkvre ^ 

y rentrent , le 6 janvier ; 
Poiteau , le 7 janvier ; 
Perroiei, le 7; 
Banon, 
LejjHwda, commandant militaire, 

et 
Le/èi>re, cliirurgien, le 9 janvier; 
Gerbet, lieutenant d'infanterie, 

et 
Didier y secrétaire du commissaire en 
chef de la commission, le 10 janv. 
V Isère enfin a repris le mouillage de sa sta- 
tion à Cayenne, le i5 janvier i8ai. 

Ce brick est un fort mauvais marcheur. 
Les commissaires explorateurs avaient succès* 
sivement quitté son bord en route. 

Quoique secondé par des vents favorables, 
il ne mit pas moins de vingt jours à retourner 
de la Mana à Cayenne. 

M. Catineau n'eut pas dû en débarquer que 
sa mission ne fut toUloment terminée. Après 
avoir fini les explorations , les premières ques- 
tions à soumettre aux explorateurs réunis, c'était 



uvEB 6. ( i8ao. — i8a3. ) SSl 

sll convenait cTentreprendre une colonisation iSao, 
nouvelle en cet endroit? Quels étaient, dans ce ,333. 
cas, \es postes à y établir sur-le-champ? 

Lorsque la commission aurait donné ses avis 
sur ces deux points, le gouverneur serait con- 
sulté à son tour. 

Procès-verbal serait dressé dé ces solutions. 

Elles devaient précéder et non suivre toute 
autre opération. 

M. Catineau n'ignorait pas, d'après ses inS' 
irucUons , qu'il m'était réservé de prononcer 
définitivement des dispositions à faire. 

Il me rendit compte , le 20 janvier, du pla- 
cernent des postes qu'il avait déterminés : il les 
remettait en mes mains, ajoutait-il, et son inter- 
vention serait désormais irrégulière. Il me pres- 
sait de pourvoir à Tapprovisionnement. 

Je le ramenai à ses instructions le ai jan- 
vier i8ai. 

Non seulement il péchait dès ce moment par 
la forme; le poste d*lracoubo était d'ailleurs 
mal placé et n avait point de but. 

Je m'en expliquai par une lettre du aG jan^ 
vier iSai. 

A partir de cette époque, M. Catineau ne se 
contint plus. 

Il vise aux bons mots : il lui en échappait 
d'inconsidérés. Il est enclin à la critique : il en 
Causait de déplacées. On le trouvait furet. Les 
xenseignemens malins étaient ceux qui le con- 



58a MiMOIRKS SDR Mi VIE , A MON FILS. 

i83o, tentaient le plus. Il se jetait de préférence parmi 
1833. '^ S^^^ ^^ moins estimés. On l'appelait Y ami 
du Ministre. Il recherchait les ennemis du gou- 
vernement Il étalait avec complaisance devant 
eux le caractère et les trésors dont il revien- 
drait bientôt les éblouir et leur offrir le partage: 
il jouait de Timportant et du personnage et pro- 
mettait son appui. 

Le bras droit de Catineau, sa société de toutes 
les heures y celui de qui il fit son conseil intime, 
était le procureur du roi Cadéot : ils se connais- 
saient de longue main. Leur liaison datait du 
temps où M. Catineau avait été chef de bureau 
de Fimprimerie et de la librairie, sous M. de 
Pommereulydaus lesquelles M. Cadéot était ins- 
pecteur. 

A la fin des courses du commissaire chef de 
de l'exploration , lorsque je le revis , ce qui me 
frappa le plus, ce fut surtout l'éloignement qu'il 
montrait à se communiquer aux habitans nota- 
bles de la colonie : il oubliait que ses instruc- 
tions l'avaient sagement invité à éclairer y s* il 
était besoin, par ses relations , dans le pays , les 
opinions. 

Je l'avais introduit dans une société d'hommes 
qui se rassemblaient périodiquement et sans 
prétention pour s'instruire et discuter : elle était 
appelée société d* instruction. 

Bientôt il prétexta, qu'outre que ce serait 
compromettre sa dignité, il était dans son rôle 



uvEB 6. ( i8ao. — i8a3*) 583 

de réserver pour le gouvernement , qui les avait tSao , 
envoyés , toute la primeur de leurs découvertes. ^^y 
M. Catineau y vint pourtant une fois , s*y tint 
dans une noble circonspection et n'y reparut 
plus. Il fit sur les membres de cette société du 
persiflage. Il ne la citait plus que sous le nom 
de Société Swante, d' Institut-Colonial. 

Nous n'avancions cependant pas. I..es postes 
restaient sans officiers. Je pris le parti de pro- 
voquer, pour le 37 janvier, une conférence, des 
chefs du service, oùj'appeleraisM. de Lesparda 
qui avait commandé les troupes de l'expédition 
et à laquelle je prierais d'ailleurs M. Laroche 
d'assister. 

Je me convainquis alors que M. Catineau-Laro- 
che craignait la contradiction et ne se soudait 
point de prêter le flanc. 

Procès-verbal fut rédigé comme à Tordinaire, 
et avec une véracité et une exactitude affectées : 
il n'y avait point brillé. 

Le procès-verbal lui fut apporté le lendemain 
matin, avec invitation d'y ajouter et d'enretran. 
cher à sa guise. 

Il en montra de l'humeur. 11 se récria et se 
dépita sur les deux courtes et trandiantes ré- 
flexions de M. de Lesparda , l'un de ses cama- 
rades d'exploration. Enfin, il me renvoya la mi- 
nute du procès-verbal , sans y rien changer, me 
faisant dire qu'il allait se rendre auprès de moi. 

U ne s'y rendit pas. 



584 iiMmoires sue ma vie , ▲ mon fils. 
iS3o, Mais il me transmit , le a8 janvier , sa réponse 

i8a3. écrite. Je Tinsérai dans le procès-verbal , et j'y 
répliquai. 

Il était temps de remettre M. Gatineau à sa 
place. U en était étrangement sorti. Il m'apostro* 
pliait sur mon administration ; il me régentait. 
Je l'invitai à asssister à la séance, où la rédac 
lion, qui avait excité sa bile, serait examinée 
et débattue : il se garda d'y paraître. 

Il n'y eut plus que de vagues relations ofli- 
délies entre nous, jusqu'à l'instant où je reçus 
de ses mains les Journaux des explorateurs et 
son rapport général. Nous avions alors rompu 
déjà ensemble. 

Ses anecdotes et informations de bas lieu et 
de mauvais aloi ; ses dédains choquans pour 
les personnes et les mœurs et les usages; sa 
doctrine professée publiquement sur le sort et 
le régime des nègres et gens de couleur^ soit 
esclaves, soit affranchis; ses plaisanteries prodi- 
guées à tout propos sur les objets qui en sont 
le moins susceptibles; en un mot, ses inconsé- 
quences continuelles et de tout genre Les 

apparences de mépris sont ce qui se pardonne 
le moins : bref, il s'est aliéné toute la partie 
respectable et saine de la colonie; il n'a con- 
servé des liaisons qu'avec la partie méprisable 
de la iK>pulation et parmi ceux qui espèrent 
ou tirer parti de lui , s'il i*cvicnt muni d'ai^cnt 
et du iK>uvoir, comme il les eu (latte, ou se 
servir de lui pour faire parvenir des déuoncia- 



uvBE 5. ( 1807. — i8a3. ) 585 

fions au iniuistre, auprài de qui il vante son >39o» 
crédit ,3a3. 

Enfin^ le i.^** mars ]8ai, il me passa et les 
journaux et son rapport. Je rois vite la main 
à l'œuvre et, le 6 roars, je signai roon compte 
rendu et roon avis au roinistre. 

M. Catineau-Larodie avait extrait fidelleroent 
les journaux de ses collaborateurs. 

Dès ses preroiers pas dans la Mana , on le voit 
très-disposé à y trouver tout admirable : il ne 
peut souffrir que qui ce soit élève nulle part de 
doutes à ce sujet. 

Mais au deroeurant ce térooignage devient 
bientôt et à roesure que les explorations avan- 
cent tellement unanime qu'il dut en être plei- 
nement satisfait 

Le commissaire directeur reconnut , avant le 
la novembre i8ao, qu'il irait inutilement ailleurs 
chercher des localités qui remplissent mieux 
les conditions voulues par le gouvernement : 
il résolut par conséquent de s'arrêter ici. Sa 
tache était ainsi fort abrégée. 

Mais pourquoi, le i5 décembre, déserte-t-il 
tout-à-coup et les rives de la Mana et la Com- 
mission ? L'adcctation qu'il met lui-même à s'en 
excuser prouve qu'il a senti sa faute et qu'il 
en a eu du remords. Chef de l'expédition, son 
devoir était de ne pas s'en séparer que cette 
expédition n'eut fait ensemble le choix formel 
d'im local pour la nouvelle colonie et décide 



586 M^OIRES SDR MA VIE, A MON FII^. 

i8ao, des postes à y établir. En effet, j'ai eu des 

i8a3. objections à opposer sur \q placement des postes j 

qui probablement auraient été évitées, s'ils 

étaient devenus, pour les commissaires, l'objet 

d'une discussion générale. 

liCS commissaires ont au reste reconnu tous 
et affirment que les terres sont en général excel- 
lentes. Il n'y a eu quelque désaccord que sur 
le quartier de la rivière Laussat et d'Iraœubo. 
Ce n'est pas la peine de s'y arrêter , lorsque 
la nouvelle colonie aurait d'ailleurs tant à s'éten- 
dre et à choisir de toutes parts. 

Jje séjour serait-il aussi sain qu'on le suppose ? 
l'acclimatement des blancs est-il aussi facile ? 

Il y a eu dissentiment à cet égard. 

M. Catineau a soutenu fortement l'affirmative. 
Il a entassé à son appui les raisonnemens et les 
exemples. Mais ni les uns, ni les autres ne sont 
précis et formellement applicables. 

Il cite la température de aa degrés au poste 
principal f et de ao seulement dans les parties 
plus élevées de la Mana : mais cite-t-il aussi des 
essais d'établissemens coloniaux, qui, sous ces 
mêmes latitudes, dans ce climat, ayent réusM et 
dont les traces se soient conservées ? Il prétend 
que, pour décider en connaissance de cause celte 
question , la commission aurait dû faire un plus 
long séjour sur les lieux. 

Il demande si , à la Barbade , à S.*-Domingue« 
aux Antilles, à Cayenne, on ne rencontre pas des 



uvRB 5. ( 1807. — i8a3. ) 587 

travaux entrepris par les blancs, qui y ont résisté. >3tio , 
Le local et le terrain ne valaient pas, ajoulc-t-il , ,$33, 
ceux de la Mana. 

J'en conviens. Comment pourtant les ouvrages 
sont-ils restés et leurs auteurs de population 
blanche ont-ils disparu? 

Oui, répéterons-nous, les blancs qui travail^ 
ient la terre, dans ce pays y dégénèrent et 
s^ abâtardissent. 

dierclions s'il semble y avoir moyen de les 
y conserver. 

La Guyanne a jusqu'à présent ce privilège que 
la fièvre jaune n'y est pas connue. 

Je trouve de plus , à la Mana , l'avantage im- 
mense que les Européens, qui s'y installeraient, 
n'y contracteraient ni liaisons, ni rapports avec 
des africains et des esclaves , puisqu'il n'y eu 
aurait pas. 

En effet, la contrée qui nous est dévoilée 
parait former une grande étendue de terre, lais- 
sée intacte et inhabitée tout exprès pour rece- 
voir la population que la France lui destine et 
tenter l'essai que nous voulons faire. 

Tja terre d'un commun aveu est bonne, fé- 
conde, cultivable. 

Sa configuration , légèrement ondulée et par- 
tout baignée de rivières flottables , ne ressemble 
pas à cet amas de hautes montagnes entrecou- 
pées de gorges profondes qui cou[)ent, comme 
un rempart hérissé , le sud de la partie occupée 
et cultivée de notre Guyanne. 



588 ItiMOIRES SUR MA VIB , A MON FILS« 

iSaoy Nous avons acquis la certitude, jusques à 5o 

aSaS. lieues, en remontant la Mana, que sa rive gau- 
che s'étendait en plateaux , en petits monticules, 
en criques, en riche végétation. 

Sans parler de la rive droite , sur laquelle il 
y a partage d'opinions, jetons les yeux sur cette 
vaste superficie qui se déploie entre la Mana et 
le Maroni , depuis le 5 ^4 degré jusqu'au 4 V»^ 
de latitude occidentale : n'en prenez même que 
3oo lieues carrées : que de milliers d âmes elles 
sont capables de contenir! La qualité du sol est 
partout merveilleuse et le devient d'autant plus 
qu'on approche davantage du Maroni; partout 
le terrain est accessible et maniable; partout 
il est de nature et de forme à-peu-près homo- 
gène : rarement trouverait-on sur le globe des 
espaces aussi étendus, présentant de pareils 
avantages à la population et à l'industrie. 

Posez donc les pieds sur la gauclie de la 
Mana, vers le Poste principal: multipliez, se- 
mez, gagnez continûment de proche en proche 
les bords du Maroni. 

Les guyannais vous diront que l'acclimatement 
des laboureurs Européens à l'ardeur du soleil 
de l'équateur est un phénomène presque inoui. 

Mon sentiment fondé sur tout ce que j'en ai 
vu et recueilli, est qu'il périra beaucoup de 
monde, que c'est un mal inévitable et qu'on di- 
minuera considérablement par des précautions 
qui au|Xiravant n'ont pas été prises : ne trans- 
l>orter que des laboureurs endurcis ou de gros 



uvEx 6. ( i8ao. — ]8a3. ) $89 

ouTrîers ; les amener en nombres modérés et par iS^o » 
Êimilles; soigner leurs traversées et surtout leurs ,3,3^ 
installations; pourvoir avec régularité à leurs 
premiers besoins ; mesurer leur travail et les en 
arracher de 10 heures du matin à a heures de 
l'après-midi ; les accoutumer à un régime sobre, 
en même temps que substantiel...... A ces condi- 
tions , j'ai la confiance qu'ils s'acclimateront et 
prospéreront. 

Enfin, il s'agit d'atteindre un but inapprécia- 
ble : ne reculons pas devant quelques dangers 
et quelques ])ertcs. 

D'est-ce pas ainsi que des hommes d'état doi- 
vent aivisager les choses ? 

Après avoir lu, examiné et réfléchi, telle fut 
en résumé l'opinion à laquelle je m'arrêtai et que 
je présentai au Ministre. Il en rendit compte au 
Roi, au mois de juillet iSai, et cette base de 
colonisation fot admise. 

Les commissaires Catineau , L^oarant et H. 
Lefèvre n'étaient pas encore repartis, quand je 
me mis en mesure de continuer les préparatib 
qu'ils avaient commencés : ce m'était officielle- 
ment recommandé. 

Je détachai aux bords de la Mana, dans les 
postes y 

un Officier, 
un Chirui^en, 

iS Chasseurs de couleur , la plupart ou- 
vriers. 



Sgo iiibfoiRES SUR uk vie, a mon fils. 
iSao, Je rois rétablisssement tout entier sous la di- 

1833. rection du capitaine Lesparda, à Cayenne : je 
le chai|;eai de le suivre et de le surveiller. 11 
7 avait fiiit, le i3 mars i8a3, huit voyages, au 
moment où je transmis la Guyanne à mon suc- 
cesseur. 

Je nommai, pour commandant à résidence 
fixe, M. le lieutenant d'infanterie Gerbet. Sa 
mauvaise santé Ten fit rappeler au bout de huit 
mois. 

Il est revenu en France , avec un congé de 
convalescence et le grade de capitaine, auquel 
il avait été promu. 

Je le remplaçai, il y a environ dix -huit mois, 
â la Mana, pat M. le sous^lieutenant d'infanterie 
Fourcade. 

Conformément aux désirs du ministre , je fis 
construire, ^n poste principal ou supérieur , 
une maison de commandant, 
un quartier, 
un magasin, 
un hôpital, 

et 
le logement d'un administrateur et de 
quelques autres ageus. 
Je renforçai la gamison^ateUer^ de 

I chef contre^maitre diarpeniier de ma- 
rine (Martin), 
5 chasseurs charpentiers, 
20 nègres esclaves du roi. 



uvRB 6. ( i8ao. — i8a3. ) 5g i 

En un mot, le nombre dliommes que j*jr iSao, 
laissai consistait en, savoir : ^3^^ 

I sous-lieuténant commandant , 
I chirurgien, 

I contre-maître diarpentier, 
3o chasseurs de couleur, 
ao nègres du roi. 

53 ensemble. 

La commission d'exploration s'était casée dans 
vu carbet provisoire, qu'on a du reconstruire 
cinq ou six fois depuis. 

Il y fut ajouté un carbet , en guise de caserne, 
un autre pour servir de chantier et quelques 
légers bàtimens de servitude : tout cela bien 
frêle. Depuis on a entrepris, suivant de nouveaux 
ordres dictés de Paris, des ouvrages plus solides. 

Une très-grande partie des bois, pour Yhâ^ 
pitûl et pour la tnaison de VordonncUeur et du 
juge, sont prêts et rendus à pied d'oeuvre. 

Quant aux cultures, seize carrés sont abattus 
et défrichés au Poste principal. Il faut en re- 
trancher remplacement des bàtimens. Tout le 
reste est planté ou semé soit en maXSf ris ou 
herbes de Guinée^ etc., etc.; des pépinières des 
principales cultures du pays, coton, cannes y etc. 
y ont été formées. 

IjC Poste inférieur f où six hommes sont déta- 
chés pour le garder et l'entretenir, a i8 carrés 
d'abattis plantés en bananes , fnais, manioc et m. 



Sq^ MlÎMOniES SUR MA VIE, A MOIf FILS. 

1810» La terre, à ce poste, a paru légère et bonne 

i8a3. seulement pour des vwres. Il n'a été considéré 
jusqu'ici que comme une sorte de débarcadère et 
de dépôt à l'entrée de la rivière, entre son embou- 
chure et les Postes supérieurs. Les navires ne peu- 
vent guères remonter plus haut dans le temps i\es 
pluies ou, selon le langage créole, des doucines. 
Nous avons dépensé , pour la Mana , 1 218,870 (r. 
Tout ce qui a été dit de la Mana n'a pas 
changé mon opinion. Je crois qu'une colonie 
d'Européens blancs y profitera, pourvu qu'elle 
n'y arrive que par petites portions et que ces 
portions soient composées, non pas de citadins 
et d'artisans etléminés , mais àe familles de ro- 
bustes laboureurs, et il faut bien remarquer 
que je A\% familles. 

Je répéterai seulement encore que, pour la 
bonne qualité du sol, en général, et tout en- 
semble , l'heureuse configuration du terrain , je 
crois que nul autre quartier n'est aussi coloni- 
sable que celui-ci , dans tout le reste de la 
Guyanne. 

Je ne dissimulerai pas cependant que, depuis 
le mois de décembre dernier, époque où les com- 
missaires explorateurs achevaient leur tache , les 
pluies haussèrent les eaux d'environ 27 pieds, 
par conséquent fort au-dessus de l'un et de l'au- 
tre bord de la rivière : elles parvinrent à une 
élévation dont les voyageurs ne se doutaient [uis. 
Il eu résulte nécessairement, i>endant sept ou 



LIVRE 6. ( 1820. — i8a3.) 5^3 

huit mois, une température habituelle , que des 
Européens n'affronteraient pas sans péril et à 
laquelle je ne connais de remède que de vastes 
et grands défrichemens qui aient édairci , des- 
séché et assaini au loin le pays ; ce qui , après 
tout, ne peut non plus s'obtenir qu'à force de 
temps et de travail. 



è 
i8a3. 



Ait. II. ^ CULTURES. 

J'ofire ici le tableau des produits des deic- 
RiES iNDicinES , qui ont été exportées de la co- 
lonie pendant chacune des quatre années de mon 
gouvernement. 

Quoiqu'il n'y soit pas tenu compte de la fai- 
ble quantité qui se consomme dans le pays et 
qu'on n'évalue pas à plus d'environ 6,000 fr., 
il n'y a pas d'autre meilleur moyen de juger du 
mouvement et des progrès de l'agriculture. 



DE1IEEE8. 



Cacao. 

Café.., 

Cancllc. 

Coton . 

Gërofle 

Poirre. 

Rocou. 

Sucre. 



quanuté des denrées exportées. 



1819. 



a9»»94h^ 
29,695 

291,533 
55,395 



1 56,920 
99^»3 



i8ao. 



86,698 Ut< 
36,785 
1,089 

208,5o2 

100,039 



ino,58j 
249425 



1821. 



49,184 
843 

76,264 
18 

in8,8i3 
459,678 



li 



182a. 



62,2i5Ur. 
60,966 



55 1 



194,076 

78,184 

21 

179,577 

373,472 



Observai. 



i8a3. 



594 MEMOIRES SDR MA VIE, A MON FILS. 

Les sucreries principales , celles de Mondélice 
et du quartier-général ont cliumé pendant 18» 
par des accidens qu'elles ont éprouvé : néan- 
moins , la différence ne devait pas être une di- 
minution de G3 milliers. Il est évident que la 
permission que j'avais accordée de peser à bord, 
avait facilité la fraude: éclairé par l'expérience, 
je l'aurais révoquée. 

Ajoutons, année par année, les prix moyens 

PAR kilogrammes. 



ùtMWiMM. 



PIUX PAR KILOGRAMME. 



1819. 



i8ao. 



i8ai. 



i8ia. 



Observations, 



Cacao. . 
Ciifë.. 
Canelle. 
Coloo 
Gërofle. 
Poifrc. 
Rocoo. • 
Sncre • • 



\% 

3 64 
6 95 



I' 35» 



3 85 

", 00 



i' 3o' 

4 3t5 



. 34 

o t)6 



I 81 
o Co 



45 
5o 



if 3o« 
1 5o 
1 00 
a 5o 
6 i5 



3 36 
o 5o 



Le nombre des têtes de bétail était , suivant 

le recensement de i8ao, de 5,664. 

Il est, suivant celui de i8aa, de... 6,957. 



A ce compte, il a augmenté de. . . . 1,293. 



Il règne sur cet article de l'émulation parmi les 
habitans. 



LivRB 6. (i8ao. — i8a3.) SgS 

Le café est une des plus précieuses produc- 1890 , 
lions guyannaises. Je n'ai cessé d*exliorter à en ^g^j 
étendre les plantations. Elles vont sensiblement 
croissant. Sa qualité est supérieure : la concur- 
rence dans les marchés Européens est infiniment 
moins à craindre pour lui que pour le sucre. 

Cependant, la canne à sucre est toujours, ici 
comme ailleurs , l'objet des préférences et le but 
suprême de l'ambition des cultivateurs. Il n'y 
aura pas de mal tant que Cayenne n'en aura 
que ce qu'il en faut à-peu-près pour lester les 
navires qui y naviguent. Elle n'en est pas là. 

J'ai donné aiuc sucriers un encouragement 
éclatant par les deux moulins à vapeur que j'ai 
obtenus du Roi. Ces moulins vont rouler au 
premier jour. Il doit en résulter une augmen- 
tation considérable dans les profits de cette bran- 
che de culture. Les petites sucreries tomberont. 

J'ai peut-être eu le bonheur de £ûre naître le 
goût des machines , lorsqu'auparavant il r^nait 
contre elles une prévention opiniâtre et générale. 

Une machine à coton, pour en séparer la 
graine et tout à-la-fois le nettoyer, a été appor- 
tée de la Nouvelle-Orléans par des immigrans 
qui venaient dans ce pays chercher mon appui. 

On achevait naguères de la monter. Elle est 
entrée en mouvement le i5 janvier i8a3. Ses 
effets admirables et riches récompensent large- 
ment l'entrepreneur et réduisent les incrédules 
au silence. 



5gG MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS. 

1830, Mais le perfectionnement dont je suis fier et 

^9 qui est mon ouvrage, que j ai recommandé dès 
le principe par mes discours , dont j'ai importé 
les instrumens, pour lequel j'ai fait faire avec 
persévérance des essais et formé enfin une école 
publique , c'est le labourage à la charrue. On a 
eu beau affirmer qu'il avait autrefois été tenté 
inutilement ; on a eu beau jurer qu'il ne réus- 
sirait pas : il a réussi et réussi en terre basse 
comme en terre haute. Il est pratiqué sans dif- 
ficulté à Vhabitation de la Béarnaise ^ quartier 
de Macouria, à celle de M. de Lagotellerie aux 
portes de la ville, à Tliabitation royale de Mont^ 
jolij à celle du Quartier Général , canal de Tord; 
il le sera sur toute terre cultivable, qui ne sera 
pas inaccessible aux bœufs. Déjà plusieurs habi- 
tans qui le reprouvaient sont pressés de l'établir 
sur leurs terres. 

Aussi , je mets les machines et le labourage à 
la tête des titres par lesquels j'espère avoir plus 
ou moins rempli les instructions du Roi et re- 
commandé ma mémoire aux guyanais. Je me 
vanterai à jamais d'avoir introduit le labourage 
et les machines à la Guyanne Française. 

Le labourage seul , en s'en tenant à des cal- 
culs extrêmement modérés, quintuplera les forces 
de la population noire et ouvrière actuelle. 

Il n'existe pas , à ma connaissance, de colonie 
plus privilégiée, en fait de culture, que celle-ci. 
Les épices y prospèrent : le girofle surpasse en 



LIVRE 6. ( i8ao. — 1823. ) 597 

qualité celui qu'on cueille dans Flnde, et il n'a '^® » 
pu se propager jusqu'à présent, malgré la proxi- iSaS. 
mité, sous les climats ni du Para ni de Suri- 
nam; le muscadier, par la greffe, multiplie à 
volonté ses individus femelles et sort de la lan- 
gueur dans laquelle il végétait. Le poivre , long- 
temps négligé , fixe en ce moment les soins de 
plusieurs habitans : M. Bertrand le traite en grand 
à l'habitation des Deux Rives , et M. Cosnard 
à la GabrieUe. 

Une heureuse rivalité anime les planteurs. Ils 
n'ont besoin pour fructifier que d'un gouverne- 
ment pacifique et protecteur. 

Tavais imaginé, de concert avec plusieurs co- 
lons, de créer, pour leur servir de foyer, une 
société d'instruction , où chacun portât et puisât 
des lumières. Elle est formée. Elle existe. Je n'ai 
rien omis de ce dont j'ai su m'aviser pour la 
soutenir. De malheureuses circonstances altérè- 
rent la bonne intelligence dans laquelle j'avais 
la douceur de vivre avec les habitans. Il y en 
eut alors qui s'éloignèrent de moi. La société 
d'instruction s'en ressentit. Je crus que j'y étais 
une pierre d'acJwppement. Je voulus essayer si 
elle ne marcherait pas mieux toute seule que 
par mon impulsion ; mais au contraire ce fut le 
signal d'une complète désertion. 

loL société d'instruction est restée depuis dans 
une espèce de suspension et de sommeil. Je n'en 
persiste pas moins à regarder l'institution comme 



SqS MÙklOlRES SUR MA. VIE, \ MON FILS. 

i8ao y salutaire. Le jour viendra oii les avantages en 
i8a3. seront sentis et où elle se ranimera d'elle-même 
sous Finfluence de quelque colon éclairé ou d'un 
gouvernement habile et bienfaisant. 

Je ne finirai pas cet article sur les cubures, 
sans observer qu'il y a grande abondance de 
vwres du pays, manioc j bananes, etc., dont nous 
éprouvâmes la disette à la première et à la se- 
conde année de mon arrivée ; je rappelai les or- 
donnances hcales; je fis même desprocloinations. 

Il est assez curieux de connaître , que , 

67 plaDteurs cultireot 770 cnrrës de sucre , 

163 ••• ^f^oo d.* de coton, 

85 .• 7G0 d.* de rocou, 

4^4 > 994^ ^•* luaoîoc , 

209 59S>470 pieds de café y 

56 » • 376,540 cacao , 

170 >79»470 girofliers, 

5 1 • • • . 38,700 ..«•••• canelîers , 

37 3,640 muscadiers , 

43 16,570 poirricrs. 

Ces i^nseignemens seraient insuffisans, si nous 
n'ajoutions qu'on compte communément, par 
carré de terre, savoir : 

i,o5o pieds de café, 
5/|0 d.® de cacao, 
81 d.® de girofliers, 
389 d.* de muscadiers, 
547 d.® de poivriers avec leurs tuteurs. 

Le canellier ne fait que border les allées. 



LIVRE 6. ( j8ao. — i8a3. ) Sgg 

i8ao. 
Ait. 19. — COMMEECE. à 

1833. 
Le commerce de Cayenne se réduit à expor- 
ter les produits de la colonie et à importer les 
objets de sa consommation. Il ne sort guères 
de ce cercle. Pour en donner une juste idée, 
il nous suffira d'en présenter la dernière balance, 
celle de i8aa. 

Balance du commerce deCayefme^en iSaa. 

iNarlres Français 1,810,119' 49* 
d.- Etr.D6cr..... 597,9.3 54 
Total ^^cldjX^i^ o3* 

N. B. Les magasins particnliers étaient encombrés 
de marchandises, 

' France 1,811,137' 3o« 

Exro-TATU,!... . ) ^'' ^'^'"-8" • 337,.a5 63 

Total 1,159,161' 91* 



pour Fi 

) d.* ri 

I 



BÉEZPOITATIOIIS 198414' 8l« 

il francisations, 
33 congés de petit caboUge , 
1 d.* de grand cabotage, 
9 d.» p.' Toyages de long conra. 



6oO MlbfOIBES SUE MA. VIE, A MON FILS. 
ENTRÉES. SORTIES. 



ROMOU. 


TORHEAVX. 




ROMSaSS. 


TOKIlEJtVX. 


3o 


3,838 g 


NaTÎrea Français. . 


3a 


3,863 1 


>4 


.,65og 


d.« Américains. 


ta 


aoog 


a 


3.5 ^« 


d.* Anglais. . . . 


1 


,55^ 


4 


456 


d.« Portogais. . 


3 


395 


8 


191 


d.« Hollandais.. 


7 


109 


58 


6,380 g 


Totaux. .. 


55 


6,oa3 g 



La navigation marchande entre' Surinam et 
Cayenne dépasse de peu 100 tonneaux. Ces voi- 
sins ne nous demandent qu'un peu de vin et 
îShmle. Le Para ne prend de nous que quelque 
girofle y et nous a fourni «issez souvent du couac, 
du ris y des chevaux. 

Les Etats-Unis nous approvisionnent de farine 

de froment environ i,aoo barib. 

bœuf et porc salés 5oo d.<> 

morue i^Soo quintaux. 

En général , les américains nous fréquentent 
sans empressement et à des conditions onéreu- 
ses. Ils ne nous débarrassent de notre mélasse 
qu'à vil prix. 



uvRE G. ( i8ao.— i8a3.) 6oi 

A mesure que les récoltes de denrées aug- i«ao, 
menteront à la Guyanne , le commerce s*y ac- ,3^3^ 
croîtra : c'est à ce signe qu'elle s'en apercevra 
notablement d'année en année. 

L'habitant vend plus qu'il n'adiète. 11 est obéré 
d'ancienne date et il se libère. Il s'endette aussi, 
quand l'occasion s'en présente, pour améliorer 
sa propriété et grossir ses forces. 

Je m'étais figuré que Cayenne serait un bon 
port d'entrepôt de marcliandises Françaises. 11 
n'y a eu que deux soumissions d'entrée durant 
toute l'année i8oa : en y pensant, on reconnaît 
que les pays à l'ouest du Maroni ont plus de 
commodités et d'occasions de se pourvoir aux 
Antilles, et que les pap à l'est de l'Amazone 
reçoivent directement d'Europe. 

Lorsque notre tarif des douanes était assez 
fort pour que l'effet en fut sensible, je l'avais 
combiné de manière à £aivoriser les relations 
avec l'étranger, et tel il existe encore. Mais par 
l'énorme réduction que les droits coloniaux ont 
subie, c'est aujourd'hui une chose à-peu-près 
indifférente. 

Ceci au reste vaut mieux pour la colonie. 

Son commerce avec Surinam a un peu aug- 
menté sous mon administration. 

Art. 15. —OUVRiiGES D*AIIT. 

L'entretien et les réparations des batimens et 
ouvrages d'art furent iort négligés dès le coin< 



6oa MEMOIRES SUR BM VIK, A MO?r FILS. 

iSao , menceinent des troubles de la révolution et de- 
i8a3. vinrent nuls quand les portugais, favorisés par 
les anglais, eurent envahi la Guyanne. En la 
rendant aux Français (novembre 1 817), ils lais- 
sèrent tout dans un délabrement déplorable. 

Mon prédécesseur , entraîné par des soins plus 
pressans , eut à peine le temps de faire mettre la 
maison de Vordonnateur et celle du capitaine 
de port en état de les loger. Je suis parvenu 
peu à peu à étendre beaucoup les travaux. En 
les énuroérant, je donnerai Taperçu de la dépense. 
Cet article se divise naturellement en deux 
parties , les constructions nouvelles et les entre- 
tiens et réparations. 

Section i.'« — ooMsnucTioKS nouvelles. 

Les cinq premiers articles sont imputables 
sur \m fonds spécial de 3oo mille francs, qui, 
en 1821, leur a été extraordinaircment affecté. 
Quelle que fut mon impatience de voir se rele- 
ver des édifîces aussi nécessaires , il fut impos- 
sible d'y mettre la main auparavant faute de 
moyens. 



LIVRE G. ( i8ao. — i8a3. ) 



Go3 



1 .* Casernes 

Les Yieilles casernes sont au dernier point 
«le la dégradation. Le soldat j est très-mal 
11 n*y a pas de jour où elles n'eiieent des 
réparations. La santé et la discipline mi 
litaîre en soulTrent 

La construction des nourellcs casernes 
a donné lieu a des discussions longues et 
approfondies. 11 a été convenu enfin 
qu'elles seraient conservées dans la même 
place , mais qu'elles seraient autrement dis- 
posées et Mtics entièrement à pierres et 
mortier : c'est une noureauté à la Gujanne. 

Le travail qui a été fait jusqu'à ce jour 
est solide et beau. 11 équiraut aux trois- 
dixièmes de la maçonnerie d'un qvartie» 
calculé pour 6oo hommes. 

11 7 a^ asses de roches extraites. 

La brique ttcrie de Mapéribo , qui a déjà 
un fort approrisionnement de liriques, 
n'en laissera point manquer. 

a.» Hôpital militaire 

Une partie de l'hôpiul militaire s'est 
écroulée sous les portugais. Ce qu'ils en 
laissèrent a reçu des réparations prori- 
soires, mais était très-insulBsant. On le 
double. Les fondations en roches sont 
terminées. Le surplus du bâtiment est en 
bois. La charpente avance : on la mon- 
tera incessamment. 

Aussitôt après ^ on placera la menuiserie 
et les planches^ qui sont de même fort 
avancées. 

Les bardeaux sont prêts. 

Les approvisionncmcns de briques et de 
bois sont complets non-seulement pour la 
partie qu'on élève ^ mais aussi pour l'an- 



ji reporter. 



DÉPENSE 

FAITE. 



a3,464f 



oo< 



8aya:i4 75 



DEVIS 

ISTIMÀTIP. 



9^,217' 3o' 



i4a,a54 9a 



io5,688f 75« 



Co4 



MiMOIRES SUR UA VIB| A MOIT FILS. 



Report. 



cSeniie qu'on réparera et raccordera ini- 
uiëdiateiiient. 

J'ai d'ailleurs fait Mtir h neuf dan» 
l'enclos de l'hôpital , savoir : 

Une loge pour les fous. 

Une case à nègres. 

On j a commencé un laboratoire de 
pharmacie. 



3.» Débarcadaire . 



On Toit que le dëbarcadaire coûtera ^ 
savoir : 

Matériaux ioo,58t2^ oo 

Main-d'œuf re 68,437 5o 



Somme égale* 



169,019^ 5o« 



Qu'on apprécie maintenant ces dénon- 
ciations réitérées et multipliées dont j'ai 
été l'objet, pour n'avoir pas déjà rétabli 
le déharcadfUre : il ne m'a manqué que de 
l'argent^ du bois et des ouvriers. 

4** Four à chaux et acliats de mu- 
lets j savoir : 

Four à chaux , pour calciner la pierre 
calcaire envoyée de France destinée à bâ- 
tir les c/fi^m^iyrAd/'ito/, etc. i9;938^ 54* 

Achat de huit mulets pour 
les transports des matériaux 

de ces constructions • S>773 20 

Ensemble 



&.• Séclœne de la GabneUe 

11 reste h faire la menuiserie et les ti- 
roirs pour la dessication du girofle. 

Total consommé sur les fonds 
extraordinaire de Soo^ooo'; ci. . 



DÉPENSE 

FAITI. 



io5,688f 75- 



10,459 73 



25,71 if 74 
30,955 07 



DEVIS 

ESTIMATIF. 



169,019' 5o» 



i6i,8i5f 29*^ 



LivBK G. ( i8ao. — i8a3. ) 



6o5 



Report, 



la 



DEPENSE 

PAITI. 



i6a,8i5f ag* 



DEVIS 
BnMàTir. 



C* Corps de garde neufs , dans 
place de Cajrenne, savoir: 

Ail Port 5,o43f o4* 

Au Fort 0,9^1 79 

Ersemiile 1 1 1,964 83 

>].• Palais de Justice 1 i4,5a7 99 

Lorsque le portrnîtdu Roi Louis XVllI, 
onYoyd par S. M. à la Cour Royale , eut éié 
«lëharcjuëyen mai i8t2i, il ne se trouva aucun 
édifice en ville capable de le contenir ni 
inéinc qu'il lut possible d'accommoder à ce 
des- sein. Lesptafonds les plus lia uts dans ce 
pays ne le sont que de 10 pieds et le cadre 
du portrait l'est de près de ta. On fut forcé 
de le déposer provisoirement dans une des 
pièces du res-de-chaussée de l'bôtel du 
gourememcnt. On manquait de fonds pour 
entreprendre aucun des Grands édifices 
projetés. Dans cet intervalle y je me servis 
des deniers de la caisse des a/franchisse- 
mens pour commencer un Palais de Jus- 
tice y qui d'ailleurs était nécessaire et dans 
lequel une des salles serait destinée an 
portrait du Roi : mais la dépense fut con- 
damnée en France comme inopportune. 
Je la cessai. Ce Palais en est ainsi resté 
aux fondemcns. 

6* Petit Hôtel du Gouvernement 
Cet bôtcl éUiit anciennement le loge- 
ment du commandant en second. 

Le bureau de la place , le salon des 
conseils de guerre et de la société d^ ins- 
truction y sont maintenant établis. 

11 tombait en ruine et en poussière. Il 
a été reconstruit de fond en comble 



to9|5a3^ 7g* 



ji reporter. 



19,762 08 



319,070' 19* 



6o6 



MÉMOIRKS SUR MA VIE, A MON FILS. 



Report 

9.* Maison des douanes. 

KuÎDée et inhabitable ^ il a fallu la re- 



b&lir 



10. 



Imprimerie •••.•••• 

Quoique la carcaMe de la maison n'ait 
pas é\é mise à bas, la reconstruction a 
rëellement é\é faite presque à neuf et on 
s'en aperçoit à la somme portée ci-dessus 

Cette imprimerie remonte à Texpédîtion 
de Kourou , en 1 ^63. Ses ouvriers mou- 
rurent au débarquement. M. Bessner vou 
lut un instant lui redonner un peu de rie 
ce fut un Telléité* 

Les portugais la gratifièrent d'une ^r/i7e 
presse et dun catxiclère pica , acheté h 
Londres. 

Néanmoins, sous M. le comte Carra- 
Saint- Cyr y elle n'était , ni par son p/srson 
nel ni par son matériel , en étnt d'impri- 
mer même un almanach. Il fallait beaucoup 
de peine et de tcm)is pour en arracher 
une courte proclamation ou ordonnance. 

Sans m'eflrayer de cette exiguïté de 
moyens , je fondai hardiment la Feuille 
hebdomadaire de la Guyanne Française , 
et je ne sais par quel miracle elfe n'a 

i'amais éprouvé la moindre suspension, 
'eus le bonheur de découvrir^ dans le ba- 
taillon de la Gujanne, un officier qui con- 
naissait la typographie : je l'éprouvai et 
ensuite je le nommai DiarcTEva. Il orga- 
nl^a ce service , et ce service a marché 
constamment avec une extrême activité. 
J'y annexai un relieur ; mais ce pays n'a 
pas de quoi l'occuper. 



DÉPENSE 

FAITE. 



119,070' 19' 

3o,!i39 i3 



DEVIS 

ESTIMATIF. 



ji reporter. 1 359)386' 53< 



LivnE 6. ( 1820 — i8a3. ) 



607 



Repori. 



Le mobilier du métier, înilëpendam- 
ment des bAlimens ( auxauels j*ai ojoutë, 
h la fin de février i8o3, la petite maison 
Âiontis) , ne râlait, en septembre 1819, 
qwe 7,389' 5y 

11 Tant de plus aujourd'hui. 33,3aof io< 



Total 40)6<^' % 



DÉPENSE 

PAITB. 



DEVIS 

OTIMATir. 



159,386' 53* 



Celte imprimerie possède un bel assor 
liment de caractères et autres articles que 
î*ai, la plupart, fait renir récemment de 
France. 

Elle est enfin capable de soutenir toutes 
les entreprises de son genre , dont cette 
colonie soit susceptible. 

y ni ainsi introduit, dans ce pays, ce 
puissant agent de propagation des lumières 
et de progrès de ci? ilisation. 

1 1 .• Jardin Royal des Plantes , savoir 
Acquisition des deux terrains. 1 3,000' oo« 
Entourage , ponts , recons- 
tructions '5,745' 53* 

Ersemble 

Il existait un Jardin des Plantes h 
Cayenne avant la révolution. Il fut par- 
tagé et concédé h cette époque. Des mai 
sons en prirent l«i place. 

Le vide en était d'autant pins sensible 
que ce nort est une des stations par Ics- 
qnellcâ Tlndc verse ses végétaux vivans au 
musée de Paris. J'en ai moi-même reçu 
pour cette destination, que je ne savais 
dans quel asile reposer, refaire et protéger. 

Je résolus donc de rétablir, sous mes 
yeux un jinoiii boyil des plahtes. 

A reporter 



»7,:45' 53. 



287,1 3a' o6« 



6o8 



BIKMOIRFS Sl.'Il MA. VIE, A MON Ffl^. 




Report. 



rachetai, le 4 janvier iSao, d*eDire Ips 
terrains à vendre, celui qui me parut 
le plus propre h cet objet. Le 17 juillet 
•uirant, j'y en joignis un autre attenant, 
qui avait une maisonnette où il serait pos- 
sible de loger pro? isoiremeut le jardinier 
et les ouvriers. 

La superGcie du terrain total était de 
plus de deux carrés. 

M. Poiteau présida à l'installation. Il 
j avait, dans les premiers mois de i8t»3, 
déjà 316 espèces aiverses de plantes exo- 
tiques précieuses , formant 3i genres , 
comprises celles que la ZéUe , capitaine 
de vaisseau Serec^ venait d'apporter. 

On 7 en dépose en outre de ce climat, 
lui-même , qu'on se propose de transpor- 
ter en Europe. 

Une cour et des loges j sont aussi proje- 
tées pour les animaux vivans , auxquels il 
sera possible de songer à faire passer les 
mers. 

13.* Canal Laussai et quartier contigu 

La dépense se compose , savoir : 

1.* Pendant Vannée 18^3, ateliers de nè- 
gres journaliers, h 3^ par jour et la nour- 
riture, 7,3g8 journées, ci. 37,433' 33« 

Constructions , écluses , 
ponts et chemins par les 
ouvriers miliuires ia,383 74 

Déplacement et recons- 
tructions de cases parti- 
culières pour ouvrir la 



J reporter 39,816' 07» 

ji reporter 



387,133' o6« 



DEVIS 

ESTIMATIF. 



89,608 73 



376,740' 78» 



LIVRE C. ( i8ao. — i8i3.) 



G09 



Report. •• 

j4 reporter, 

rue de V Esplanade , sa- 
voir: 

Case Jean Fran' \ 

cois ^ ci 4>7^''^^j 

d!» Victoire Le- 1 

maure , ci . . . . 1 ^QSg ^5 1 

d.» Rose Merle \ 

(non toisé.) / 



39,8i6f or 



DÉreMSE 



PAITI. 



376,740^ 78« 



6,745 69 



ElfSEMSLC 4^9^'' 76* 

Octogone 00 nouvelle poiS" 
sofuierie 6,000 00 



Eksbmblb 5i,56i^ 76* 

!2.* Pendant les années anté- 
rieures 1819, 1820, 1821 , 
pour journées des pre-» 
miers nègres requis en na* 
ture^ nourriture des tra- 
vailleurs f matériaux et 
nommément ceux du 
pont f main-d'œnrrtt de ce 
pont, elc 37,046 96 



89.608^ 7^* 

La dépense» faite depuis le i.«' janviei 
iBi3 , u*y figure pas. 

Je n'avais pas habité Cajcnne deux mois 
4|ue déjà l'aspect de ces marais qui Fiu- 
fectaient de miasmes et d'insectes k l'est 
et au sud et de cette crique sartines à re- 
plis et coudes stagnaus, qui empoisonnaient 
et étranglaient le quartier le plus fréquenté 
et le plus commercial de la ville , m'avaient 
inspiré le désir d'en délivrer les liabiians, 



DEVIS 

ISTIMATIP. 



6io 



MiMOIEIS SUR MA VIE, ▲ UOfT FILS. 



DÉPENSE 

FAITE. 



Report 

non moins pour la salnbriié que pour Tem- 
bollissement. 

]*en arrtui le plan avec le génie. J'en 
tnireiins, le 6 octobre 181^» un conseil 
de goiivcrnement et d'adminitiralion. J'au- 
rais dès-lors pn m'elfrayer des difiicttiléa 
prëf nés et opposées à son eiécniion. 

Néanmoins I le i3 da moissnirant, je 
proposai à nn autre conseil Tordonnance 
par laquelle je m'j livrais. 

La campagne de 1819 avait été employée 
à tracer la partie supérieure du canal ^el 
celle de 18^0 le fut à en tracer la partie 
inférieure jusqu'au bord de la rivière. 

Mais, en 1821 1 l'insulfisance des moyens 
auiauek nous avions recouru jusau'alors 
me ht aJoptcr un nouveau mode , celui d'un 
atelier permanent composé de nègres de 
pelle il 3 fr. par jour : il nous a réussi an 
gré de nos vœux. 

Le canal a été navigable en décembre 
i8ai et j'en rendis compte > le 16 du même 
mois, au Ministre. 

Sa longueur est de iiSgB mètres, dont 
les I1O73 mètres en amont du pont» ne 
sont que fouillés : les digues et les bornes 
n'en sont pas finies. 

La larçeur de la partie en ai*al du poni 
est de 14 mètres et celle de la partie en 
4tmonl de 8 mètres. 

Aux approches de la campagne de i8ao 
j'avais fait procéder 9 avec les formalités 
de droit, à la réunion au domaine de cet 
espace de terrain de Yhahitation Le Blondy 

3ui allait s'en trouver séparée par la ligne 
roite du nouveau canal , tirée du pont h 
l'embouchure^ dans la rade. J'avais arrêté 
en même temps que | sur ce terrain | après 



376,740*' 78» 



DEVIS 

ISTlIlATir. 



LIVRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 



6ii 



Report. 



DÉPENSE 
râiTi. 



376,740' 78^ 



rnclint, seraient placés le magasin général , 
Varsenal du port et les cliantiers du génie 

Non seulement ce terrain suiTisait > mais , 
(In surplus , il 8*est formé encore , pour la 
TÎUe ) un quartier nouveau. Sa situation 
et sa distribution le destinent à en deve- 
iiir le plus animé et le plus brillant. Où 
mouillait , sous Louis XlV , le Taisseau du 
comte d'EstrécSySont ouTcrtes aujourd'hui 
des chaussées serrées et des rues réculières 
prêtes à se couvrir de maisons. Il y a eu 
concurrence vive pour j obtenir des con- 
cessions. Il 7 en a été accordé 32 au prix 
total de 22,800 fr. , qui rembourseront 
largement les 1 4*040 fr. que ce terrain 
avait été acheté par le Boi à dire d*ex< 
perts $ outre ces 22,800 fr* , j'ai vendu au 
sieur Guitton un petit coin , pour 3|000 fr. 
il a payé la convenance. 

Enfm j le sort de cette entreprise et, si 
i'ose dire, de cette création , est décidé, 
les ouvrages en ont été ponssés avec une 
célérité extraordinaire pour le pays. La 
critique a été désarmée. 

i3.» Parc du Génie 

Clôture et terrain iiui ont été assignés 
au génie pour ses ateliers , dans le non- 
veau quartier de la ville. 

i4.' Pont de Malouri ou de la Crique 
Fouillée 



Ce pont fut détruit j^ l'invasion clrs 

Ïiortugnis en 180g. 11 est un des plus utî 
es de la colonie : il lie le ciuartîor du 
Tour de Vile au quartier de Vile de 
Cayenne, Sa i*cconstructioii était ardem- 
ment sollicitée. 

A reporter. 



DEVIS 
tsmcATir. 



G,332 54 



10,717 43 



398,790» 75« 



6l9 



MKMOIRES SUR BIA VIR , A MON FILS. 



Report. 



J'omets ici le pont du Canal haussai 
3,556 fr. j parce que cette somme est com 
prise dans la dépense de ce canal. 

i5.* Haras de Montpli. . • • 

Voir son article cî-devant parmi les do- 
maines du Iloi. 



i6.* TilsU , 

Ces 113,453 fr. 10 c. relatives à Tilsii 
ne comprennent pas la dépense des canaux, 
k laquelle il a été pounru par la direction 
de V intérieur et du domaine , non par celle 
du génie, et qui est mentionnée ci-devant 
k l^rticle de cette habitation. 

in.» Briqueterie Rojrale de Mapériho. 

Je renvoie à ce qui en a déjà été dit à 
sou article^ parmi les domaines du Roi. 

«S.* Léproserie 

Peu de semaines après mon arrivée, 
j'envoyai visiter la Léproserie de CHet la 
Mère. 

Il résulta des rapports qui me furent 
successivement faits, que les Lépreux j 
étaient amoncelés dans un enfoncement 
situé au couchant et couvert des venis d'est 
par un rocher élevé ; qu'il sortait de ce 
foyer des exhalaisons infectes ; que les 
Lépreux s'empestaient les uns les autres; 
que d'ailleurs le peu de terre cultivable 
qu'il y avait^ n'était propre qu'au coton, 
et que le coton manié par ces malades de- 
venait eontagieux et avait communiqué 
leur mal : les vivres ^ le maïs, les bananes, 
dont ils ont bien plus besoin , ne venaient 
pas sur ce sol. Il était d'ailleurs envahi 



^ reporter. 



DÉPENSE 

FAITE. 



DEVIS 

ESTIMATIF. 



398,790' 95' 



îi9,386 îi4 



113^4^3 10 



33,968 25 



17,500 



593,098' 34^ 






3o,ooo' 



uvRB G. ( i8ao. — i8a3. ) 



6i3 



Report. 



par des myriades de fourmis. Les Mtimens 
7 requérnicnt des réparations majeures. 

Je conçus alors le dessein de transfe'rer 
ces malheureux aux lies de Salut ^ en y 
faisant les dispositions con?enaliles. 

Les ingénieurs visitèrent le local. Ils 
dressèrent un plan , cjue j'agréai. Nous 
fûmes plus d*un au sans trouver d'entre- 
preneur. Enfin , uu marché fut passé , au 
commencement de mars i8ai > avec M. 
Malviu ûls^ pour 3o mille francs. 

Les constructions ont traîné et essuyé 
des rctardemens inévitables par la dilti- 
cttlté des communications. 

A l'inspection que j'en lis faire vers In 
mi-novembre dernier, il me fut prouvé 
que les ouvrages étaient asscs avancés pour 
qu'on put y placer les malades et que leur 
présence même en bAterait la fin. 

En conséquence j ils y ont été iranspor- 
té«, le 8 janvier iS^S. 

11 m'est doux de penser que j'ai pu Toîr, 
avant mon départ, l'accomplissement de 
cette œuvre de miséricorde autant que de 
bonne administration. 

J'y ai envoyé en mission , h la fin de fé- 
vrier^ un officier de santé ^ qui m'en a fait, 
k son retour , le rapport ofBciel le plus 
satisfaisant. 

L'entrepreneur aura encore & rccevoii 
i2,5oo fr. pour solde, outre une indem- 
nité Il réçler & raison d'un ehangemeni 
qu'il dut laire par ordre de M. Benouard, 
ofticier d'artillerie chargé par intérim du 
service du génie , envoyé en examen sur 
les lieux. 

Mais il faut d'abord que l'entreprise ait 
été achevée et conduite à bonne fin. 

Les lépreux au demeurant gagnent im- 
mensemeut au change. 



DËrai«SE 

rAlTB. 



593,098' 34 



DEVIS 

BSTUiâTir. 



6i4 



MÉMOIRES SUR MA VIE , A MO?f FILS. 



DÉPENSE 

FAITS. 



DEVIS 

ISTlMATir. 



Report 

Projets à exécuter , selon au*il jr aura 
autorisation et fonds. 

EOLISB 8VR L'cSFLAllAOe..* 

Les missionnaires et les liabiUns la ré- 
clameni de loules leurs forces. Les liabi 
tans paraissent même disposés à concourir 
h la dépense de cette construction. Les 
devis ont été dressés et envoyés à Paris 

Pavillou des Officiebs 



593,098' 34- 



V ancien gouvernement 7 a été destiné : 

les deux tiers en sont à rebâtir. 

MlGASin GÉ2f ÉnAL 

Ateliers et Bureaux du port^ savoir 

Ilangards et ateliers 23,1 ^n' 4i* 

Bureaux et logemcns. « . . . 24,474 ^o 

Ateliers et Bureau du Géhie , savoir : 

Ilangards et ateliers 123,469 23 

Bureaux et logemens.... 29,4^i( oS 

Atelier , Magasims et bangards, pour l'ar- 
lillcrie. savoir: 



Magasins ^^tl^ 

Ilangards et ateliers 22,§4< 



Hangard pour voitures. . « 33 



i63f ni 
,549 Bi 
,104 70 



Total des projets 

Les devis estimatifs de tous les projets 
ont été envoyés au ministre h Tappui des 
budgets. 

SeclioO 3. — BHTIETUMS ST RiFARàTIOMS. 

Les entretiens et réparations ontembrassé 
45 articles divers qu il serait minutieux et 
sans intérêt de détailler. 

Cette dépense est montée depuis juillet 
1819 jusquau 3i novembre 1822 à.... 



Total gérbeal de la dépense faite 781^956^ 67' 



i5i,638'oo 



92,089 42 



181,901 
46,65i 



85 



152,953 3i 



99,418 26 



724,652' 75* 



i88,858f 33* 



uvRE 6, ( i8ao.— i8a3.) GiS 

Il en a été dit assez sur les ouvrages tfart ''j*» 
pour donner à juger à la fois de ce qui a été «•«î» 
fait et de ce que j*ai laissé à faire : mon but 
est rempli. 

AiiT. 14. — BAPPORTS EXTÉlUEimS. 

Mes premiers voisins étaient les hollahdais à 
Surinam et les portugais au Para. J'ai vécu avec 
eux dans la meilleure intelligence. 

J'eus le bonheur, dès le commencement, d'ac- 
cueillir une goélette expédiée de l'Amazonne, 
qui avait été rencontrée et maltraitée par un cor- 
saire de Buenos-Aires, et de rendre des services 
à l'équipage. M. le comte de Yillaflor, gouver- 
neur du Para , s'en montra reconnaissant et en 
retour combla d'attentions les Français et nom- 
mément nos officiers de la marine. La Junte, qui 
lui succéda et qui subsistait encore à mon dé- 
part, n'avait pas cessé de manifester les mêmes 
sentimens et d'avoir les mêmes procédés ijumens, 
bœufs , couac , ris, tout ce que je demandai me 
fut toujours accordé avec empressement , sans 
s'arrêter aux prohibitions. 

J'avais eu soin d'entretenir ces bonnes dispo- 
sitions par une juste réciprocité. 

J'ai eu moins besoin de recourir au gouver- 
nement de Surinam ; mais , toutes les fois que 
les occasions de part et d'autre s'en sont pré- 
sentées, nous avons traité sur le pied le plus 
amical. 



6l6 MEMOIRES SUR MA VIE, A MON FILS. 

iSao, Une seule fois, j'ai expédié une goélette du 

i8:i3. Roi à Berbice : elle y a été reçue avec des pré- 
venances et une politesse parfaite. 

Je les ai rendues amplement aux commandans 
des deux corvettes anglaises , qui sont venues 
me visiter. 

J*ai su qu'on se louait beaucoup sur les bords 
de la Plata , de la tolérance et des facilités que 
j'ai accordées à ses navires marchands. 

J'ai , tant que je l'ai pu , envoyé au moins 
une fois chaque année l'un de nos stationnaires 
aux Antilles , pour y entretenir des relations de 
fraternité avec les gouverneurs de la Martinique 
et de la Guadeloupe. 

En copiant ainsi le compte rendu par moi 
au Ministre de la marine, de mon adininistra- 
tion de la Gujranne , au mois de mars i8a3^ 
époque à laquelle je fus rappelé, avec ordre de 
la remettre à M. le baron Milius, mon succes- 
seur, on est du moins certain que j'en donne 
le t'ibleau authentique : il a été fait à vue des 
pièces justificatives. Elles existent dans les ar- 
chives tant du ministère que de la Guyanne. 

J'ai eu mes peines : je ne crois pas qu'elles 
m'aient fait commettre d'injustice. 

Si, dans quatre années de gouvernement, je 
me suis ùit des ennemis et ai encouru des hai- 
nes, qu'on sache que c'est uniquement pour 
n'avoir pas consenti à prévariquer dans la ligue 
du devoir ou à prostituer mes bonnes grâces à 
des gens qui en étaient indigues. 



LiVRB 6. (i8ao. — i8a3-) 617 

Sans doute qu'avec moins de roideur qu'avec iSao , 
( ne le taisons pas ) , un peu plus de lâche 13,5. 
complaisance soit pour les folies de M. Catineau, 
soit pour cette société de colons qui, se mettant 
sous la protection des relations privilégiées de 
MM. Vidal , juraient Tintroduction frauduleuse 
des noirs de traite dans cette colonie malgré 
moi et les lois et la réprobation des puissances 
éclairées de r£urope, je me serais épai^né un 
ouragan de calomnies et d'intrigues. 

J'avais répondu aux premières violentes incar- 
tades de Catineau : puisque vous sortez de votre 
rôle , je reprends le inien , et je l'avais repris. 
Il en fut furieux. Il souleva alors ce qu'il y avait 
de reptiles autour de moi ; il ourdit des tas de 
mensonges, dans leur compagnie, pour noircir 
tout ce que javab fait ; il inventa des horreurs 
et me les appliqua : la vérité se fait jour et sur- 
nage. Mais il faut du temps et pouvoir s'expli- 
quer, et, en attendant, échapper à la première 
impression. Sitôt que M. Catineau-Laroche vit 
ses plans de fortune détruits , il perdit la tête : 
je devins son idée fixe. Il profita du moment 
d'humeur, que causait contre moi un procès qui 
compromettait malheureusement beaucoup d'ha- 
bitans influens et joignit avec rage et impétuosité 
ses clameurs aux leurs. Je n'avais , à l'en croire , 
rien conçu , rien essayé , rien opéré , rien voulu 
qui ne fût absurde, inique et mauvais. 

Pour M. Yidal-Lingcndes, il se constitua le 



6j8 MiMoinES sur ma vie, a mon fils. 
iSao , représentant d'une trentaine de propriétaires no- 
iSaS. tables, coalisés contre une législation que je les 
forçais à respecter et dans laquelle ils voyaient 
ce qu'ils appelaient leur ruine. Fils d'un père , 
qui était, j'en conviens, la principale victime 
dans cette occasion , et endoctriné par lui , il ne 
cessa d'obéir à ses conseib et fut constamment 
partout son agent et son organe. 

Tout jeune homme encore, 11 venait d'être 
reçu avocat au barreau de Paris, et manquait 
d'expérience et d'acquis. Sa mère, femme res- 
pectable, avait eu d'un premier mariage le vi- 
comte Nomper de Champagni , neveu de M. de 
Champagni, duc de Cadore. Le vicomte était 
passée de l'état-major de ITapoléon , au grade 
d'aide-de-camp de M. le duc d'Angouléme, à qui 
il avait plu et auprès de qui il avait prompte- 
ment fait son chemin. Yidal-Lingendes, son 
demi frère, était né du second mariage de sa 
mère avec M. Vidal, négociant à Cayenne. Pen- 
dant qu'elle vivait à Paris , celui-ci obéré de det- 
tes^ était retourné, sous les portugais, à la 
Guyanne , où il avait entrepris d'élever la sucre- 
rie de Mondélice, au nom et comme procureur- 
fondé de sa femme; car il avait perdu de sa 
personne tout crédit II lui était seulement resté 
de l'immense quantité d'affaires qu'il avait faites 
nne certaine prépondérance et une réputation 
d'habileté. Tel était Thomme que je m'étais par- 
ticulièrement mis & dos. 



LnmB 6. ( i8ao. — i8a3.) 619 

J^ traite des noirs étant proscrite , M. Portai , li^o » 
ministre de la marine, m*avait fortement recom- ,$35. 
mandé d*y veiller. Louis XVIII lui-même, dans 
son audience de congé, m*avait dit, que sapa- 
rôle était solennellement engagée envers les puis^ 
sances étrangères, et qu'il detniit la tenir. 

J'avais à me reprocher depuis mon entrée en 
fonctions, d'avoir trop fermé les yeux à cet égard, 
et j'avais répété dans mes conversations publi- 
ques qu'on ne me forçât pas à les ouvrir. 

La goélette la PhiUs, partie de l'Afrique, Ile 
du Prince, entre en rade le 5 juin i8af . Le capi- 
taine, pris de vin, fut fort indiscret, lies nègres 
noves , aux approches du port, avaient été , la nuit 
précédente, mis à terre sur la côte, i peu de lieues, 
distribués et déposés entre des habitans , dont 
les noms me furent donnés, et dix-neuf nègres 
nommément chez M. Vidal & âtondélice. Je les 
y fis saisir comme pièces de conviction ; ib com- 
parurent devant le tribimal dans le procès. 

De vives et réitérées démarches se succédèrent 
d'abord auprès de moi , pour me détourner de 
poursuivre. M. Vidal le père fut celui qui se dé- 
montra le plus. Je fus inébranlable. Alors explo- 
sion éclatante. 

Je devais m'y attendre. Au moins douze des 
premiers colons avaient intérêt pécuniaire à cette 
spéculation. Les autres même faisaient secrète- 
ment des vœux pour eux. Tous en un mot vou- 
laient généralement la continuation de la traite. 



6aO MEMOIRES SUR MA VI R , A MON FILS. 

i97o , M. Vidal fils, de concert avec son père et comme 
i8a3. jeune guyannais assez marquant par sa situation, 
se chargea de la défense. Il y fut grandement 
aidé par ses compatriotes. Dénégations, parjures, 
obsessions, subornations, manèges, rien ne fut 
é]Kii^né. Les juges, à la majorité , déclarèrent 
constant que la phtus n* avait pas mtroduit un 
nègre hovb. 

Restait à s'assurer que Paris ratifiât ce jugement. 

Trente-six convives rassemblés à-grand-peine 
dans cet objet , offrirent un dîner à Vidal lils. 
On ne se sépara pas sans s'être cotisés pour faire 
face aux frais de la mission et du procès. M. Vidal 
fils, nommé sur Flieure même ambassadeur, 
s'embarqua donc, peu de jours après, pour les 
bords de la Seine , cliargé à la fois et d'y appuyer 
les actes de la justice incorruptible des tribunaux 
de Cayenne , et d'y faire entendre une nom- 
breuse adresse de dénonciations combinées con- 
tre le gouverneur. 

Dans l'intervalle et par ordonnance Boyale de 
décembre i8ao, la marine et les colonies avaient 
passé de M. Portai à M. le marquis de Clermont- 
Tonnerre , et le ministère Villèle s'était mis à l'œu- 
vre. J'étais connu de M. Portai ; je ne l'étais point 
dutout de son successeur. Il étaitlié avec le vi- 
comte de Champagny d'amitié de cour. Il fut 
bientôt décidé entre le marquis et le vicomte 
qu'on délivrerait la Guyanne de moi. Pour avoir 
cefiendant l'air de procéder avec un ])eu d'ordre. 



uvRE 6. ( i8ao. — i8a3. ) 6a i 

d'examen et de justice, une dépèdie particulière ■'?®> 
du Ministre , datée du a4 février 1 8aa , et qui me i8a3. 
parvint le 4 mai , emprunta aux correspondances 
de Catiueau et de Vidal les principaux griefs, 
auxquels je fus sommé de répondre, atf€uU, 
était-il dit, quUlJût pris une délennination im^ 
portante , comme si elle n'eût pas été déjà prise. 
En effet, M. Miiius, capitaine de vaisseau , était 
dés-lors désigné à Paris comme destiné à me 
remplacer. Mes explications ne se firent pas at- 
tendre. Elles étaient en raute le 9 du même mois 
de mai. 

L'année suivante i8a3, au commencement 
de mars, pour toute réponse à mon apologie, 
la corvette la Sapho, commandée par le capi- 
taine de frégate M. Lamarche, débarqua le nou- 
veau gouverneur, dont la nomination était signée 
du 117 décembre i8aa. 

Je connaissais, depuis i8o3, Thonneur, la 
probité, l'intelligence du capitaine de frégate 
Serec : c'était un brave et excellent marin. Il 
était de l'équipage du brick le SurveiUant , qui 
m'avait conduit à la I^uisianne. Il toucha & 
Oiyenne au printems de 18110, lorsque j'étais 
le plus occupé de chercher les moyens d'entrer 
dans les vues d'accroissemens de cultures et de 
population dont le ministre , M. Portai , m'entre- 
tenait J'en causai avec Serec. Il me persuade 
qu*avec 3o & 35 milliers pesant de notre girofle, 
fiMdlei à lui fournir, il pourrait se prociurer i5o 



Gaa iiiMomES sur ma. yie, a mon fils. 
J09O, mille francs à Bombai. Il achetterait à Mascate 
189S. ^^ baudets; il en vendrait 60 à Bourbon, avec 
ao mille francs de profit II repasserait de là 
k Madagascar; il y engagerait aoo nègres, k 
4o piastres fortes par tête , qu'il organiserait en 
pioniers et qu'il nous amènerait Je n'entendais 
pas que le ministre Portai exposât nullement sa 
responsabilité. Je prenais cette entreprise tota- 
lement sous la mienne. Si elle était goûtée k 
Paris, que M. Portai me renvoyât seulement M. 
Serec et la Zélée comme pour des approvision- 
nemens. Je ferais le reste. 
""■\ La réponse en effet n'api^rouva point mon 

A n. roKTAL. plan ; mais Serec et sa corvette me furent ren- 
voyés. 

J'avais prévu l'apparent désaveu; je croyais 
que le succès me justifierait suffisamment. 

Je donnai mes instructions à l'expédition ; je 
l'environnai de toutes les précautions que je sus 
imaginer, et elle partit, le na octobre i8ai , 
pour l'Inde. 

Cest de ces lointains parages que M. le mar- 
quis de dermont-Tonnerre apprit que la Zélée 
y naviguait. Ses allures et ses diverses échelles 
avaient une apparence de mystère qui avait at- 
tiré l'attention. Il m'en pariait sur le ton de la 
défiance et du mécontentement. Je me hâtai , le 
9 mai i8aa, de lui en donner des explications 
cathégoriques. Je n'en sentis pas moins l'ardent 
désir d'être justifié par le retour immédiat de 



UYRi 6. ( i8ao. — i8a3.) 6a3 

ce bâtiment à la Guyanne pendant que j*y étais iSao, 
encore. Il y jeta Tancre , heureusement pour mon ,3,3^ 
repos, douze ou quinze jours avant que j'en 
partisse. Il ramenait une trentaine de baudets 
d'Arabie , ne put opérer d'enrôlement de nè- 
gres & Madagascar, et nous rendit excellent 
compte de la vente avantageuse de nos girofles 
à Bombay. Je ne le retins pas plus de six jours 
auprès de moi. J'eus la satisfaction de ne laisser 
en arrière aucune de mes opérations, qui ne fut 
dose et liquidée. Cayenne reçut, la même se- 
maine , son nouveau gouverneur. 

Laisser & ce peuple qui m'avait été confié un 
nom long-temps cher, telle était l'ambition de 
tous mes jours et de tous mes momens. Je me 
livrais à mes devoirs publics avec le feu de mon 
naturel. Ces plans si doux et si beaux en théorie 
éprouvent des difficultés nombreuses et insur- 
montables dans la pratique. Je n'en étais pas re- 
buté ; j'y persévérais. Lorsqu'en moi-même je n'é- 
tais pas content du présent, je me repliais sur 
l'avenir. Mes vues étaient si pures, si bienfaisan- 
tes, si dénuées de toute personnalité, qu'il me 
semblait impossible que tut ou tard justice ne 
leur fut rendue. 

Le gouvernement, au reste, m'a d'abord et 
long-temps merveilleusement secondé, toutes les 
fois qu'il a été question de faire le bien. 

Il m'a aussi récompensé. 

11 y avait* à peine six mois que j'étais à la 
Guyanne, lorsqu'à la Légion-d'honneur, dont 



6^4 MiMOiRKS srn ma vir , mon fils. 
iSao, j*étais décoré, je joignis, par brevet du aa août 
1833. 1819, la Croix de St.-Louis. 

Au baptême du duc de Bordeaux , par ordon- 
nance du 6 mai i8ai , rendue proprio motu , je 
fus de plus créé baron, et ce titre, que j'avais 
perdu par la déchéance de l'Empereur Napoléon , 
me fut ainsi renouvelé. 

Quoiqu*aient dit les Catineau et les Vidal , les 
vindicatifs et les mécbans, j'ai constamment gou- 
verné avec équité et modération. Je n'ai échoué 
que par ma fidélité à Tezécution d'une loi de 
suprême humanité, conformément à mes obli- 
gations et & mes promesses. Je n'ai pas du reste 
(exemple rare dans les colonies) expulsé du 
pays un seul homme , excepté les agens de l'ad- 
ministration , que je renvoyai à la suite de M. 
Carra-Saint-Cyr. Je n'ai mis, par mesure politi- 
que, quun particulier en prison et ce fut parce 
qu'il travaillait à jeter le trouble et le désordre 
entre les premiers pouvoirs : il n'y resta pas 4^^ 
heures. Je n'ai infligé qu'une fois des arrêts de 
haute-police. Il ne me manquait poutant ni mau- 
vaises langues , ni brouillons , ni intrigans , ni 
envieux , ni opposans , ni diffamateurs. 

J'ai tâché en toute ciramstance de faire res- 
pecter et aimer le nom du roi ( Louis XVIII ) , 
tant par mon attention à me montrer son digne 
représentant dans ma conduite publique , qu'en 
ne cessant de réjKindre avec discernement et do 
l'élever avec éclat ses bienfaits et sa mémoire. 

Si je mourais , désormais , {lourquoi donc i*e- 



uvRB 6. ( i8ao. — i8a3. ) Ga5 

gretterais-je encore de n*avoir plus k rester sur iSm , 
la terre ? Le ciel m'a accordé tout ce que favais ^3^3 
à lui demander. Mes enfans sont établis. Je suis 
content de leur sort Mes bénédictions leur ont 
prospéré. Mon fils a pris sa place dans Tordre 
des générations. Il se voit déjà survivre. Son nom 
ne se prononce pas sans quelqu'bonneur. 11 an- 
nonce qu'il ne dégénérera pas. 

Deux avertissemens passagers et un soudain, 
véritablement grave, m'ont rappelé ma mortalité. 
Ce sera quand la Providence voudra. Je suis sous 
sa main , comme toute la nature, depuis Tatômc 
jusqu'aux firmamens. 

A la quatrième année de mou gouvernement 
de la Ix>uisianne, époque de ton mariage, mon 
cbcr Lysis, je sentis que l'instant était venu d'aller 
tranquillement terminer mes jours dans d'hono- 
rables loisirs, au sein de ma famille. Tenfis part 
à ta mère. Comme j'avais été en même-temps 
violemment attaqué dans mon caractère public, 
je ne crus pas devoir prévenir le jugement La 
S^io enfin me tira d'incertitude. Je m'y embar- 
quai. Je mouillai trente jours après à Brest. J'ar- 
rivai à Paris au mois de mai. 

Je me présentai aussitôt au Ministre, M. le 
marquis de Clermont-Tonnerre. J'en reçus un 
accueil plus gracieux que je ne m'y attendais. Il 
lut le compte rendu de mon administration. 
C'était loin et des impressions qu'il avait reçues 
et de l'idée qu'il s'en était d'abord faite. 



CaG M^OIRES SUR BtA. TIE , A MON FJLS. 

ilio. Disons mieux : il avait débarrassé de moi les 

^^^y Yidal, et vengé de la traite des noirs les colons ; 
il était satisfait. 

On me retint quatre mois à Paris, bercé d*cs- 
pérances d*assez belle retraite. Deux années en- 
tières, pendant lesquelles j*avais exercé active- 
ment les fonctions de Pré/et maritime^ semblaient 
me répondre de G,ooo fr. Mais quoique j*eusse 
débuté fort jeune et eusse depuis été constam- 
ment employé , j'avais tellement changé de car- 
rière et de département, qu*il m*était difficile 
de compter trente ans de services, réputés utiles 
pour ma pension, devant la loi. Faute de ces 
3o ans, je fus pit>visoirement renvoyé chez moi, 
jouissant toujours d*un traitement d'inactivité de 
lo^ooofr., jusqu'à ce qu'une ordonnance , du 
a4 mars i8a5, me fixa enfin définitivement une 
solde annuelle de retraite, à dater du i.*^' jan- 
vier iSaS, de 3,670 fr. 

Je vivais en paix et heureux , à Pardies , près 
Nay, avec ma femme, attendant que, suivant 
Tordre de la nature, elle me fermât les yeux. Vain 
calcul ! beaucoup moins âgée que moi, une mort 
prompte et imprévue me Ta ravie, ce 28 mars 
j8a7 : elle m'a devancé dans la tombe. Quel 

vide affreux ! pourquoi respirerais-je encore ? 

o mes enfans ! 

rm DU SIXIEME ET DEBIIIEE LÉTEE. 



6^7 



PAR ORDRE DES MATIERES. 



PAGES 7 à 94. 



JANVIEH A NOVEMBRE 1805. 



SOBIHAIRE. 

ErobarqueiDebt k Rochefort pour la NouTelle-Orléans , tiir 
le bride le Surveillant, mit à ma dîspotitioo. Escale à 
Saiot-Ander. Noos y chargeons de l'argent destine i Saint- 
Domingue , où nous le laissons en passant. Notre nafigation. 
Nous mouillons aui bouches du Mississipi. 

AiTivëe i b Nourelle-Orléans. Accueil. Hesures et marchés 
pour l'installation prochaine des troupes françaises. 

Le pavillon de France admis provisoirement sur le même 
pied que le pavillon d'Espagne. 

Renvoi du brick le Surveillant en France. 

Affluence en ville des habitans, des cultivateurs, des Jnglo^ 
Américains^ de l'intérieur et des Postes. 

Blés courses k la campagne. 

Le fleuve et la levée. 

Black setilers ou accroissemens des défrichemens et de b 
population aux Etats-Unis. 

Magasin à poudre. 

Canal-Carondelet, Bayou Saint-Jean , Lac Pontchartrain et 
métairie. Variation de b température. Printemps de ce climat. 

Vargo. 



6a8 

Blarquis de Cnsii-Gilro. 

Entrepôt américain. 

Passes RousUd. 

Socîëlë. 

Moustiques et roaringouios. 

Bruits de mësiotelligeuce entre la France et l'Angleterre. 

Général américain Dayton i la Nouvelle-Orléans. 

Deux gros navires tout bâtis et équipés descendent de Pittsburg, 

600 lieues dans les terres, par TOhio et le Mississipi , i b mer. 
n se confirme que la Lomsiane est cédée par la France aux 

Etats-Unis. 
Bowb. Visite de sauvages. Baisse du Mississipi. Saison de 

Textréme chaleur. Fièvre jaune. L'adjudant commandant 

Burtbe. 
Denrées du pajs. Prix courans. 
Fêtes et festins des habilans i leurs campagnes. 
Serpens i la Louisiane. 

Introduction de b canne i sucre. Rafineries. 
Journées des dimanches. Jeux d'adresse. Esclaves. Hospitalité. 

Réfugiés de Saint-Domingue. 
Premier avis officiel de la cession delà Louisiane aux Etats-Unis* 



6^9 



fwvt Sciixiièmr, 

PJGES W à 111. 



DECEMBBE 180S A JUIN 1804. 



SOMMAIRE. 

Eicarskm k ^^ wiio lieues Amont du Mississlpi. 

Sucrerie d'Estrehan. Paroisses et carés. Eiemple de la justice 
coloniale Espagnole. C6U$ des Allemands ou des Alsaciens* 
Longue vue de la Ramée. Familles d^Acadiens. Cale des 
Acadiens. Cotonnerie Bringier. Mariages Louisianais. La 
pluie borne ma course et hâte mon retour. Etablissement 
d'un courrier entre la Noutelle-Orlëans et Wasbington-Citj 
par kl Nalcbës. Habitation Gantrelles. Mes visites en redes* 
oendant le fleuve. Aoddens de ses bords. Moulins i scie. 
Chasses. 

M. Pichon , ministre plénipotentiaire Français aux Etats-Unis , 
m'envoie , par M. Landais , les dépêches concernant la ces- 
sion de la Louisiane. Gaibome et général Wilkinson nom- 
més commissaires pour les Etats-Unis. Menées Espagnoles. 
Relation de la reprise de possession. 

Afiaire de Saint-Julien aux Alakapas. 

Arrêté relatif & la police des nègres. 

Procédé de la remise aux Etab-Unis et actes de la domination 
intermédiaire. 

Querelles Anglo-américaines et Françaises. 

Evacuation de malades de Saint-Domingue. Réexpédition du 
brick VArgo. 

Protestations des commissaires des Etats-Unis rebtives aux 
Florides. 

GMadère des Louisianais. Allures Espagnoles et Américaines. 



63o 

Prëptntilli de mon départ. Baie del Carmen à Tucatan. 
IfoUsage du Natchei^ petit navireMu commerce sous pavillon 
Amëricain , pour me transporter incognito i la Blartinique. 
Je quitte la Nouvelle-Orléans. Navigation. J'arrive i Saint- 
Pierre. Ma situation nouvelle toute différente de ce qu'elle 
était i la Louisianne. Entrée en Fonctions. Vérifications des 
caisses. Tableaux des finances durant tout le cours de mon 
administration dans celte colonie. ^ 



63 r 



PJGES 995 à 515. 



JUILLET 1004. ^ 1806. 



SOMMAIRE. 

Satie de reformes el amëlioratioos. Budget. Commerce. H6- 
pîtaai. Monnaie. Artillerie et génie. Escadres et bâtimens 
de mer. Climat. Promenades matinales. Raf-de*mar«^. Trem- 
Uemeat de terre. Tonmée de llle et de ses habitations. 
Mulâtres. 

Quantité prodigieuse de serpens de même espèce à la Marti- 
nique et accidens. 

Rébellion de llle en 1717. 

Rëfleiions que m'inspire la tournée que j'ai faite. 

Esdares : leurs mœurs; leurs poisons. 

Ma femme et mes filles arrivent , le 7 juillet i8o5 , de b 
NouTelle^rléans i Saint-Pierre et, cette même année i8o5, 
mon fik en France, passe , par mon ordre, de Juillj au 
Pritanée. Célébration du i5 août i8o5. 

Dangerot meurt de Xz fièvre jaune. 

Tracasseries auxquelles je suis en butte. Je lutte contre elles. 
J'envoie au printemps de 1806 mon secrétaire Bouchard i 
Paris, 7 porter mes plaintes; je n'aurai plus pour témoins 
ma femme ni mes filles. Je les j achemine bientôt après. 
Elles 7 sont rendues au mois de septembre suivant. L'édu- 
cation de mes enfans s'y continue. 

La Légion-dHonneur , dans laquelle j'avais été oublié à son 
institution, m'est donnée par un décret particulier du 10 
septembre 1806, inséré dans le Moniteur » 



63a 



Cuire <8tiiatrUme> 

PAGES 514 à 419. 



1807. —AOUT 1808. 



SOMMaIHE. 

L'Emperrar nous rapatrie , le Gipitaine-gëoëral et moi , sans 
proDoocer entre nous. 

Sujeto de nos querelles. 

If os difTërends sur les officiers de l'état civil et sur la con^ 
sensation des hypothèques , dans V introduction du code 
civil. Le Capitaiue-gënëral prëtend que TëUt de siège rëduit 
mes fonctions aux simples fonctions d'ordonnateur. Il 
commande aux administrateurs sous mes ordres et les gour- 
mande, sans même nul concours de root. Il m'enlève la 
surveillance de la Gazette. Il met ses soins à m'isoler et 
me reproche mon isolement , etc., etc. Lettre du Ministre, 
du 10 septembre i8o6, qui ordonne, honorablement pour 
tous deux, notre réconciliation. 

Les résultats tournent i l'avantage du Capitaine-gënëral , qui 
ne se reUche d'aucune de ses hautes prétentions. 

Ses saillies devant la commission consultative. 

Les tribunaux , mécontens de ne plus diriger, mordent le frein . 

G>rruptioa des douanes. 

Officiers civils établis à Saint-Pierre k la demande même 
des curés. 

Printemps de la Martinique. 

Le Capitaine-général et le grand juge par intérim , provoqués 
par le curé du Vaudin, 8*entendent pour empêcher^ contre 
la disposition Tonnelle du code noir sous Louis XIY et 



633 

eaotre hm» «rii, W irity é'ao Esfopto «fw um filU 

de cookory d sospendeat la I4gislalioo tur ot point 
Pëtitioofl rdratéfli pir U Capital m f ginirû p«r k tedU raboa 

qu'elles toot edreMé ei tîmullaiitoeDt , conme ellet dewitot 

rétre, aa Préfet colonial. 
Celui-ci est menacé par le Capitain e -fénérai d'aocnailioo pour 

avoir osé reprocher des ticcs de complafaililé à des offidan 

de place. Lettre de Miaoyi conunandanl do la Trinité, 

ioconcefable d'indécence et d*andace au Capitaine-fénéral 

contre moi. 
Le Cours de Saint-Pierre. 
La Salfy'jinna et Lebertre. Je le dénonce au Ministre. 

L'Empereur le met aux arrêts. 
Montré de pain ailjugée par le Gipitaine-géoéral à Lebertre , 

contre Tordonnance. 
Etablissement de quatre agens de change courtiers du com^ 

mercc. 
Dirert i asemens en Tille et Bamboulas. 
L'Empereur m'aoooide une gratification annuelle et persoonelU 

de dix nulle francs, à dater du i.** jantier 1808. 
Sursis commercial pour dettes coloniales , établi par le 

Capitaino-génàral, à l'instigation dn grand-jnga par inierim 

Bence, réproufé par moi eomflM le plus déssUriOT tl le 

plus abusif des expédiens. 



634 



€inv€ CTittqtiiiime, 

PAGES 4n à 4in. 



8EPTEMBBE 1808 — 1893. 



SOMMAIRE. 

L*|iuiiiier du domaine, charge de poursuivre les contribuablef 
en retard^ est tellement Tei^ par les habitans propriétaires 
tt surtout rebuté par le capitaine-général lui-même , que je 
suis forcé de supprimer sa place. Garnisaires rendus tou^ 
aussi ine0jcaces par les manèges de Lcbertre et de Miany. 

Vide de la rade. Réduction des rations mililaircs. Disette de 
TÎTres. Approvisionncmens. 

Code de commerce. De l'intérêt. Code de la procédure civile. 

Mongeri , préposé payeur i Saint-Pierre , s'enfuit laissant un 
Tidc de i5o,ooo fr. dans sa caisse. Etranges efforts pour le 
sauver. Comment M. Bence, grand-juge par intérim ^ et le 
capilaine-généial y donnent les mains. 

Attaque de Tble par les Anglais, le 3 février 1809 , et sa 
reddition le 24. Ils avaient négligé de rien stipuler pour le 
trésor et veulent après-coup s'en prendre i moi. Us sont 
(brcés d'y renoncer. Ma traversée en Angleterre par convoi. 
Bla captivité. Mon échange. Mon retour en France. Accueil 
de l'Empereur. 

Je suis nommé 4 la préfecture maritime d'Anvers. J'y com- 
mande en cette qualité pendant plus de deux ans. 

Je passe & b préfecture du département de Jeromapcs. Motifs 
généraux de ce changement. 

Puissances alliées envahissant la Belgique. Ma famille et moi 
nous nous rabattons sur Paris. Mon fils y arrive de la Cham< 
pagne , atteint du typhus et blessé. Hordes étrangères. Napo- 



635 

1^ êbdiqut. RestmintioD. Mon fib MyodMtHMJor eu Hgi- 
neot da roi dragons. Les cent' jours dol'Eoiperettr on i8i5. 
Waterldo. Général Ytnot blessé. Blon fib licencié à Monlins. 
J'arais été de la chambm on BOtisiMTAiis.lb fiunillo entière 
est rendue à la retraite. 
Nommé gouverneur pour le roi à Cayennê ^ je me rem- 
barque , en 1 8 19, et rais , au-loin , courir cette nouvelle for- 
tune. Vj succède au lieutenant-général Carra -Saint -Cyr. 
Résultats de mon gou?emement et de mon administration 
dans leure détaib. Clergé et écoles. Législation. Codes. 
Justice et tribunaux. Sûreté publique. Troupes. Agens adi 
ministratils. 



636 



Citrre Shtxtèmt, 

PAGES 819 à 6ftG. 



1898. -. 1831. 



SOMMAIRE. 

Finaiicet » rereous et produits. Magasto. Comptabilité. Cootri- 
bationf. Débets. Habitations rojales. TUsii, Haras à Biont' 
jofy. Briqueteries. Ménageries. Recettes annuelles eidépenses. 
Afiranchisseniens. Curatelle aux facances. Caisse des invalides 
de la marine. Explorations. Atelier noir. Moulins à vapeur . 
Constructions. Bob. Population. Essais pour Taccrottre. La 
Mana. Catineau-Laroche. Labourage k la charrue. Société 
^instruction. Commerce. Ouvrages d'art. Lépi*oseric. Jardin 
royal des plantes. Projets i exécuter. Rapports extérieurs. 

Vidal Lingendes. 

Expédition Serec. 

Minbtère de la marine et des colonies du marquis de Clermont- 
Tonnerre, & la place de Bl. Portai. Par condescendance 
et commérage de cour , le nouveau ministre se hât^ de me 
nommer un successeur pour me punir d*avoir osé sévir 
contre la traite des noirs. Mon retour 4 Paris. Le ministre 
ne m'y lait pas de reproche. Il applaudit au compte-rendu 
de mon administration. 

Chevalier de Saint-Loub depuis le 3i août iSig, je fus créé 
baron proprio motu au baptême du Doc ni Bobdbaux , en 
i8ai , laveur renouvellée d'un décret impérial de mars i8i5. 
Ma retraite précédée provisoirement d'un traitement d'inacti- 
vité. Me contestant le nombre de mes années de service, ma 
pension^ par ordonnance du 24 mare i8a5, est réduite de 
6,000 fr. , que j'avab cru pouvoir me promettre , & 0,678 fr. 

Ma vieOlesse au sein des miens, i la campagne, depub 
l'automne de i8i3. 

tim DIS TAILES PAa OROaC DES MATicacs. 



TABLE DE RECTIFICATION 

DES NOMS PROPRES ET DES DATES 

CONCERNANT LA PARTIE LOUISIANAISE, 

D'APRÈS LES NOTES INSÉRÉES DANS LA TRADUCTION 

DE LA SOEUR ACNÈS-JOSÉPHINE PaSTVA. 



p. 16 Labatut : Jean Baptiste Labatut 

p. 23 Salcedo : don Manuel de Salcedo, gouverneur espagnol 

p. 23 Ulloa : Gouverneur Espagnol 

p. 25 fort Plaquemines : fort St Philippe 

p. 25 Favrot : Pierre Joseph de Favrot 

p. 29 Sibben : F-J. Sibben 

p. 29 Bernard Marigny : Bernard de Marigny 

p. 29 Lanusse : Paul Lanusse 

p. 30 M. de Livaudais : Jacques Enould de Livaudais 

p. 30 Charpin : Jean Baptiste Charpin 

p. 30 M. de Pontalba : Xavier Delfau de Pontalba 

p. 30 Oreilly : O'Reilly 

p. 30 quand il prit possession de la colonie pour l'Espagne : 

1769-1770 
p. 31 Morales : Juan Ventura Morales 
p. 32 marquis de Casacalco : marquis de Casa Calvo 
p. 36 M. Duvilliers : le chevalier, aine, Couland de Villiers 
p. 36 Romand : Jacques Etienne Roman 
p. 37 Dublanc : Louis Charles de Blanc 
p. 37 Chouteau : Auguste Chouteau 
p. 37 frère de notre Laclède : Pierre Laclède 
p. 37 M. Maillard : Charles Maillard 
p. 37 M. Podras : Julien Poydras 
p. 37 M. Destrehan : Jean Noël d'Estrehan 



p. 37 M. Bahen : Joseph Bahan 

p. 38 Prudhomme : Emmanuel Prudhomme 

p. 38 \akitoches : Natchitoches 

p. 38 M. Youngs : Samuel Young 

p. 39 M. Borée : Jean Etienne de Borée ou Bore 

p. 40 Black-settlers : Backwoodsmen coureurs des bois, 

défricheurs de forêts 
p. 41 Bernaudy : Bernard Bemoudy 
p. 41 les Pradelles : chevalier de Pradel 
p. 41 gouverneur Galvés : don Bemardo de Gâlvez 
p. 43 Pierre Palao : don Pedro Palas y Pratz 
p. 44 Pensacole : Pensacola 
p. 45 habitation Sauvée : Pierre Sauvé 
p. 47 par le traité de 1793 : par le traité de 1795 
p. 47 M. Pichon : Louis André Pichon 
p. 48 Roustan : Jacques Rouzan, négociant 
p. 48 Mérieult : Jean François mérieult, négociant 
p. 48 général Victor : Claude Victor 
p. 49 j'ai écrit au gouverneur : gouverneur Salcedo 
p. 53 général Dayton : Jonathan Dayton 
p. 53 maison Hottinguer : Hottinger 
p. 57 Piltsbourg : Pittsburgh 
p. 57 AUeghany : Allegheny 
p. 58 Ténézée : Tennessee 
p. 58 Bowls : William Augustus Bowles 
p. 59 avant la révolution : révolution américaine 
p. 59 à la Providence : New Providence Island, west indies 
p. 59 Williams Ponton : William Panton 
p. 59 pour lequel il y avait envoyé : aux Bahamas 
p. 59 associé Forbés : John Forbes 
p. 59 Séminoles ou créoles inférieurs : En fait indiens Creek 

du sud, les Séminoles sont une tribu de la nation Creek 
p. 60 Hevia : José Bernardo de Hévia 



p. 60 Rousseau : Pierre Georges Rousseau 

p. 61 Ile de France : Ile Maurice 

p. 61 les créoles : les indiens Creek 

p. 62 Ossome : Joaquim Ossome 

p. 62 Madame Maxant : Madame Gilbert Maxent 

p. 63 chactaws : choctaw 

p. 68 (et suivantes) adjudant B : André Burthe 

p. 69 amiral Martin : préfet naval de Rochefort 

p. 71 Mlle D : Dulaur - Delord Sarpy 

p. 74 madame veuve D : veuve Dulaur 

p. 75 M. Blanque : Jean Paul Blanque 

p. 85 M. de Mira : don Estevan Rodrigues Miro, gouverneur de 

1785 à 1791 
p. 85 Soliés : Manuel Solis 
p. 86 Morin : Antoine Morin 

p. 86 MM. Portier et Godefroi : Michel Portier, aîné et 
Godefroy Olivier de Vezin 
p. 87 MM. Hazeur en marge Azeur : Hauser 
p. 96 M. Cabaret : Pierre Marie Cabaret d'Estrépy 
p. 96 veuve Eme : Marie Pélicité Julie Portier Aime 
p. 96 le planteur -sucrier le plus actif : Ormond 
p. 100 veuve Trépanier : veuve Pierre Trépagnier 
p. 100 M. de Villeboeuf : Jean de la Villebeuvre 
p. 101 M. Andri : Manuel Andry 
p. 101 Mlle Glapiant : Catherine Sophie de Glopion 
p. 101 M. Lebourgeois : Louis Le Bourgeois 
p. 103 les Duparc : Dupards 

p. 104 M. Bringier : Marius Pons Bringier, négociant 
p. 105 M.Tureau : Augustin Dominique Tureaud 
p. 106 M. Duplantier : Allard Duplantier 
p. 107 Nantuky : Natchez 
p. 108 Poeyferré : Jean Baptiste Poeyferré 
p. 108 M. de Canterelle : Michel Bernard de Cantrille 



p. 108 était sœur à Andri et à Sosten :Gilbert Sosthène Andry 

frère de Bernard Noël Andry et de Céleste Andry 
p. 109 Oumes : Houmas 
p. 110 Armand : Jean Marie Armant 
p. 111 M. Pain : Daniel Pain 
p. 111 habitation Massico : Geneviève Grevenberg, madame 

Jacques B. Massicot 
p. 113 Abine : Louis Habiné 
p. 114 M. Duparc : François Dupard 
p. 116 les Lebreton d'Organnois : Lebreton d'Orgenois 
p. 116 les Fleuriau : Jean Baptiste de Fleuriaus 
p. 116 Dominique Bouligni : Dominique Bouligny 
p. 116 Saint-Dée : Pierre Saint-Pé 
p. 117 habitation Marrigni : Marigny 
p. 117 M. Claibome : William C.C. Claibome 
p. 117 M. Landais : Pierre Landais 
p. 118 général Wilkinson : James Wilkinson 
p. 118 M. Lyons : James Lyon 
p. 119 Je reçus mes paquets le 4 décembre et le 5... : ...le 24 

novembre et le 25... 
p. 119 Deville-Depontin-Bellechasse : Joseph de Ville de 

Goutin Bellechasse 
p. 120 Villeray : Jacques Philippe Villeré 
p. 120 Johns : sir Evan Jones 
p. 120 Tareaud : négociant, gendre de Bringier 
p. 120 Jean Watkins : John Watkins, physicien 
p. 121 aux termes du traité : Traité de San Ildefonso signé 

entre la France et l'Espagne le 1er oct. 1800 
p. 122 dans le traité : Traité signé le 30 avril 1803 entre la 

France et les Etats-Unis 
p. 124 Clark : Daniel Clark junior 
p. 124 l'Hôtel de Ville : le Cabildo 
p. 125 sur la place : place d'armes aujourd'hui Jackson Square 



p. 125 Daugerot : Joseph Daugerot 

p. 130 Madame Almonaster : Louise de La Ronde Almonaster 

p. 130 M. Folck : Vincente Foich y Juan 

p. 131 M. Dublanc : Louis Charles de Blanc 

p. 131 Saint Julien : Pierre Louis de Saint Julien 

p. 131 Duralde : Martin Duralde 

p. 132 M. Le Blanc : M. de Blanc 

p. 133 Sorel : Joseph Sorel 

p. 133 M. Derbigny : Pierre Derbigny 

p. 134 Barrère : révérend Bernard Barre re 

p. 134 Hasset : Thomas Ilasset 

p. 135B iBurthe 

p. 138 habitation Mether : James & George Mether 
p. 138 Je me déchargerai avec plaisir d'un fardeau sans 

objet : son poste de préfet colonial 
p. 139 M.Wadson : Decius Wadsworth 

p. 140 Les troupes anglo-américaines : américaines seulement 
p. 151 Saint-Abit : Saint-Avid 
p. 151 M. Davis : Samuel Davis 
p. 151 du Mole : Saint Domingue 
p. 161 Picot : James Pitot 
p. 161 Berquin : Pierre Louis Berquin-Duvallon 

La majorité des citations latines sont extraites des Enéides de 
Virgile des Satires de Juvenal, de Tristia d'Ovide, etc. 



Achevé d'imprimer en février 2001 

sur les presses de rimprimerie 

de Navarre à Pau pour 

édition du Gave 

alolier îii-8 




I)a 

été tiré 

de cet ouvTage 

^'îo exemplaires^ 

numérotés sur vélin Yearlmg 

augmentés d'un portrait et de 

documents en fac-similé hors-texte 

et 5oo exemplaires sur vélin 

Brut de Centaure 




éditi 




Gave 



B.P. .9 

64121 Serres-Castet 



© édition du Gave, 2001 
ISBN 2-9I2238-00-5 

toute reproduction interdite 



«T-5^i^ 



^